Chaque année, S&P Global publie son étude SPIVA (S&P Indices Versus Active) qui compare la performance de la gestion active par rapport aux indices. Voici les principaux points à retenir.
En 2022, les marchés financiers ont connu de nombreux bouleversements, mais une question demeure constante : les fonds activement gérés peuvent-ils dépasser leurs indices de référence ou serait-il plus judicieux d’adopter une approche passive ?
Contexte de marché : Retour sur l’année 2022
L’année 2022 a été particulièrement difficile pour les investisseurs. Le S&P 500 a terminé avec un rendement total de -18 %, sa plus mauvaise performance depuis 2008. Les marchés obligataires n’ont pas non plus offert de refuge, avec le iBoxx $ Liquid Investment Grade chutant également de 18 %.
Ces mouvements ont été principalement attribués à la forte inflation et à une série de hausses des taux par les banques centrales (Réserve Fédérale Américaine et Banque Centrale Européenne).
L’une des principales conclusions de l’étude SPIVA 2022 est que la gestion active a eu des performances contrastées face aux indices, selon les catégories d’actifs. Dans la catégorie très surveillée des grandes capitalisations américaines, une mince majorité de fonds actifs a sous-performé par rapport à l’indice. Cependant, ce taux de sous-performance (51 %) est le plus bas depuis 2009.
L’année 2022 a donc été moins défavorable à la gestion active qu’habituellement. Mais il faut noter la grande variabilité annuelle dans la sous-performance des fonds actifs : en 2014, 87 % des fonds américains ont sous-performé par rapport au S&P 500, contre seulement 45 % en 2007.
Comme la performance relative des fonds par rapport aux indices n’est ni constante ni prévisible, l’étude s’est focalisé sur de plus longues périodes, dans plusieurs catégories :
- Fonds américains
- Fonds internationaux
- Fonds obligataires
L’étude de référence du débat gestion active vs passive
La question du débat entre la gestion active et passive n’est pas nouvelle. Depuis sa première publication en 2002, l’étude SPIVA est devenue la référence du sujet. Si ses chiffres-clés sont largement les plus cités, elle offre un ensemble de données très riches, abordant des questions comme les techniques de mesure, la composition de l’univers des fonds et leur survie.
Parmi les principes fondamentaux de l’étude permettant d’obtenir des résultats ayant du sens, on peut noter :
- La correction du biais de survie, garantissant une comparaison juste entre les fonds (les fonds qui disparaissent sont pris en compte dans les statistiques).
- La comparaison des « pommes avec des pommes », en mettant les rendements des fonds face aux bons indices de référence (pas systématiquement face au S&P 500).
- Le calcul des rendements moyens pondérés par les encours sur actifs, offrant une vision plus précise du marché.
- L’évaluation de la cohérence du style de gestion sur différents horizons temporels, ainsi que le nettoyage des données pour éviter les doublons et exclure les fonds inverses ou à effet de levier.
Performance à long terme des fonds américains par rapport aux indices
Le tableau suivant montre le pourcentage des fonds en actions américaines (U.S. Equity Funds) sous-performant leurs indices de référence sur différentes périodes de temps. L’indice de référence utilisé pour chaque catégorie de fonds est également mentionné.
Voici quelques observations basées sur ces données :
- Performance à long terme : Sur une période de 20 ans, la plupart des catégories de fonds en actions américaines ont largement sous-performé leurs indices de référence. Par exemple, 94,79 % des fonds de grandes capitalisations (Large-Cap Funds) ont sous-performé le S&P 500 sur cette période.
- Fonds de croissance des grandes capitalisations : Les fonds de croissance des grandes capitalisations (Large-cap Growth Funds) ont eu une performance particulièrement faible par rapport à l’indice S&P 500 Growth, avec une sous-performance de 97,65 % sur 20 ans.
- Fonds de valeur de grandes capitalisations : Les fonds de valeur de grandes capitalisations (Large-cap Value Funds) ont mieux performé que leurs homologues de croissance sur une période de 15 ans, avec « seulement » 79,13 % d’entre eux qui ont sous-performé l’indice S&P 500 Value. Cependant, la tendance repart à la hausse sur une période de 20 ans (86,51 % de sous-performance).
- Fonds de petites capitalisations : Ces fonds (Small-Cap Core Funds) ont présenté une performance légèrement meilleure sur une période de 5 ans que ceux des grandes capitalisations, avec 76,33 % d’entre eux sous-performant l’indice S&P SmallCap 600. Mais cette performance diminue et devient encore moins bonne sur des périodes plus longues (95,12 % de sous-performance sur 20 ans). Comme pour les grandes capitalisations, les fonds de valeur ont une performance un peu moins catastrophique que les fonds de croissance.
- Fonds immobiliers : Ces fonds (Real Estate Funds) semblent avoir mieux performé à la fois sur des périodes courtes de 3 et 5 ans (sous-performances respectives de 58,44 % et 61,90 %) que sur des périodes longues de 15 à 20 ans (sous-performances respectives de 87,25 % et 87,10 %).
- Tendance générale : Dans l’ensemble, plus la période d’observation est longue, plus la probabilité de sous-performance des fonds actifs par rapport à leurs indices de référence est élevée. Cela montre les défis inhérents pour les gestionnaires actifs à tenter de surperformer le marché sur le long terme.
En conclusion, ces données démontrent que bien que certains fonds activement gérés puissent parfois rivaliser pendant de courtes périodes, il est très difficile pour eux de battre les indices de référence sur le long terme.
Outre la performance des fonds par rapport à leurs indices, l’étude s’intéresse également à la « survie » et la cohérence de style des fonds d’actions américains sur une période de 20 ans.
Voici quelques observations :
- Survivorship (%) : Ce chiffre nous indique la proportion de fonds qui ont survécu sur une période de 20 ans. En général, une grande partie des fonds n’ont pas survécu. Par exemple, seuls 32,18 % des fonds existants (All Domestic Funds) ont survécu sur 20 ans. Les fonds de valeur de moyennes capitalisations (Mid-Cap Value) semblent avoir le taux de survie le plus élevé (50,98 %), tandis que les fonds de croissance de grandes capitalisations (Large-Cap Growth) ont le taux de survie le plus bas (22,35 %).
- Style Consistency : Ce chiffre montre la proportion de fonds qui ont maintenu leur style d’investissement initial sur 20 ans. Au bout de 20 ans, seuls 44,56 % des fonds ont conservé leur style initial. Les fonds immobiliers (Real Estate Funds) ont la cohérence de style la plus élevée (80,65 %), ce qui suggère que ces fonds sont généralement restés fidèles à leur stratégie d’investissement initiale. À l’inverse, les fonds de valeur de moyennes capitalisations (Mid-Cap Value) ont la consistance de style la plus faible (14,71 %), ce qui peut expliquer qu’un plus grand nombre d’entre eux aient survécu, en s’adaptant.
En conclusion, ce tableau montre que l’industrie des fonds actifs est en constante évolution. Beaucoup de fonds disparaissent ou fusionnent au fil du temps, et de nombreux fonds changent également leur style ou leur stratégie d’investissement.
Cela démontre à la fois :
- L’importance pour les investisseurs en fonds actifs de surveiller régulièrement leurs placements et de comprendre les implications potentielles des changements au sein des fonds qu’ils détiennent.
- Qu’il est particulièrement difficile d’investir à long terme dans des fonds actifs avec une stratégie précise, sans devoir changer de fonds plusieurs fois en cours de route, soit parce qu’ils auront fermé, soit parce qu’ils auront changé de stratégie !
En regroupant les informations données dans ces deux tableaux, on s’aperçoit que sur 20 ans, 68 % des fonds actifs ont disparu, 55 % ont changé de stratégie et 95 % ont sous-performé les indices !
Performance à long terme des fonds internationaux par rapport aux indices
Le tableau suivant donne une vue d’ensemble de la performance des fonds d’actions internationaux par rapport à leurs indices de référence sur différentes périodes.
Voici quelques points à retenir :
- Fonds internationaux : Ces fonds investissent en dehors des États-Unis et montrent un schéma de sous-performance similaire à celui des fonds américains ou globaux. La tendance est particulièrement marquée sur une période de 20 ans, où 93,53 % des fonds ont sous-performé le S&P 700.
- Fonds internationaux de petites capitalisations : Comparés aux autres catégories, ces fonds semblent offrir un peu plus d’espoir pour la gestion active. Sur une période de 3 ans, seulement 50,62 % d’entre eux ont sous-performé le S&P Developed Ex-U.S. SmallCap, ce qui suggère qu’une proportion significative de ces fonds ait réussi à battre l’indice. Cependant, sur des périodes plus longues (20 ans), leur performance se détériore, avec une sous-performance de 84,85 %.
- Fonds des marchés émergents : Ces fonds présentent un taux de sous-performance élevé par rapport à l’indice S&P/IFCI Composite, surtout à long terme. Près de 97,01 % des fonds ont sous-performé sur une période de 20 ans, soulignant les défis de la gestion active sur les marchés émergents.
Les fonds d’actions internationaux, tout comme leurs homologues américains, ont du mal à bien performer sur le long terme. Selon l’étude, la gestion active semble avoir une meilleure chance de battre les indices dans des niches spécifiques comme les petites capitalisations internationales, mais uniquement sur des périodes très courtes.
En revanche, les marchés émergents sont un terrain particulièrement difficile pour la gestion active, avec une sous-performance significative sur toutes les périodes examinées, qui culmine à 97,01 % sur 20 ans !
En conclusion, on remarque que sur les marchés internationaux, les gestionnaires actifs ont également de grandes difficultés à surperformer les indices de référence à long terme.
En ce qui concerne la « survie » et la cohérence de style des fonds d’actions internationaux, les conclusions sont similaires aux fonds d’actions américains.
Le taux de survie des fonds sur 20 ans à l’international (35,97 %) est proche de celui des États-Unis (32,18 %). Il en va de même pour les fonds des petites capitalisations internationales (45,45 %) face aux américaines (39,63 %).
En revanche, la consistance du style des fonds internationaux sur 20 ans (16,91 %) est bien plus faible qu’aux États-Unis (44,56 %). Cette différence peut avoir plusieurs explications :
- Complexité et diversité des marchés internationaux : Contrairement aux marchés américains qui sont relativement homogènes, les marchés internationaux comprennent une variété de pays, cultures, réglementations et dynamiques économiques. Cette diversité peut rendre plus difficile le maintien d’une stratégie d’investissement cohérente, car un fonds pourrait être tenté d’ajuster son approche en fonction des opportunités ou des risques des régions spécifiques (crises financières, tensions géopolitiques, changements de réglementation.)
- Différences de définitions et de classifications : Les critères utilisés pour définir les styles d’investissement (comme la croissance ou la valeur) peuvent varier d’un marché à l’autre. Ce qui est considéré comme un investissement de « croissance » dans un pays ou une région peut être différent de ce qui est classé de la même manière ailleurs.
- Pression concurrentielle : Étant donné que les marchés internationaux sont souvent perçus comme plus volatils et incertains, il peut y avoir une pression accrue sur les gestionnaires de fonds pour qu’ils adaptent ou modifient leur style afin d’attirer et conserver des investisseurs.
- Manque de benchmarks appropriés : Aux États-Unis, des indices tels que le S&P 500 fournissent des benchmarks clairs pour les fonds. Sur certains marchés internationaux, il peut être plus difficile de trouver le benchmark approprié reflétant fidèlement un style ou une stratégie d’investissement spécifique.
Au contraire, la grande majorité des fonds des marchés émergents maintiennent une grande consistance dans leur style (95,52 %). Une raison possible est que ces fonds ont tendance à être plus spécialisés en raison des complexités et des défis uniques associés à l’investissement dans les régions émergentes. Leur spécialisation pourrait également être une raison pour laquelle un plus grand pourcentage d’entre eux (46,27 %) a survécu pendant 20 ans, car les gestionnaires de ces fonds ont sans doute développé une expertise spécifique sur ces marchés.
Conclusion sur les fonds internationaux : sur 20 ans, 65 % des fonds actifs ont disparu, 83 % ont changé de stratégie et 94 % ont sous-performé les indices !
Performance à long terme des fonds obligataires par rapport aux indices
Les fonds actifs obligataires ont-ils aussi tendance à sous-performer leurs indices de référence ? De nombreuses catégories d’obligations, principalement américaines, sont référencées dans le tableau suivant.
Concentrons-nous sur les plus courantes :
- Obligations de qualité « investment-grade » : Ces fonds (General Investment-Grade Funds) investissent dans des obligations de qualité, considérées comme étant à relativement faible risque. Sur une période d’un an, seulement 20,73 % de ces fonds ont sous-performé par rapport à leur indice de référence. Cependant, ce pourcentage augmente avec le temps, atteignant 93,81 % sur une période de 15 ans. Sur le long terme, la majorité de ces fonds n’ont donc pas réussi à surpasser leur benchmark.
- Obligations à haut rendement : Ces fonds (High Yield Funds) investissent dans des obligations dites « high yield » ou « junk bonds », qui offrent des rendements plus élevés, mais sont également plus risquées. 52,94 % de ces fonds ont sous-performé leur benchmark sur un an. La tendance est assez stable sur les périodes plus longues, avec environ 80,88 % des fonds qui sous-performent sur 15 ans.
- Obligations mondiales variées : Ces fonds (Global Income Funds) investissent à travers différents marchés obligataires mondiaux. 36,96 % sous-performent l’indice « Bloomberg Global Aggregate » sur un an et 57,89 % sur 15 ans. Cela démontre une performance relativement stable, mais toujours légèrement en dessous de l’indice.
- Obligations de pays émergents : Ces fonds (Emerging Market Debt Funds) présentent une tendance à la sous-performance croissante avec le temps : 61,02 % des fonds ont sous-performé leur indice sur un an, et ce chiffre grimpe à 95,24 % sur 15 ans.
Les fonds actifs obligataires, tout comme les fonds actifs en actions, ont tendance à sous-performer leurs indices respectifs sur le long terme. Les chiffres sont même quasiment identiques aux fonds d’actions pour les obligations de qualité et les obligations émergentes.
L’étude montre que la gestion active semble avoir de meilleures chances de bien performer face aux indices avec les obligations à haut rendement ou internationales, plus volatiles et moins efficientes que les obligations américaines.
Concernant la « survie » et la cohérence de style des fonds obligataires, les conclusions sont ici aussi similaires aux fonds américains et internationaux.
Sur une période de 15 ans, près de la moitié des fonds obligataires ont survécu. Ces chiffres sont un peu supérieurs aux fonds d’actions, mais la période considérée est plus courte (15 ans contre 20 pour les actions).
Par contre, les fonds obligataires montrent une consistance de style relativement plus élevée par rapport aux fonds en actions, qui ne peut être expliquée par la période d’observation, plus courte. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer :
- Nature des marchés obligataires : ils sont généralement considérés comme étant plus prévisibles que les marchés actions. Les obligations ont des échéances fixes et des flux de trésorerie connus, ce qui rend leur évaluation plus facile à structurer.
- Définition claire des catégories : Les segments et indices du marché obligataire sont souvent bien définis en fonction de la maturité, de la qualité de crédit, etc. Cela facilite le maintien d’une stratégie d’investissement constante pour un fonds donné, et pousse les fonds à maintenir un style cohérent pour rester en phase avec leur indice de référence.
- Moins de turnover : Les fonds obligataires ont un turnover (rotation des titres dans un portefeuille) moins élevé que les fonds d’actions. Une rotation moindre signifie moins de transactions et donc un style plus stable.
- Éviter le « style drift » : Les gestionnaires de fonds obligataires peuvent être moins enclins à dévier (également appelé « style drift ») de leur stratégie initiale que les gestionnaires de fonds actions, en raison de directives d’investissement, de réglementations ou d’attentes plus strictes des investisseurs.
- Moins de réactions aux tendances de court terme : Les marchés actions peuvent être influencés par des tendances de court terme, des modes ou des événements soudains, pouvant inciter certains gestionnaires à changer temporairement de style pour capturer ces opportunités. Les marchés obligataires sont généralement moins sujets à ces influences.
Conclusion sur les fonds obligataires (moyenne des 4 types d’obligations les plus courantes) : sur 15 ans, 44 % des fonds actifs ont disparu, 29 % ont changé de stratégie et 82 % ont sous-performé les indices !
Conclusion de l’étude SPIVA : indices vs gestion active
D’après l’étude SPIVA, bien que la gestion active montre parfois, pour de rares actifs, des périodes de succès relatif face à la gestion passive, sur le long terme, la plupart des fonds gérés activement ont du mal à surpasser leurs indices de référence.
On peut l’observer tant pour les fonds basés aux États-Unis que pour ceux investissant internationalement, ainsi que pour les fonds obligataires. De plus, un grand nombre de fonds actifs disparaissent ou fusionnent au fil du temps, et un pourcentage significatif change de stratégie d’investissement.
Ce dynamisme dans l’industrie de la gestion active, qui consiste entre autres à faire disparaître définitivement les fonds ayant des performances catastrophiques, souligne l’importance pour les investisseurs en fonds actifs de surveiller étroitement leurs placements.
Néanmoins, la gestion passive semble être une approche plus fiable pour obtenir des rendements constants à long terme que la gestion active, qui, comme le montre l’étude, finit toujours par sous-performer les indices.
L’étude SPIVA démontre ainsi la supériorité des fonds indiciels sur les fonds actifs pour l’investissement à long terme.