FIRE est un acronyme qui signifie « Financial Independence Retire Early » (indépendance financière, retraite anticipée), et que l’on retrouve dans l’expression « Méthode FIRE », « Mouvement FIRE », ou encore « Communauté FIRE ».
En anglais, le mot « Fire » signifie virer, ce qui dans le contexte veut dire pouvoir virer son patron.
L’objectif de la méthode est de prendre sa retraite avec quelques décennies d’avance, grâce à une formule précise :
Cette formule doit permettre d’atteindre l’indépendance financière le plus vite possible.
L’indépendance financière est atteinte lorsque les revenus d’un capital suffisent pour assurer l’ensemble des dépenses, et qu’il n’est donc plus nécessaire de travailler.
À ce stade, il est alors possible de choisir ce que l’on souhaite faire de sa vie, plutôt que d’être obligé de travailler.
Les origines de la méthode FIRE
Ces dernières années, la méthode FIRE a été relayée par un nombre croissant de blogs, vidéos, podcasts… d’abord aux États-Unis, puis en Europe, si bien qu’aujourd’hui, toute personne s’intéressant à l’investissement a de grandes chances d’en avoir entendu parler.
FIRE semble avoir fait tellement d’adeptes qu’on parle désormais d’un mouvement, d’une communauté bien organisée.
Son origine daterait pour certains du début des années 90, lors de la publication du livre « Your Money or your Life », dans lequel Vicky Robbins et Joe Dominguez ont popularisé l’idée d’indépendance financière, plutôt que de passer les meilleures années de sa vie à travailler pour gagner de l’argent.
Mouvement frugaliste et indépendance financière
Pour Robbins et Dominguez, nous passons toute notre vie à échanger notre temps contre de l’argent pour gagner notre vie, alors que le temps est notre ressource la plus précieuse, et qu’on ne devrait pas le gaspiller.
Ils expliquent aussi que la société de consommation nous pousse à vouloir toujours plus de choses chères (plus de vêtements, de plus grosses voitures, de plus grandes maisons), nous obligeant à travailler pour les obtenir.
Or, ces choses n’ont en réalité pas d’importance, et le mouvement FIRE est une réponse critique au consumérisme effréné de notre société, qui nous piège.
Aux États-Unis, les diplômes coûtent très cher, si bien que la plupart des étudiants s’endettent pour étudier. Lorsqu’ils ont un travail, ils s’attèlent à rembourser leur prêt étudiant, puis ils contractent d’autres prêts (voiture, maison…), qui les lient à leur travail jusqu’à la retraite.
À 65 ans, voire davantage, il ne leur reste alors que quelques années pour profiter de la vie, si tant est qu’ils soient toujours en bonne santé.
FIRE s’est donc construit à l’opposé de l’idée générale selon laquelle « pour réussir, il suffit de travailler dur », en proposant un concept différent : « pour réussir, il suffit d’épargner beaucoup et d’être frugal ».
Réussir s’entend ici par avoir le choix de ne plus être obligé de suivre le système contraignant actuel : 40 ans de carrière pour une retraite à 65 ans.
Exit les symboles de la société de consommation, place au minimalisme et au frugalisme. L’argent, au lieu d’être utilisé pour consommer et s’endetter, est investi dans le but de créer un capital générateur d’indépendance financière.
Au lieu de passer sa vie à rembourser des dettes, il s’agit de la passer à construire un capital, qui apporte dans un premier temps une sécurité financière, puis la fameuse indépendance financière au bout de « quelques » années (ce « quelques » pouvant varier énormément, comme nous le verrons).
Cette indépendance financière est validée par la règle des 4 %, selon laquelle il est possible de vivre de manière infinie sur les intérêts d’un capital, sans entamer ledit capital à long terme.
Voici ce que donne la règle des 4 % en fonction du revenu mensuel ou annuel souhaité :
Revenu mensuel | Revenu annuel | Capital nécessaire |
---|---|---|
500 € | 6 000 € | 150 000 € |
1 000 € | 12 000 € | 300 000 € |
1 500 € | 18 000 € | 450 000 € |
2 000 € | 24 000 € | 600 000 € |
2 500 € | 30 000 € | 750 000 € |
3 000 € | 36 000 € | 900 000 € |
3 500 € | 42 000 € | 1 050 000 € |
4 000 € | 48 000 € | 1 200 000 € |
4 500 € | 54 000 € | 1 350 000 € |
5 000 € | 60 000 € | 1 500 000 € |
Exemple : pour obtenir 2 000 € de revenus mensuels ou 24 000 € de revenus annuels (avant impôts), il faut disposer d’un capital de 600 000 €.
Il est possible d’établir facilement le capital nécessaire pour n’importe quel revenu donné, grâce à deux autres règles bien connues des adeptes de la méthode FIRE :
- La règle de 25 : multiplier le revenu annuel souhaité par 25 pour obtenir le capital nécessaire.
- La règle de 300 : multiplier le revenu mensuel souhaité par 300 pour obtenir le capital nécessaire.
Parce que le temps est plus précieux que l’argent, la méthode FIRE cherche à mettre notre argent au service de notre temps (épargner et investir pour prendre sa retraite plus tôt), tandis la société nous pousse à mettre notre temps au service de notre argent (aller au travail pour pouvoir ensuite dépenser de l’argent).
Mais plus qu’un simple moyen de générer de l’argent sans travailler, la méthode FIRE se veut comme une nouvelle façon de vivre, plus simple, plus modeste et plus saine.
L’un des pionniers, parmi les plus connus du mouvement, à avoir réussi cette transition vers un mode de vie frugal et une retraite anticipée grâce à l’investissement est Pete Adenay, du blog « Mr. Money Mustache ».
Le mouvement s’est aussi structuré autour de plusieurs livres, tels que « Financial Freedom », « The Simple Path to Weatlh » ou encore « The Millionaire Next Door ».
Aux États-Unis, des conférences sont même organisées à travers tout le pays pour populariser la méthode.
Les promesses de la méthode FIRE sont nombreuses et alléchantes : reprendre la contrôle de son temps, de sa vie, utiliser l’argent comme un moyen de se libérer, vivre plus simplement et plus sainement en sortant du consumérisme à outrance, et plus que tout, au-delà du concept de retraite, d’avoir le choix de vivre la vie que l’on souhaite.
Cela peut être bien sûr de quitter son emploi, mais aussi de lancer une entreprise, une association, de passer du temps en famille, d’écrire un livre, de déménager dans un lieu plaisant, sans la contrainte qu’il soit à proximité de son travail.
La méthode FIRE est séduisante, mais une question se pose : pouvons-nous vraiment devenir financièrement indépendant grâce à elle ?
FIRE : Le calcul pour partir à la retraite le plus rapidement possible
Maintenant que nous connaissons la philosophie de la méthode FIRE, la grande question est de savoir comment la mettre en pratique.
Concrètement, il s’agit d’adopter un mode de vie très frugal, afin d’économiser la portion la plus large possible de son salaire, et de l’investir pour construire un capital.
Il sera alors possible d’arrêter complètement de travailler lorsque le capital sera suffisamment élevé pour pouvoir en vivre.
Les questions qui se posent sont : combien économiser ? Quel capital doit-on atteindre ? À quel âge pourra-t-on prendre sa retraite ?
La méthode FIRE en pratique
Prenons un exemple : Julie a 25 ans et vient de commencer à travailler. Elle gagne 3 500 € par mois et souhaite prendre sa retraite à 40 ans, soit dans 15 ans.
Julie est capable de vivre avec 1 700 € par mois, ce qui lui laisse une capacité d’épargne mensuelle de 1 800 €. Sa sobriété lui permet d’épargner environ 50 % de ses revenus, et de ne pas céder aux sirènes de la consommation.
Selon la règle des 4 %, pour toucher 1 700 € par mois sans travailler, Julie a donc besoin d’un capital théorique de 510 000 € (retirer chaque année 4 % de 510 000 € correspond à 20 400 €, soit 1 700 € par mois).
En pratique, il lui faudra un peu plus, car les retraits seront imposés (nous en tiendrons compte).
Peut-elle espérer atteindre son objectif d’indépendance financière en seulement 15 ans ? La réponse est oui, et voici pourquoi.
Les intérêts composés nous disent qu’investir 1 800 € par mois à 7,2 %, pendant 15 ans, permet d’obtenir un capital de 570 000 €.
Pourquoi 7,2 % ? Un grand indice d’actions tel que le MSCI World a généré un rendement historique d’environ 8 % par an.
Si Julie met en place son investissement dans une assurance vie, elle aura peu ou prou 0,8 % de frais annuels (0,6 % pour les frais de gestion du contrat, 0,2 % pour les frais des ETF), soit un rendement net de 7,2 % par an.
Pourquoi dans une assurance vie ? J’ai écarté d’emblée le PEA, qui sera plein dans 7 ans (investir 1 800 € par mois revient à investir 21 600 € par an, sachant qu’un PEA peut accueillir au maximum 150 000 € de versements).
Comme Julie devra de toute manière ouvrir une assurance vie au bout de 7 ans, elle préfère en ouvrir une directement, pour plus de simplicité (même si 150 000 € généreront moins de frais dans un PEA que dans une assurance vie, le choix de l’enveloppe fiscale est important).
Si tout se passe bien, Julie aura donc 570 k€ dans son assurance vie d’ici 15 ans.
Chaque retrait qu’elle fera sera imposé, mais l’assurance vie offre deux avantages fiscaux au bout de 8 ans :
- 7,5 % d’imposition sur les plus-values des premiers 150 000 € du contrat, puis 12,8 % au-delà.
- Un abattement d’impôt annuel de 4 600 € sur les plus-values retirées.
Malgré ces deux avantages, il faut ajouter les prélèvements sociaux, qui sont actuellement de 17,2 %.
Dans un premier temps, il faut calculer les plus-values réalisées, car elles seules seront imposées lors des retraits. Julie a investi 324 k€ de sa poche (1 800 € x 12 mois x 15 ans), pour obtenir 570 k€. Elle a ainsi réalisé 246 k€ de plus-values.
Autrement dit, au bout de 15 ans, son contrat d’assurance vie est composé de 43 % de plus-values.
Si Julie retire 22 800 € par an (soit 4 % de son capital de 570 k€), 12 996 € seront libres d’impôts, et 9 804 € seront considérés comme étant des plus-values, et traitées comme suit :
- Les premiers 4 600 € seront soumis à l’abattement et imposés à 17,2 % (soit les seuls prélèvements sociaux). Cela fait 791 € d’impôts.
- Les 5 204 € restants subiront une imposition de 28,6 % (26 % des plus-values sont dans les premiers 150 k€, imposés à 7,5 %, les 74 % restants sont imposés à 12,8 %, ce qui nous donne 11,4 % d’imposition en moyenne, auxquels il faut ajouter 17,2 % de prélèvements sociaux, soit 28,6 % d’imposition moyenne). Cela fait 1 488 € d’impôts.
Chaque année, Julie pourra retirer 22 800 – (791 + 1 488) = 20 521 € nets d’imposition. Cela représente 1 710 € de revenus mensuels.
Dans ces conditions, Julie peut réellement atteindre son objectif, qui est de prendre sa retraite à 40 ans, dans 15 ans.
À première vue, la méthode FIRE peut donc fonctionner. Mais attention, j’ai délibérément choisi des paramètres qui lui sont favorables. Nous verrons plus bas ce que la méthode donne avec des paramètres plus classiques.
Par ailleurs, Julie ne dispose d’aucune marge de sécurité, en cas d’imprévu. Car il peut y avoir des éléments perturbateurs sur le chemin de l’indépendance financière. En voici deux.
Élément perturbateur n°1 : Et si la bourse délivre moins de performance que prévu ?
Lorsqu’on fait des calculs de projections, il est commode de prendre en compte les paramètres actuels, en oubliant qu’ils évoluent avec le temps.
Un premier écueil pourrait être des rendements inférieurs à ceux qui sont espérés, d’après les données historiques.
Bien que le MSCI World ait jusqu’ici généré environ 8 % par an, il peut y avoir des variations importantes selon la période considérée.
Par exemple, il n’a généré que 2,1 % par an entre 2000 et 2015, la faute à deux crises majeures qui se sont produites durant cette période. À l’opposé, il a généré plus de 15 % par an entre 1980 et 1995.
Ces variations se réduisent au fur et à mesure que l’on allonge la période considérée. Toutefois, comme le but de la méthode FIRE est de prendre sa retraite le plus rapidement possible, la période d’application se veut nécessairement courte. Or, sur une période aussi courte, le facteur chance est déterminant.
Ainsi, ceux qui vous expliquent qu’ils ont pu prendre leur retraite récemment, grâce à cette méthode, à leur frugalité et à leur fort taux d’épargne, oublient de dire que le MSCI World a généré près de 13 % par an sur les 15 années suivant la fin de la crise de 2008.
Une performance de 5 points supérieure à la moyenne historique est un bon coup de pouce, qui a favorisé l’application de la méthode FIRE pour ses récents adeptes.
Mais que se passe-t-il si le MSCI World ne génère que 5 % par an ?
Faisons un rapide calcul pour le découvrir : grosso modo, Julie doit atteindre les 570 k€ de capital pour pouvoir arrêter de travailler.
Si son portefeuille ne produit que 4,2 % par an (5 % – 0,8 % de frais), elle mettra 18 ans pour atteindre le capital nécessaire. Soit 3 ans de plus à travailler, simplement parce qu’elle n’aura pas eu la chance d’appliquer la méthode pendant une période prolifique.
C’est ce qui se serait passé si Julie avait commencé à appliquer la méthode FIRE en 1995 : elle aurait dû attendre 2013, soit 18 ans, pour atteindre les 570 k€. La faute aux deux crises subies en cours de route.
Et inversement, avec les rendements observés depuis 2009 (13 %), et sans avoir rencontré de crise majeure, elle n’aurait mis que 12 ans pour atteindre les 570 k€.
Le départ à la retraite peut donc varier selon un delta de plus ou moins 6 ans selon la performance du MSCI World, ici considéré. Sur une quinzaine d’années, sa performance reste relativement imprévisible.
Voyons maintenant un autre paramètre qui peut changer la donne.
Élément perturbateur n°2 : Et si le gouvernement décide d’augmenter les impôts ?
Si le gouvernement décide d’augmenter l’impôt sur la plus-value, ou de revoir les niches fiscales telles que l’assurance vie ou le PEA, le jeu ne sera plus du tout le même.
Ce scénario est loin d’être impossible, car avec la hausse des taux, la charge de la dette publique va augmenter, et il faudra bien que le gouvernement se finance d’une manière ou d’une autre (reculer l’âge de la retraite en est un).
Si les niches fiscales disparaissent, et que la flat tax est remplacée par une imposition sur les plus-values à hauteur de 50 % (soyons fou !) au moment où Julie est sur le point de prendre sa retraite, que se passerait-il ?
Reprenons le cheminement. Si Julie retire 22 800 € par an (soit 4 % de son capital de 570 k€), 12 996 € seront libres d’impôts, et 9 804 € seront considérés comme étant des plus-values, imposées comme suit :
- 50 % d’imposition, soit 4 902 € d’impôts (au lieu de 2 279 € d’impôts avec la niche fiscale de l’assurance vie).
Chaque année, Julie pourra donc retirer 22 800 – 4902 = 17 898 € après imposition sur les plus-values. Cela représente 1 492 € de revenus mensuels. Ce n’est plus l’Amérique.
En conséquence, si elle prend sa retraite comme prévu, Julie disposera d’au moins 200 € de revenus en moins, si le gouvernement supprime les avantages fiscaux et qu’il augmente les impôts.
Avec un tel niveau d’imposition, il lui faudrait en réalité 650 k€ de capital (650 000 x 4 % = 26 000 €, dont 11 180 € de plus-values, imposées à 50 %, soit 5 590 € d’impôts, pour un revenu annuel net de 26 000 – 5 590 = 20 410 €, soit 1 701 € mensuels).
La hausse d’impôts obligerait Julie à travailler un an et demi en plus pour atteindre son objectif.
Une combinaison de mauvais scénarios : Baisse de rendement + hausse d’impôt
Maintenant, combinons ces deux paramètres négatifs : baisse de rendement du MSC World (5 % au lieu de 8 %), et sévère hausse d’impôts (50 % d’imposition sur les plus-values).
Avec un rendement annuel net de 4,2 % par an, il lui faudra 20 ans pour atteindre les 650 k€ (la hausse d’impôts nécessite désormais un capital de 650 k€ pour obtenir 1 700 € net mensuels).
Dans le cas d’un scénario négatif (moins de rendement, hausse d’impôts), Julie devra donc travailler 5 ans de plus avant de prendre sa retraite, par rapport à un scénario moyen (ou 8 ans de plus par rapport à un scénario favorable).
Pour autant, malgré la prise en compte de paramètres négatifs, on constate que la méthode FIRE peut toujours fonctionner : il suffit juste d’être un peu plus patient. Elle a d’ailleurs indubitablement marché pour certains, qui sont à présent à la retraite et qui en ont témoigné. Aucun doute là-dessus.
Par contre, ce qu’on oublie souvent de dire, c’est qu’elle nécessite un ingrédient essentiel, une excellente capacité d’épargne, qui ne peut provenir que de la combinaison de deux éléments :
- Sobriété : Un très bon salaire, aussi élevé soit-il, ne laisse aucune capacité d’épargne s’il est totalement dépensé (Julie épargne 50 % de ses revenus).
- Salaire élevé : Même en étant l’incarnation la plus parfaite de la sobriété, un smicard ne pourra jamais épargner comme Julie.
Alors, qu’en est-il pour monsieur et madame tout-le-monde, qui gagnent relativement moins qu’elle ?
La méthode FIRE appliquée par un Français moyen
La méthode FIRE peut-elle être mise en place par tout un chacun ? Ou du moins, peut-elle être largement démocratisée, comme le prétendent ses supporters ?
Pour y répondre, prenons la situation de Jérémy, un Français moyen.
Note : il est en fait plus réaliste de prendre un Français médian (50 % des gens gagnent plus que lui, 50 % des gens gagnent moins que lui) qu’un Français moyen, car la moyenne est toujours tirée vers le haut par les très hauts revenus, et n’est donc paradoxalement pas représentative d’une situation dans la moyenne.
Selon l’INSEE, le salaire médian en France était de 2 005 € en 2020.
Considérons qu’il est aujourd’hui de 2 100 €, et qu’il correspond au salaire de Jérémy.
Imaginons que Jérémy ait le même niveau de vie que Julie, et qu’il ait lui aussi besoin de 1 700 € par mois pour vivre. Mais, à la différence de cette dernière, il ne peut épargner que 400 € par mois.
Pour le reste, gardons les mêmes paramètres qu’avec Julie :
- Un MSCI World qui génère 8 % par an, soit 7,2 % net de frais dans une assurance vie.
- La fiscalité avantageuse de l’assurance vie (abattement de 4 600 € d’impôts au bout de 8 ans, imposition à 7,5 % pour les premiers 150 k€).
- 25 ans, avec l’objectif de prendre sa retraite à 40 ans, soit dans 15 ans (oups…).
En investissant 400 € par mois à 7,2 % pendant 15 ans, Jeremy devrait atteindre un capital de 126 k€ pour ses 40 ans. On est encore très loin des 570 k€ nécessaires pour générer un revenu mensuel de 1 700 €.
Jeremy devra donc s’armer de patience, puisqu’il lui faudra attendre 32 ans, pour atteindre 568 k€ et être tout proche du but. S’il commence à 25 ans, comme Julie, il pourrait espérer prendre sa retraite à 57 ans. Il lui faudra travailler 17 ans de plus qu’elle, pour arriver au même résultat.
La bonne nouvelle, c’est que 57 ans, c’est toujours mieux que l’âge légal de départ en retraite, que le gouvernement cherche à repousser régulièrement.
Car malgré tout, investir pour l’avenir n’est jamais inutile, et même si Jérémy ne peut pas partir à la retraite très tôt, il pourra tout de même la prendre à un âge décent, en étant protégé contre les décisions du gouvernement. Ou alors, il pourra se mettre en retraite partielle un peu plus tôt.
La mauvaise, c’est que l’on n’est plus du tout dans la méthode FIRE (Financial Independence, Retire Early), ou du moins, Jérémy a un pied dedans, et l’autre dehors :
- Financial Independence : Yes, of course
- Retire Early : Try again
Jeremy serait plutôt dans le mouvement FIRL (Financial Independence, Retire Late). Et il serait loin d’être le seul, puisque c’est la réalité pour la plupart des salariés moyens (ou médians).
Et comme une mauvaise nouvelle peut en cacher une autre, il est probable que dans 32 ans, Jérémy aura besoin d’un peu plus que 1 700 € par mois, du fait de l’inflation.
L’indépendance financière est réellement accessible, à partir du moment où on arrive à épargner. Par contre, en ce qui concerne le temps nécessaire pour l’atteindre, c’est une autre histoire.
FIRE : Une méthode réservée aux gros salaires
Pour un salarié moyen (ou médian), la méthode FIRE est tout simplement inapplicable, car elle nécessite une capacité d’épargne impossible à atteindre (si Jérémy veut prendre sa retraite dans 15 ans, il lui faut épargner 1 800 € par mois, comme Julie, ce qui lui laisserait 300 € pour vivre).
Sachant qu’elle nécessite aussi que tout se passe bien, et notamment, que :
- Les rendements espérés sont bien au rendez-vous.
- La fiscalité se maintienne au même niveau.
Car si le MSCI World ne produit que 5 % par an, Jeremy devra attendre un peu plus de 43 ans pour atteindre les 570 k€. Soit 10 ans de plus au travail si les rendements sont médiocres…
Bon, théoriquement, sur une telle période, bien plus longue (on parle ici de 40 ans d’investissement, et non plus de 15 ans), les rendements ne devraient pas être aussi mauvais, si on se base sur l’historique connu. Même en traversant plusieurs crises, il y aura aussi des périodes fastes, qui devraient compenser.
Mais rien ne dit que le monde ne va pas changer, que l’économie ne va pas plafonner à un certain stade, et que les rendements ne vont pas baisser. C’est en tout cas le point de vue de ceux qui pensent qu’il y a des limites à la croissance.
Quoi qu’il en soit, on constate clairement que la méthode FIRE n’est pas à la portée de tous, et que sa démocratisation est limitée aux hauts-revenus.
En réalité, je n’ai pas pris le salaire de Julie (3 500 €) au hasard. Selon l’INSEE, le 8ᵉ décile du salaire moyen en France, en 2020, était d’environ 3 000 €, et celui du 9ᵉ décile, d’environ 4 000 €. Cela signifie qu’avec un salaire de 3 500 € par mois, Julie fait partie des 15 % les plus riches.
Voici une autre manière, encore plus parlante, de se représenter les situations de Julie et de Jérémy :
Si l’on traduit ça concrètement, il est possible de dire que dans le cas où l’on dispose d’un salaire qui nous classe parmi les 15 % les plus riches, que l’on adopte un mode de vie sobre et qu’on investit une grosse partie de nos revenus, alors oui, nous pouvons effectivement espérer prendre notre retraite autour de nos 40 ans, à condition de commencer jeune (ou d’avoir un peu d’argent de côté au départ).
En conclusion, la méthode FIRE est en réalité réservée à une minorité qui gagne (très) bien sa vie, et qui a ainsi une capacité d’épargne et d’investissement très nettement supérieure à la moyenne.
J’en veux pour preuve supplémentaire les paramètres par défaut du calculateur utilisé par les adeptes de la méthode FIRE :
- Salaire annuel : 80 000 $
- Dépenses annuelles : 30 000 $
- Valeur nette : 20 000 $
Avec un tel paramétrage, 11 petites années seront nécessaires pour atteindre l’indépendance financière, à 36 ans… tout en se payant le luxe d’avoir un rendement net de seulement 4,2 % par an.
Un salaire annuel de 80 000 $ (soit 75 000 € au taux de change en vigueur au moment où j’écris ces lignes, ce qui correspond à 6 250 € par mois) est bien entendu quelque chose de très commun.
De même, pouvoir investir 50 000 $ par an (soit 47 000 €, soit près de 4 000 € par mois !) est tout à fait banal et représentatif de l’investisseur moyen…
L’apparente démocratisation de la méthode FIRE dans la blogosphère et la vidéosphère a ses limites : si le concept s’est effectivement largement répandu, intellectuellement parlant, sa réalisation concrète reste hors de portée dans la plupart des cas.
Résumons : les cas où la méthode FIRE peut Fonctionner
Vous n’avez pas eu le temps, ou l’envie de tout lire ? (pas de soucis, j’hésite aussi souvent avant de me lancer dans la lecture d’un article de près de 5 000 mots :-)). Dans ce cas, le tableau suivant pourrait vous satisfaire, du moins en partie, en indiquant l’applicabilité de la méthode en fonction du taux d’épargne.
Taux d’épargne | Nombre d’années avant la retraite |
---|---|
5 % | 53 |
10 % | 42 |
15 % | 36 |
20 % | 32 |
25 % | 28 |
30 % | 25 |
35 % | 22 |
40 % | 20 |
45 % | 18 |
50 % | 16 |
60 % | 12 |
70 % | 9 |
80 % | 6 |
90 % | 3 |
100 % | 0 |
Ce tableau est bien sûr théorique, car il peut varier selon les paramètres pris en compte. Voici ceux que j’ai utilisés :
- Capital de départ de 0 €
- Rendement annuel net de 7,2 % par an
- Imposition moyenne de 10 %
- Aucune autre source de revenus
- Une inflation nulle
J’ouvre une parenthèse concernant l’imposition : le temps ne joue pas en faveur des petits épargnants, car plus la durée d’investissement est longue, plus la proportion d’intérêts composés dans le capital obtenu est importante.
Or, les intérêts composés sont des plus-values imposables. Ainsi, en investissant pendant 16 ans à 7,2 % par an, les intérêts composés ne représentent que 45 % du capital obtenu. Mais en investissant pendant 42 ans, ils représentent alors 83 % du capital obtenu.
Avec près de deux fois plus de capital imposable, la facture fiscale n’est plus la même. Le tableau n’est donc pas à prendre au pied de la lettre, car l’imposition va augmenter avec la durée d’investissement.
Par ailleurs, l’imposition dépend aussi du capital nécessaire, puisque dans une assurance vie, les 4 600 premiers euros constitutifs des plus-values seront bien moins imposés que les suivants.
Ainsi, épargner 30 % de ses revenus n’aura pas le même impact fiscal lors des retraits s’il s’agit de 30 % sur un revenu de 2 000 € par mois que sur un revenu de 4 000 € par mois.
Épargner 30 % signifie que l’on peut vivre avec 70 % de ses revenus, soit 16 800 € par an dans le premier cas, 33 600 € dans le second cas, correspondant aux sommes qui devront être rachetées chaque année. Si 70 % des retraits sont imposables, l’abattement annuel de 4 600 € sera plus prégnant sur un capital imposé de 11 760 € que sur un capital imposé de 23 520 €.
L’imposition dépendra donc de deux facteurs :
- La durée d’investissement, qui dépend du taux d’épargne et de l’objectif à atteindre
- Le capital nécessaire pour vivre, qui dépend de l’investisseur
Comme il y a une infinité de cas de figures possibles, j’ai considéré un taux d’imposition moyen de 10 % sur les retraits, mais qu’il faudrait recalculer pour chaque exemple précis. Parenthèse refermée.
Ce tableau a toutefois le mérite de montrer immédiatement, si vous souhaitez utiliser la méthode FIRE, à quel horizon se situe la retraite, selon votre taux d’épargne actuel.
Pour une retraite « rapide », dans une quinzaine d’années, il faut donc pouvoir épargner un peu plus de 50 % de vos revenus. On voit tout de suite que ce n’est pas accessible à tout le monde.
Mettre 10 % de ses revenus de côté pour les investir est souvent considéré comme une bonne chose à faire, dans le monde des finances personnelles et de l’investissement. Et c’est le cas.
Mais cela signifie aussi une retraite dans 42 ans…
Vous l’aurez compris, à mon avis, si elle peut effectivement fonctionner dans certains cas (il faut un salaire élevé et une forte capacité d’épargne), pour la plupart des gens, la méthode FIRE est une utopie. L’objectif ne pourra être atteint que partiellement, au mieux, faute de pouvoir épargner suffisamment.
Néanmoins, si la méthode FIRE semble possible pour vous (ou pas loin), je vous invite à creuser le sujet. Mais si vous paraissez être hors des clous, ce n’est pas grave : il est toujours possible d’investir, même sans chercher à appliquer la méthode FIRE. Ce ne sera jamais inutile !
En outre, ce problème de chiffres est en réalité secondaire, car le fait que la plupart des gens ne peuvent pas l’appliquer n’est pas le principal problème de la méthode FIRE.
Sachant que cet article est suffisamment long, j’ai abordé dans un autre article ce qui est pour moi le vrai problème du mouvement FIRE.
Merci pour cet article. Sur quels autre support peut on investir pour espérer une bonne rentabilité du capital ?
Les actions restent le meilleur actif en termes de rendement à long terme. On peut éventuellement essayer d’améliorer le rendement en ciblant bien les ETF, pour gagner quelques années. Cela étant dit, ce ne sont pas les actions, mais la méthode et ses promesses qui posent problème.
Bonjour,
Merci pour cet article. Un problème se pose également une fois atteint l’objectif d’indépendance financière. Si la personne a un capital de 600 000 euros et qu’elle souhaite prélever 24 000 euros par an pour vivre. Que doit elle faire si son patrimoine principalement en bourse perd 25 % soit 150 000 euros?
Peut-elle encore prendre les 24 000 euros alors que son capital n’est plus que de 450 000? Doit elle pour sécuriser sa « rente » de 24 000 euros transformer la majeure partie des 600 000 euros en placement qui rapporte peu mais qui ne baisse pas (fond euros ou autre…?).
Merci pour vos réponses,
Stéphane
Bonjour Stéphane,
Très bonne remarque, merci. Habituellement, à l’approche de la retraite, on sécurise le capital en intégrant progressivement une dose d’obligations et/ou fonds euros (s’ils se rapprochent des 4 % / an, c’est idéal), pour réduire le risque de forte baisse. Ensuite, il y a deux possibilités :
– Distribution fixe : on retire les 24 000 € comme prévu, normalement ça passe dans 96 % des cas, car le marché remonte toujours suite à une forte baisse.
– Distribution flexible : on retire 4 %, soit seulement 18 000 € si le portefeuille baisse à 450 000 €. La distribution flexible maximise les chances de survie du portefeuille, mais il faut accepter de retirer un peu moins les années de crises.
Il faudra que j’écrive un article à ce sujet. 😉
Les autres alternatives sont les actions à dividendes (dans ce cas, on se moque de leur valeur, on ne regarde que la distribution de dividendes, avec le risque qu’elle ne soit pas égale chaque année), ou un portefeuille immobilier de type SCPI distribuant des revenus récurrents relativement prévisibles, et peu volatils car non cotés.
Pour avoir pas mal traîner sur les milieux FIRE, peu conseille d’être investi à 100% sur un seul support.
Sans compter que beaucoup garde une activité salariée
Mais à un rythme bien moins soutenu ou dans un domaine qui leur tient plus à coeur.
Bref, la chute boursière n’est pas inédite et beaucoup la prévoit (avec d’autres supports, des liquidités etc )
Il faut effectivement diversifier, en intégrant des supports plus défensifs à mesure que l’on se rapproche de l’objectif principal.
Effectivement le montant épargné est la principale limite du mouvement FIRE.
Par contre, du crédit pour investir dans du locatif donnait un bon coup de pouce. Surtout quand les taux était à 1%.
Par exemple avec un investissement à 100k à crédit. Ça donnait 600€ d’échéance mensuel. Pour un loyer (à 4% pour faire simple) de 300.
Donc sur 15 ans, on épargne 300×12×15 soit 54000€ pour un bien à 100k.
Ça donne un bon boost à la capacité d’épargne!
Par contre, avec les taux de crédits actuels, ça sera bien moins efficace!
Après que le mouvement FIRE soit inaccessible au petit salaire ne doit pas empêcher d’épargner.
L’excuse du « c’est inaccessible donc je ne fais rien » est tellement répandu…
Merci pour tout ses calculs!
Les taux qui étaient anormalement bas, historiquement parlant, ont pu permettre de le faire pendant un temps. Et encore, investir massivement dans l’immobilier revient à remplacer son job par celui de gestionnaire immobilier, sauf à passer par une agence (mais alors la rentabilité n’est plus la même).
Sinon effectivement, pour ceux qui ont des revenus trop faibles pour viser FIRE (soit la majorité des gens), cela ne doit pas empêcher d’épargner, car bâtir un capital permettra toujours de disposer de plus de liberté qu’en n’ayant aucun capital.
Article très intéressant sur cette méthode qui est effectivement plutôt réservée aux « gros salaires ».
Néanmoins dans votre exemple vous oubliez de prendre en compte le fait qu’une personne qui travaille durant 30 ans touchera également une retraite, partielle certe, et seulement à 64 ans ou plus je présume sauf régime particulier mais cela est à prendre en compte car automatiquement les retraits seront moindres une fois l’âge de la retraite atteinte… Où les revenus annuels seront plus important.
C’est vrai qu’on peut en tenir compte, mais si le but est de prendre une retraite anticipée (c’est l’objectif de la méthode FIRE), quelqu’un qui souhaite partir à 45 ans devra attendre 20 ans avant de toucher sa retraite partielle. Pendant ce laps de temps, il faudra bien qu’il puisse compter uniquement sur le capital/patrimoine acquis.
Chaque cas est bien entendu différent, selon qu’il y a un capital de départ ou non, le rythme d’investissement, le niveau de vie souhaité, la période d’investissement, le type d’investissement et le régime fiscal qui va avec, etc.