Le Smart Beta, ou comment battre le marché

Smart Beta - battre le marché

Surperformer le marché est le Graal des investisseurs et des gestionnaires de fonds. Le marché représente la performance moyenne de l’ensemble des actions, mais aussi le point de comparaison de toute performance. Battre le marché est donc par définition un objectif ambitieux, qui peut être atteint avec le Smart Beta.

Qu’est-ce que le Smart Beta ? Nous allons voir qu’il s’agit d’une façon très spécifique de sélectionner ses investissements, en quoi nous pouvons l’utiliser pour booster la performance de nos investissements, et ce qui fait qu’il se démocratise de plus en plus.

En complément de l’article, vous pouvez aussi écouter l’épisode de l’excellent Podcast Jugeote, ci-dessous, dans lequel j’ai été invité pour parler du Smart Beta.

L’origine du Smart Beta

Le Smart Beta a pour origine à la fois l’Hypothèse des Marchés Efficients et l’investissement factoriel.

L’Hypothèse des Marchés Efficients a été formulée par Eugene Fama, un économiste, en 1970. Cette hypothèse avance que le prix des actifs reflète toujours parfaitement leur valeur fondamentale. Sur les marchés, tous les actifs cotés auraient donc un prix cohérent.

Or, les bulles et les krachs montrent que les marchés ne sont pas toujours efficients (ou du moins, que cette efficience est très relative), et qu’il y a des facteurs qui peuvent expliquer les différences de performance entre les titres.

Eugene Fama (qui a reçu un prix Nobel d’économie en 2013 pour ses travaux) et Kenneth French, professeur d’économie, ont identifié deux premiers facteurs expliquant la surperformance de certains titres : la taille et la valeur.

Leurs travaux montrent que les petites capitalisations et les actions value (celles ayant un prix inférieur à leur valeur fondamentale) ont tendance à produire une meilleure performance que celle de l’ensemble du marché.

D’autres facteurs tendant à expliquer une certaine inefficience des marchés ont par la suite été identifiés : le Momentum, la volatilité, la qualité et les dividendes.

L’investissement factoriel consiste à investir dans des titres et segments de marché qui ont comme attributs certains de ces facteurs, dans le but :

  • D’obtenir une meilleure performance.
  • De diminuer le risque de son portefeuille.

Définition du Smart Beta

Smart Beta est une expression récente, dans laquelle le Bêta (ou Beta) désigne le niveau de volatilité (et donc de risque) d’un actif par rapport à l’ensemble du marché. Pour un rendement identique, les investisseurs souhaitent obtenir le risque le moins élevé possible.

Le Bêta est ainsi utilisé comme mesure du risque d’un investissement. Il a un cousin, l’Alpha, qui mesure quant à lui le premium de performance obtenu face au marché.

Que pourrait donc être un Bêta qui est « Smart » ? Le Smart Beta désigne le fait de chercher à optimiser le ratio rendement / risque (une optimisation intelligente, pour le « smart » !).

L’expression Smart Beta désigne donc une optimisation du ratio rendement / risque, qui doit permettre :

  • De battre le marché, avec un niveau de risque similaire (le Smart Beta génère donc de l’Alpha).
  • De réduire les risques, sans diminuer le rendement obtenu.
  • Une combinaison des deux.

Les 6 principaux facteurs mis en évidence par des études et permettant d’obtenir ce « Beta intelligent » sont :

  • Taille : les actions des petites entreprises, par comparaison aux actions des grandes entreprises.
  • Valeur : les actions sous-cotées par rapport à leur valeur fondamentale (les actions value ou de valeur).
  • Momentum : les actions dont les prix affichent une tendance haussière.
  • Qualité : les actions d’entreprises affichant une belle santé financière.
  • Volatilité minimum : les actions les moins volatiles.
  • Dividendes : les actions versant des dividendes plus élevés que la moyenne.
Les principaux facteurs smart beta
Source : https://www.msci.com/

Quels sont les avantages de l’investissement factoriel ?

L’investissement factoriel consiste à investir en sélectionnant des titres représentatifs d’un ou plusieurs facteurs d’investissement. Il se situe au croisement de l’investissement passif et de la gestion active.

L’investissement passif consiste à investir dans de grands indices (CAC 40, S&P 500) afin d’obtenir le rendement du marché. Aucun choix particulier n’est fait, toutes les actions d’un indice sont sélectionnées et la composition des indices est connue. C’est une façon d’investir en bourse totalement transparente, facile à mettre en œuvre et avec des coûts très faibles.

La gestion active cherche à surpasser le marché de manière discrétionnaire : le gestionnaire du fonds actif sélectionne les titres dont il pense qu’ils vont battre le marché.

Dans les faits, 95 % du temps, l’investissement passif donne de meilleurs résultats que la gestion active : c’est ce que montre chaque année l’étude SPIVA.

Mais si la gestion active ne bat pas le marché, les facteurs d’investissement semblent avoir cette capacité, en suivant une sélection par critères, basée sur les facteurs.

Pour arriver à battre le marché, les facteurs exploitent les inefficiences du marché, qui sont documentées par les recherches académiques. À cela s’ajoute au moins un demi-siècle d’étude des performances. L’amélioration du ratio rendement / risque a ainsi pu être mesurée de manière empirique, et sur une période suffisamment longue pour être significative.

La performance historique des facteurs

MSCI (Morgan Stanley Capital International), qui est à l’origine de nombreux indices boursiers, a publié plusieurs études sur le Smart Beta.

Performance historique des facteurs smart beta
Source : https://info.msci.com/how-can-factors-be-combined

MSCI démontre notamment que sur une période de plus de 40 ans (1975-2018), les facteurs ont tous surpassé lindice de référence MSCI World.

Le facteur le plus performant a été la valeur, suivie par le Momentum, avec des rendements annuels moyens respectifs de 14,5 % et 13,7 %, contre 10,5 % pour le MSCI World. La Volatilité minimum a été le facteur le moins performant avec 11 % de rendement moyen, soit « seulement » 0,5 % de plus que le MSCI World.

Performance moyenne des facteurs smart beta
Source : https://info.msci.com/how-can-factors-be-combined

Au-delà de la performance moyenne, le risque lié aux facteurs est sensiblement le même que celui du MSCI World :

  • Volatilité : Les facteurs valeur, Momentum et taille (représenté par l’indice World equal weighted) ont généré une volatilité légèrement supérieure à celle du MSCI World, tandis que le facteur volatilité minimum permet, comme son nom l’indique, de réduire considérablement la volatilité (11,5 % contre 14,4 % pour le MSCI World)
  • Drawdown max (baisse maximale) : Les facteurs dividendes et valeur ont subi un drawdown maximal légèrement supérieur à celui du MSCI World (jusqu’à – 58,8 % contre -53,7 % pour le MSCI World), tandis que les facteurs qualité et volatilité minimum ont subi une baisse maximale de « seulement » – 43 à – 44,5 %.

Certains facteurs semblent donc légèrement plus risqués / moins risqués que le MSCI World.

Toutefois, il est notable de constater que tous les facteurs permettent d’améliorer le ratio rendement / risque, qui est de 0,73 pour le MSCI World. Le facteur taille a le plus faible ratio rendement / risque (tout de même supérieur au MSCI World avec 0,79), tandis que le facteur volatilité minimum a le meilleur avec 0,96.

Par ailleurs, tous les facteurs n’évoluent pas selon les mêmes cycles de performance. MSCI classe ainsi les facteurs en 3 groupes différents :

  • Les facteurs défensifs, qui surperforment le marché lors des phases de baisse : la volatilité minimum, les dividendes et la qualité.
  • Les facteurs pro-cycliques, qui surperforment le marché lors des phases haussières : la valeur et la taille.
  • Un facteur persistant, qui surperforme le marché à la fois en phase de baisse et de hausse modérée : le Momentum (on retrouve cette persistance dans le graphique de MSCI remontant à 1975, notamment en comparaison avec la valeur).
Facteurs défensifs, persistants et pro-cycliques
Source : MSCI Factor Investing Webinar Series

La performance récente du Smart Beta

Dans le domaine de l’investissement financier, rien n’est figé, et le comportement des actifs, tout comme des facteurs, peut évoluer.

MSCI ayant créé des indices propres à chaque facteur, il est possible de suivre leurs performances, en intégrant des données plus récentes que celles des études qu’ils ont produites.

Le graphique suivant permet de comparer la performance récente des six principaux facteurs Smart Beta.

Note : j’ai remplacé le facteur taille, qui comprend des Mid Cap, par un simple indice World Small Cap, qui me semble être une meilleure représentation du facteur taille. Ce facteur est souvent représenté dans les études par un indice Equal Weight, qui ne comporte pas de small caps, et qui se contente de pondérer à l’identique toutes les Large Cap (ce qui réduit simplement le poids des plus grandes). Je lui préfère donc un indice Small Cap.

Performance récente des facteurs Smart Beta
Source : https://curvo.eu/backtest/

Comme dans les études de MSCI, les facteurs valeur et Momentum font partie des plus performants. Néanmoins, le facteur taille (avec les small cap) est devant. En tenant compte du fait qu’il a pu être sous-estimé dans les études, du fait d’une mauvaise représentation, le facteur taille est peut-être le facteur le plus performant.

Toutefois, l’historique de l’indice World Small Cap est plus restreint que celui des autres facteurs : il est donc difficile de tirer des conclusions définitives.

Le facteur qualité apparaît plus performant que dans les études de MSCI. Cela peut s’expliquer par le fait qu’aujourd’hui, à l’ère d’Internet, l’information est immédiatement disponible. Ainsi, il est aujourd’hui très facile de trouver des titres de qualité. Il y a 30 ou 40 ans, il fallait pour cela se farcir des livres de résultats pour distinguer les entreprises les unes des autres, pas très emballant…

Pour avoir une idée de la performance des facteurs par rapport au MSCI World, j’ai repris le graphique précédent, en remplaçant le MSCI World High Dividend Yield, le facteur le moins performant ces dernières années, par le MSCI World (Curvo ne permettant de comparer que 6 portefeuilles maximum). Pour pousser la comparaison, j’ai cette fois inclus les données chiffrées.

Performance des facteurs Smart Beta par rapport au MSCI World
Source : https://curvo.eu/backtest/

Sur les 25 dernières années (environ), le facteur taille a été le plus performant (8,16 % de rendement annuel moyen, contre 5,69 % pour le MSCI World). En démarrant en 2000, un portefeuille de 100 000 € investi sur des small cap aurait ainsi généré 619 087 €, contre seulement 361 683 € pour le MSCI World (les frais ne sont pas pris en compte).

Pour autant, le facteur taille est aussi le plus volatil, avec un écart-type de 16,82 %, contre 14,28 % pour le MSCI World.

Tous les facteurs ont également un meilleur ratio de Sharpe (qui mesure le ratio rendement / risque) que le MSCI World (de 0,45 à 0,50, contre 0,36 pour ce dernier).

Si l’on revient sur le risque, avec les drawdowns (baisses maximales observées), on constate que les facteurs taille et valeur ont connu, au plus fort de la crise de 2008, des baisses plus importantes que le MSCI World (respectivement -53,4 % et -53,6 % contre -48,9 %), tandis que les facteurs volatilité minimum et qualité ont subi une baisse relativement moins forte que le MSCI World (respectivement -38 % et -43,2 % contre -48,9 %).

Drawndowns (plus fortes baisses) des facteurs Smart Beta par rapport au MSCI World
Source : https://curvo.eu/backtest/

L’étude des performances permet nous ramène à la classification des facteurs par MSCI : les facteurs défensifs paraissent être les moins risqués (qualité, volatilité minimum), tandis que les facteurs pro-cycliques (taille, valeur) ou persistants (Momentum) semblent les plus performants.

Globalement, les performances récentes confirment donc les études de MSCI (qui remontent bien plus loin dans le temps), à quelques exceptions près : le facteur taille, qui pose question des différentes manières de le représenter, et le facteur qualité, qui a pu être influencé par l’évolution de la société.

Certains facteurs semblent également plus réguliers que d’autres : c’est le cas du Momentum, dont la surperformance face au MSCI World apparaît régulièrement, et dont les périodes de sous-performance sont généralement assez courtes.

Ce n’est pas le cas du facteur valeur qui, bien qu’étant le plus performant historiquement d’après MSCI (si l’on remonte au premier graphique), peut avoir de gros trous d’air : ainsi, la valeur, qui a été 4 fois le facteur le plus performant entre 2000 et 2006, a plongé à partir de 2015, en étant 3 fois le moins performant, entre 2015 et 2019. C’est ce que montre le graphique suivant.

Performance annuelle comparée des facteurs par rapport au MSCI World
Source : MSCI – Introducing MSCI Factor Indexes

C’est aussi le cas du facteur qualité, qui, après avoir été le facteur le moins performant durant 4 années successives, entre 2003 et 2006, fait désormais partie des plus performants depuis 2014. On le constaterait d’ailleurs toujours si le tableau contenait des données plus récentes.

Le même raisonnement peut s’appliquer au facteur taille, dont la performance récente est en baisse. Les rendements des facteurs sont cycliques, et rien ne dit que les facteurs taille et valeur ne seront pas à nouveau très performants durant les 15 prochaines années.

Le multi-factoriel : et si on combinait les facteurs ?

La nature cyclique des facteurs a fait émerger une idée séduisante : combiner les facteurs pour lisser leur performance, afin d’éviter de vivre de potentielles longues périodes de sous-performances.

Les facteurs peuvent être combinés de deux façons :

  1. En les juxtaposant dans un portefeuille, de la même manière qu’en diversifiant un portefeuille classique.
  2. En les combinant dans un même indice multi-factoriel, qui exprimera plusieurs facteurs à la fois.

La première approche consiste à associer manuellement différents facteurs dans un portefeuille. Si l’on souhaite réduire l’effet des cycles propres à chaque facteur, l’idéal sera alors de combiner des facteurs non corrélés entre eux, afin que l’alternance de leurs phases de performance se complète du mieux possible.

Or, certains facteurs sont très peu corrélés, voire corrélés négativement. C’est le cas de la taille avec le Momentum et la qualité, des dividendes avec le Momentum, du Momentum avec la valeur, ou encore de la valeur avec la volatilité minimum.

Corrélations entre les facteurs smart beta
Source : https://info.msci.com/how-can-factors-be-combined

On pourrait rajouter d’autres combinaisons possibles, pour certains couples de facteurs peu corrélés (corrélations autour de 0,10 – 0,12). Plusieurs facteurs peuvent ainsi être associés dans un portefeuille.

Par exemple, on pourrait supposer que l’association des facteurs taille et qualité, qui ont la corrélation négative la plus forte, permettrait de minimiser le risque de subir une sous-performance prolongée par rapport au MSCI World.

La seconde approche consiste à utiliser des indices multi-factoriels, construits pour être exposés à plusieurs facteurs à la fois.

Par exemple, l’indice MSCI World Diversified Multiple-Factor combine les facteurs valeur, Momentum, qualité et taille.

Exposition aux facteurs du MSCI World diversified multiple factor
Source : MSCI World Diversified Multiple-Factor Index

La combinaison de plusieurs facteurs dans un même indice a donné des résultats très satisfaisants. La performance est toujours nettement améliorée par rapport au MSCI World (rendement annuel de 9,55 % contre 6,84 % depuis 1998), tandis que le niveau de risque est très légèrement inférieur au MSCI World, si l’on observe le Bêta, la deviation standard (volatilité) ou le drawdown max (baisse maximale).

Source : MSCI World Diversified Multiple-Factor Index

On peut toutefois noter que cette combinaison de 4 facteurs différents n’a pas empêché l’indice multi-factoriel de sous-performer le MSCI World de 1 % par an lors des 10 dernières années.

Les indices multi-factoriels s’en sortent également très bien lorsqu’on compare leur performance avec celle des indices individuels. L’exemple suivant montre l’évolution du JP Morgan Diversified Factor Global Developed Equity, qui offre une exposition aux facteurs suivants : valeur, Momentum, faible volatilité et taille.

Source : https://curvo.eu/backtest/

Bien que l’historique de performance soit réduit à une vingtaine d’années, on constate que la performance de l’indice multi-factoriel est meilleure que celle de presque tous les autres facteurs, à l’exception du Momentum. Cependant, l’amputation du début des années 2000, très favorable à la valeur, handicape largement cette dernière. Les résultats sont donc à relativiser en partie.

Toutefois, les très bons résultats du multi-factoriel ont été produits avec une volatilité inférieure à celle des autres facteurs (à l’exception du facteur volatilité minimum), ce qui fait qu’il obtient un meilleur ratio rendement / risque (représenté par le ratio de Sharpe) que les facteurs individuels.

Les avantages de l’approche multi-factorielle dans un même indice sont sa simplicité de mise en place, et une optimisation encore plus poussée du ratio rendement / risque.

Son inconvénient majeur est qu’il n’est pas possible de choisir les facteurs qui sont intégrés dans un indice multi-factoriel. On peut aussi noter que l’exposition à chaque facteur n’est pas aussi forte que dans un indice comprenant un seul facteur : la combinaison des facteurs entraîne une certaine dilution de leur exposition.

Quelles sont les limites du Smart Beta ?

Le Smart Beta n’a pas que des avantages. Ses deux principales limites sont les frais et le risque de sous-performance.

Les ETF Smart Beta ont des frais un peu supérieurs à la plupart des ETF, pour plusieurs raisons :

  • La rotation des titres au sein des indices Smart Beta est supérieure à celle des indices traditionnels, ce qui occasionne des frais d’ordres supplémentaires, qui sont répercutés sur les frais de gestion de l’indice.
  • Les indices Smart Beta sont moins utilisés que les indices traditionnels. Les émetteurs ne peuvent donc pas baisser autant les frais qu’avec leurs ETF classiques, plus capitalisés, dont l’effet de masse permet de diminuer les frais de gestion.

Par exemple, le iShares Core MSCI World UCITS ETF USD (Acc) (IE00B4L5Y983) comporte 0,20 % de frais annuels, contre 0,30 % pour le iShares Edge MSCI World Momentum Factor UCITS ETF (Acc) (IE00BP3QZ825).

Autre exemple, les frais de gestion du Amundi Prime Europe UCITS ETF DR (C) (LU2089238039) sont de seulement 0,05 %, contre 0,23 % pour le Amundi MSCI Europe High Dividend Factor UCITS ETF EUR (C) (LU1681041973).

Les ETF à dividendes ou multi-factoriels sont d’ailleurs les plus chers : la plupart dépassent les 0,30 % ou 0,40 % de frais annuel.

Ces frais sont acceptables en cas de surperformance du Smart Beta dans la durée, mais seront plus douloureux en cas de sous-performance des facteurs, car oui : il existe un risque de sous-performance du Smart Beta face au marché. C’est sa seconde limite.

Tous les facteurs ne surperforment pas largement ni régulièrement les indices de référence classiques. Certains ont une surperformance légère (volatilité minimum), discutable (dividendes) ou épisodique (valeur, qualité), liée à leur cyclicité.

Certains facteurs peuvent ainsi sous-performer le marché pendant plusieurs années, voire durant plus d’une décennie. Cela peut être le cas pour les facteurs valeur, taille et dividendes. Dans ces conditions, il est émotionnellement difficile de maintenir une stratégie qui sous-performe durant plusieurs années.

En plus du risque de marché, inhérent à tout investissement coté sur les marchés, le Smart Beta introduit donc un risque supplémentaire : celui de sous-performer le marché à court ou moyen terme.

Ce risque est toutefois le même que celui supporté par les investisseurs en fonds actifs (dont la performance obtenue par le gestionnaire de leurs fonds peut sous-performer, et sous-performe d’ailleurs la grande majorité du temps), ou par les investisseurs faisant du stock picking (qui investissent dans un portefeuille de quelques actions individuelles), dont la performance de leur portefeuille risque d’être inférieure à celle du marché.

Intégrer le smart beta dans sa stratégie d’investissement

Approche via ETF ou approche manuelle

Il y a plusieurs manières de mettre en place une stratégie Smart Beta dans son portefeuille :

  • La première consiste à investir dans les facteurs avec des ETF. Les méthodes de sélection des titres des différents facteurs sont connues, et peuvent être facilement appliquées par des indices, qui sont répliqués via des ETF.
  • La seconde consiste à orienter manuellement son portefeuille vers le Smart Beta. Il s’agit alors de sélectionner des titres ou indices, selon les critères du Smart Beta : actions à faible valorisation (pour le facteur valeur), à faible capitalisation (facteur taille), aux résultats solides (facteur qualité) ou en tendance haussière (Momentum).

Cette seconde manière offre un espace de liberté beaucoup plus grand : vous pouvez vous concentrer sur un seul facteur, en allant plus loin dans l’exposition que les indices Smart Beta (qui doivent rester suffisamment larges), ou encore combiner librement les facteurs entre eux. Libre à vous d’imaginer un portefeuille qui serait tout autant small, value et Momentum, par exemple, ou toute autre combinaison que vous jugerez bonne.

Cela dit, l’approche manuelle est bien plus complexe à mettre en œuvre, car il faudra définir vos propres critères Smart Beta, puis les appliquer. Cela implique une stratégie claire et réfléchie, ainsi qu’une gestion active de votre portefeuille, en prenant en compte l’impact des frais de transactions et de vos émotions. Plus facile à dire qu’à faire.

Le portefeuille haut rendement est basé sur un Momentum manuel, historiquement plus performant qu’un Momentum via ETF, mais qui est aussi plus complexe à utiliser et à maintenir dans le temps, pour les raisons précédemment évoquées.

De grands investisseurs appliquent le Smart Beta manuellement, avec succès, et parfois depuis longtemps. Warren Buffett est le plus connu d’entre-deux : il a commencé par investir dans de petites sociétés décotées, avant d’élargir son champ d’investigation aux grandes sociétés dont la croissance des bénéfices est régulière. On reconnaîtra un mélange des facteurs valeur, taille et qualité.

Pour cela, il applique ses propres critères, qu’il peaufine depuis des décennies. Cependant, n’est pas Warren Buffett qui veut, et lui-même conseille d’ailleurs aux investisseurs de ne pas chercher à l’imiter en sélectionnant des titres, mais plutôt d’investir passivement dans des indices.

La sélection de titres, avec ou sans Smart Beta, est de toute manière réservée aux investisseurs avertis et passionnés, car les chances de battre le marché de cette manière sont assez minces (même lorsque les probabilités sont de votre côté, l’impact des émotions peut rendre l’application difficile).

La mise en place d’une stratégie Smart Beta via ETF reste donc la manière la plus simple de procéder. En revanche, elle comporte certaines limites, selon le type de compte.

Disponibilité des ETF Smart Beta selon le type de compte

Le ETF qui répliquent des indices Smart Beta sont largement accessibles à partir d’un compte-titres (CTO) ou d’une assurance vie luxembourgeoise, qui disposent d’un univers d’investissement particulièrement vaste. En revanche, pour l’assurance française ou le PEA, cela se complique, selon les facteurs.

Concernant le PEA, les ETF Smart Beta accessibles sont assez limités : les seuls dignes d’intérêt sont les ETF small cap et value d’Amundi (couvrant l’Europe et les États-Unis), même si l’orientation valeur n’est pas très forte, ou les ETF à dividendes, qui offrent plusieurs choix.

Les autres ETF Smart Beta éligibles au PEA ont de trop gros défauts : les ETF multi-factoriels de First Trust sont très chers (0,65 % de frais), les ETF BNP Paribas Easy Momentum sont de mauvaise qualité (ils n’arrivent pas à capter correctement le facteur Momentum), tout comme les BNP Paribas Easy Quality ou BNP Paribas Easy Value, qui n’ont pas démontré grand-chose de positif depuis leur création.

D’ailleurs, jusqu’ici, BNP ne se démarque ni sur les ETF, ni sur le Smart Beta (hormis avec leurs ETF à faible volatilité).

En ce qui concerne l’assurance vie française, on ne trouve des ETF Smart Beta qu’au cas par cas, selon le choix des assureurs. Les plus courants sont les ETF small cap ou à dividendes, qui apparaissent dans de nombreux contrats. Pour les autres facteurs, les ETF Smart Beta se font rares dans les contrats d’assurance vie.

On peut toutefois avoir de bonnes surprises, comme avec Meilleurtaux Placement Vie, qui propose des ETF Momentum et qualité pour l’Europe, ou avec Placement Direct Vie, qui intègre un ETF World Momentum.

Via des ETF, l’investissement factoriel offre aux investisseurs le meilleur des deux mondes :

  • Une sélection active basée sur des critères bien établis : les facteurs.
  • La transparence, la facilité de mise en œuvre et les faibles coûts de l’investissement passif.

Partant de là, les ETF Smart Beta peuvent être intégrés dans un portefeuille :

  • En remplacement de leurs équivalents classiques : en substituant un ETF World par un ETF qualité, par exemple (ou par plusieurs ETF World Smart Beta).
  • En association avec des ETF classiques, par petites touches : comme certains facteurs peuvent sous-performer durant de nombreuses années, il peut être judicieux de les associer avec des ETF classiques, par exemple en combinant un ETF sur les grandes capitalisations avec un ETF sur les petites capitalisations, ou en combinant un ETF World classique avec un ETF World Value.

La performance historique du Smart Beta et son accessibilité, facilitée grâce aux ETF, en font une stratégie de plus en plus prisée par les investisseurs, ce qu’ont bien compris les émetteurs d’ETF.

Le Smart Beta, qui a déjà une longue histoire, n’en est encore qu’à ses débuts en termes de démocratisation, et je m’attends à ce qu’il prenne encore plus d’ampleur dans les prochaines années.

2 commentaires sur “Le Smart Beta, ou comment battre le marché

  1. J’ai lu avec le plus grand intérêt l’ensemble de ces articles complets et précis.
    J’y ai appris l’essentiel pour me faire une idée de ce que je devais faire, ou pas…
    Grand merci à vous et votre équipe.
    MJR

    1. Je vous remercie et suis heureux que mes articles sur le Smart Beta entre autres aient pu vous aider.
      L’équipe reste jusqu’ici constituée d’une seule personne. 🙂
      Antonin

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