Le rôle des obligations dans un portefeuille

Le rôle des obligations dans un portefeuille

Elles constituent l’une des deux principales classes d’actifs, avec les actions. Pourtant, si les obligations jouent un rôle important dans un portefeuille, leur fonctionnement reste obscur pour beaucoup d’investisseurs.

Qu’est-ce qu’une obligation ?

Une obligation représente une dette, ou créance, qui stipule qu’un émetteur, qu’il s’agisse d’une société ou d’une entité gouvernementale, a emprunté des fonds auprès d’un investisseur.

Contrairement aux actions, qui sont des titres de propriété d’une entreprise, les obligations sont des titres de dette.

En guise de rétribution pour le capital prêté, l’émetteur s’engage à payer des intérêts de manière périodique à l’investisseur.

Fonctionnement des obligations

Les intérêts sont distribués à l’investisseur jusqu’à la date d’échéance de l’obligation, à l’issue de laquelle l’émetteur remboursera le capital emprunté à l’investisseur.

Remboursement du principal (capital) d'une obligation

Ces titres de créance peuvent être émis en dehors ou sur les marchés financiers. Dans le second cas, cela facilite leur achat et leur vente. Le cours d’une obligation est alors sujet à des variations qui dépendent des taux d’intérêt actuels sur le marché, ainsi que de la solvabilité de l’émetteur.

Il existe différents types d’obligations :

  • Les obligations d’entreprises (ou corporates), qui sont émises par des compagnies cherchant à financer leur développement.
  • Les obligations souveraines (ou gouvernementales), qui sont émises par des gouvernements afin de couvrir les dépenses publiques.
  • Les obligations municipales, émises par les municipalités qui financent des infrastructures ou des services publics. Ce type d’obligations se rencontre principalement aux États-Unis.
  • Les obligations convertibles, qui offrent la possibilité à leurs détenteurs de les convertir en actions de l’entreprise émettrice, à un prix prédéterminé.
  • Les obligations à zéro coupon, qui ne versent pas d’intérêts mais qui sont émises à un prix inférieur à leur valeur faciale.
  • Les obligations indexées sur l’inflation, qui s’ajustent pour suivre l’évolution des prix.

Les obligations ont leur propre jargon, dont voici les principaux termes :

  • Le coupon : l’intérêt versé par une obligation.
  • L’échéance (ou maturité) : la durée de vie d’une obligation.
  • Le principal : le montant qui sera remboursé à l’échéance de l’obligation.

Le fonctionnement des obligations

Rien ne vaut un petit exemple pour comprendre le fonctionnement des obligations.

Imaginons une entreprise qui émet des obligations pour financer un projet de développement spécifique. Elle propose des obligations au prix de 1 000 € l’unité, avec un intérêt annuel de 4 % et pour une durée de 10 ans.

Ainsi, un investisseur qui fait l’acquisition d’une obligation de 1 000 € touchera 40 euros d’intérêts annuels. Puis, à l’issue des 10 ans, l’obligation sera remboursée et il se verra restituer son investissement initial de 1 000 €.

Il aura donc gagné 40 € x 10 ans = 400 €. Évidemment, c’est dans le cas où tout se passe bien, car il peut y avoir un risque de défaut, si l’émetteur de l’obligation n’est plus solvable au moment du remboursement.

La probabilité qu’une obligation soit bien remboursée est évaluée par les agences de notation (Standard & Poor’s, Moody’s…), qui attribuent des scores basés sur la capacité de l’émetteur à rembourser sa dette.

Des notes élevées sont indicatives d’une plus grande sécurité et d’un risque réduit de défaillance. Ainsi, les obligations les plus sûres sont notées AAA, les plus risquées C.

Plus une obligation est risquée, plus son taux d’intérêt sera élevé, car les investisseurs exigent une compensation pour la prise de risque supplémentaire.

Le risque dépend non seulement de la solvabilité de l’émetteur, mais aussi de l’échéance de l’obligation. Une obligation émise pour une durée de 3 ans sera considérée comme moins risquée qu’une obligation émise sur 20 ans (beaucoup de plus de choses peuvent se passer jusqu’au remboursement).

Ainsi, les obligations à long terme offrent généralement un taux d’intérêt supérieur à celles à court terme, pour récompenser le risque supplémentaire.

Comme pour tout investissement, le rendement des obligations est corrélé avec leur risque. Ainsi, une obligation suisse rapportera un taux d’intérêt inférieur à celui d’une obligation argentine, car la prise de risque n’est pas du tout la même.

Les avantages des obligations

Pour un investisseur, les obligations offrent un rendement régulier et prévisible (les obligations à taux variable sont rares). Aux États-Unis, les obligations sont aussi appelées « fixed income », décrivant bien le fait qu’elles distribuent un revenu fixe et régulier.

Elles constituent ainsi un complément idéal aux actions, qui ne sont ni régulières, ni prévisibles. Par conséquent, les obligations sont considérées comme étant moins risquées que les actions.

Elles sont donc l’un des constituants de base du portefeuille d’un investisseur défensif, souhaitant limiter les risques et avoir une certaine prévisibilité de ses revenus.

De l’autre côté, pour un emprunteur, émettre des obligations est parfois plus facile qu’obtenir un crédit auprès des banques, qui peuvent ne pas vouloir prêter, par moment, ou exigent un taux d’intérêt trop élevé.

Les risques des obligations

Comme tout type d’investissement, les obligations comportent des risques. Bien que moindres que ceux des actions, ils n’en sont pas moins réels. Certains sont également spécifiques aux obligations :

  • Risque de défaut : le risque que l’investisseur ne soit pas remboursé, car l’émetteur de l’obligation est insolvable. On dit dans ce cas qu’il fait défaut sur sa dette.
  • Risque de taux : des changements dans les taux d’intérêts fixés par les banques centrales affectent la valeur des obligations. Lorsque les taux montent, les obligations chutent, proportionnellement à leur maturité (j’en reparlerai plus bas).
  • Risque de liquidité : certaines obligations peuvent être peu liquides, ce qui signifie qu’elles ne pourront pas être revendues facilement, ce qui peut forcer un investisseur à les conserver jusqu’à leur échéance.
  • Risque de change : si une obligation a été émise dans une autre devise que celle de l’investisseur, alors il y a un risque de variation du change entre les devises.
  • Risque d’inflation : si le taux d’intérêt d’une obligation est inférieur à l’inflation, alors son rendement réel net d’inflation sera négatif.
  • Risque de marché : en cas de crise économique, les entreprises en difficultés pourront voir la valeur de leurs obligations plonger, reflétant un risque de non-remboursement.

Toutefois, certains de ces risques peuvent être tempérés :

  • Investir dans un fonds obligataire coté pour diluer le risque de défaut par la diversification, et troquer la faible liquidité d’une obligation individuelle contre la bonne liquidité d’un fonds.
  • Cibler les obligations les mieux notées pour diminuer le risque de défaut.
  • Éviter d’aller sur des maturités trop longues pour réduire le risque de taux.
  • Investir dans des obligations libellées dans sa devise de référence, pour éviter le risque de change.
  • Investir dans des obligations souveraines (d’état) plutôt que dans des obligations d’entreprises, pour limiter l’exposition aux crises économiques.

Les obligations, une valeur refuge

Les obligations sont une classe d’actif différente de celle des actions, comme nous l’avons vu.

Leur évolution n’est la plupart du temps pas ou peu corrélée avec les actions. Cela veut dire qu’elles ne vont pas monter ou chuter en même temps, permettant ainsi une diversification efficace.

Mieux, les obligations sont considérées comme une valeur refuge en temps de crise, au même titre que l’or. C’est particulièrement vrai pour les obligations d’état des pays développés, car leur risque de défaut est extrêmement faible.

Lors d’une crise, il est beaucoup plus risqué de détenir des obligations d’entreprises pouvant être en difficulté, que des obligations gouvernementales, dont le risque de faillite est faible, et qui distribuent un rendement annuel avec la régularité d’un métronome.

En cas de besoin, un état peut imprimer de la monnaie, via sa banque centrale, ou la dévaluer, pour faire face à ses engagements. Si cela engendre des conséquences à long terme, notamment en termes d’inflation, cela réduit le risque de non-remboursement à court terme.

Si les obligations sont considérées comme des valeurs refuges, c’est parce que l’on observe souvent un phénomène appelé « flight to quality », ou « déplacement vers la qualité », lors des crises.

Concrètement, lors d’une crise, une partie de l’argent investi dans les actions, ou d’autres actifs risqués, qui sont alors en forte baisse, se déplace vers les obligations, considérées comme plus sûres par les investisseurs.

Le « flight to quality » entraîne une hausse des obligations, par l’augmentation de leur demande. Il a pu être observé lors de différentes crises.

Lors de la crise de 2008, lorsque les actions ont perdu 50 % de leur valeur, les obligations étaient en hausse de 20 % depuis le début de la crise.

Flight to quality - rôle des obligations lors de la crise de 2008

Lors de l’explosion de la bulle Internet, les actions ont perdu jusqu’à – 55 % de leur valeur, tandis qu’au même moment, les obligations étaient en hausse de 3 %.

Flight to quality - rôle des obligations lors de l'explosion de la bulle internet

Le « flight to quality » met parfois un peu de temps à se mettre en place, car en début de crise, les spéculateurs subissent des appels de marge : ils doivent renflouer leur compte de trading, sous peine de voir leurs positions être clôturées automatiquement.

Pour trouver des liquidités, ils sont alors obligés de vendre d’autres actifs à leur disposition, qui ne sont alors pas à risque : des obligations, des fonds monétaires (obligations à très court terme), voire de l’or. La vente de ces actifs peut entraîner une baisse de leur valeur.

Il est donc possible de voir les obligations commencer par chuter en début de crise, avant de se rétablir rapidement et d’observer un effet « flight to quality ».

Lors de l’effondrement éclair d’octobre 1987, les actions américaines ont perdu 30 % de leur valeur, tandis que les obligations étaient en très léger gain au plus bas du krach (le 19 octobre 1987).

Flight to quality - rôle des obligations lors du krach d'octobre 1987

Toutefois, la chute a été très courte, et lorsque le « flight to quality » a produit son effet, la chute des actions était déjà terminée. Les obligations ont joué leur rôle de valeur refuge, et instauré l’expression « flight to quality ».

Enfin, un exemple plus récent : en mars 2020, lorsque les actions étaient en perte de – 30 % depuis début janvier, les obligations affichaient une hausse de presque 5 %.

Flight to quality - rôle des obligations lors de la crise de 2020

Il s’agissait là aussi d’un effondrement impressionnant par sa rapidité (la vitesse de la chute était similaire à celle de la crise de 1929, la plus grande jamais observée), suivie par une remontée quasiment aussi rapide.

L’exemple de différentes crises passées montre que les obligations ont un rôle de stabilisateur lorsque les actions sont fortement chahutées.

Comment utiliser les obligations pour réduire le risque d’un portefeuille

Sachant que les obligations affichent une bonne résistance face aux crises qui font plonger les actions, il est possible de les utiliser pour réduire les risques d’un portefeuille d’investissement.

Le mécanisme est assez simple : plus la proportion d’obligations dans un portefeuille est élevée, moins ce portefeuille sera volatil. Inversement, plus un portefeuille comporte une proportion élevée d’actions, plus il sera volatil.

On parle ici d’allocation d’actifs : la manière de répartir différents actifs dans un portefeuille.

Le tableau suivant représente le rendement moyen et la perte maximale mensuelle observée de différents portefeuilles allant d’une allocation à 100 % en obligations, jusqu’à une allocation à 100 % en actions, en passant par des tranches intermédiaires incluant chacune 20 % d’actions en plus.

1985-2022100 % Oblig.80 / 2060 / 4040 / 6020 / 80100 % Actions
Rendement moyen4,5 %5,3 %6,1 %6,9 %7,7 %8,5 %
Perte maximale– 17,7 %– 16,4 %– 23,9 %– 34,4 %– 44,4 %– 53,9 %

L’indice obligataire utilisé est le FTSE World Government Bond, l’indice d’actions est le MSCI World. Les données remontent jusqu’en 1985, soit une période suffisamment longue pour être représentative.

Le tableau permet de constater qu’un portefeuille d’actions est à la fois bien plus performant et bien plus risqué qu’un portefeuille d’obligations, et qu’il est possible de définir de manière assez fine le niveau de risque (et de rendement) auquel on souhaite s’exposer.

À titre d’exemple, le graphique suivant illustre l’évolution comparée de 3 portefeuilles très différents en termes de répartition (d’allocation d’actifs) :

  • Portefeuille 1 : 80 % d’obligations / 20 % d’actions
  • Portefeuille 2 : 20 % d’obligations / 80 % d’actions
  • Portefeuille 3 : 50 % d’obligations / 50 % d’actions
évolution comparée de 3 portefeuilles comportant différents pourcentages d'obligations

Le portefeuille comportant 80 % d’obligations obtient l’évolution la plus régulière (il est moins volatil), mais c’est celui qui obtient la moins bonne performance au bout du compte.

Inversement, le portefeuille comportant 80 % d’actions s’avère être le plus performant, mais c’est aussi celui qui a été le plus chahuté par les crises (2000-2002, 2007-2008, 2020).

Davantage que le choix du type d’actions et d’obligations, c’est l’allocation d’actifs, le pourcentage de chaque classe d’actifs dans votre portefeuille, qui sera en premier responsable du rendement / risque obtenu.

Le choix du type d’actions et d’obligations est lui aussi important, mais dans une moindre mesure.

Lorsque les obligations ne jouent plus leur rôle

L’investissement n’est pas une science exacte. Dans certaines situations, il peut arriver que les obligations ne remplissent pas leur rôle d’amortisseur face aux crises.

C’est notamment arrivé en 2022, année lors de laquelle les actions ont chuté de 13 %, et où les obligations ont également chuté, de 14 % en moyenne.

Cette chute s’est avérée encore plus forte pour les obligations à long terme : – 27 % pour les obligations américaines de 20 ans, – 41 % pour les obligations européennes de 25 ans ! Pour ces dernières, on parle d’un séisme équivalent à la crise de 2008 pour les actions.

En 2022, un portefeuille traditionnellement équilibré composé de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations ne s’est pas révélé moins risqué qu’un portefeuille composé de 100 % d’actions.

Historiquement, 2022 s’est d’ailleurs révélé être la deuxième pire année pour les portefeuilles 60/40, tant en Europe qu’aux États-Unis, juste derrière 2008.

Evolution historique portefeuille 60/40 actions obligations en Europe
Source : https://curvo.eu/backtest/
Evolution historique portefeuille 60% actions / 40 % obligations aux Etats-Unis
Source : https://www.portfoliovisualizer.com/

Par extension, tous les portefeuilles contenant une forte proportion d’obligations, notamment à long terme, tels que le portefeuille All Weather de Ray Dalio, ont particulièrement souffert.

Que s’est-il passé ? Pourquoi les obligations n’ont pas joué leur rôle en contenant la chute des actions ? Pourquoi les obligations européennes ont-elles davantage chuté que dans d’autres pays ? La réponse tient en quelques mots : inflation et hausse des taux.

En voie de disparition depuis de nombreuses années, l’inflation a fait son grand retour suite à la guerre en Ukraine, à la hausse du coût de l’énergie et des matières premières, aux difficultés rencontrées par la chaîne d’approvisionnement et à l’impression monétaire réalisée pour contenir la crise du Covid.

Pour lutter contre l’inflation, les banques centrales réagissent toujours de la même manière : elles augmentent les taux d’intérêts pour ralentir la demande, et par ricochet l’économie.

Le retour brutal de l’inflation a ainsi entraîné la hausse tout aussi rapide et brutale des taux d’intérêts.

Dans la Zone Euro, ils sont passés de -0,5 % en juin 2022 (les taux étaient négatifs) à 4,5 % en septembre 2023. Aux États-Unis, ils sont passés de 0,25 % en mars 2022 à 5,5 % en juillet 2023. Cela représente une hausse de 5 % ou plus, ce qui est considérable pour une période d’à peine plus d’un an.

Evolution taux directeurs banque centrale européenne (remontée historique des taux 2022)

Or, comme nous l’avons vu au début de l’article, les obligations sont très sensibles aux taux d’intérêts.

Comment les taux d’intérêt impactent les obligations

Lorsque les taux montent, les nouvelles obligations sont émises avec un rendement plus intéressant que les obligations existantes, ce qui fait chuter la valeur de ces dernières (et inversement lorsque les taux baissent).

Relation inverse entre prix des obligations et taux d'intérêts

Voici un petit exemple pour comprendre comment les mouvements des taux affectent les obligations.

Imaginons que vous possédez une obligation d’une valeur de 1 000 euros, courant sur 10 ans et générant un taux d’intérêt de 0,5 %. Chaque année, elle vous rapporte 5 € (oui, ce n’est pas beaucoup lorsque les taux sont faibles).

Maintenant, imaginons que les taux passent soudainement de 0,5 % à 5 % (en réalité, les taux monteraient par paliers successifs, mais c’est pour l’exemple). Cela veut dire que de nouvelles obligations sont émises à un taux bien plus rémunérateur : à 5 %, elles rapportent 50 € par an.

Allez-vous conserver votre obligation, qui vous rapportera 5 € par an pendant 10 ans, alors qu’on trouve désormais des obligations, au même prix, qui rapporteront 50 € par an ?

Probablement pas. Sauf que pour vous en séparer, il vous faut trouver un acheteur. Or, qui voudra acheter votre obligation, sachant qu’elle lui rapportera 10 fois moins que les nouvelles obligations ?

La réponse tient en l’ajustement des prix : votre acheteur voudra bien vous acheter votre obligation, si elle lui rapporte autant qu’une obligation à 5 %. Il vous faudra donc baisser le prix de votre obligation, pour qu’elle puisse lui rapporter autant.

En achetant votre obligation à son prix d’origine (1 000 €), votre acheteur subirait un manque à gagner de 45 € par an pendant 10 ans (jusqu’à ce que l’obligation arrive à échéance), soit 450 € en tout.

Pour qu’il accepte d’acheter votre obligation, il vous faudra donc lui vendre 550 €. Il gagnera ainsi 5 € x 10 ans = 50 € d’intérêts (rien ne change ici), plus le remboursement du principal de 1 000 € dans 10 ans, soit au total 1 000 € (remboursement à venir) – 550 € (prix d’achat) + 50 € (intérêts gagnés) = 500 €.

S’il devait acheter une nouvelle obligation à 5 %, il gagnerait un montant identique : 50 € x 10 ans = 500 €. En achetant votre obligation 550 €, il n’est donc pas lésé.

Votre obligation, dont le prix de marché est passé de 1 000 € à 550 €, n’a fait que s’ajuster au nouveau taux d’intérêt. Vous avez perdu 450 € (hors intérêts) dans l’affaire.

Bien sûr, vous pouvez décider de conserver votre obligation jusqu’à son échéance, mais avec un taux à 0,5 %, vous subirez un manque à gagner identique (450 €) par rapport aux détenteurs d’obligations à 5 %.

Si les taux étaient passés de 0,5 % à 1 % seulement, le manque à gagner des anciennes obligations ne serait que de 5 € par an. La valeur des anciennes obligations ne devrait alors chuter que de 50 € (soit 950 €), pour s’ajuster au nouveau taux d’intérêt.

Plus le changement de taux d’intérêt est fort, plus cela fait varier le prix des obligations.

Maintenant, imaginons une même hausse de taux pour des obligations de différentes maturités. Nous venons de le voir, une obligation de 10 ans perdra 5 % de sa valeur si les taux augmentent de 0,5 %.

Mais qu’en est-il d’une obligation de 25 ans ? Le manque à gagner s’étale sur une durée plus longue, qu’il faut prendre en compte. Il sera de 5 € x 25 = 125 €. Une obligation de 0,5 % sur 25 ans devra donc voir son prix baisser de 125 € (soit 12,5 %), pour s’établir à 875 €, afin de s’ajuster au nouveau taux de 1 %.

Vérifions : achetée 875 €, notre obligation génère toujours 5 € x 25 ans = 125 €, et à cela s’ajoute le gain sur le remboursement (1000 € – 875 € = 125 €), soit un rendement total de 250 €. Par comparaison, une nouvelle obligation sur 25 ans rapportant 1 % aura un rendement total de 10 € x 25 ans = 250 €. Le compte est bon.

Maintenant, voici un dernier exemple, dans un scénario de baisse des taux, cette fois. Car, si les obligations chutent lorsque les taux montent, l’inverse est tout aussi vrai.

Cette fois, vous possédez une obligation de 1 000 €, qui rapporte 5 %, soit 50 € par an. Les taux passent soudainement à 2 %, quel est le nouveau prix de votre obligation ?

Sachant que le taux rémunérateur des obligations émises n’est plus que de 2 %, votre obligation qui rapporte 5 % possède davantage de valeur sur le marché.

Si vous la détenez pendant 10 ans, vous obtiendrez un meilleur rendement, supérieur de 30 € x 10 = 300 €, par rapport aux obligations à 2 %.

Votre obligation vaut donc désormais 1 300 €. Cela signifie que vous pouvez la vendre à ce prix-là et trouver un acheteur qui acceptera de l’acheter.

Pourquoi ? Parce que même en la payant plus cher, il ne sera pas lésé. En achetant votre obligation 1 300 €, il subira un manque à gagner de 300 € dans 10 ans (car seulement 1 000 € lui seront remboursés : la valeur du principal n’a pas changé), mais qui sera compensé par l’intérêt de 5 %, qui lui rapportera 500 €.

L’un dans l’autre, votre obligation lui rapportera 200 €, soit exactement le rendement des obligations émises au nouveau taux de 2 %. Qu’il achète votre obligation à 5 % avec une majoration ou une obligation émise au nouveau taux de 2 %, ce sera identique pour lui.

Dans cet exemple, les taux ont chuté de 3 %, et le prix de votre obligation a augmenté de 30 %.

Nous pouvons donc tirer trois enseignements :

  • Plus la hausse des taux est importante, plus la valeur des obligations devra baisser pour s’ajuster.
  • Plus une obligation a une longue échéance, plus sa valeur variera fortement pour s’ajuster.
  • Inversement, si les taux baissent, les obligations prendront de la valeur pour s’ajuster.

L’impact à long terme des changements de taux d’intérêt

La chute observée des obligations en 2022 puis 2023 n’est donc que la conséquence de leur ajustement au nouveau taux d’intérêt en vigueur.

La variation des taux d’intérêt est un catalyseur immédiat pour les obligations. Dans ce cas précis, la hausse des taux a pris le pas sur le « flight to quality » qui se produit généralement lorsque les actions chutent.

Si les obligations européennes ont davantage chuté que leurs homologues américaines ou celles d’autres pays développés, c’est tout simplement parce qu’une hausse des taux fait d’autant plus chuter les obligations que le taux de départ est bas. Or, il était très bas dans la Zone Euro (-0,5 %). Ce phénomène est lié à la convexité des obligations (que vous n’avez pas besoin de comprendre pour investir dans les obligations).

La chute spectaculaire des obligations européennes suite à la hausse des taux est donc à mettre en balance avec leur hausse tout aussi spectaculaire (+42 % pour les obligations à long terme) entre 2019 et 2021, qui était liée à une précédente baisse des taux.

Hausse des obligations suite à la baisse des taux

Si on annule les mouvements de taux, ou que l’on raisonne à taux constant, la performance des obligations correspondra à peu près à leur rendement, c’est-à-dire à leur coupon (intérêt). Par exemple, une obligation dont le coupon rémunère à 3 %, devrait performer à hauteur de 3 % par an, à taux constant et si l’équilibre offre/demande reste stable.

Les variations de taux ne devraient donc pas préoccuper les investisseurs sur le long terme. Une période de hausse des taux, douloureuse pour les obligations, ne remet donc pas en cause leur rôle ni leur place parmi les actifs dans lesquels investir.

La bonne nouvelle, c’est que les crises lors desquelles les taux remontent en flèche sont rares. La plupart du temps, c’est l’inverse qui se produit : en période de crise, les banques centrales abaissent les taux pour relancer l’économie, ce qui booste les obligations.

Comme les taux sont remontés à un niveau relativement élevé (4,5 % en Europe et 5,5 % aux États-Unis), la prochaine hausse de taux similaire n’est probablement pas prête de se produire, pour trois raisons :

  • La hausse des taux freine l’inflation. Une fois maîtrisée, il n’est plus nécessaire d’augmenter les taux.
  • La hausse des taux a tendance à ralentir l’économie, parce que les entreprises comme les particuliers n’arrivent plus à emprunter pour réaliser de nouveaux projets. Pour un gouvernement, trop ralentir son économie finit par causer des problèmes (du chômage, notamment).
  • Les pays développés sont très endettés. Qui dit hausse des taux dit hausse de la charge de la dette (les intérêts d’emprunt), qui vient s’imputer au budget de l’État. Le risque est alors d’avoir moins de moyens pour soutenir une économie au ralenti.

C’est un jeu d’équilibre : les banques centrales montent donc suffisamment les taux pour juguler l’inflation, mais pas trop pour ne pas s’étrangler financièrement.

La seconde bonne nouvelle est que si à court terme, la hausse des taux fait chuter les obligations, sur le long terme, elle augmente leur potentiel de hausse.

Dans l’exemple suivant, on peut constater que suite à une hausse des taux (de 4 à 6 %), une obligation commence par chuter (pour se réajuster au nouveau taux), avant d’entamer une hausse à un rythme plus soutenu (grâce à un meilleur taux d’intérêt), jusqu’à rattraper et dépasser en valeur un scénario dans lequel les taux n’auraient pas changé.

Estimation prix obligation selon la variation des taux d'intérêt

C’est logique : une obligation est un contrat inerte, qui ne produit pas directement de richesse, contrairement aux entreprises, dont la création de valeur se retrouve dans la hausse des actions. La performance d’une obligation (hors mouvement de taux) dépend ainsi principalement du taux d’intérêt qu’elle distribue. Or, avec des taux actuels de 4,5 %, les obligations ont actuellement un potentiel de performance bien supérieur à ce qu’il était début 2022, lorsque les taux étaient au plus bas.

Le retour à des taux d’intérêts un peu plus « normaux » d’après les moyennes historiques est donc une bonne nouvelle pour les obligations (peut-être un peu moins pour les actions, car leur prime de risque s’en trouve diminuée).

Pour conclure cette partie, les cas de figure où les obligations ne jouent plus leur rôle, s’ils peuvent survenir, comme nous l’avons vu, restent rares. De plus, ils ne changent pas pour autant les règles du jeu : dans la grande majorité des cas, un portefeuille contenant des obligations souffrira moins lors des crises qu’un portefeuille constitué de 100 % d’actions.

Il suffit de revenir au tableau d’allocation d’actifs vu plus-haut pour s’en rendre compte. Les obligations ont donc toujours une utilité et un rôle à jouer pour les investisseurs qui souhaitent maîtriser et adapter le niveau de risque de leur portefeuille.

Comment investir dans les obligations

Il est possible d’acheter des obligations individuelles, à l’unité. Par exemple, voici une OAT (Obligation Assimilable du Trésor) émise en 2005 et à échéance 2038, générant un coupon de 4 % par an.

L’obligation pourra alors soit être conservée jusqu’à son échéance, soit être revendue sur le marché secondaire. Voici l’évolution du prix de marché de cette obligation depuis son émission (il ne prend pas en compte les coupons, distribués par ailleurs).

Evolution du prix de marché d'une obligation

Il est aussi parfois possible d’investir dans des obligations sans le savoir ni sans le rechercher spécifiquement. Le principal exemple est les fonds en euros, qui sont très majoritairement constitués d’obligations, avec une légère touche d’action et d’immobiliers.

Composition du fonds en euros Suravenir Opportunités 2
Composition du fonds en euros Suravenir Opportunités 2. Source : www.linxea.com

C’est aussi le cas du crowdfunding immobilier, où le financement se fait via des obligations non cotées (et donc très peu liquides).

Pour éviter ce problème de liquidité, et afin d’obtenir un portefeuille diversifié, des fonds obligataires réunissant des paniers d’obligations similaires ont été créés. Ils permettent d’investir dans un grand nombre d’obligations, avec un ticket d’entrée assez faible, correspondant à la valeur de la part du fonds. Voici les 10 premières lignes composant un fonds obligataire qui comporte une soixantaine d’obligations :

Composition d'un fonds ETF obligataire

On peut voir qu’il comprend des obligations de différents pays, ayant différentes maturités et distribuant chacune un coupon différent (de 0 à 6 %).

Les fonds obligataires permettent, outre une grande diversification, de ne pas avoir à racheter des obligations individuelles lorsqu’elles arrivent à échéance, car ils renouvellent régulièrement leur « panier » d’obligations.

Comme pour les actions, les ETF (trackers) obligataires ont un net avantage sur les fonds communs de placement (fonds actifs), du fait de leurs très faibles frais de gestion. Il n’est pas rare de trouver des ETF obligataires dont les frais sont de 0,1 % ou 0,15 %.

Et comme pour les actions également, la gestion passive et indicielle bat la gestion active. C’est ce que démontre continuellement l’étude SPIVA (consacrée en grande partie aux actions, mais dans laquelle la performance des fonds obligataires est aussi analysée).

Généralement, les fonds obligataires sont classés par :

  • Type d’obligations : d’état ou d’entreprise
  • Maturité : certains fonds contiennent des obligations à court terme, d’autres à moyen ou à long terme.
  • Niveau de risque : des obligations de qualité « investment grade » des pays développés aux obligations « high yield » des entreprises privées ou des pays émergents.

On peut trouver des fonds obligataires dans tous les types de compte : assurance vie, plan d’épargne-retraite (PER), compte-titres ordinaire (CTO), et même dans un PEA (à l’origine pourtant uniquement destiné aux actions).

Fiscalité des obligations

Le coupon (intérêt) délivré par les obligations est taxé, au même titre que les dividendes provenant des actions. De même, les plus-values réalisées sur les fonds obligataires sont taxées, comme les plus-values sur actions.

Pour éviter d’être imposé (en reportant l’imposition), il existe deux possibilités :

  • Investir dans une enveloppe fiscale qui ne taxe pas les gains tant qu’il n’y a pas de retraits (l’assurance vie, le PEA, le PER). Cela permet de reporter l’imposition durant de nombreuses années, idéal pour les investisseurs à long terme.
  • Investir dans un fonds obligataire national qui capitalise (réinvestit) les coupons au lieu de les distribuer. Pour les obligations de source étrangère, un prélèvement à la source est souvent effectué au niveau du fonds, de sorte que le coupon délivré (qu’il soit distribué ou capitalisé) est net d’imposition étrangère.

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