Le Momentum, le facteur de surperformance

Le Momentum, le facteur qui surperforme le marché

Qu’est-ce que le Momentum ?

Le Momentum est un mot latin, qui porte l’idée de mouvement, d’impulsion, d’élan.

En bourse, le Momentum désigne la vitesse d’accélération du prix d’un actif.

C’est à la fois une mesure (la vitesse d’accélération) et une stratégie, basée sur les mouvements des prix à court et moyen terme, plutôt que sur la valeur fondamentale des actifs.

Au lieu de chercher à acheter bas et à vendre haut, les investisseurs qui utilisent le Momentum se concentrent sur la tendance des prix. On parle alors d’investissement dans la tendance.

Concrètement, les investisseurs achètent les titres ayant la meilleure performance récente, en partant du principe que ces titres continueront leur progression pendant une certain temps, avant de se retourner.

Le Momentum présente une similitude avec la physique et la première loi de Newton, le principe d’inertie, qui explique que lorsqu’un objet est en mouvement, il continuera jusqu’à ce qu’une force opposée ne le stoppe.

Les investisseurs qui l’utilisent pour suivre la tendance cherchent à obtenir l’Alpha : un rendement supérieur à celui du marché.

Les stratégies d’investissement basées sur le Momentum entrent en contradiction avec l’hypothèse selon laquelle les marchés sont efficients et qu’il est impossible de battre le marché.

Plus largement, le Momentum ne s’applique pas qu’à la bourse. Il peut aussi être utilisé dans tous les domaines de la vie (par exemple, un sportif cherche à créer et à entretenir un Momentum dans sa performance).

L’élan qu’il procure est aussi une étape dans la mise en place de l’effet cumulé.

La riche histoire du Momentum

En tant que stratégie d’investissement, le Momentum a déjà une longue et riche histoire derrière elle.

David Ricardo (un économiste britannique du 18ᵉ-19ᵉ siècle) et Jess Livermore (un trader du début du 20ᵉ siècle), ont bâti leur fortune en suivant la tendance du marché.

Au 19ᵉ siècle, Charles Dow, le cofondateur du célèbre indice Dow Jones, et rédacteur au Wall Street Journal, analysait la tendance du marché, qu’il considérait comme le signal d’achat le plus important.

Au milieu du 20ᵉ siècle, l’investisseur George Chestnutt affirmait ceci :

Il vaut mieux acheter les leaders et laisser les traînards tranquilles.

Ainsi, de nombreux investisseurs ont tiré parti du Momentum en cherchant à investir dans la tendance, et ce depuis plusieurs siècles.

Le Momentum a aussi été largement étudié. Les premières études académiques sur le sujet datent des années 1930.

Alfred Cowles III et Herbert Jones ont alors observé que les périodes de rendement positifs étaient majoritairement suivies de nouvelles périodes de rendement positifs. Cette observation étant valable pour les périodes allant de 20 minutes jusqu’à 3 ans.

Momentum Cowles Jones sequences rendement

Dit autrement, lorsqu’une action connaît une période de hausse, il est statistiquement plus probable que la période qui suive soit également haussière, plutôt que baissière.

Les actions qui ont fait mieux que la médiane en un an, font également mieux l’année suivante.

Cowles et Jones

Les années 50 voient ensuite l’émergence de l’investissement fondamental, ou investissement par la valeur, porté par Benjamin Graham, David Dodd, puis Warren Buffett. Le Momentum est alors ignoré par les universitaires durant quelques décennies.

Il fait son retour dans les années 90. Eugene Fama et Kenneth French, qui gagneront un Prix Nobel pour leurs travaux, distinguent deux facteurs qui démontrent que les marchés ne sont pas vraiment efficients, et qui influent sur la performance des actions : la taille (les actions des petites entreprises) et la valeur (les actions value, faiblement valorisées).

En collaboration avec d’autres chercheurs, ils identifient un autre facteur, le Momentum, qu’ils reconnaissent mais sans pouvoir expliquer de façon rationnelle son influence.

Les études se sont ensuite largement multipliées depuis la fin des années 90. Elles ont permis de démontrer l’effet du Momentum, sur différents actifs.

Une étude particulièrement poussée, de Brian Hurst, Yao Hua Ooi et Lasse Pedersen (2012), analysant des données sur plus de 100 ans et dans 59 pays, a démontré qu’une combinaison de stratégies de Momentum (sur 1 mois, 3 mois et 12 mois) permettait d’améliorer significativement le rapport rendement/risque d’un portefeuille classique (mesuré par le ratio de Sharpe), pour les actions, les obligations, les matières premières et les paires de devises.

Cette amélioration étant particulièrement visible durant les phases de récessions du marché : le Momentum a permis à chaque fois de diminuer l’impact des baisses les plus violentes.

Momentum crises Max Drawdowns

L’origine du Momentum

Les études académiques et l’hypothèse des marchés efficients peinent ou n’arrivent pas à expliquer la performance produite par le Momentum.

Son origine pourrait trouver une explication dans la finance comportementale, qui a mis en lumière plusieurs biais psychologiques des investisseurs.

Des biais psychologiques tels que le biais commun (l’effet moutonnier), le biais de confirmation, le biais de disposition ou encore l’appât du gain et l’excès de confiance, tendent à expliquer certains comportements irrationnels, et les inefficiences du marché.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l’histoire du Momentum, les différentes études et les tentatives pour expliquer son origine, l’excellent article deux siècles de Momentum (en anglais), du blog NewFound Research est une petite mine d’informations.

Le facteur de surperformance le plus régulier

Eugene Fama et Kenneth French ont été les premiers à identifier dans leurs travaux deux facteurs qui expliquent la différence de performance pour certains titres : la taille et la valeur.

Depuis, outre le Momentum, d’autres facteurs de performance ont été identifiés : la qualité, les dividendes élevés, la volatilité minimum.

MSCI, qui créé de nombreux indices (comme le MSCI World), s’est également penché sur l’efficacité et le comportement des facteurs différents en tant que stratégie d’investissement (le factor investing).

L’étude publiée en 2014, basée sur 40 ans de données, désigne le Momentum comme le facteur le plus performant parmi les six facteurs identifiés.

Performance historique facteurs vs MSCI World
MSCI – Factor Indexes in Perspective Insights from 40 Years of Data

Le Momentum a ainsi permis de multiplier par trois la performance du MSCI World en 40 ans.

L’étude relève aussi qu’une stratégie Momentum avait 91% de chance de battre le marché lorsqu’elle était suivie pendant 5 ans, et 99% de chance de battre le marché en étant suivie pendant 10 ans.

Facteurs fréquence surperformance marché MSCI World
MSCI – Factor Indexes in Perspective Insights from 40 Years of Data

En outre, le Momentum semble être le facteur de performance le plus régulier, capable de délivrer une surperformance à la fois lors des marchés haussiers et baissiers.

Facteurs investissement défensifs persistants et pro-cycliques
MSCI Factor Investing Webinar Series

Cette particularité est unique puisque les autres facteurs surperforment plutôt en marché haussier (valeur, taille), ou bien en marché baissier (volatilité minimum, dividendes élevés et qualité).

Cette persistance dans différentes conditions de marché peut expliquer que le Momentum soit souvent le plus performant des facteurs.

Si l’on observe la performance récente du facteur Momentum, on constate qu’il continue de délivrer une surperformance, que ce soit dans les pays développés (indice MSCI World), ou émergents (indice MSCI Emerging Markets).

Performance MSCI World Momentum
MSCI World Momentum Index (USD)
Performance MSCI Emerging Markets Momentum
MSCI Emerging Markets Momentum Index (USD)

Plus récemment encore, le Momentum est le facteur ayant le mieux résisté aux effets de la crise sanitaire puisqu’il détient la meilleure performance pour l’année 2020 (au 30 novembre).

Performance 2020 facteurs 
investissement
MSCI Factor Index (USD)

Mais si le Momentum semble aujourd’hui toujours aussi efficace que par le passé, à quoi peut-on s’attendre à l’avenir ?

Bien qu’il soit impossible de prévoir l’avenir, la persistance du Momentum dans différentes conditions de marché, et le fait qu’il tire parti des biais psychologiques des investisseurs (biais qui perdureront tant que des êtres humains continueront d’investir) semblent lui donner de bonnes armes pour continuer à surperformer le marché et les grands indices.

Appliquer une stratégie Momentum

Les études le montrent, le Momentum fonctionne avec différentes catégories d’actions, et avec différentes classes d’actifs (obligations, devises, matières premières).

Il y a plusieurs façons d’appliquer le Momentum.

Il est possible de mettre en place une stratégie Momentum de façon manuelle, en sélectionnant les titres ayant le plus fort Momentum.

Par exemple, j’ai pris les 10 actions de l’indice STOXX Europe 600 qui ont été les plus performantes en 2019 (donc celles ayant le Momentum le plus fort), et j’ai comparé leur performance sur l’année 2020 par rapport aux 10 actions les moins performantes en 2019 (donc celles ayant le plus faible Momentum), et par rapport à l’indice STOXX Europe 600 lui-même.

Performance 2020 des actions gagnantes et perdantes en 2019 Europe STOXX 600

On remarque que 7 des 10 actions les plus performantes en 2019 ont eu une performance positive en 2020 (dont Hello Fresh qui a triplé sa valeur). Inversement, seules 2 des 10 actions les moins performantes en 2019 ont eu une performance positive en 2020 (sachant que Swedbank AB est tout juste positive, et que NMC Health, en faillite, a chuté de -99%).

Performance 2020 actions stoxx europe 600

Si l’on observe la performance moyenne des deux groupes : un portefeuille composé des meilleures actions du STOXX Europe 600 a largement battu son indice de référence, tandis qu’un portefeuille composé des pires actions a sous-performé l’indice.

Cet exemple montre qu’une sélection de titres basée sur le Momentum a permis d’obtenir des résultats probants. Autrement dit, mieux vaut miser sur les gagnants que sur les perdants.

Néanmoins, il ne s’agit que d’un exemple sur un an : une stratégie d’investissement solide devrait être plus diversifié (à la fois en nombre de titres et géographiquement) afin de pratiquer le Momentum sur action manuellement.

Les possibilités d’utilisation sont très larges : un autre exemple d’application consiste à investir dans des métaux précieux lorsque leur Momentum est positif, afin de suivre leur tendance haussière jusqu’à leur retournement.

Il est également possible de mettre en place une approche Momentum plus automatisée, avec des ETF spécifiques : les ETF Smart Beta.

Il existe des ETF pour chaque facteur différent (taille, valeur, qualité…), y compris pour celui qui nous intéresse. Par exemple :

  • Amundi MSCI Europe Momentum Factor (LU1681041460)

L’intérêt d’un ETF Smart Beta sur ce facteur est qu’il va sélectionner automatiquement les actions ayant le plus fort Momentum sur les 6 et 12 derniers mois.

Son avantage est de permettre une exposition au Momentum sans effort.

Mais il y a aussi des inconvénients : avec un ETF qui fait le travail à notre place, on ne peut pas contrôler le nombre d’actions détenues, ni le paramétrage (un Momentum sur 6 et 12 mois est-il vraiment le plus optimal ?).

Deux exemples de portefeuille basés sur le Momentum

1. Le Double Momentum (Dual Momentum) de Gary Antonacci

Gary Antonacci a développé une stratégie basée sur la combinaison des Momentum relatif et absolu, appelée Double Momentum (ou Dual Momentum).

Le Momentum relatif compare plusieurs actifs en sélectionnant ceux dont la tendance est la plus forte, tandis que le Momentum absolu sélectionne uniquement les actifs dont la tendance est positive.

Les deux Momentum, pris séparément, permettent chacun d’améliorer la performance. Mais leur combinaison donne des résultats encore supérieurs. C’est ce qui fait la force de la méthode d’Antonacci.

Performance Double Momentum Antonacci
Dual Momentum Investing – Gary Antonacci

Le modèle d’Antonacci est toujours investi à 100% sur un seul indice (indice d’action ou indice obligataire). Son approche a permis d’augmenter le rendement annuel (17% contre 10,7% sur le période 1971-2016), tout en réduisant la volatilité et les drawdowns (-17,8% maximum contre -51% pour l’indice S&P 500).

Performance Double Dual Momentum
Dual Momentum Investing – Gary Antonacci

Cependant, si le double Momentum d’Antonacci est une idée très intéressante, sa performance récente semble être de plus en plus altérée par la corrélation croissante entre les grands indices d’actions (ce qui affaiblit le Momentum relatif).

La Stratégie Haut Rendement que j’applique est inspirée du double Momentum, mais avec des indices et un paramétrage différent de celui d’Antonacci, afin de palier à ses faiblesses actuelles (trop grande corrélation dans les indices utilisés), de renforcer le Momentum relatif et d’optimiser son fonctionnement global (ratio rendement/risque).

2. Le Timing Portfolio de Mebane Faber

Mebane Faber est un chercheur et investisseur qui a mis en place un portefeuille de market timing basé sur 5 classes d’actifs différentes, réparties à parts égales (20% chacune) :

  • Actions US
  • Actions pays développés hors US
  • Obligations gouvernementales à 10 ans
  • Commodities (matières premières et or)
  • Immobilier coté

Chaque portion de 20% du portefeuille peut être soit investie dans la classe d’actif correspondante, soit rester en cash.

La règle de l’allocation tactique est donnée par la moyenne mobile des prix sur 10 mois. Si le prix actuel de l’une des classes d’actifs est supérieur à sa moyenne mobile sur 10 mois, elle est investie. Si son prix est inférieur, les 20% du portefeuille qu’elle représente restent en cash.

Une moyenne mobile n’est pas un Momentum en soi. Par contre, l’écart entre le prix actuel et la moyenne mobile permet d’évaluer la force de leur tendance.

Le rendement du Timing Portfolio de Meb Faber reste modeste par rapport à un portefeuille similaire sans timing, détenu en buy-and-hold (10,48%/an). Mais son principal avantage est la réduction de la volatilité : obtenir des rendements légèrement supérieurs aux actions, avec la volatilité des obligations.

Performance timing model Meb Faber
A Quantitative Approach to Tactical Asset Allocation – Mebane T. Faber

Meb Faber a ensuite créé plusieurs variantes à partir du modèle de base :

  • Étendre le nombre de classes d’actifs de 5 à 13 (en incluant les small caps, les value, les pays émergents, les obligations étrangères, en séparant l’or des autres matières premières, etc).
  • Remplacer le cash par des obligations gouvernementales à moyen terme, plus performantes.
  • Une variante agressive qui utilise la force relative en sélectionnant uniquement les 3 ou 6 actifs parmi les 13 ayants le Momentum le plus fort.

Ces différentes extensions ont permis de porter le rendement du modèle de base à 12,04% (avec 13 classes d’actifs), puis à 13,41% (obligations gouvernementales à la place du cash), et enfin à 17,76% et 19,10% pour les versions les plus agressives avec la force relative (3 ou 6 actifs sur 13).

Performance allocation tactique Mebane Faber
A Quantitative Approach to Tactical Asset Allocation – Mebane T. Faber

Les versions les plus agressives conduisent néanmoins à une hausse de la volatilité. Elles ne permettent donc pas d’obtenir un meilleur rendement ajusté au risque (le ratio de Sharpe reste autour de 0,9/1 pour les différentes variantes).

Ces deux exemples (Dual Momentum et Timing Portfolio) sont intéressants car ils montrent que l’on peut appliquer le Momentum dans un portefeuille très diversifié (le portefeuille de Meb Faber compte au moins cinq indices répartis sur différentes classes d’actifs), mais aussi dans un portefeuille bien plus concentré (le modèle d’Antonacci est investi à 100% sur un seul indice).

Finalement, lorsqu’on utilise une stratégie Momentum, le but est moins de faire en sorte qu’elle fonctionne (le Momentum a prouvé son efficacité dans différentes configurations), que de choisir le modèle optimisé et approprié qui correspondra le mieux :

  • Au niveau de rendement/risque que l’on recherche.
  • À la manière dont on souhaite investir (plutôt active ou passive).

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