10 Stratégies pour optimiser son patrimoine

Stratégies pour optimiser son patrimoine

Les stratégies existantes permettant d’optimiser son patrimoine peuvent généralement être réparties dans trois grandes thématiques :

  1. La constitution du patrimoine
  2. La protection du patrimoine
  3. La transmission du patrimoine

Ces thématiques sont chronologiques. On commence sa vie avec peu ou pas de patrimoine, donc on cherche avant tout à développer son patrimoine.

Une fois constitué (autrement dit, à partir d’un certain montant), on commence à vouloir protéger ce qu’on a acquis. Cela n’empêche évidemment pas de toujours chercher à faire croître son patrimoine.

Puis, à l’automne de notre vie, transmettre notre patrimoine devient notre première préoccupation. Sa protection reste toujours un grand sujet, mais par contre, sa croissance devient moins importante.

La plupart des stratégies présentées ici pour optimiser le patrimoine sont liées à sa constitution, à l’exception des deux dernières, qui concernent la transmission.

J’aborderai plus spécifiquement les questions liées à la protection du patrimoine dans un prochain article.

1. Définir ses objectifs patrimoniaux

Nul vent n’est favorable pour qui ne sait où il va.

Sénèque

La définition des objectifs est le souvent le point de départ, car elle indique la direction à prendre, ce qui permettra ensuite d’étudier les moyens de s’y rendre.

Pourtant, il ne faut pas oublier que le patrimoine est au service de notre vie, et non l’inverse. C’est valable pour l’argent également.

Notre âge, notre situation de famille et professionnelle, notre santé, notre patrimoine de départ (nul, positif ou négatif si l’on est endetté) influeront sur nos objectifs, qui sont à définir selon ce que nous souhaitons réaliser, qui nous voulons aider et protéger, et quel niveau de risque nous souhaitons prendre.

Nos objectifs varieront également au cours du temps :

  • Au printemps de notre vie, il s’agira de constituer notre patrimoine en acceptant les risques, car nous sommes en bonne santé et payons encore peu d’impôts.
  • À l’été de notre vie, il s’agira de consolider le patrimoine constitué, prendre en compte l’impact de la fiscalité, aider nos enfants et réfléchir au niveau de risque à assumer.
  • À l’automne de notre vie, il s’agira à la fois de consommer une partie du patrimoine constitué et d’en préparer sa transmission, tout en réduisant les risques car notre santé sera alors plus fragile.

Une fois les objectifs définis, il est crucial de prendre les meilleures décisions possibles à chaque étape de la vie de notre patrimoine (construction, protection, transmission).

2. Prendre de meilleures décisions patrimoniales

Tout ce dont nous devons décider, c’est quoi faire du temps qui nous est imparti.

Gandalf

Avant tout, soyez conscient que décider de ne rien faire, de reporter encore et encore la prise de décision, de décider au hasard ou selon le dernier qui a parlé, est toujours la pire des décisions possibles.

La constitution du patrimoine passe donc nécessairement par l’action. La réflexion sans action est inutile, mais l’action sans réflexion l’est presque tout autant.

Il existe de nombreux modèles pouvant aider la prise de décisions : analyse MOFF (Menaces – Opportunités – Forces – Faiblesses), modèle SCAMMPERR (Substituer – Combiner – Adapter – Magnifier – Modifier – Produire – Éliminer – Réorganiser – Renverser).

Le modèle des 6 chapeaux consiste à questionner une situation en combinant 6 approches différentes :

  • Factuelle : par la neutralité, en se concentrant sur les faits et chiffres (quelles informations avons-nous ?).
  • Intuitive : par les émotions, en se concentrant sur les impressions (quel est notre ressenti pour cette stratégie ?).
  • Pessimiste : par les inconvénients, en se concentrant sur les risques (qu’est-ce qui peut ne pas fonctionner ?).
  • Optimiste : par les avantages, en se concentrant sur le positif (quels sont les gains potentiels ?).
  • Créative : par l’inventivité, en se concentrant sur de nouvelles idées (que pouvons-nous faire d’autre ?).
  • Organisationnelle : par les processus, en se concentrant sur la discipline (quelles sont les étapes à venir ?).

Utiliser des modèles peut (ou pas) être utile, selon votre façon de prendre des décisions.

Pourtant, la technique ne fait pas tout dans l’art de bien décider. Les enjeux psychologiques sont tout autant, voire bien plus importants encore.

Nous avons tous une personnalité et des traits de caractères différents les uns des autres.

Nous pouvons être introvertis ou extravertis, orientés sur les relations ou sur les tâches, influents, dominants, stables, dans l’action ou dans l’acceptation…

Nos sensibilités et notre niveau de connaissance feront que nous n’aborderons pas les questions patrimoniales de la même manière.

La dimension affective est aussi à considérer : nous pouvons être attachés à un bien en particulier, aimer telle entreprise plus que d’autres…

Ainsi, nous avons une représentation très subjective de notre patrimoine. Certains sujets pourront nous attirer, d’autres nous paraître tabous.

C’est pourquoi il est important d’être conscient de notre psychologie, qui peut constituer un frein ou une menace pour notre patrimoine.

L’idée est de prendre du recul sur nos émotions, pour chercher l’objectivité et la rationalité. Pour cela, il est possible de solliciter des professionnels du patrimoine, qui auront un regard extérieur, neutre et sans enjeux émotionnels.

3. Faire appel à un professionnel du patrimoine

Le plus souvent, les patrimoines les plus prospères sont accompagnés par les meilleurs professionnels.

Le Patrimonio

Un professionnel du patrimoine pourra apporter à la fois expertise et objectivité.

Le critère de la rémunération est crucial pour choisir un professionnel : si la rémunération du conseiller dépend de ses préconisations (rémunération par commissions), alors son conseil sera biaisé.

À l’opposé, une rémunération par honoraires, qui n’est pas encore vraiment dans la culture française, permettra d’éviter les situations de conflits d’intérêt.

Note : Les conseillers indépendants, au sens de la réglementation MIF 2, ne reçoivent aucune commission, ce qui leur permet de prendre uniquement en compte les intérêts de leurs clients. Ce positionnement en indépendant, sans commissions, est celui que j’ai choisi car il me semble plus sain, plus juste et plus transparent.

Le professionnel du patrimoine par excellence est le Conseiller en Gestion de Patrimoine (CGP). Il existe plusieurs sortes de CGP, selon leurs habilitations légales :

  • Carte T : Un CGP détenant la carte T (pour Transactions) peut commercialiser de l’immobilier (classique, fiscal, de démembrement…).
  • CIF (Conseiller en Investissements Financiers) : Un CGP-CIF peut conseiller des placements financiers, de la pierre-papier (SCPI), des placements alternatifs (Girardin, FCPI, or, forêts, crypto-actifs…).
  • IOBSP (Intermédiaire en Opérations de Banque et en Service de Paiement) : ce CGP peut proposer des financements immobiliers ou à des fins professionnelles.
  • COA (Courtier en Assurance) : un CGP-COA peut commercialiser des contrats d’assurance-vie, des contrats de capitalisation et d’épargne-retraite.

Note : pensez à vérifier les habilitations du CGP à qui vous avez affaire, pour évaluer ses aptitudes et son champ d’actions. En ce qui me concerne, je dispose des habilitations CIF et COA. Cela vous donne une idée des thématiques sur lesquelles j’accompagne mes clients.

Un rendez-vous patrimonial réussi doit permettre de répondre à plusieurs questions :

  • Qui ? : Compréhension de la situation personnelle et professionnelle.
  • Quoi ? : Description du patrimoine actuel.
  • Pourquoi ? : Définition des objectifs poursuivis.
  • Comment ? : Présentation des préconisations du conseiller.
  • Quand ? : Mise en place d’un calendrier des solutions à déployer.
  • Combien ? : Rémunération de la prestation.

D’autres professionnels, autres que le CGP, peuvent aussi être sollicités ponctuellement : un agent immobilier pour dénicher un bien, un notaire pour constituer une SCI, signer un testament ou une acquisition, un courtier en crédit pour obtenir le meilleur financement possible, un géomètre-expert pour délimiter une propriété, ou encore un gérant locatif pour déléguer la mise en location.

Préalablement à la consultation d’un professionnel, il est nécessaire de commencer par définir ses objectifs (stratégie n°1).

4. L’allocation d’actifs (ou comment répartir son patrimoine)

La répartition du patrimoine entre différents actifs (immobilier, or, portefeuille boursier…) se nomme « allocation d’actifs » .

Chaque actif peut être évalué selon plusieurs critères :

  • Utilité : Quel avantage à détenir cet actif ?
  • Liquidité : L’actif peut-il être revendu facilement ?
  • Risque : Quelle est sa volatilité ? (souvent corrélée à l’espérance de gain).
  • Accessibilité : Quel montant minimum pour y investir ? Faut-il emprunter ?
  • Dimension finançable : L’actif peut-il être acheté à crédit ? (stratégie n°5)
  • Fiscalité : Quel régime fiscal lors de l’acquisition, la détention, la vente et la transmission ?

Les actifs peuvent ensuite être classés selon les besoins auxquels ils répondent, leur niveau de risque et leur hiérarchie d’investissement.

pyramide des placements du patrimoine
Pyramide des placements (inspirée du Patrimonio)

Il existe une forte corrélation entre le rendement potentiel et le risque. De même, plus un actif est risqué, moins son rendement futur est certain. Tous les actifs sont concernés par cette règle.

Performance et risque d'un investissement
Performance et risque d’un investissement – Source : Le Patrimonio

Les éléments précédents permettent de définir l’allocation d’actifs : c’est la vision d’ensemble du patrimoine, qui tiendra compte des caractéristiques de chaque actif. Elle doit être équilibrée et cohérente avec les objectifs définis (stratégie n°1).

Ces caractéristiques dépendant aussi de l’horizon temporel. Par exemple, les actions sont plus risquées que l’épargne et les fonds en euros à court terme (0 à 5 ans), mais moins risquées à long terme (plus de 15 ans). Même chose pour l’immobilier et les SCPI.

5. L’emprunt

L’emprunt permet le développement économique de la société. C’est aussi un levier puissant pour développer son patrimoine.

Cependant, emprunter n’est pas toujours bon. Il faut savoir distinguer une bonne dette d’une mauvaise dette.

Pour qu’il soit efficace, la rentabilité de l’investissement doit être supérieure au taux de l’emprunt. Par exemple, un emprunt à 2,5 % qui permet d’investir avec une rentabilité de 6 % est un bon emprunt.

Le calcul de la rentabilité financière est :

((Fonds propres + Capital emprunté) x (Rentabilité nette – Taux d’intérêt)) / Fonds propres

Par exemple, pour un emprunt de 180 000 € avec 20 000 € de fonds propres, à un taux d’intérêt de 2,5 % et avec une rentabilité nette de 6 %, la rentabilité financière sera de : ((20 000 + 180 000) x (6 % – 1,5 %) / 20 000 = 45 %

Plutôt intéressant, si on compare avec un investissement sans emprunt !

Avec empruntSans emprunt
Fonds propres20 000 €20 000 €
Emprunt180 000 €/
Taux intérêt2,5 %/
Rentabilité nette6 %6 %
Rentabilité financière45 %6 %

Dans cet exemple, l’emprunt permet de multiplier la rentabilité financière de l’opération par un facteur de 7,5. Cette rentabilité 7 fois supérieure représente l’effet de levier octroyé par l’emprunt.

En revanche, si l’emprunt sert à payer une dépense (loisirs, vacances, achat plaisir), alors il s’agit d’une mauvaise dette, car :

  • Il n’y a aucune rentabilité.
  • Le coût d’achat est augmenté par les intérêts du crédit.

Il est donc fortement déconseillé d’emprunter pour payer des vacances ou des objets dont la valeur chutera au cours du temps (voiture, équipements divers…).

Parmi les bonnes dettes, on peut citer l’emprunt immobilier (le plus classique) ou pour acheter une entreprise. Il n’est en revanche pas possible d’emprunter pour investir en bourse.

L’achat d’une résidence principale est la seule exception d’un emprunt non rentable (puisqu’il ne rapporte pas d’argent) qui soit cependant une bonne dette, parce qu’il permet de devenir propriétaire (le crédit remplace alors le loyer).

Toutefois, l’emprunt n’est pas sans risques. Un locataire qui ne paye plus, des travaux sous-estimés ou une longue période sans locataire peuvent plomber la rentabilité.

Pour bien emprunter, les nerfs de la guerre sont les taux d’intérêt, que l’on espère tirer vers le bas, et l’apport en capital, qui facilite l’emprunt.

L’avance est un mécanisme méconnu qui permet de renforcer un apport, pour ceux qui disposent d’une assurance vie (stratégie n°9). L’assureur peut prêter (sans rachat) une partie du capital détenu contre un nantissement du contrat (une forme de garantie).

Le prêt est ensuite remboursé à un taux inférieur, dans l’idéal, à celui du rendement de l’investissement.

6. L’épargne-retraite

Deux systèmes de retraite coexistent actuellement :

  • La retraite par répartition, qui est progressivement réformée par l’État et qui offre peu de marge de manœuvre.
  • La retraite par capitalisation, qui a été grandement simplifiée avec le rassemblement des différents régimes dans un nouveau Plan d’Epargne-Retraite (PER).

Ce nouveau PER se décline sous 3 entités :

  • PER Individuel, qui succède au Perp et au contrat Madelin.
  • PER Collectif, qui succède au Perco.
  • PER Obligatoire, qui succède au contrat article 83.

Les entreprises peuvent englober le Plan d’Epargne Retraite d’Entreprise Collectif (PERECO) et le Plan d’Epargne Retraite Obligatoire (PERO) dans un PER Unique, c’est-à-dire dans un seul contrat.

Les versements dans un PER fructifient dans l’un des trois compartiments, selon leur provenance :

  • Compartiment 1 : versements volontaires.
  • Compartiment 2 : participation, intéressement, abondement, droits CET non pris…
  • Compartiment 3 : versements obligatoires des salariés.

La principale caractéristique de l’épargne placée dans un PER est qu’elle n’est plus disponible jusqu’à la retraite (sauf déblocage pour un achat de résidence principale ou un accident de la vie). Le PER est par conséquent entièrement dédié à la préparation de la retraite.

Un PER, bien que similaire à une assurance vie (la plupart des PER sont assurantiels), est donc beaucoup moins souple qu’une assurance vie, dans laquelle les sommes versées restent disponibles, sur demande (stratégie n°9).

Cependant, le PER a un avantage conséquent : il offre la possibilité de déduire les sommes versées du revenu imposable (versements volontaires du compartiment 1).

Le pourcentage de déduction correspond à la Tranche Marginale d’Imposition (TMI). Par exemple :

  • TMI à 30 % : 300 € déduits pour 1 000 € versés.
  • TMI à 41 % : 410 € déduits pour 1 000 € versés.

Ainsi, les personnes ayant une TMI élevée (tranches de 30 % à 45 %) pourront trouver un grand intérêt au PER et s’en servir pour réduire leurs impôts.

En revanche, les personnes ne payant pas l’impôt sur le revenu ne peuvent rien déduire, et celles figurant dans la première tranche à 11 % n’y verront qu’un intérêt limité.

Au final, même si le PER est spécifiquement dédié à la capitalisation pour la retraite, de nombreux contrats (assurance vie, PEA, compte-titres, capitalisation) et types d’investissement (SCPI, actions, obligations, biens immobiliers locatifs…) peuvent également permettre de préparer la retraite.

7. Le démembrement de propriété

Le droit de propriété se décompose en trois parties :

  • Usus : droit d’utiliser (habiter un bien…)
  • Fructus : droit d’en tirer les fruits (loyers…)
  • Abusus : droit d’en disposer (vendre, donner…)

Le démembrement de propriété consiste à séparer l’usufruit (usus et fructus) de la nue-propriété (abusus).

Fiscalement parlant, seul l’usufruitier est taxé sur les revenus perçus. Néanmoins, en cas de plus-value immobilière, c’est le nu-propriétaire qui le sera.

L’usufruit est toujours séparé temporairement de la nue-propriété. Cela peut être suite à une donation, un décès (le conjoint survivant dispose de l’usufruit, les enfants de la nue-propriété) ou une acquisition.

La durée de séparation est soit fixe (jusqu’à 30 ans maximum), soit viagère (jusqu’au décès de l’usufruitier).

À l’extinction de l’usufruit, le nu-propriétaire devient alors pleinement propriétaire.

Dans le cas d’une acquisition, le démembrement a un intérêt distinct pour l’usufruitier et le nu-propriétaire :

  • Le nu-propriétaire achète à un prix décoté, puisqu’il n’a pas l’usufruit, et ne paie pas d’impôts sur les revenus, car il n’en perçoit pas. Il récupérera l’usufruit gratuitement à son extinction, et bénéficiera de la pleine propriété en ayant uniquement acheté la nue-propriété.
  • L’usufruitier jouit des revenus sans avoir à acheter le bien. Dans l’exemple d’un achat de parts de SCPI en démembrement, il pourra ainsi faire fructifier une somme pendant la durée déterminée de l’usufruit (par exemple, faire fructifier sa trésorerie ou un apport pour un futur projet).

Cependant, le démembrement est surtout une stratégie d’optimisation pour la transmission : céder la nue-propriété d’un bien à ses enfants permet de réduire la fiscalité lors de la transmission, puisque seule la nue-propriété sera imposée.

La valeur de la nue-propriété et de l’usufruit d’un bien dépend de l’âge de l’usufruitier : plus il est jeune, plus la valeur de l’usufruit est élevée, et plus il est facile de transmettre la nue-propriété, grâce au régime des donations (stratégie n°10).

Âge de l’usufruitierValeur usufruitValeur nue-propriété
< 21 ans90 %10 %
de 21 à 30 ans80 %20 %
de 31 à 40 ans70 %30 %
de 41 à 50 ans60 %40 %
de 51 à 60 ans50 %50 %
de 61 à 70 ans40 %60 %
de 71 à 80 ans30 %70 %
de 81 à 90 ans20 %80 %
> 91 ans10 %90 %

Au décès des parents, l’usufruit s’éteindra et reviendra aux enfants, qui deviendront alors pleinement propriétaires, sans qu’ils soient imposés sur la succession du bien (si la nue-propriété a été préalablement transmise en totalité via donation).

Ainsi, le démembrement pour la transmission est d’autant plus intéressant qu’il est anticipé dans le temps.

Par exemple, des parents âgés de 55 ans pourront donner en une fois la totalité de la nue-propriété de leur résidence principale valant 200 000 € à leur enfant. À leur âge, la nue-propriété vaut 50 % du bien, soit 100 000 € ici, ce qui correspond à la somme maximale pouvant être donnée.

S’ils font cette même donation à 85 ans, la nue-propriété vaudra 80 % de 200 000 €, soit 160 000 €. Il faudra alors réaliser deux donations, et attendre 15 ans avant la deuxième (si les parents décèdent entre-temps, l’enfant devra alors payer l’impôt successoral sur les 60 000 € restants).

En outre, leur résidence principale pourra valoir plus cher, s’ils la donnent 30 ans plus tard ! Si elle vaut désormais 300 000 €, la nue-propriété sera de 240 000 €, et il faudrait alors 3 donations théoriques espacées de 15 ans pour échapper à l’imposition….

Dans le cas du démembrement, comme pour beaucoup d’autres stratégies visant à optimiser le patrimoine, tout est une question d’anticipation.

Attention toutefois : si la valeur de la nue-propriété dépasse celle de la donation (stratégie n°10), la différence sera taxée. D’où l’intérêt d’une société civile, pour transmettre progressivement des parts sans dépasser le cadre de la donation.

8. La société civile

La société est une personne morale, qui peut emprunter, détenir des biens en son nom et les louer. Elle a toute sa place parmi les stratégies possibles, car elle permet d’optimiser son patrimoine sous différents angles :

  • Optimisation de la détention : contrairement à l’indivision ou un individu peut forcer une vente, la majorité des 2/3 apporte plus de pérennité.
  • Optimisation de la gestion : des mineurs ou des majeurs protégés peuvent recevoir des parts, sans avoir de pouvoir décisionnel.
  • Optimisation de la transmission : donation des parts avec une décote au titre de l’illiquidité.
  • Optimisation fiscale : plusieurs options existent selon que la société est à l’IR ou à l’IS (impôt sur les sociétés).

Du côté des inconvénients, une société nécessitera d’organiser des assemblées générales et de tenir une comptabilité.

L’intérêt de former une société apparaît principalement lors d’un projet d’acquisition ou lors d’une transmission.

Lors de sa création, chaque associé fait un apport à la société, en numéraire (argent), avec un bien immobilier ou des actifs financiers, le tout formant le capital social.

La rédaction des statuts laisse beaucoup de liberté pour décider du pouvoir de vote entre associés, du pouvoir du gérant, de celui d’un associé indépendamment de sa quotité économique, ou encore, des modalités d’entrée au capital pour un nouvel associé.

Par défaut, une société n’est pas imposée (on dit qu’elle est à l’IR). Chaque associé déclare les revenus distribués par la société avec ses autres revenus. Le choix d’opter pour l’IS dépendra de nombreux facteurs qu’il faut étudier au préalable :

  • Imposition à l’IR : Idéale s’il y a peu de revenus distribués, mais qu’une forte plus-value est envisagée (exemple : résidence principale).
  • Imposition à l’IS : Idéale si l’investissement est rentable et générateur de revenus, si des travaux doivent être réalisés et si les associés figurent dans les tranches fortement taxées de l’IR.

En outre, l’achat en société permet de déduire la dette de la valeur d’un actif, permettant une transmission des parts plus intéressante.

Par exemple, pour un bien acheté 400 k€ avec 350 k€ d’emprunt, la valeur des parts sociales ne sera que de 50 k€. Elles seront donc plus facilement transmissibles que lorsque la dette sera remboursée.

9. L’assurance vie

L’assurance vie n’est pas une assurance au sens propre, mais une enveloppe fiscale pour investir (autrement dit, un compte d’investissement), comme le sont aussi un PEA ou un compte-titres.

Toutefois, l’assurance vie est la première des stratégies à considérer pour optimiser la transmission du patrimoine.

Avant la transmission, l’assurance vie permet déjà de bénéficier de certains avantages :

  • Large choix d’actifs : fonds en euros (garantis en capital, mais peu rémunérateurs), ETF d’actions et d’obligations, SCPI, or papier…
  • Les revenus et plus-values ne sont pas fiscalisés tant qu’il n’y a pas de rachat (le capital reste dans le contrat).
  • Abattement d’impôt de 4 600 € par an (9 200 € pour un couple) sur les rachats après 8 ans de détention.
  • Le capital n’est jamais bloqué, contrairement à une croyance courante.

Juridiquement, les sommes versées dans un contrat appartiennent à l’assureur, mais restent à notre disposition. C’est pour cela que l’on parle de rachat et non de retrait.

Lors du décès du souscripteur, les capitaux détenus dans un contrat d’assurance vie ne sont pas intégrés dans la succession, mais versés directement aux bénéficiaires.

Dans une assurance vie, jusqu’à 152 500 € par bénéficiaire (et non par contrat ou par souscripteur) pourront ainsi être exonérés d’impôts sur la transmission.

Au-delà, le capital transmis sera taxé, avec deux tranches distinctes (trois en comptant celle à 0 %).

Capital transmisImposition
de 0 à 152 500 €0 %
de 152 500 à 700 000 €20 %
plus de 700 000 €31,25 %

Les bénéficiaires sont désignés par le souscripteur du contrat, d’où l’importance de bien rédiger la clause bénéficiaire, qui devrait être la plus précise possible. Par exemple, il vaut mieux préférer « mon époux le jour de mon décès », qui ne laisse aucun doute, à « mon conjoint », qui laisse place à l’interprétation en cas de séparation ou d’instance de divorce.

Il est aussi possible de rédiger une clause à tiroir, qui laisse le choix au bénéficiaire de l’accepter, en partie ou totalement. Par exemple, le choix pourra être laissé à l’époux d’accepter le capital ou d’en transmettre la moitié aux enfants.

La clause peut également inclure un démembrement (stratégie n°7), afin que les capitaux puissent être transmis successivement. L’exemple type est de transmettre l’usufruit au conjoint (qui récupère le capital) et la nue-propriété aux enfants. Au décès du conjoint, l’usufruit s’éteindra et le capital sera transmis aux enfants, qui bénéficieront des avantages fiscaux de la nue-propriété.

Par ailleurs, déposer la clause chez un notaire, plutôt que chez l’assureur, comporte plusieurs avantages :

  • Complexité : le notaire peut intégrer des clauses plus complexes et offrir un conseil approprié.
  • Confidentialité : l’assureur ne sera pas au courant.
  • Sécurité et connaissance : la clause est sécurisée et portée sans faute à la connaissance de tous les bénéficiaires (les assureurs peuvent faire des erreurs).
  • Cohérence vis-à-vis du patrimoine dans son ensemble et articulation possible avec un testament.

Pour les primes versées par le souscripteur après ses 70 ans, seuls les premiers 30 500 € ne seront pas taxés. D’où l’intérêt de verser un maximum de capital avant 70 ans, et d’ouvrir une nouvelle assurance vie après 70 ans pour bien distinguer le différentiel de fiscalité.

10. La donation

Effectuer une donation de son vivant permet de réduire la fiscalité successorale.

Les biens donnés peuvent être de l’argent, des titres sociaux ou des biens immobiliers.

Il est possible de donner, tous les 15 ans, jusqu’à 100 000 € par enfant, 31 865 € par petit-enfant, 5 310 € par arrière-petit-enfant, 15 932 € par frère/sœur, 7 967 € par neveu/nièce.

Une donation permet d’anticiper la succession. Elle peut être habilement associée à un démembrement (stratégie n°7) : le donateur (celui qui donne) se réservant l’usufruit, le donataire (celui qui reçoit) recevant la nue-propriété.

Outre la donation classique, il existe d’autres types de donation.

L’abattement Sarkozy (ou donation Sarkozy) permet une donation supplémentaire non fiscalisée de 31 865 €, renouvelable tous les 15 ans, en respectant quelques conditions supplémentaires :

  • Le donateur doit avoir moins de 80 ans.
  • Le donataire doit avoir plus de 18 ans.
  • La donation se fait en pleine propriété et en numéraire.
  • Le donataire doit être l’enfant, le petit-enfant ou l’arrière-petit-enfant du donateur.

La donation-partage est une forme spécifique de donation qui, contrairement à la donation simple, résout également le problème du partage au moment de la donation (d’où son nom).

Dans le cas d’une donation simple, un partage inégal ne serait résolu qu’au moment du décès. Par exemple, si l’un des enfants a reçu un appartement ou une somme, mais pas les autres, cela sera pris en compte lors de la succession.

La donation-partage permet de résoudre le partage immédiatement. Par exemple, via une soulte, si l’un des deux enfants reçoit un bien, mais pas l’autre. L’un des effets engendrés est la neutralisation des éventuelles variations futures de la valeur des biens donnés.

Une donation-partage peut être transgénérationnelle, ce qui permet de conserver un équilibre sur deux générations.

Une donation peut s’effectuer via un acte notarié (conseillé pour les donations importantes), ou manuellement (sauf pour les donations-partage, obligatoirement notariées).

Conclusion sur les stratégies pour optimiser son patrimoine

Cet article est basé en grande partie (mais pas que, car j’ai inséré quelques notes et exemples) sur l’excellent livre d’Antoine de Ravel d’Esclapon : Le Patrimonio, qui présente et illustre 100 solutions patrimoniales, soit bien plus que celles que j’ai retenues dans cet article.

Pour un tour d’horizon complet des solutions patrimoniales existantes, et notamment sur la protection, que je n’ai pas du tout abordé, et la transmission (abordée assez partiellement) je vous invite vivement à lire son livre.

La gestion de patrimoine parait complexe, mais lorsqu’on maîtrise les différents outils existants, on découvre que la France est un vrai petit paradis fiscal. Pour y habiter, il faut respecter une condition : anticiper.

L’anticipation permet plusieurs choses :

  • Élaborer la construction de son patrimoine (allocation d’actifs, objectifs). Plus on s’y prend tôt, plus les intérêts composés produiront un effet démultiplicateur (un Euro investi à 25 ans fructifiera bien plus longtemps qu’un Euro investi à 50 ans). De même, plus on anticipe l’achat d’une résidence principale ou d’un bien locatif par la constitution d’un apport, plus l’emprunt sera facilité et pourra faire un levier efficace.
  • Préparer sa retraite par capitalisation, en réduisant sa dépendance au régime des retraites par répartition.
  • Réduire ses impôts, en cotisant dans un plan d’épargne-retraite (PER).
  • Réduire la fiscalité sur les plus-values, en ouvrant une assurance vie au moins 8 ans avant d’avoir besoin de récupérer les capitaux (5 ans pour le PEA).
  • Réduire la fiscalité sur la transmission, en versant un maximum de capital avant 70 ans dans une assurance vie, et en utilisant autant que possible, et le plus tôt possible, les régimes de donation et le démembrement (chaque fois que notre âge entre dans une nouvelle dizaine, la valeur de la nue-propriété d’un bien, qui est taxée, augmente de 10 %). De plus, un bien prend généralement de la valeur dans le temps. Donner aujourd’hui sera donc probablement plus avantageux que dans plusieurs années. De même, il est possible d’effectuer une donation de parts sociales pour bénéficier d’une décote, ou après un achat en société à crédit, afin que la valeur des parts soit imputée du montant de la dette.

Évidemment, les différents systèmes, stratégies, fiscalités et méandres juridiques existants peuvent procurer un bon mal de tête. Y plonger peut paraître rebutant, mais le jeu en vaut la chandelle : déployer ne serait-ce qu’une ou deux stratégies pour optimiser son patrimoine pourra faire une grande différence dans notre vie et celle de nos proches.

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