Le Smart Beta, ou comment battre le marché

Smart Beta - battre le marché

Surperformer le marché est le Graal des investisseurs et des gestionnaires de fonds. Le marché représente la performance moyenne de l’ensemble des actions, mais aussi le point de comparaison de toute performance. Battre la marché est donc par définition un objectif ambitieux, auquel s’attaque le Smart Beta.

Qu’est-ce que le Smart Beta ? Il s’agit d’un type d’investissement qui, de par cet objectif ambitieux, se démocratise de plus en plus.

Dans cet article, nous verrons ce qu’est le Smart Beta, et en quoi nous pouvons l’utiliser pour booster la performance de nos investissements.

L’origine du Smart Beta

Le Smart Beta a pour origine à la fois l’Hypothèse des Marchés Efficients et le factor investing.

L’Hypothèse des Marchés Efficients a été formulée par Eugene Fama, un économiste, en 1970. Grosso modo, cette hypothèse avance que le prix des actifs reflète toujours parfaitement leur valeur fondamentale.

Or, les bulles et les krachs montrent que les marchés ne sont pas toujours efficients (ou du moins que cette efficience est relative), et qu’il y avait des facteurs pouvant expliquer les différences de performance entre certains titres.

Eugene Fama (qui a reçu un prix Nobel d’économie en 2013 pour ses travaux) et Kenneth French, professeur d’économie, ont par la suite identifiés deux facteurs expliquant la surperformance de certaines titre : la taille, et la valeur.

Les petites capitalisations et les actions value (celles ayant un prix inférieur leur valeur fondamentale) ont eu historiquement une meilleure performance que l’ensemble du marché.

D’autres facteurs tendant à expliquer une certaine inefficience des marchés ont par la suite été identifiés : le Momentum, la volatilité minimum, la qualité, et les dividendes élevés.

Le factor investing consiste à rechercher des titres ayant comme attributs certains de ces facteurs afin :

  • D’obtenir une meilleure performance
  • De diminuer le risque de son portefeuille

Mais quel est le rapport avec le Smart Beta ?

Smart Beta est une expression récente, dans laquelle le Beta désigne le niveau de volatilité (et donc de risque) d’un actif par rapport à l’ensemble du marché. Les investisseurs souhaitent en effet obtenir le risque le moins élevé possible pour un rendement donné.

Ainsi, le Smart Beta désigne le fait de chercher à optimiser le ratio risque/rendement, et de le faire de manière intelligente (ça, c’est pour le Smart).

L’expression Smart Beta affiche donc la promesse de battre le marché avec un niveau de risque similaire, ou d’obtenir un niveau de risque inférieur pour un rendement similaire à celui du marché.

Les 6 principaux facteurs permettent d’obtenir ce « Beta intelligent », et qui ont été mis en évidence par des études sont :

  • La taille : les actions de petites entreprises surperforment celles des grandes entreprises.
  • La valeur : les actions sous-cotées par rapport à leur valeur fondamentale (les actions value) surperforment les actions de croissance (les actions growth).
  • Le momentum : les actions qui ont récemment monté ont tendance à poursuivre leur hausse.
  • La qualité : Les actions d’entreprises affichant une belle santé financière surperforment les autres.
  • La faible volatilité : les actions peu volatiles ont un meilleur ratio rendement/risque.
  • Les dividendes : Les actions ayant des dividendes plus élevées que la moyenne surperforment.
Les 6 facteurs Smart Beta

Quels sont les avantages du factor investing ?

Le factor investing se situe au croisement de l’investissement passif et de la gestion active.

L’investissement passif consiste à investir dans de grands indices (CAC 40, S&P 500) afin d’obtenir le rendement du marché. Aucun choix particulier n’est fait, et la composition des indices est connue. C’est une façon d’investir en bourse totalement transparente, facile à mettre en œuvre et avec des coûts très faibles.

La gestion active cherche à surpasser le marché de manière discrétionnaire : le gestionnaire du fonds actif sélectionne les titres dont il pense qu’ils vont battre le marché.

Dans les faits, 95% du temps, l’investissement passif, qui consiste à investir dans des trackers d’indices, donne de meilleurs résultats que la gestion active.

Mais si la gestion active ne bat pas le marché, les facteurs le font, en suivant également une sélection discrétionnaire.

Les facteurs reposent en effet sur des recherches académiques, et ont été validés par près d’un demi-siècle de back-testing. Le premium apporté par rapport au marché a pu être mesuré de manière empirique, et sur une période suffisamment longue.

Or, il est possible d’investir dans les facteurs avec des ETF. Les méthodes de sélection des titres des différents facteurs sont connues, et peuvent être facilement appliquées par un ETF.

Le factor investing permet donc d’investir passivement dans des ETF qui agissent comme des gestionnaires actifs capables de surperformer le marché.

La factor investing donne aux investisseurs le meilleur des deux mondes :

  • Une sélection active performante basée sur des critères bien établis : les facteurs.
  • La transparence, la facilité de mise en oeuvre et les faibles coûts de l’investissement passif.

La performance historique des facteurs Smart Beta

MSCI, qui est à l’origine de nombreux indices boursiers, a étudié la performance et le comportement des facteurs sur 40 ans.

Performance historique des facteurs smart beta

L’étude démontre que sur cette période, les facteurs ont tous surpassé leur indice de référence, le MSCI World.

Le facteur le plus performant a été le Momentum, avec un rendement annuel moyen de 13,8%, tandis que la Volatilité minimum a été le moins performant des facteurs avec 11,1% de rendement moyen (celui du MSCI World a été de 10,7%).

Indicateurs clés des facteurs

Au-delà de la performance moyenne, le comportement et la volatilité des différents facteurs sont très variables. Par exemple :

  • Le Momentum surpasse largement le MSCI World, mais au prix d’un risque légèrement supérieur.
  • Inversement, les facteurs volatilité minimum et qualité surpasse le MSCI World tout en ayant un niveau de risque inférieur.
Performance sur risque des facteurs

De même, tous les facteurs n’évoluent pas selon le même cycle de performance.

MSCI a ainsi classé les facteurs en 3 groupes différents :

  • Les facteurs défensifs, qui surperforment la marché lors des phases de baisse : la volatilité minimum, les dividendes élevés et la qualité.
  • Les facteurs pro-cycliques, qui superforment le marché lors des cycles haussiers : la valeur et la taille.
  • Un facteur persistant, qui surperforme le marché quel que soit son cycle : le Momentum.
Facteurs défensifs, persistants et pro-cycliques
Source : MSCI Factor Investing Webinar Series

La performance récente du Smart Beta

Dans le domaine de l’investissement financier, rien n’est figé, et le comportement des actifs, tout comme des facteurs, peut évoluer.

MSCI a créé depuis 2005 des indices propres à chaque facteur. Leur performance récente, sur 15 ans (2005-2020), est particulièrement intéressante puisqu’elle englobe une crise majeure (2008), suivie d’une décennie de forte hausse des marchés.

Performance 2005-2020 du Smart Beta
Source : https://www.msci.com/factor-investing

Le Momentum semble toujours être le facteur le plus performant, du fait de sa polyvalence.

La qualité est la faible volatilité semblent plus performants que par le passé. Il n’est pas étonnant de retrouver des facteurs défensifs parmi les plus performants, dans une période qui a été secouée par la crise de 2008.

À l’opposé, la valeur et les dividendes semblent avoir perdu leur efficacité : ils n’ont pas battu le marché sur 15 ans.

Cependant, il est impossible à dire si ces facteurs n’offrent désormais plus aucun premium par rapport au marché, ou bien s’ils évoluent simplement selon des cycles plus long, qui peuvent les conduire à sous-performer pendant de longues années.

Le même raisonnement peut s’appliquer au facteur taille, dont la performance récente est en baisse, et relativement proche de celle du MSCI World. Rien ne dit que ce facteur ne sera pas à nouveau très performant dans les 15 prochaines années.

Le multi-facteur : et si on combinait les facteurs ?

L’idée de combiner plusieurs facteurs pour additionner leurs qualités est une idée séduisante.

Certains facteurs se combinent en effet très bien. La taille et la valeur sont un très bon exemple.

Entre 1972 et 2020, les actions valeur et les petites capitalisations ont chacune battu le S&P 500. Mais la combinaison des deux a produit une performance encore supérieure.

Combinaison des facteurs taille et valeur
Source : portfoliovisualizer.com

Ainsi, les small cap value (actions de petites entreprises orientées valeur) ont progressé de 13,53%/an en moyenne, contre 10,16%/an pour le S&P 500.

Sur les 15 dernières années cependant, la combinaison des facteurs taille et valeur n’a pas permis de battre le marché.

Dans l’optique d’associer les facteurs, MSCI a créé les Diversified Multiple-Factor Indexes, qui combinent à la fois les facteurs valeur, Momentum, petite taille et qualité.

Les facteurs n’étant pas très corrélés entre eux, l’objectif est de lisser la performance, afin d’éviter de se retrouver avec un seul facteur qui sous-performe pendant plusieurs années.

On peut cependant s’interroger sur l’association des facteurs valeur et Momentum, dont les critères (des titres sous-cotés d’une part, et en forte croissance d’autre part), semblent s’annuler.

Lorsqu’on observe le MSCI World Diversified Multiple-Factor Index (qui combine valeur, petite taille, Momentum et qualité), l’exposition au Momentum semble avoir été complètement diluée, et celle à la valeur, réduite.

Exposition de l'indice multi-facteur

Cette combinaison de quatre facteurs revient donc à s’exposer principalement à seulement deux d’entre eux : la taille et la qualité.

En termes de performance, le MSCI World Diversified Multiple-Factor, surpasse le marché, mais dans une moindre mesure que les seuls facteurs Momentum et qualité (voir le graphique sur la performance récente des facteurs, un peu plus haut).

Dans ce cas précis, l’association des quatre facteurs a grosso modo permis d’obtenir la moyenne de performance des quatre.

Par ailleurs, cette combinaison de facteurs n’a pas eu d’effet protecteur lors de la crise de 2008 (-40%, identique au marché), et elle a même légèrement amplifié la correction de 2018 (-11,06%, contre -8,20% pour le MSCI World).

La performance du multi-facteur

Si le multi-facteur permet également de battre le marché, il n’est donc pas forcément supérieur aux facteurs pris individuellement.

Quelles sont les limites du Smart Beta ?

Les ETF Smart Beta ont des frais un peu supérieurs à la plupart des ETF, pour plusieurs raisons :

  • La rotation des titres au sein des indices Smart Beta est supérieure à celle des indices traditionnels, ce qui occasionne des frais d’ordres supplémentaires, qui sont répercutés sur les frais de gestion de l’indice.
  • Les indices Smart Beta sont moins utilisés que les indices traditionnels.

Ainsi, le iShares Core MSCI World (18,5 Mds d’euros d’encours) comporte 0,20% de frais annuels, contre 0,30% pour le iShare Edge MSCI World Value Factor (1,73 Mds d’euros d’encours).

De plus, certains facteurs peuvent sous-performer le marché pendant plusieurs années, voir pendant plus d’une décennie. Cela peut être le cas pour les facteurs valeur, taille et dividendes élevés.

Il faut avoir les nerfs solides ou bien avoir oublié son investissement pour accepter une performance inférieure avec des frais supérieurs pendant aussi longtemps.

Intégrer le smart beta dans sa stratégie d’investissement

Il y a plusieurs manières d’intégrer le Smart Beta dans son portefeuille :

  • Remplacer ses ETF d’actions par leurs équivalents Smart Beta (un ETF World par un ETF World Momentum par exemple).
  • En diversifiant, par petites touches : certains facteurs peuvent sous-performer pendant de nombreuses années. Il peut donc être judicieux de les intégrer à petite dose dans son portefeuille, plutôt que de manière exclusive (par exemple en combinant un ETF sur les grandes capitalisations avec un ETF sur les petites capitalisations).
  • Manuellement, en sélectionnant ses titres : les critères de sélection de certains facteurs sont multiples. Par exemple, différents critères peuvent être utilisés pour sélectionner des actions répondant aux facteurs valeur ou qualité. Vous pouvez choisir vos critères de sélection, et les appliquer manuellement.

Warren Buffett pratique le Smart Beta depuis longtemps, en investissant dans des sociétés décotées mais en bonne santé, ou potentiellement en bonne santé après avoir été réorganisées correctement (on reconnaîtra un mélange des facteurs valeur et qualité dans sa stratégie).

Pour cela, il applique ses propres critères, qu’il a longuement peaufiné. Cependant, n’est pas Warren Buffett qui veut, et lui-même conseille d’ailleurs aux investisseurs de ne pas chercher à sélectionner leurs titres, mais plutôt d’investir passivement dans des indices.

La sélection manuelle, avec ou sans Smart Beta, est de toute manière réservée aux investisseurs averti et passionnés, car les chances de battre le marché de cette manière sont minces.

Une autre variante d’application du Smart Beta pourra être d’investir dans des indices géographiques ou sectoriels en situation de Momentum, en suivant leur tendance haussière, puis en les revendant lorsque la tendance faiblit et se termine.

C’est ce type de stratégie que j’applique avec mon Portefeuille à Haut Rendement. Les résultats obtenus montrent que le suivi de tendance fonctionne plutôt bien en termes de performance par rapport au marché (le Momentum est historiquement le facteur le plus performant).

Toutefois, le suivi de tendance ou le market timing demandent une application rigoureuse à long terme, et nécessitent un paramétrage relativement précis pour fonctionner de façon optimale.

Quelques exemples d’ETF Smart Beta

  • Facteur qualité aux Etats-Unis : iShares Edge MSCI USA Quality Factor (0,20% de frais)
  • Facteur taille en Europe : Amundi ETF Euro Stoxx Small Cap (0,30% de frais), accessible au PEA
  • Facteur valeur dans le monde : Lyxor SG Global Value Beta (0,40% de frais), accessible dans certaines assurances vie

Amundi possède une gamme complète d’ETF Smart Beta pour l’Europe, relativement bon marché (0,23% de frais chacun).

La performance historique du Smart Beta, son accessibilité facilité grâce aux ETF et des frais raisonnables en font une stratégie de plus en plus prisée par les investisseurs, et de plus en plus mise en avant par les émetteurs d’ETF.

Le Smart Beta n’en est encore qu’à ses débuts, et il va probablement prendre encore plus d’ampleur dans les prochaines années.

2 commentaires sur “Le Smart Beta, ou comment battre le marché

  1. J’ai lu avec le plus grand intérêt l’ensemble de ces articles complets et précis.
    J’y ai appris l’essentiel pour me faire une idée de ce que je devais faire, ou pas…
    Grand merci à vous et votre équipe.
    MJR

    1. Je vous remercie et suis heureux que mes articles sur le Smart Beta entre autres aient pu vous aider.
      L’équipe reste jusqu’ici constituée d’une seule personne. 🙂
      Antonin

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