Si vous envisagez d’investir à long terme, vous vivrez de nombreux marchés baissiers au cours de votre vie d’investisseur.
Bien que les marchés baissiers fassent partie du jeu et soient tout à fait normaux, ils constituent une zone de risque pour les investisseurs.
Plus vous connaîtrez et comprendrez le fonctionnement et les implications des marchés baissiers, plus vous serez susceptibles de bien les vivre et d’y survivre ; Ainsi, vous permettrez à votre portefeuille de fructifier librement sur le long terme.
Définition des marchés baissiers
Les marchés baissiers se définissent d’abord par opposition aux marchés haussiers. Comme vous l’avez deviné, les prix montent pendant un marché haussier et baissent lors d’un marché baissier.
À Wall Street, on parle de « Bull Market » pour les marchés haussiers, et de « Bear Market » pour les marchés baissiers.
Ces métaphores animalières viennent du fait que le taureau (bull) attaque en faisant un mouvement vers le haut avec ses cornes, tandis que l’ours (bear) fait un mouvement vers le bas avec ses griffes.
Si l’on observe le marché Américain (S&P 500) depuis 1928, la baisse maximale moyenne par année est de -16,5 %. Le marché subit donc une forte correction par an en moyenne.
Parfois, les baisses sont plus fortes que la moyenne :
- Dans 25 % des cas, la baisse dépasse les -20 %.
- Dans 10 % des cas, la baisse dépasse les -30 %.
- Dans 6 % des cas, la baisse dépasse les -40 %.
Il est communément admis qu’un marché baissier représente une baisse des cours supérieure à -20 %. Tant que la baisse n’atteint pas les -20 %, on parle de simple correction. Les corrections peuvent d’ailleurs survenir en plein marché haussier.
Ainsi, techniquement parlant :
- Le dernier marché baissier est celui lié à la pandémie début 2020 (-33 %).
- La dernière correction est celle liée à la guerre en Ukraine, début 2022 (-14 %).
75 % des baisses sont donc des corrections ne dépassant pas -20 %, et 25 % des baisses sont des marchés baissiers, qui dépassent les -20 %.
Les marchés baissiers peuvent survenir y compris lors des années qui terminent en hausse (et il est toujours bon de rappeler que le marché boursier est haussier 3 années sur 4).
Ainsi, certaines années positives ont connu des marchés baissiers importants. Par exemple :
- 1933 a connu une baisse de -29 %, mais s’est achevée sur une hausse de +50 %.
- 1998 a connu une baisse de -19 %, avant de s’achever sur une hausse de +28 %.
- Plus récemment, 2020 a connu une baisse de -33 %, mais s’est achevée sur une hausse de +18 %.
Lors d’un marché baissier, on observe une grande volatilité des cours. Les cours ne montent certes pas en ligne droite, mais quand ils baissent, ils ne descendent pas tout droit au sous-sol. Il peut ainsi y avoir des jours en très forte hausse, en plein milieu d’un marché baissier.
En mars 2020, l’évolution du marché au jour le jour ressemblait à ça : -8 %, +5 %, -5 %, -10 %, +9 %, -12 %, +6 % -5 %.
En tant normal, les variations journalières dépassent rarement les +/- 2 %.
Marchés baissiers et réactions émotionnelles
Lorsque le marché baisse, la nature humaine reprend le dessus, avec son lot d’émotions (d’où la forte volatilité). Les investisseurs ont peur de perdre de l’argent, et il devient alors plus probable de faire des erreurs.
La volatilité met à l’épreuve nos émotions, tandis qu’une baisse prolongée dans le temps (la dernière remonte à la crise de 2007-2008, à la suite de laquelle le marché à mis 6 ans pour s’en remettre) mettra à l’épreuve notre patience et notre résilience.
Lorsque les cours montent, il est facile de se prendre pour un génie de l’investissement, car tout paraît facile. Et ces bons moments semblent être partis pour durer éternellement.
On peut d’ailleurs entendre des bêtises telles que « nous sommes dans un nouveau paradigme, les crises appartiennent au passé ».
Inversement, quand les cours chutent, on a l’impression d’être idiot pour ne pas avoir anticipé ce qu’il se passe, et de ne pas avoir pris de mesures correctives. De même, la baisse semble partie pour durer éternellement, tant les mauvaises nouvelles s’accumulent.
Mais comme nous l’avons vu, la grande majorité des baisses ne dépassent pas les -20 %. Ce ne sont donc même pas des marchés baissiers. Et seules 10 % des baisses dépassent les -30 %.
Dans ces cas de figure, il peut y avoir un emballement. Les premières pertes engendrent de la peur, qui cause d’autres pertes en réaction, et un marché baissier peut s’installer durablement.
L’emballement peut aussi se produire à la hausse, les gains engendrant d’autres gains par avidité. La hausse peut alors se transformer en bulle.
Voici les principales erreurs commises par les investisseurs lors d’une correction :
- Vouloir se montrer plus malin que le marché, en essayant de vendre avant la baisse, puis de trouver le point bas pour racheter.
- Ne pas respecter leur horizon d’investissement initial (par exemple, passer d’un horizon à long terme à un horizon à court terme).
- Faire une entorse à leur plan ou à la leur stratégie, en cherchant à l’adapter à la situation présente.
- Suivre de près l’évolution des cours, prêter constamment attention au marché boursier et aux nouvelles pouvant l’impacter, alors que fixer les cours ne donne pas plus de contrôle sur leur évolution.
Ces erreurs ont toutes le même symptôme : vouloir surréagir face un évènement que l’on estime particulier, alors qu’il est tout à fait normal. Les marchés baissiers ont leur utilité, et permettent de purger certains excès haussiers.
Comme chaque marché baissier survient pour une raison différente, il est commun d’avoir l’impression que cette fois, c’est vraiment particulier, et que donc, il faut agir. Or, rien n’est plus faux.
Les 4 mots les plus dangereux en investissement sont : “Cette fois, c’est différent. »
John Templeton
La dernière chose à faire et donc de réagir. L’investissement est contre-intuitif : si dans la vie, agir davantage permet souvent d’obtenir plus de résultats (faire plus de sport, étudier plus, travailler plus), c’est loin d’être le cas en investissement. En général, plus on agit, plus on finit par faire n’importe quoi.
Si vous vivez votre premier marché baissier, voir votre portefeuille s’effondrer peut être un choc : vous n’y êtes pas habitué.
Car il y a une différence entre savoir intellectuellement que le marché peut chuter, et perdre réellement de l’argent. Du moins, cette perte n’est que virtuelle tant que vous ne revendez pas, mais l’émotion qui l’accompagne est, elle, bien réelle.
Soyez néanmoins conscient qu’un marché baissier ne fait qu’augmenter le potentiel de rendement des actions à moyen et long terme.
Dans l’histoire, à la suite de chaque marché baissier, les cours ont quasiment systématiquement connu un fort rebond, dans les 1 à 5 ans ayant suivi le point le plus bas.
Ce rebond peut être lent, comme en 1987, ou après une baisse de -34 %, le marché n’avait repris que +23 % un an plus tard. Mais 5 ans plus tard, la hausse était de +122 %.
Il peut également être rapide, comme en 2020, où seulement un an après la chute des cours, le marché était remonté de +79 %.
Le plus faible rebond historique depuis un siècle a été de +42 %, 5 ans après la baisse de 1968-1970. Mais il y avait eu un autre marché baissier entre-temps, 1973-1974 (-48 %). Et 5 ans après ce dernier, les cours affichaient une hausse de +118 %.
Si les marchés baissiers accroissent les émotions des investisseurs, ils n’ont techniquement pour effet que d’offrir des possibilités d’achat à un coût moins élevé, et d’engendrer des périodes de rendement plus élevé par la suite.
Peut-on anticiper un marché baissier ?
Un certain nombre de facteurs font bouger les cours : la croissance, l’activité économique, l’évaluation des cours, les tendances, les évènements, les décisions des banques centrales, les émotions des investisseurs…
Ces facteurs peuvent influer à la hausse comme à la baisse sur le marché.
On a coutume de dire qu’il existe certaines situations, qui peuvent être des signes avant-coureurs d’un prochain marché baissier :
- Les valorisations sont simplement trop élevées et déconnectées des réalités. Un marché baissier permet alors de purger les excès.
- L’inflation est forte : l’inflation peut être le signe d’une économie en surchauffe, avec une demande trop forte. Une récession suivie d’un marché baissier peut accompagner la baisse de l’inflation.
- L’inversion de la courbe des taux d’intérêt, lorsque les bons du Trésor (obligations à très court terme) rapportent plus que les obligations à long terme. Ce phénomène peut être lié à la politique d’achats d’actifs des banques centrales, pour soutenir artificiellement la croissance. Il s’agit donc potentiellement d’un signe de surchauffe économique, pouvant conduire à une récession accompagnée d’un marché baissier.
Il est cependant beaucoup plus facile de pointer après coup les signes précurseurs d’un marché baissier, que de l’anticiper.
Toutefois, ces situations n’entrainent pas systématiquement de marché baissier, et lorsque c’est le cas, il est difficile de prévoir le moment exact où le marché commencera à baisser.
De plus, un marché baissier peut aussi bien survenir après un évènement imprévu, provoquant un arrêt de l’économie ou une vague de panique, dont l’ampleur et la durée dépendant de facteurs impossibles à prévoir ni à quantifier à l’avance.
Par exemple, dans le cas de la pandémie, il était tout autant difficile de prévoir les confinements et l’arrêt des activités économiques, qui ont provoqué une chute rapide des cours, que la forte réaction des banques centrales et des gouvernements, qui a engendré un rebond spectaculaire, pour un marché baissier finalement très court.
Il est donc vain de chercher à anticiper les marchés baissiers, tout comme les marchés haussiers d’ailleurs. L’investissement n’est pas un jeu d’anticipation.
L’étude de l’histoire nous donne des éléments de compréhension sur la manière dont les choses se sont passées, ce qui peut nous éclairer et nous rassurer sur la situation présente.
Toutefois, certaines choses qui ne se sont jamais produites peuvent toujours se produire. L’anticipation ou la recherche de la stratégie parfaite anti-marchés baissiers sont alors vaines.
Comment se protéger contre un marché baissier ?
Puisque l’on ne peut pas anticiper les marchés baissiers, la conclusion logique serait qu’on ne peut pas s’en protéger. En fait, tout dépend de votre stratégie de portefeuille.
Portefeuille classique buy-and-hold
Si vous avez un portefeuille buy-and-hold (un portefeuille long terme d’investissement passif), comme la plupart des investisseurs, il est impossible d’éviter les marchés baissiers, car la fraction de votre portefeuille investie en action subira la baisse. Votre portefeuille global sera donc impacté.
En revanche, vous pouvez vous protéger dans une certaine mesure, et atténuer l’impact d’un marché baisser, en modifiant votre allocation de portefeuille. Ainsi, moins vous aurez d’actions en portefeuille, moins votre portefeuille baissera.
Si on reprend l’exemple du marché baissier de mars 2020 lié à la pandémie, on constate que le niveau de baisse observé dépend de la proportion d’actions détenues en portefeuille (par exemple, -30,56 % avec 90 % d’actions et -17,98 % avec 50 % d’actions).
Bien entendu, il y a aussi un revers à cette médaille. Une allocation de portefeuille avec davantage d’obligations, plus protectrice lors des baisses, sera moins performante à long terme. Elle profitera donc moins du rebond haussier qui suit généralement les marchés baissiers.
Si on reprend l’exemple précédent, la hausse observée 2 ans après le point bas de mars 2020 lié à la pandémie a été de +84,77 % pour un portefeuille avec 90 % d’actions, et de +42,15 % pour un portefeuille avec 50 % d’actions.
Votre allocation d’actif définira votre niveau de protection contre les marchés baissiers, mais elle impactera aussi votre exposition aux marchés haussiers qui suivront.
Il existe toutefois une façon d’investir qui peut permettre d’échapper aux marchés baissiers, du moins en partie, sinon en totalité. Seulement, cela ne fonctionne pas toujours.
Portefeuille de suivi de tendance
Le suivi de tendance consiste à rester investi en actions tant que le marché est haussier et qu’il ne montre pas de signes d’essoufflement, puis à investir dans des valeurs refuges (liquidités, obligations d’état de qualité investment grade, or) lorsque la tendance n’est plus haussière.
Ainsi, le portefeuille reste positionné sur un actif refuge qui doit lui permettre de conserver sa valeur, le temps que le marché baissier passe et qu’une nouvelle hausse se profile à l’horizon.
Mais comme nous l’avons vu, il est impossible de prévoir et d’anticiper avec exactitude un marché baissier, ni de connaître à l’avance sa durée. Le suivi de tendance ne marche pas à tous les coups, mais il fonctionne plutôt bien dans la moyenne sur le long terme, car il profite d’un avantage statistique.
Cet avantage a été mis en avant dans les années 30, par des chercheurs s’intéressant au Momentum. Ils ont mis en avant que lorsque les cours ont été haussiers sur une période récente, la probabilité qu’ils restent orientés à la hausse à court et moyen terme dépassait les 50 %.
Ainsi, plus cet avantage en termes de probabilités est utilisé dans la durée, plus il a de chances de se matérialiser réellement.
Lorsque le suivi de tendance fonctionne bien, l’impact sur le comportement du portefeuille peut être vraiment spectaculaire, comme lors de la crise de 2008. Le signal de retournement de tendance (donné ici par le Momentum sur 10 mois) et le passage d’un portefeuille à 100 % en actions vers 100% en obligations début 2008 a permis d’éviter la majeure partie de la baisse.
Le portefeuille de suivi de tendance n’a ainsi jamais dépassé un niveau de baisse de -15 %, tandis que le MSCI World était en perte de -56 % au plus fort de la crise.
Sur le graphique, le point rouge marque le passage des actions vers les obligations, et le point vert le passage des obligations vers les actions.
En septembre 2009, la tendance de fond étant à nouveau orientée à la hausse, le portefeuille est repositionné à 100 % en actions (point vert). Il pourra profiter du rebond haussier en n’ayant que très peu subi la crise, et avec une bonne longueur d’avance sur un portefeuille qui serait resté investi sur le MSCI World. Trois ans plus tard (début 2011), le MSCI World n’avait toujours pas retrouvé son niveau d’avant-crise.
Pour autant, une stratégie de suivi de tendance, même en étant gagnante à long terme, est parfois frustrante : lorsque le portefeuille est positionné sur un actif refuge alors que les actions montent, ou lorsque le signal de sortie survient alors qu’une baisse a déjà entamé une bonne partie des gains déjà réalisés.
Car aucune stratégie de suivie de tendance n’est capable de sortir à chaque fois au bon moment, avant la baisse, ni de revenir à nouveau au meilleur moment, au point le plus bas du marché. L’objectif est simplement de suivre du mieux possible les phases de hausse, tout en évitant la majorité des marchés baissiers.
Le suivi de tendance peut donc permettre de se protéger contre certains marchés baissiers durables, mais il demande de la rigueur (respecter un plan dans la durée), de la rationalité (pour comprendre que l’avantage statistique fonctionnera à long terme, tout en passant parfois par des phases de contre-performance à court terme), et une psychologie d’investisseur adaptée. Ce type de stratégie ne correspond donc pas à tous les investisseurs.
Survivre aux marchés baissiers : que faire pendant un marché baissier ?
Vous savez déjà qu’il est normal que le marché subisse des phases de baisse : parfois, les actions, ou d’autres actifs, chutent. Ce que nous ne savons pas, c’est quand les baisses surviendront, de combien le marché baissera et pendant combien de temps.
En revanche, vous pouvez éviter de faire des erreurs rédhibitoires, qui peuvent vous conduire à prendre de mauvaises décisions, au pire moment.
Pour cela, vous devez en premier lieu avoir un portefeuille qui corresponde pleinement à votre profil d’investisseur, à vos objectifs et à votre horizon d’investissement.
Un portefeuille adapté à votre profil personnel vous permettra de mieux vivre les fluctuations et les phases de baisses, car le comportement de votre portefeuille ne vous surprendra pas : vous saurez à l’avance à quel niveau de baisse (et à quelle espérance de gain à long terme) vous attendre.
Ensuite et bien entendu, vous ne devez investir uniquement de l’argent dont vous n’aurez pas besoin au cours des prochaines années. Le capital investi doit avoir le temps de fructifier, et profiter des marchés haussiers signifie qu’il faudra aussi passer à travers les marchés baissiers et les krachs.
Vous pouvez également travailler sur votre acceptation du risque. Si vous arrivez à planifier dans votre tête que votre capital investi va voir sa valeur fondre comme la neige au soleil de temps en temps (sans savoir quand cela arrivera), et qu’il n’y a pas lieu de s’en inquiéter, vous serez psychologiquement équipé pour continuer à investir lorsque cela arrivera.
Enfin, voici quelques conseils qui vous permettront de mieux vivre les marchés baissiers :
- Ne regardez pas votre portefeuille : cela ne vous donnera pas plus de contrôle sur le marché, et cela risque de vous angoisser inutilement. Vous pouvez commencer vous habituer à ne pas le regarder lorsque les cours montent, cela sera plus facile.
- Adoptez un état d’esprit à long terme, et montrez-vous patient. Le marché boursier sera bien plus haut dans 20, 30 ou 40 ans qu’aujourd’hui (ou alors, nous aurons d’autres problèmes bien plus importants à régler). L’évolution des cours à court terme n’a aucun impact sur la hausse à long terme, qui est celle qui vous intéresse réellement.
- Travaillez votre discipline. Vous avez moins de chance de céder à vos émotions si vous reconnaissez qu’une grande partie des erreurs commises le sont sous le coup d’une émotion forte, et si vous savez rester ancré dans votre routine d’investissement.
- Continuez d’acheter régulièrement : les investissements réguliers (Value Averaging ou Dollar Cost Averaging) vous protègent. Lorsque les actions baissent, vous pourrez en acheter davantage, à un prix plus faible. Cela signifie que lorsque les cours remonteront, vous aurez plus d’actions en votre possession que si les cours n’avaient pas chuté. Mathématiquement parlant, vivre des marchés baissiers est donc une très bonne chose pour vous, si vous continuez à acheter.
- Continuez d’épargner pour alimenter vos investissements. La meilleure stratégie du monde (si elle existait), ne produirait absolument rien sans capital à investir. Les finances personnelles priment sur l’investissement, car sans elles, rien n’est possible. Il vaut mieux avoir une très bonne capacité d’épargne associée à une stratégie moyenne, qu’une excellente stratégie associée à une capacité d’épargne faible ou nulle.
Votre réussite à long terme en investissement dépendra de votre capacité à maintenir votre stratégie en toute circonstance, et par tous les temps.
Je crois que les bons investisseurs réussissent non pas grâce à leur QI, mais parce qu’ils ont une discipline d’investissement.
Stanley Druckenmiller
Ressusciter son capital avec un portefeuille de contre-attaque
Imaginons : le dernier marché baissier a fait plonger votre portefeuille bien plus bas que vous ne l’avez anticipé. Comment rattraper les pertes le plus rapidement et efficacement possible ?
Si vous avez subi des pertes plus importantes que celles auxquelles vous vous attendiez, c’est que soit :
- Vous avez pris trop de risques : votre allocation de portefeuille n’est pas adaptée à votre propre tolérance au risque, ni à vos objectifs à long terme.
- Vous n’avez pas suffisamment diversifié : votre portefeuille a davantage chuté que l’ensemble du marché.
- Vous avez cherché à réagir face un marché baissier (probablement à cause du premier point) ou à l’anticiper, car vous vous êtes cru plus malin que le marché. Résultat : vous avez fait empiré les choses.
- Un évènement d’une ampleur inédite s’est produit : le crash du siècle, en quelque sorte, provoqué par une énorme catastrophe. Ce type d’évènement est aussi appelé cygne noir. C’est un évènement extrêmement rare et difficile à imaginer, puisque rien de semblable n’est arrivé au cours de notre vie, ni de celle de nos parents ou grands-parents. Il peut être dévastateur, car il dépasse les scénarios les plus négatifs que nous avons imaginé (l’exemple type est la crise de 1929). Ils sont tellement peu fréquents qu’ils sont difficilement intégrables dans les modèles de risque.
Dans tous les cas, si votre portefeuille a atteint un niveau de pertes dépassant vos prévisions, et qui vous a quelque peu « secoué », une bonne façon de réagir peut être de construire un portefeuille de contre-attaque.
Comme nous l’avons vu, un marché baissier augmente le potentiel de hausse du marché à long terme (et inversement, les puissants marchés haussiers réduisent le potentiel de hausse à long terme).
Plus la baisse est forte, plus le potentiel de la future hausse sera élevé. Un portefeuille de contre-attaque vise à profiter au maximum de cette future hausse.
Si le « mal » est déjà fait, et que votre portefeuille a déjà subi des dégâts importants, vous pouvez faire trois choses :
- Ne pas agir dans l’urgence : si vous avez connu une forte perte, vos émotions et réactions instinctives risquent de vous desservir. Prenez un temps de recul, afin d’agir rationnellement, et non sous le coup de vos émotions.
- Vous rappeler que ce n’est pas la fin du monde, même si vous avez perdu beaucoup d’argent.
- Remodeler votre portefeuille pour revenir en force en mettant en place un portefeuille de contre-attaque, qui vous mettra dans la meilleure des positions pour rattraper vos pertes le plus rapidement possible.
Quelles caractéristiques doit avoir un portefeuille de contre-attaque ? Son objectif est qu’il soit capable de progresser plus vite que le marché (le MSCI World, dans la plupart des cas), sans avoir à prendre trop de risques.
Un portefeuille de contre-attaque est donc un portefeuille à 100 % en actions. Inutile de freiner avec de l’or ou des obligations.
Plusieurs classes d’actifs peuvent servir de pierre angulaire à un portefeuille de contre-attaque :
- Les small caps (actions de petites capitalisations), dont le potentiel de hausse à long terme est plus élevé que les grandes capitalisations.
- Les actions value (de valeur), historiquement plus performantes que les actions growth (de croissance).
- Les actions en Momentum
Voici un exemple de portefeuille de contre-attaque et son comportement durant les deux années qui ont suivi les deux principaux marchés baissiers du siècle (2001-2002 et 2008).
Classe d’actifs | Allocation |
---|---|
MSCI World Enhanced Value | 50 % |
MSCI USA Small Cap Value | 25 % |
MSCI Europe Small Cap Value | 25 % |
Le portefeuille est divisé à parts égales entre large et small caps, toutes orientées value.
Il doit permettre de capter efficacement une partie de la future hausse, que le marché soit tiré vers le haut par les actions des grandes ou des petites capitalisations, et sachant que le style valeur confère un avantage intrinsèque (les actions sous-évaluées ont un potentiel de hausse bien plus important).
Après chacun de ces deux forts marchés baissiers (les marchés ont subi une baisse supérieure à -50 % à chaque fois), le portefeuille de contre-attaque a permis de revenir plus fort, et donc plus rapidement en comparaison du MSCI World.
Une fois que vos pertes initiales auront été rattrapées (et que votre estomac sera soulagé – ce qui peut prendre du temps), vous pourrez alors réduire la voilure, et adapter (cette fois) votre allocation à votre profil de risque, en vue des prochains marchés baissiers.
En revanche, je vous déconseille le levier pour contre-attaquer et récupérer « rapidement » votre capital. Nous savons que les marchés ont tendance à remonter après une baisse, mais une crise peut en cacher une autre à quelques années d’intervalle (il y a bien eu deux chocs pétroliers, par exemple).
L’utilisation du levier peut donc vous couler encore plus rapidement. Lorsque vous essayez de revenir à l’équilibre, vous ne voulez pas jouer avec la chance.
De plus, même si le marché est finalement haussier et que le levier vous permet de doubler vos gains, vous serez tenté de prolonger l’expérience. Ainsi, il est fort possible que vous finissiez par reperdre ce que vous avez précédemment gagné, lors du prochain marché baissier (que vous ne pourrez pas anticiper…). Vous vous retrouverez alors dans la même situation initiale, avec l’objectif de rattraper une perte, mais qui pourrait être encore plus importante.
Pour faire face à un marché baissier, la meilleure chose à faire est d’abord de bien construire votre portefeuille, pour ne pas « subir » financièrement et émotionnellement, et afin de ne pas avoir ensuite besoin de vous demander comment rattraper vos pertes et retrouver votre capital.
Article très intéressant. Bons sens et intelligence.
Investisseur particulier depuis plus de 20 ans, j’ai commis d’innombrables erreurs. Malheureusement je me suis cru plus malin que les autres et j’en ai payé le prix fort. Comme le dit Mandela « je ne perds jamais, soit je gagne soit j’apprends ». C’est ce que j’essaye de me dire maintenant.
Dorénavant adepte d’une stratégie d’investissement passif, je cherche à améliorer mes compétences en gestion d’investissement, ce qui me semble la meilleure attitude à avoir .
Je viens de découvrir votre site, et j’ai hâte de vous lire.
Cordialement,
Emmanuel
Les erreurs sont source d’apprentissage. J’en ai aussi fait ma part. Le tout est d’en tirer des enseignements. Ray Dalio dit : « Pain + Reflection = Progress ». Cela rejoint Mandela. Je crois que continuer à apprendre tout en conservant son humilité, qui provient de notre faculté à mesurer l’étendue de ce que nous ne savons pas, est une bonne clé.
Quant à l’investissement passif, c’est le plus sûr moyen de ne jamais se tromper, la tranquillité d’esprit en prime.
Antonin
Super article, très clair et compréhensible. Avec des pépites de l’intelligence financière et des bases de l’investissements.
Les émotions paniques sont vraiment l’ennemi de l’investisseur
Merci pour votre commentaire. L’investissement, c’est 20% de technique et 80% d’émotion, de psychologie. L’objectif est donc d’arriver à trouver puis à mettre en place la stratégie qui ne nous fera jamais paniquer, sachant qu’on est tous différent. Ensuite, il n’y a plus qu’à laisser faire le temps.