Pourquoi les obligations indexées sur l’inflation chutent-elles alors que l’inflation est actuellement très forte ?
C’est la question que l’on peut se poser en voyant le comportement de certains ETF d’obligations indexées sur l’inflation.
Les Obligations Indexées sur l’Inflation (OII), ou TIPS (Treasury inflation-Protected Securities) sont une catégorie d’obligations un peu à part, car elles s’ajustent à l’inflation.
Mais alors, puisqu’elles sont censées suivre l’inflation, pourquoi chutent-elles alors que l’inflation est bien présente ?
Pour répondre à cette question, il faut d’abord revenir à ce que sont les obligations, et comment elles se comportent de manière générale.
Les obligations et le risque de taux
Les obligations sont des titres de dettes d’une entreprise ou d’un état, dans lesquels il est possible d’investir. Elles offrent un coupon annuel (l’intérêt du prêt), qui correspond à leur rendement.
Considérées comme moins volatiles que les actions, les obligations sont souvent utilisées pour diminuer le risque d’un portefeuille d’investissement.
Elles sont néanmoins soumises à un risque spécifique : le risque de variation des taux d’intérêt.
La mécanique est assez simple à comprendre :
- Lorsque les taux augmentent, les nouvelles obligations émises offrent un meilleur rendement que les obligations existantes. Ces dernières deviennent moins intéressantes, leur prix baisse.
- Lorsque les taux baissent, les nouvelles obligations qui sont émises offrent un moins rendement que les obligations existantes. Ces dernières deviennent plus intéressantes, leur prix augmente.
Une obligation est le plus souvent émise avec un taux qui reste inchangé jusqu’à son échéance. Si les taux évoluent durant son existence, elle peut gagner ou perdre en valeur. Voilà pourquoi les obligations réagissent aux variations de taux.
Il est possible de mesurer la sensibilité d’une obligation à un changement de taux d’intérêt : j’en parle dans l’article sur la convexité des obligations.
Il faut cependant noter que le risque de taux ne pose problème que si l’on ne conserve pas ses obligations jusqu’à leur terme. Dans le cas contraire, à l’échéance de l’obligation, celle-ci est remboursée à hauteur de sa valeur d’achat (soit le montant de l’investissement initial).
En revanche, si l’on revend une obligation avant son échéance, l’obligation verra son prix de vente fluctuer sur le marché secondaire, et sera donc soumise au risque de taux.
Étant donné que beaucoup d’investisseurs investissent dans les obligations via des ETF, qui ne conservent jamais les obligations jusqu’à leur terme, le risque de taux est bien réel pour les ETF obligataires.
L’intérêt des obligations indexées sur l’inflation
Mais alors quid des obligations indexées sur l’inflation ? Ces obligations sont avant tout assez récentes, on en trouve seulement depuis 20 ou 30 ans.
En cas de hausse de l’inflation, le principal (capital) de l’obligation augmente, afin que le rendement s’ajuste à la hausse de l’inflation.
Leur rendement est ainsi protégé en cas d’inflation, contrairement aux obligations classiques, dont le rendement est défini au départ, et ne change plus (le risque étant alors qu’elles délivrent un rendement inférieur à l’inflation).
Les obligations indexées sur l’inflation sont particulièrement utiles en cas d’inflation inattendue : en effet, une inflation prévue et attendue peut être intégrée dans le rendement des obligations classiques. Par exemple, une obligation classique délivrant un coupon annuel de 5 % permettra de couvrir une inflation de 4 % par an.
En revanche, une inflation inattendue laisse les obligations classiques sur le carreau, au profit des obligations indexées sur l’inflation.
Par exemple, supposons qu’une obligation classique ait été mise sur le marché avec un coupon de 2 %, dans une période où l’inflation est de 1 %. Supposons maintenant que l’inflation bondisse subitement à 10 % : le rendement réel net d’inflation de notre obligation devient négatif, à -8 %.
Imaginons à présent le même scénario avec une obligation indexée sur l’inflation : son coupon est de 1 %. Tant que l’inflation reste à 1 %, notre obligation indexée sur l’inflation est moins intéressante que l’obligation classique, qui délivre 2 % par an.
Mais lorsque l’inflation bondit à 10 %, notre obligation sur l’inflation voit son principal s’ajuster pour délivrer un rendement de 10 %. Son rendement net d’inflation est protégé, contrairement à l’obligation classique.
Mais alors, pourquoi les obligations indexées sur l’inflation chutent-elles ?
Pourquoi les obligations indexées sur l’inflation chutent en période d’inflation
Les prévisions d’inflation jouent sur le prix des OII. Une anticipation de forte inflation de la part des investisseurs peut donc faire monter leur prix à un niveau qui intègre déjà l’inflation qui se manifestera. C’est un premier paramètre.
Ensuite, les obligations vendues avant leur échéance (c’est le cas avec les ETF obligataires) voient leur valeur fluctuer, car les obligations indexées sur l’inflation sont des obligations avant tout.
Même si leur principal peut d’ajuster à l’inflation, il n’est obtenu qu’à l’échéance de l’obligation. Entre temps, si les taux augmentent, leur valeur va baisser, de façon plus ou moins prononcée (selon leur sensibilité au risque de taux, définie par leur duration).
Ainsi, les obligations à court terme sont moins sensibles aux variations de taux que les obligations à long terme, parce que leur rendement indexé sur l’inflation impact davantage leur rendement total (valeur + rendement). C’est d’ailleurs autant le cas pour les obligations classiques que pour celles indexées sur l’inflation.
Finalement, seul le rendement d’une obligation indexée sur l’inflation est protégé contre l’inflation, et non son prix.
Les OII ne sont donc pas la meilleure protection possible lorsqu’une inflation soudaine entraîne une hausse rapide des taux (mis à part les OII à court terme, peu sensibles à une hausse des taux).
Détenues dans un ETF, elles verront leur valeur chuter (bien que leur rendement augmentera à terme).
Des obligations qui montent avec l’inflation ?
Si les obligations indexées sur l’inflation peuvent souffrir en période d’inflation, elles n’en restent pas moins utiles en période d’inflation inattendue.
Mais lorsque l’inflation est prévisible (et visible), les banques centrales s’adaptent et montent les taux pour freiner l’inflation, ce qui fait chuter les obligations (les classiques comme les OII).
Pour remédier à ce problème, certains ETF obligataires ont été conçus pour bien répondre à une inflation attendue : les ETF « inflation expectation ».
Ces ETF spécifiques ont été conçus pour mieux répondre à une inflation accompagnée d’une forte hausse des taux. Ils ont ainsi tendance à prendre de la valeur en cas d’inflation (et de hausse des taux), contrairement aux obligations classiques et aux OII.
Concrètement, ces ETF sont composés pour moitié d’obligations indexées sur l’inflation, afin de protéger leur rendement, et de positions courtes (c’est-à-dire inverses) sur des obligations classiques.
Cela leur permet de voir leur prix monter tandis que celui des obligations classiques chute, frappé par la hausse des taux. Ainsi, ils peuvent bien réagir aux périodes inflationnistes, accompagnées d’une hausse des taux, en étant inversement corrélés aux obligations classiques.
Les obligations indexées sur l’inflation n’offrent donc pas une protection à toute épreuve face à l’inflation. Leur valeur, qui dépend des variations de taux et des prévisions d’inflation des investisseurs, n’est pas garantie.
D’autres actifs semblent par ailleurs plus à même de protéger un portefeuille face à l’inflation.
Les OII constituent simplement un moyen de diversifier son portefeuille, tout en offrant une protection limitée en période d’inflation.
Par conséquent, leur présence dans un portefeuille d’investissement n’est pas indispensable.