Le vrai problème derrière le mouvement FIRE

Le problème du mouvement FIRE

Quel est le problème avec le mouvement FIRE ? Dans un précédent article, j’ai partagé mon avis sur la méthode FIRE, en montrant qu’elle ne pouvait pas être démocratisée, car elle n’est mathématiquement pas applicable pour la plupart des gens.

En effet, la méthode FIRE, qui montre comment partir très tôt à la retraite, nécessite d’avoir une très forte capacité d’épargne. Or, la plupart des gens ne gagnent pas assez pour pouvoir épargner autant qu’il est nécessaire.

Sa démocratisation est donc utopique, car elle ne peut fonctionner que pour une minorité de personnes.

Dans cet article, je propose de sortir des maths de la finance, et de considérer le mouvement FIRE sous un autre angle. Parce que derrière les calculs, il y a aussi un problème de société et d’objectifs.

Autant vous prévenir, l’investissement n’est pas le sujet principal ici, mais simplement une toile de fond !

La raison d’être du mouvement FIRE

Aussi cool qu’il puisse paraître (virer son patron et se libérer de ses chaînes bien avant la retraite !), dans un monde idéal, FIRE ne devrait pas exister.

Le problème est le suivant : pourquoi vouloir se libérer le plus vite possible de son travail, pour partir à la retraite ?

Une première réponse semble évidente : parce que beaucoup de gens n’aiment pas leur travail (ou ne l’aiment plus), qui représente souvent au mieux un simple moyen de gagner sa vie, et au pire, une charge ou une souffrance quotidienne.

Même s’il y a tout de même des gens qui aiment leur travail, ils ne constituent pas une majorité. Il est fort probable qu’au moins 50 % des travailleurs ne seraient pas mécontents de pouvoir prendre leur retraite le plus tôt possible.

L’ampleur des manifestations à chaque fois que le gouvernement souhaite modifier le système des retraites va aussi dans ce sens.

FIRE signifie ainsi pour beaucoup de gens : arrêter ce boulot qui ne m’intéresse pas ou peu = plus de temps libre pour faire ce que je veux = je suis enfin heureux !

Il n’est donc pas étonnant que le mouvement FIRE trouve un écho positif chez autant de personnes qui la découvrent.

Derrière le mouvement FIRE, un problème de société

le mouvement FIRE, un problème de société

Le fait même que le mouvement FIRE existe et qu’il soit largement connu, du moins dans la sphère de ceux qui s’intéressent à leurs finances personnelles, est le signe qu’il y a un problème : le travail est vécu comme une contrainte, voir une souffrance, pour beaucoup de gens.

En théorie, le travail est bon pour la santé, car il stimule nos capacités intellectuelles (et physiques pour certains métiers).

En pratique, il est souvent relié aux risques psychosociaux : stress, violences internes et externes, épuisement professionnel, etc.

Ces risques peuvent être causés par différents facteurs, qui reflètent le mode de fonctionnement actuel du monde du travail :

  • Intensification des pressions sur les objectifs, les délais, surcharge professionnelle.
  • Exigence émotionnelle : interactions difficiles avec certains collègues, obligation de masquer ses émotions réelles, violences morales.
  • Manque d’autonomie, de souplesse dans l’organisation du travail, sous-utilisation des compétences.
  • Absence d’objectifs clairs, de vision d’ensemble cohérente, ou tout simplement de sens.

Ces facteurs de risque engendrent des conséquences négatives, à la fois :

  • Pour la santé : troubles physiques (musculo-squelettiques), mentaux (anxiété, dépression), maladies chroniques et cardiovasculaires.
  • Pour la société : absentéisme, rotation élevée, réduction de la productivité, climat social dégradé, coût financier.

Quand on y pense, le coût sociétal est énorme, car il engendre toute une ribambelle de conséquences négatives, individuellement ou collectivement.

Bon, l’objectif n’est pas de faire une étude complète sur la sociologie du travail et de ses risques, mais juste de constater qu’il y a beaucoup de dysfonctionnements dans le monde du travail.

Je n’ai pas de réponse à ces problèmes, et je ne sais pas comment la société pourrait évoluer pour améliorer la situation et réduire la souffrance au travail.

Mais revenons-en au mouvement FIRE.

FIRE est une mauvaise réponse

Si le travail était mieux vécu et n’engendrait pas autant de conséquences négatives sur un trop grand nombre de personnes, y aurait-il autant de gens attirés par FIRE ?

Probablement que non. Je ne suis pas sûr que le mouvement FIRE ait autant d’adeptes dans les pays nordiques, souvent présentés comme étant les plus heureux, et dont la culture du travail semble plus souple que partout ailleurs dans le monde.

L’émergence de FIRE n’est donc pas un simple truc cool qu’on aurait découvert pour améliorer notre vie, même si son émergence aux États-Unis s’explique sans doute aussi par les valeurs américaines telles que la liberté individuelle, et par les salaires élevés proposés.

Cela dit, le mouvement FIRE est à mon avis une mauvaise réponse à un vrai problème sociétal, celui du manque d’épanouissement au travail.

Avoir bien identifié le problème (j’en ai marre de mon travail) ne signifie pas qu’on ait forcément bien identifié la solution idéale (j’applique la méthode FIRE).

Au passage, je comprends très bien qu’on puisse vouloir se libérer le plus vite possible d’un travail qui nous pourrit la vie, car c’est une situation que j’ai vécue, comme beaucoup de personnes.

Mais il y a un côté absurde à appliquer une méthode qui ne fonctionnera peut-être jamais, et qui, si elle fonctionne, prendra des années, pour faire face à une situation qui pourrait simplement être résolue par un changement de situation.

« Je veux être libre, mais seulement dans 15 ans »

Les raisons conduisant à appliquer la méthode FIRE peuvent varier d’une situation à une autre, mais une frustration liée au travail est très souvent le point de départ. En voici un exemple parmi d’autres.

Il y a quelques mois, j’ai discuté avec un jeune couple qui gagnait, à eux deux, plutôt très bien leur vie. Une très bonne capacité d’épargne, une résidence principale achetée et en cours de remboursement, un jeune enfant. Jusqu’ici, tout va bien.

Le problème était qu’ils n’étaient pas épanouis, du fait de leurs contraintes professionnelles : habitant en banlieue, ils passaient beaucoup de temps dans les trajets domicile-travail, ce qui, avec leur enfant en bas âge, ne leur laissait au final presque aucun moment pour leurs loisirs.

Dans leur cas, c’était davantage les conséquences de leur travail sur leur vie, que leur travail en lui-même (qu’ils aimaient bien), qui posait problème.

Cette frustration à ne jamais avoir de temps pour soi les a poussés à réfléchir.

La meilleure solution qu’ils aient trouvée pour résoudre cette difficulté, et retrouver ainsi un mode de vie équilibré, était d’atteindre la liberté financière dans 15 ans, pour pouvoir enfin arrêter de travailler, ou alors diminuer drastiquement leur temps de travail.

Avec leur profil, c’est mathématiquement possible, grâce à leur forte capacité d’épargne, qu’ils avaient commencé à utiliser de différentes façons depuis 3 ans :

  • Apport immobilier pour acheter leur résidence principale et y faire des travaux
  • Achat de formations en investissement (pour comprendre comment appliquer FIRE)
  • Constitution d’un portefeuille de SCPI

À ce stade, différentes voies s’ouvrent à eux pour atteindre leur objectif de liberté financière :

  • Investissements locatifs à crédit
  • Constitution d’un portefeuille d’actifs financiers
  • Poursuivre leur investissement en SCPI

Ils ont prévu de suivre ces trois voies, en les menant une par une, afin de mettre le maximum de chance de leur côté.

Les projections que j’ai déduites de leurs chiffres étant cohérentes, leur objectif était bien atteignable d’ici 15 ans.

Pour autant, un excellent plan pour viser la liberté financière n’est pas forcément LE meilleur plan en soi. Est-ce une bonne idée d’accepter de ne pas être heureux pendant 15 ans, de patienter en attendant une amélioration dans un futur lointain ?

La réponse semble évidente. D’après ce qu’ils m’ont partagé, après avoir passé 3 ans à appliquer la méthode FIRE, non seulement ils ne sont toujours pas épanouis, mais ils sont toujours aussi frustrés.

Même leurs tableaux Excel, qui leur montrent pourtant qu’ils vont dans la bonne direction, sont une source de frustration, car ils mettent en lumière la lenteur du processus.

Pourtant, ils ont plusieurs solutions à leur portée, qui prendraient bien moins que 15 ans pour être mises en place, afin d’avoir plus de temps pour eux :

  • Négocier un télétravail partiel : Ce n’est pas toujours possible selon le métier, mais demander ne coûte rien, et c’est potentiellement la solution la plus simple.
  • Se rapprocher de leur travail, louer leur résidence principale et prendre une location. Perdre 2h par jour dans les transports n’est pas une fatalité.
  • Changer de travail : s’ils préféraient continuer d’habiter au même endroit, ils pouvaient trouver un travail plus proche. Si ce nouveau travail leur permettait d’économiser 20 % de temps en plus (en faisant des journées de 8h au lieu de 10h), ils pouvaient alors accepter d’être payés 20 % de moins, en gardant de fait le même salaire horaire.
  • Réduire leur temps de travail : négocier un 80 %, par exemple, permettait de gagner immédiatement une journée de loisirs par semaine. Leur capacité d’épargne leur laissait une marge suffisante pour être un peu moins bien payés.
  • Prendre une nounou de temps en temps pour se dégager du temps, certains soirs ou lors des week-ends.

Chaque solution envisageable a bien sûr ses propres contraintes, et peut ne pas être facile à implémenter. Mais il existe bien plusieurs solutions possibles, dont aucune ne demanderait d’attendre 15 ans.

Sérieusement, qui peut rationnellement accepter d’attendre 15 ans, si tout se passe bien, pour enfin avoir une vie heureuse et équilibrée ?

Parfois, il faut simplement prendre le temps d’envisager différentes possibilités, plutôt que de foncer tête baissée dans la hype du moment, ou vers la première idée rencontrée.

FIRE n'est pas forcément la meilleure idée

Le risque, avec le mouvement FIRE, est d’intégrer nos vies dans un modèle mathématique incertain, et de tout considérer sous cet angle.

On peut construire un plan intelligent sur le papier, le mener à la perfection, et se rendre compte en cours de route qu’on s’est trompé d’objectif, ou du moins, qu’on n’a pas choisi le meilleur chemin. Et finalement, qu’on est passé à côté de notre vie pendant 15 ans.

Le travail n’a pas à être ennuyeux, pénible et non épanouissant

Pour en revenir à une phrase citée plus haut, ce n’est pas le travail en soi qui est bon pour la santé : c’est le fait d’œuvrer, de mettre nos qualités personnelles en pratique, sur des sujets qui nous intéressent vraiment, de produire des choses qui ont du sens, de nouer des relations de qualité avec d’autres personnes.

C’est seulement si on arrive à intégrer toutes ces choses dans notre travail qu’il peut alors être bon pour la santé.

Le travail est une œuvre obligatoire, car elle permet de vivre, mais son côté obligatoire et la pression sociale qui l’accompagne fait qu’on accepte souvent des conditions de travail non satisfaisantes.

Et c’est bien là le cœur du problème.

Accepter temporairement un travail pénible est parfois un passage obligé. Par contre, accepter de rester à long terme dans un cadre de travail non satisfaisant n’est en rien une obligation.

Beaucoup de gens se plaignent de leur travail toute leur vie, mais n’essayent à aucun moment d’en changer. Ils sont prisonniers d’une situation inconfortable, mais néanmoins rassurante, car connue.

Quitter son travail, outre les efforts à déployer, signifie aussi un saut dans l’inconnu : on sait ce qu’on perd, mais on ne sait pas ce qu’on aura à la place.

Dans ce cadre, la méthode FIRE à ceci de rassurant qu’il est plus simple de tenter de l’appliquer, que d’essayer de trouver une meilleure situation.

Les changements qu’elle impose sont palpables (dépenser moins, essayer de gagner plus), mais ils sont moins inconfortables qu’une remise en cause totale de notre vie professionnelle.

Et puis, il est plus facile de se réfugier dans les chiffres, pour tenter de se rassurer, que de faire de vrais choix de vie.

Alors certes, je ne dis pas que faire évoluer sa situation est simple (que ce soit en changeant de travail, de cadre ou les modalités…), mais s’il faut attendre que la société évolue pour que les choses se passent mieux au travail, cela risque d’être long. Vraiment très long.

Individuellement, nous n’avons aucune prise sur le fonctionnement de la société, des entreprises publiques ou privées. Par contre, nous avons une prise sur notre vie.

Si les choses ne vont pas dans notre sens, se plaindre et laisser couler est le plus simple à court terme, mais le plus inutile à long terme.

Faire en sorte de changer de situation engendrera des difficultés certaines à court terme, mais ouvrira aussi la porte à des améliorations considérables à long terme.

Bien entendu, changer de situation n’empêche en aucun cas d’investir. Il n’est pas nécessaire de vouloir mettre en pratique FIRE pour bâtir son patrimoine.

En revanche, appliquer la seule méthode FIRE, sans se poser de questions extra-financières, suffira-t-il ?

Si quelque chose ne va pas, il me semble qu’il vaut mieux essayer de changer de situation dans le présent, que de viser une amélioration dans 15 ans (ou plus !).

Sacrifier le présent pour un futur incertain

FIRE consiste en partie à sacrifier le présent (frugalisme poussé, peu ou pas de loisirs, aucun écart possible, conserver un travail pénible/non épanouissant), pour être un jour, dans un futur lointain, heureux et libéré (…délivré ?).

Un problème majeur du mouvement FIRE, est que le futur est par essence incertain. Nous pouvons prévoir d’atteindre l’indépendance financière dans 15 ans grâce à cette approche, et mourir dans 14 ans. Nous pouvons viser une retraite à 50 ans et mourir à 49. À quoi cela aura-t-il servi ?

Libre et heureux - Mouvement FIRE, quel est le problème ?
Enfin libre et heureux !

Sans être aussi dramatique, nous pouvons tout simplement être en moins bonne santé dans 10, 20 ou 30 ans, et avoir moins d’énergie. À quoi cela sert-il d’avoir plus de temps si nous ne pouvons pas en profiter ?

Ou encore, si nous n’avons pas vu grandir nos enfants, en travaillant dur pour économiser au maximum, et qu’au moment où nous avons enfin du temps, ils sont partis ?

Le temps est la seule ressource qui ne peut pas être économisée, et qui nous file entre les mains, sans que nous n’y puissions rien. À ce titre, le temps est bien plus précieux que l’argent, qui est, au contraire, une ressource inépuisable que l’on peut multiplier.

Une autre approche : l’équilibre présent-futur

Une meilleure approche pourrait consister à trouver un équilibre entre le présent et le futur :

  • Profiter dans le présent, sans sacrifier l’avenir.
  • Préparer l’avenir, sans sacrifier le présent.

Il s’agit de trouver un équilibre, ou du moins, d’essayer de s’en rapprocher : vivre une vie épanouie dans le présent, sans hypothéquer son avenir.

Équilibre de vie

La première question à se poser est de savoir si notre activité principale, celle qui occupe notre temps, nous épanouie ou pas. Si ce n’est pas le cas, la recherche d’une activité plus épanouissante devrait être la première des priorités :

  • Parce que la santé et le temps sont plus importants que l’argent.
  • Parce que s’accrocher à un travail que l’on n’aime pas, juste parce qu’il nous nourrit, n’a aucun sens. Nous ne sommes pas comme les animaux, répondre à nos besoins primaires n’est pas suffisant.

Nous avons tous des talents différents, et nous les exprimons tous différemment. Si nous cherchons suffisamment en nous, nous pouvons tous trouver une activité épanouissante et rémunératrice.

Il est aussi possible de faire un compromis entre une activité plus rémunératrice et moins épanouissante, à temps partiel, avec une autre activité, moins rémunératrice mais plus épanouissante. Les solutions envisageables sont multiples.

Au fond, il s’agit de trouver ce qui nous intéresse, un cadre dans lequel exprimer nos talents naturels tout en gagnant de l’argent, afin de faire des choses qui ont du sens.

Réunir toutes ces conditions n’est pas facile. C’est ce que les Japonais appellent l’Ikigai (« raison d’être »).

De la méthode FIRE vers une vie pleine de sens

Cela peut prendre du temps, et il y aura des moments difficiles. Mais le jeu en vaut la chandelle. Bien plus que de foncer tête baissée vers l’indépendance financière en mode FIRE, sans se poser d’autres questions, en laissant son bonheur de côté.

L’Ikigai n’est qu’un modèle parmi d’autres, dont on peut se servir pour trouver un meilleur équilibre de vie.

Il m’a donné à réfléchir, mais je n’en ai pas fait mon fil conducteur. Néanmoins, il me permet simplement de mesurer aujourd’hui les progrès accomplis.

Équilibre financier

Financièrement parlant, un équilibre peut être trouvé en allouant, par exemple, exactement la même somme pour se faire plaisir et pour investir.

Dans le cas de Jérémy (un exemple de mise en place de la méthode FIRE par un Français moyen), au lieu d’investir 400 € par mois tout en faisant le moine à côté, il pourrait transférer automatiquement :

  • 200 € / mois vers un deuxième compte courant, utilisé pour ses loisirs, ses vacances et pour se faire plaisir.
  • 200 € / mois vers son assurance vie, pour préparer l’avenir.

Le budget « plaisir » joue ici le rôle d’une récompense face à l’investissement, qui peut avoir un côté « privation à court terme ». Il est aussi déculpabilisant : « je peux me faire plaisir, car je suis aussi sérieux à côté ».

Au passage, si les meilleures choses de la vie sont gratuites, et si beaucoup de loisirs ne coûtent rien ou presque, l’argent reste indispensable pour pouvoir varier les activités et ne pas avoir à se limiter.

On entre ici dans la psychologie de l’argent, un vaste sujet, dont l’auteur du livre que j’ai résumé a semble-t-il réussi à trouver un équilibre entre vie épanouie, sobriété et investissement. Rien n’est impossible si on s’en donne les moyens.

En investissant 200 € par mois au lieu de 400 €, Jérémy atteindra l’indépendance financière que bien plus tard, diront certains. Et alors ? On s’en fiche. Si on est heureux dans ses activités au quotidien, à quoi cela sert-il d’être financièrement indépendant ?

En plus, ses investissements, même s’ils ne lui offriront pas l’indépendance financière, pourront lui permettre de constituer un apport pour acheter un jour sa résidence principale, pour ne plus travailler qu’à mi-temps, s’il le souhaite, ou encore, pour simplement compléter sa retraite (qu’il n’est pas pressé de prendre).

L’équilibre présent-futur est peut-être moins ambitieux financièrement, mais globalement plus tenable dans le temps.

L’argent est un outil au service de notre vie. C’est un moyen, et non une fin.

Chercher à mener une vie épanouie dès aujourd’hui, tout en préparant l’avenir, n’est-il pas un meilleur compromis qu’épargner le plus possible pendant deux ou trois décennies, au détriment du reste ?

Equilibre et déséquilibre du mouvement FIRE
FIRE vs équilibre, sûrement un peu trop schématique, mais l’idée est là. Source : selfkaizen.com

Dans cette approche, il n’est pas interdit d’économiser et d’investir, bien au contraire. Mais il ne s’agit pas de le faire au détriment du reste.

Tout budget consacré à l’investissement devrait être équilibré par un budget loisir, de même que le temps de travail doit être équilibré par un temps de repos.

Présent et futur : aucun des deux n’a à être sacrifié pour l’autre.

Bien sûr, chacun est libre de se fixer les objectifs qu’il souhaite atteindre, et de chercher à mener la vie qu’il veut. On peut aussi volontairement chercher un déséquilibre à court terme, pour progresser dans un domaine, ou réparer un pan de notre vie.

Mais à long terme, les déséquilibres ne sont pas viables, et finissent toujours par poser problème.

Les écueils mentaux du mouvement FIRE

Les positions extrêmes, dont le mouvement FIRE fait partie (préparer l’avenir en sacrifiant le présent), ne sont ni équilibrées, ni durables.

L’inverse du mouvement FIRE consisterait à profiter un maximum dans le présent, quitte à sacrifier son avenir (par des dépenses à outrances et un endettement inutile, par exemple).

Au passage, dépenser plus n’apporte rien de plus, si ce n’est une satisfaction à court terme, vite évanouie.

Certains diront que faire le moine frugaliste pendant 15 ans est toujours mieux que de faire la cigale dépensière. C’est bien possible. Toutefois, en adoptant une approche déséquilibrée, quelle qu’elle soit, le risque est de ne pas réussir à tenir dans le temps.

Êtes-vous sûr d’accepter de vous priver pendant 10, 20 ou 30 ans, pour enfin profiter un jour, peut-être ?

Cela me parait être un pari compliqué, car notre cerveau est fait pour rechercher le plaisir et la gratification immédiate.

Peu de personnes acceptent naturellement de repousser la gratification, même en échange d’un avantage clair (je fais référence ici au fameux test du chamallow).

Et encore, il s’agit là de reporter la gratification de quelques heures, ou minutes, avec un avantage certain à la clé. Rien d’impossible en soi.

Mais lorsqu’il s’agit de reporter la gratification (l’atteinte de la sainte retraite) de plus d’une décennie, avec un avantage incertain à la clé (car les rendements sont imprévisibles), qui serait, véritablement, prêt à accepter de vivre comme un moine ?

Les moines eux-mêmes, évidemment, mais ils se contrefichent, avec raison, de l’indépendance financière.

Le gros écueil du mouvement FIRE, c’est d’abandonner en cours de route, face à un objectif qui semble trop lointain.

Les raisons d’abandonner peuvent être multiples : rendements plus faibles que prévu, baisse de revenus suite à un changement de travail non désiré, chute de motivation à force de côtoyer des personnes qui se font plaisir (« tu viens au restaurant avec nous ? Je peux pas, car j’ai programmé ma retraite anticipée dans 15 ans ! »), perte de vue d’un objectif qui est trop lointain…

De toute évidence, FIRE est un iceberg (le jeu de mot est involontaire !) : on entend beaucoup parler de la minorité qui y est parvenue, de ceux qui en sont proches, ou qui commencent, plein d’enthousiasme (c’est la partie visible), mais pas de tous ceux qui ont essayé et abandonné en cours de route, et qui sont probablement bien plus nombreux (c’est la partie immergée).

le problème est que FIRE est un iceberg

On a tous tendance à vouloir partager nos réussites, et à taire nos échecs. L’information disponible sur internet concernant le mouvement FIRE n’est, et c’est un vrai problème, pas représentative de la réalité. Il y a assez peu de doute là-dessus.

C’est pourquoi, en préférant mener dès le départ une vie équilibrée, où rien n’est sacrifié, on ne peut que renforcer chaque pôle avec le temps : on est heureux dans le présent avec des activités épanouissantes, on sécurise notre avenir en épargnant, et on met toutes les chances de notre côté d’avoir un futur agréable en prenant soin de notre santé.

La retraite, c’est lorsque vous arrêtez de sacrifier le présent pour un futur imaginaire. Lorsque aujourd’hui se suffit à lui-même, vous êtes à la retraite.

Naval Ravikant

8 commentaires sur “Le vrai problème derrière le mouvement FIRE

  1. Article plein de bon sens. L’être humain n’est pas un robot. Dommage de sacrifier 15 ans de sa vie pour répondre aux injonctions d’un tableau Excel. Avec de surcroît un résultat incertain, tout investissement présentant un risque.

  2. Etant proche du mouvement FIRE, j’avoue avoir du mal avec votre logique.

    Oui, une cause principale du mouvement FIRE est le mal être au travail (soit mal-être, soit surcharge de travail).
    Bref, traduit plus simple : je ne pourrais pas travailler ainsi pendant 40 ans (c’est ce que dise la plupart des français)

    Donc en l’occurrence, l’idée du mouvement FIRE est d’utiliser ses années de travail capable pour capitaliser pour le reste de sa vie.
    Dans certains professions, vous avez un vrai job bien payé à 25/30 ans et à 45 ans vous êtes périmé ou placardisé.
    Donc ça laisse 15/20 ans pour faire votre retraite.
    Au final, le mouvement FIRE est juste une réaction au monde du travail actuel.

    Critiquer le mouvement FIRE sans remettre en cause le monde du travail, c’est comme critiquer un pansement sans regarder la plaie!

    1. Nous sommes d’accord sur le problème : le mouvement FIRE est une réaction au monde du travail. Je pense que vous n’avez pas tout lu, car je le remets en cause, sans équivoque il me semble.
      Mais pas sur le remède : à mon avis, FIRE est une mauvaise solution dans la plupart des cas, car le « E » pour « Early » est un doux rêve, étant donné que la méthode FIRE ne peut être appliquée que par une minorité.
      Si on ne peut pas travailler « ainsi » pendant 40 ans, il vaut mieux se concentrer sur un changement de situation qu’économiser, ne serait-ce que pour sa santé. Ce qui n’empêche pas d’économiser pour sa retraite en parallèle.

  3. J’ai beaucoup aimé votre article qui est très agréable à lire et m’a bien amusé. il pose clairement la question du rapport au temps, au-delà de la notion d’argent et par là d’économies et d’indépendance financière. J’ai personnellement un très haut revenu ( au delà des 1% des français ) j’ai 45 ans et j’ai énormément profité déjà et ce mouvement d’épargner son argent , pour pendant cette période perdre le temps qu’on a , ne m’a jamais fait envie. La notion, bien évidemment, de cette société exigeante est à prendre en compte mais vous résumez parfaitement en écrivant que le temps ne peut être acheté et les souvenirs de bons moments et d’une vie remplie de joies et plaisirs ont une valeur qu’aucune donnée mercantile n’équivaudra. Merci pour votre article en tout cas !

  4. Très très bien écrit

    Surtout que sur 15 ans il peut arriver beaucoup de choses bonnes ( l’Amour, un bébé, etc) ou des accidents de la vie …

    Pendant la vie frugale Fire , c’est aussi de belles années de jeunesse …

    Finalement, je fais exactement 1€ investi pour 1 ( ou 2/3) en loisir.

    Ça avance doucement, c’est intéressant, ça permet de rester curieux. Puis, qui sait, on peut avoir un coup de bol dans ses investissements ???? dans tous les cas il en reste assez pour espérer pouvoir partir un peu avant en retraite ou faire une année sabbatique// avoir un petit portefeuille ça apporte une grande sérénité

    1. C’est exactement ça, pas besoin de méthode FIRE pour se constituer un pécule pour une année sabbatique ou une pré-retraite. L’investissement apporte une liberté de choix et de la sérénité.

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