Investir en bourse tout en ayant une stratégie d’investissement socialement responsable est tout à fait compatible. Il s’agit même de l’un des placements les plus simples à rendre éthiques car le portefeuille que l’on va se créer peut être entièrement maîtrisé.
Camille Prigent, fondatrice d’Investir éthique, revient dans cet article invité sur les principes fondateurs de l’investissement socialement responsable.
La bourse est souvent décriée comme un placement spéculatif et déconnecté de l’économie réelle. Pourtant, il s’agit d’un des investissements qui offre le plus de pistes responsables. Mais avant de se pencher sur le « comment », intéressons-nous d’abord au « quoi ».
Les critères ESG
Chaque investisseur peut avoir sa propre définition de ce qui est éthique ou responsable. Mais il existe un consensus sur les principes fondateurs : les critères ESG, c’est-à-dire environnementaux, sociaux et de gouvernance.
- Le critère environnemental englobe par exemple les émissions de carbone de l’entreprise, sa gestion des déchets et de l’eau ou encore son impact sur la biodiversité.
- Le critère social concerne le taux d’accidents du travail, de turnover ou, par exemple, les politiques d’inclusion et de diversité de l’entreprise.
- Enfin, la gouvernance peut englober la politique anti-corruption, la fraude fiscale, l’indépendance des administrateurs du conseil ou la présence de femmes à des postes-clés de la société. Ce sont, en bref, les critères extra-financiers.
Fin 2022, l’encours des fonds qui sont gérés en prenant en compte ces critères était de 2 240 milliards d’euros, selon les chiffres de l’Association Française de la Gestion financière (AFG). Cela représente 53% de l’encours total des OPC (Organismes de Placements Collectifs) domiciliés en France.
Les fonds d’investissement socialement responsables
Les critères ESG sont aujourd’hui utilisés par la grande majorité des professionnels de l’investissement et notamment par les sociétés de gestion qui gèrent des fonds cotés. Elles sont obligées de prendre en compte ces critères si elles veulent obtenir certains labels, comme le label ISR pour Investissement Socialement Responsable. Créé en 2015 par le ministère des Finances, il s’agit du principal label français.
Un peu plus de 230 fonds sont aujourd’hui labellisés, ce qui garantit qu’ils prennent bien en compte les critères extra-financiers dans leurs décisions d’investissement.
Un autre label existe, également porté par l’État : il s’agit du label Greenfin. Celui-ci a une approche différente puisque seuls huit secteurs d’activité sont concernés, parmi lesquels l’énergie, le bâtiment, le transport propre, l’agriculture et la forêt ou encore la gestion des déchets.
Le nucléaire ou encore les énergies fossiles sont quant à elles exclues de ce label, qui conviendra donc mieux aux investisseurs pour qui les énergies propres sont une priorité. Une trentaine de fonds sont aujourd’hui labellisés.
Parmi les fonds responsables, les ETF (aussi appelés trackers), sont aussi de plus en plus nombreux à avoir des approches responsables. Appliquant des frais moins importants que les fonds dits actifs, ils représentent une solution idéale pour ceux qui veulent placer leur épargne en bourse à moindre coût, et sans avoir à s’en occuper au quotidien.
Investir éthique a mis au point un comparateur d’ETF permettant de trouver le fonds qui correspond le mieux à sa stratégie d’investissement. Les 165 ETF référencés sont aussi notés en fonction de trois critères :
- La prise en compte des critères ESG
- La politique d’exclusion sectorielle du fonds
- La présence d’entreprises controversées
Par exemple, le fonds BNP Paribas Easy MSCI Europe SRI a obtenu la note maximale concernant la prise en compte des critères ESG, la note de 2/3 pour sa politique d’exclusion, qui inclut les très classiques secteurs du nucléaire, du tabac, de l’alcool, des jeux de hasard, etc., et la note minimale de 1/3 pour la présence d’entreprises controversées.
Parmi les entreprises qui pèsent le plus lourd dans ce fonds, on retrouve en effet des groupes comme le laboratoire pharmaceutique Roche (la deuxième plus grande capitalisation boursière européenne), qui a été l’objet de plusieurs enquêtes pour des pratiques non éthiques (empêcher le développement de médicaments génériques, minimiser les effets secondaires de certains médicaments…).
On retrouve également Total (9ème capitalisation boursière en Europe), groupe pétrolier par nature pollueur, également régulièrement au cœur de polémiques.
Cet aparté sur les ETF nous permet d’aborder deux limites de ces fonds :
- Une approche responsable n’empêche pas la présence d’entreprises non éthiques dans les portefeuilles, d’où l’intérêt du prochain paragraphe sur l’investissement en actions.
- L’éligibilité au Plan d’Épargne en Actions (PEA). Si l’ETF cité plus haut est éligible au PEA, c’est loin d’être le cas de tous les fonds responsables, en particulier lorsqu’ils sont étrangers, et bien sûr, lorsqu’ils sont investis sur des zones géographiques spécifiques en dehors de l’Europe.
Les actions responsables
Ceci vaut donc pour les fonds d’investissement. Mais investir de façon socialement responsable en actions est aussi possible. Les entreprises cotées ont une obligation légale de publier un rapport de responsabilité sociale d’entreprise qui donne grosso modo les informations extra-financières citées plus haut.
Bien sûr, tous les secteurs d’activité ne sont pas égaux : les accidents du travail seront plus fréquents chez un constructeur automobile que dans une banque, et une entreprise de conseil polluera moins qu’un industriel.
Pour choisir une action, il peut donc être intéressant de comparer les performances de plusieurs entreprises d’un même secteur d’activité, comme un investisseur le ferait pour des performances financières.
Le rendement n’est en revanche pas décorrélé de l’attitude responsable d’une entreprise. Plusieurs études ont confirmé que l’investissement socialement responsable, au contraire, permettrait des rendements supérieurs à long terme.
Pourquoi ? Tout simplement parce que l’éthique permet d’éviter aux entreprises d’être exposées à certains risques d’exploitation ou de réputation (corruption, pollution, plans sociaux, travail des enfants, fraudes fiscales…), et donc d’enregistrer de meilleures performances sur le long terme.
Avoir une approche responsable permet aussi de ne pas être déstabilisé par de nouvelles réglementations contraignantes, ou un changement d’habitudes des consommateurs.
L’horizon d’investissement
Pour investir de manière socialement responsable en bourse, le long terme est bien entendu un critère important. D’abord parce que la spéculation n’est pas très éthique, mais aussi parce que sélectionner une entreprise ou un fonds en prenant en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, c’est lui faire confiance pour performer dans les années à venir.