Argent brisé : Pourquoi notre système financier est défaillant et comment l’améliorer

Argent brisé : Pourquoi notre système financier est défaillant et comment l'améliorer

Argent brisé : Pourquoi notre système financier est défaillant et comment l’améliorer. De Lyn Alden, 2023, 538 pages.

Titre original : Broken money – Why our financial system is failing us and how we can make it better.

Il y a plus de 1 600 monnaies dans le monde. Seules quelques-unes (euro, dollar) sont acceptées à l’étranger et considérées comme réserves de change. Et pourtant, leur valeur s’érode lentement, car leurs taux d’intérêt ne suivent pas l’inflation.

Toutes les autres monnaies sont sujettes à des dévaluations brutales (l’Égypte a dévalué sa monnaie de 50 %), à une inflation très forte (85% en Turquie, 100% en Argentine) ou récurrente (13 % / an Nigeria), et ne sont pas acceptées hors de leur juridiction.

Les crises monétaires et financières reflètent les failles du système financier mondial, qui est de plus en plus instable et obsolète. Ce livre analyse l’évolution de l’argent à travers le prisme de la technologie, et propose des solutions aux problèmes monétaires actuels.

L’auteur, qui a une formation en ingénierie et en finance, utilise une approche d’ingénierie systémique pour examiner le système financier mondial et aider les lecteurs à mieux comprendre comment l’argent fonctionne et pourquoi le système financier mondial est défaillant.

1. Qu’est-ce que l’argent ?

Les précurseurs de l’argent, avec le langage, ont permis aux premiers humains modernes de résoudre des problèmes de coopération que les autres animaux ne pouvaient pas.

Nick Szabo

Les registres comme fondation de l’argent

L’histoire de l’argent commence en Mésopotamie, il y a plus de 5 000 ans, avec les registres. Ce sont de grands livres de compte (tablettes d’argiles à l’époque), permettant de savoir qui détient quoi.

De nombreuses tribus tenaient également des registres oraux basés sur la mémoire, afin de garder approximativement le compte des mérites de chacun.

Aujourd’hui, nous tenons tous des registres informels concernant les services et cadeaux reçus ou rendus.

Ces petits échanges informels renforcent à la fois le groupe et l’individu qui donne avant de recevoir, jouissant ainsi d’un crédit social qu’il pourra utiliser lorsqu’il en aura besoin.

Cependant, un problème se posait pour commercer lorsque deux groupes tribaux se rencontraient et avaient une faible probabilité de se recroiser plus tard. L’échange devait être immédiat, sachant qu’un groupe pouvait ne pas avoir besoin de ce que l’autre avait à proposer. Les coquillages, qui sont petits, transportables et rares, ont permis de résoudre ce problème.

Les coquillages ne pourrissent pas et sont esthétiques, ce qui engendre un désir d’en accumuler. Ils peuvent être conservés, puis échangés lorsqu’un besoin a été identifié : nourriture, outils, ressources…

Les individus qui en possédaient beaucoup avaient un statut social élevé, car c’était un signe d’abondance. Même savoir exactement combien chacun en possédait, les voir porter permettait à chaque individu de mettre à jour son registre mental des coquillages, d’estimer leur valeur selon leur rareté et ce qu’il pouvait obtenir en échange.

L’évolution des marchandises en tant que monnaie

L’argent permet de résoudre les problèmes du troc, lorsque les échanges se complexifient. Pour servir de moyen d’échange efficace, il doit avoir certaines qualités : être divisible, portable, durable, accepté, fongible, vérifiable, rare (mais pas trop, sinon il ne serait pas assez liquide) et utile (au sens « désirable »).

L’or possède certaines de ces qualités, en plus d’être presque indestructible et de ne pas être consommable.

Son seul défaut est d’être peu divisible, mais c’est la marchandise qui rassemble le plus de qualité pour être de l’argent. L’argent métal lui a souvent été associé pour sa divisibilité, et plusieurs régions ont utilisé un système bimétallique : l’or pour le stockage de la richesse et les gros achats, l’argent métal pour les petites transactions.

Historiquement, plusieurs marchandises ont été utilisées en tant que monnaie :

  • Coquillages
  • Tabac
  • Cacao
  • Pierres de rai
  • Plumes
  • Perles africaines
  • Grains

Certaines de ces monnaies-marchandises n’avaient pas toutes les caractéristiques pour durer, d’autres ont été rendues obsolètes par le progrès technologique.

Comment l’or a remporté la guerre des matières premières

Seuls l’or et l’argent métal ont conservé leurs attributs monétaires dans le temps, en maintenant un rapport stock/flux suffisamment élevé : en dehors de la découverte de nouveaux continents/gisements, il est très difficile d’augmenter significativement l’offre d’or sur le marché (le stock disponible augmente d’environ 1,5 % par an). Sa raréfaction progressive s’ajuste à nos progrès technologiques en extraction.

Les frappes de pièces ont par la suite officialisé l’or et l’argent métal en tant que monnaies, mais ont aussi ouvert la porte à leur altération. Un monarque pouvait à tout moment refondre les pièces en les diluant avec un métal neutre, pour financer ses guerres et ses déficits (les pièces romaines en argent sont passées de 95 % de pureté en -211 avant J.C. à 5 % seulement en 274).

À l’époque moderne, les premiers billets de banque représentaient une créance contre une certaine quantité d’or. Ils ont permis de compenser la faible divisibilité de l’or, qui a fini par supplanter à son tour l’argent métal, qui s’est dévalué par manque de demande.

Aujourd’hui, même si les monnaies ne sont plus adossées à l’or, les banques centrales conservent d’énormes quantités d’or dans leurs coffres, en tant que réserves de valeur. L’or est à ce titre plus pratique à stocker que l’argent-métal, car il a plus de valeur à densité égale.

Toutefois, l’or et l’argent-métal conservent une certaine valeur monétaire reconnue : ils peuvent être échangés presque partout dans le monde, et l’or reste utilisé pour stocker de la valeur à long terme.

Une théorie unifiée de la monnaie

La définition et l’origine de la monnaie ont divisé les économistes en deux camps :

  • La monnaie comme marchandise
  • La monnaie comme crédit

Les partisans de la monnaie-marchandise pensent que l’offre de monnaie devrait être limitée, comme l’est l’or.

Ceux de la monnaie-crédit pensent que le gouvernement devrait adapter l’offre de monnaie en fonction des objectifs. Pour eux, les échanges peuvent se faire sans monnaie-marchandise, par la simple reconnaissance d’une dette.

En réalité, le crédit ne peut être utilisé qu’entre individus ayant confiance les uns envers les autres. En revanche, la monnaie-marchandise trouve son utilité dans les échanges entre inconnus.

La monnaie-marchandise est aussi utile dans les échanges entre états, qui ne peuvent pas se faire confiance aveuglément.

Le risque principal pour une monnaie est sa dévaluation. Elle peut être provoquée par un dirigeant souhaitant dépenser plus, sans lever davantage d’impôts.

Seulement, le coût d’une dévaluation est alors simplement reporté dans le temps sur ceux qui acceptent la nouvelle monnaie dévaluée. Pour un citoyen, il vaut donc mieux détenir une monnaie-marchandise, dont la rareté est garantie par la nature, qu’une promesse gouvernementale faillible.

Il n’existe aucun exemple de monnaie qui ne se soit jamais dévaluée, car la dévaluation est une solution facile et rapide à de nombreux problèmes économiques.

Les deux théories de la monnaie peuvent être unifiées, parce qu’elles reposent sur les mêmes fondamentaux : elles permettent de tenir un registre, qu’il repose sur la confiance dans un cas (crédit), ou sur la possession physique d’unité monétaire dans l’autre (marchandise).

2. La naissance des banques

Proto-banques et le système Hawala

On a trouvé des exemples de proto-banques dans différentes régions du monde : Grèce et Égypte antique, Moyen-Orient et Afrique. Un exemple ancien toujours utilisé aujourd’hui est le système Hawala : un réseau décentralisé de courtiers.

Le système Hawala permet à une personne d’envoyer de l’argent à l’international avec un simple mot de passe, sans passer par une banque et sans que l’argent voyage. Les courtiers communiquent entre eux et ajustent simplement leurs registres, qu’ils peuvent contrôler.

Le système repose sur la confiance mutuelle : un utilisateur fait confiance à un courtier, et chaque courtier a confiance envers les autres. Comme il permet de contourner le système bancaire de manière anonyme, il est interdit dans certains pays.

L’innovation de la comptabilité en partie double

La comptabilité en partie double a été formalisée en Italie à la fin du 15° siècle. Elle consiste à diviser un registre en deux parties : les passifs d’une personne d’un côté, correspondant aux actifs d’une autre de l’autre côté.

Elle permet aux banques de fournir des services plus complets et complexes, avec des billets de banques non nominatifs (actifs au porteur), et sécurise les échanges de plus grandes sommes d’argent.

Les banques de dépôt, s’apercevant que tout le monde ne retirait pas son or en même temps, ont eu l’idée de prêter une partie des dépôts contre intérêts, en récompensant les déposants par un partage des intérêts.

On parle alors de banque à réserves fractionnaires. Puisque la quantité d’argent immédiatement disponible est inférieure à celle qui peut être revendiquée (sachant que l’argent prêté peut être déposé ailleurs et prêté à nouveau), cela entraîne une fragilisation du système avec une potentielle ruée bancaire, à l’origine de crises financières.

Les dépôts dans les banques sont généralement 5 à 10 fois supérieurs aux réserves de liquidités. Le ratio est monté jusqu’à 23 en 2008, permettant un levier de 2 300 %, avant de redescendre autour de 5 après la crise financière.

Contrairement à un système bancaire adossé à l’or, le système financier actuel ne peut pas supporter un trop grand nombre de retraits. Par ailleurs, les individus n’ont plus la main sur le registre de leur argent, qui est contrôlé par le gouvernement et les banques.

Banques libres vs banques centrales

Dans un système de banques libres, chaque banque détient de l’argent de base (par exemple, de l’or) et peut émettre des billets de banque.

Dans un système avec une banque centrale établie par un gouvernement, cette dernière détient l’or, et les autres banques conservent leur argent de base sous la forme d’entrées dans le registre de la banque centrale.

Seules les banques centrales peuvent émettre des billets, et déterminer la quantité de monnaie de base (monnaie physique + réserves) en circulation. Elles ont la possibilité d’en créer en cas de crise.

Dans un système de banques libres adossé à l’or, le registre est contrôlé par la nature et par chaque banque. La quantité d’argent est limitée par la disponibilité des métaux précieux. Dans un système adossé à l’or avec une banque centrale, c’est elle qui contrôle le registre, et les banques ne contrôlent plus la valeur de leurs réserves.

Dans l’histoire, les systèmes bancaires ont eu tendance à se structurer autour d’une banque centrale.

Pendant la guerre civile américaine, les États fédérés et confédérés ont émis de la monnaie pour financer la guerre, ce qui a fait chuter la valeur du dollar. Après la guerre, l’étalon-or a été instauré et la Réserve Fédérale (FED) fut créée.

En 1933, lors de la Grande Dépression, la possession d’or fut interdite, et les gens qui en avaient durent l’échanger contre des dollars. Par la suite, le gouvernement dévalua le dollar face à l’or (l’once d’or passa de 20 $ à 35 $), ce qui lui permit d’étendre la base monétaire et de dévaluer ses dettes (ainsi que les économies des gens).

En 1971, les États-Unis ont mis fin à l’étalon-or, ce qui a entraîné une nouvelle dévaluation du dollar (l’once passant à 300 $). Aujourd’hui, une once d’or vaut plus de 2 000 $.

Malgré tout, le dollar s’est moins dévalué que la plupart des autres devises dans le monde. La dévaluation conduit les gens à déposer leur argent en banque, afin de percevoir des intérêts pour lutter contre l’inflation. Cela donne la possibilité au gouvernement d’avoir un meilleur contrôle sur les flux monétaires et sur les actifs des gens, facilitant l’impôt.

Aujourd’hui, chaque personne peut décider en fonction des risques/avantages de conserver son argent avec lui ou de le déposer à la banque.

Détention de métaux précieuxDépôt d’argent à la banque
Vie privéepréservéeconnue des banques et du gouvernement
Avantagesconservation du pouvoir d’achatsécurité des fonds
Inconvénientsrisque de volrisque de fraude bancaire
Utilisationplus difficilefacilitée
Gel des avoirsimpossiblepossible

Lorsqu’une banque centrale est créée, les gens renoncent à une partie de leur pouvoir monétaire, de leur vie privée et courent le risque de voir leur pouvoir d’achat diminuer (par l’inflation).

Vitesse des transactions vs vitesse des règlements

Longtemps limitées par la vitesse de déplacement humaine, les transactions sont devenues presque instantanées avec l’invention du télégraphe. Cela a permis d’interconnecter les comptes bancaires et de centraliser le système financier mondial.

La compensation des transactions entre commerçants dans les registres bancaires a aussi permis de réduire le déplacement physique nécessaire d’or et d’argent.

Toutefois, face à un commerce grandissant, le stock d’or disponible pouvant être réclamé à tout moment était de plus en plus petit, rendant le système faillible.

Progressivement, toutes les monnaies se sont détachées de l’or pour devenir inflationnistes. La lenteur de déplacement de l’or n’a pas fait le poids face à la vitesse des transactions des devises.

La livre sterling, plus ancienne monnaie au monde, se dévaluait en moyenne de 0,15 % par an tant qu’elle était adossée à une livre d’argent puis à l’or. Depuis son découplage avec l’or pendant la première guerre mondiale, elle a perdu la quasi-totalité de sa valeur, qui aujourd’hui est de deux grammes d’argent.

Les gens n’ont pas eu d’autre choix que de voir leurs économies en monnaie fiduciaire se dévaluer inexorablement (depuis 1960, la quantité de monnaie disponible croît entre 4 et 8 fois plus vite que la quantité d’or disponible).

L’immobilier et les actions sont devenus des moyens de conserver la valeur de l’épargne. Toutefois, l’or reste une assurance en cas de catastrophe globale.

3. L’ascension et la chute des ordres monétaires globaux

Par un processus continu d’inflation, les gouvernements peuvent confisquer, secrètement et sans être observés, une partie importante de la richesse de leurs citoyens.

John Maynard Keynes

Imprimer de l’argent pour la guerre

Financer une guerre coûte très cher. Lors de la première guerre mondiale, la banque d’Angleterre a secrètement créé de l’argent à partir de rien, en manipulant le registre monétaire national. Dans les années qui suivirent, l’inflation a explosé et le pouvoir d’achat de la livre a été divisé par deux.

La population a donc payé l’effort de guerre de manière opaque, par la dévaluation de ses économies. Tous les pays participant à la guerre ont imprimé de la monnaie, tous ont connu une forte inflation, tandis que les perdants ont connu une hyperinflation.

La facilité du processus tient à la nature abstraite de l’argent, constitué de promesses pouvant être rompues du jour au lendemain. Il aurait été beaucoup plus difficile d’utiliser l’or des gens ou de lever des impôts pour financer la guerre.

Comme la livre était alors la monnaie de réserve mondiale, le Royaume-Uni a drainé les économies d’une bonne partie du monde entier en imprimant de l’argent.

Le système de Bretton Woods

Aux États-Unis, le gouvernement a décidé d’interdire la possession d’or, suite à la crise des années 20 et à la faillite de plusieurs banques (la quantité de dettes était alors 29 fois plus élevée que la quantité d’argent réellement disponible). Il a ensuite fait passer la valeur du dollar de 1/20ᵉ d’once d’or à 1/35ᵉ par le Gold Reserve Act de 1934.

Après la seconde guerre mondiale, qui engendré de nouvelles impressions et dévaluations monétaires, un groupe de pays se sont réunis pour créer un ordre monétaire mondial.

Les États-Unis, grands vainqueurs de la guerre et en position de force, ont imposé le système de Bretton Woods (1944) : toutes les devises sont arrimées au dollar, lui-même attaché à l’or à un cours fixe.

Toutefois, la réserve fédérale américaine a continué d’étendre sa masse monétaire et la quantité de dollars existants par rapport à l’or. Combinés à la multiplication des prêts accordés par les banques à réserves fractionnaires, et aux prêts des banques étrangères garantis en dollars, certains États se sont rendu compte qu’il n’y aurait pas suffisamment d’or à échanger contre tous les dollars qui avaient été accumulés.

En échangeant de plus en plus de dollars contre de l’or, ils ont alors précipité la chute du système, et Nixon a mis fin à la convertibilité des dollars en or en 1971, alors que les réserves d’or américaines avaient déjà chuté de 20 000 à 9 000 tonnes.

L’ascension du pétrodollar

Après la fin du système de Bretton Woods, de nombreux pays ont connu une forte inflation, le choc pétrolier n’arrangeant rien.

Les États-Unis conclurent un accord avec l’Arabie-Saoudite : ils s’engageaient à acheter de grandes quantités de pétrole et à sécuriser le détroit d’Ormuz, contre l’investissement des excédents saoudiens dans des obligations du Trésor, afin de financer leur dette.

Exiger de l’Arabie Saoudite qu’elle vende son pétrole en dollars a permis d’adosser le dollar au pétrole et de renforcer sa position en tant que réserve mondiale.

Ce système de pétrodollar est encore en vigueur aujourd’hui. Ainsi, les États-Unis, en tant que puissance dominante, contrôlent le registre monétaire mondial.

Les États-Unis ont jusqu’ici toujours cherché à faire pression, voire à renverser les gouvernements des pays producteurs tentés de vendre leur pétrole en euros ou autres devises : Irak, Venezuela, Iran…

Le pétrodollar engendre un monde à deux vitesses pour les pays émergents :

  • La population épargne dans des devises très souvent dévaluées.
  • Les classes dirigeantes et les grandes sociétés utilisent le dollar et ne subissent pas cette dévaluation.

Repousser le chaos à la périphérie

Les pays développés ont leur dette libellée dans leur propre devise, qu’ils peuvent imprimer, tandis que les pays en développement ont leur dette libellée en dollar, qui fluctue contre leur devise.

Pour ces pays, cela crée une volatilité supplémentaire, qui chahute leur économie. Lorsque le dollar se renforce, cela accroît leurs passifs, potentiellement jusqu’au défaut.

L’assouplissement ou le resserrement de la politique monétaire américaine peut donc engendrer des conséquences négatives pour un grand nombre de pays à la « périphérie ».

Face au risque de défaut, le Fonds Monétaire International (FMI) peut intervenir et prêter des dollars, de même que la Banque Mondiale pour financer des infrastructures.

Néanmoins, ces deux institutions sont sous l’influence des pays riches, qui dictent leurs conditions. En échange d’une aide, les pays en développement se voient imposer des conditions d’austérité que les pays développés ne s’appliquent pas à eux-mêmes lorsqu’ils sont en difficulté.

Ces conditions étouffent les économies en développement, qui doivent souvent se faire reprêter de l’argent, créant une spirale d’endettement. Par ailleurs, les prêts de la banque mondiale servent généralement à financer des infrastructures pour l’exportation de ressources, et à payer des entreprises des pays développés qui les construisent.

L’argent revient donc dans les pays développés et ne bénéficie donc que très peu aux populations locales, qui subissent en plus une dévaluation de leur monnaie. De plus, une partie des sommes prêtées est fréquemment détournée par des dirigeants corrompus.

Aujourd’hui, d’anciens pays colonisateurs, comme la France, contrôlent toujours la devise de plusieurs pays africains, par l’intermédiaire du Franc CFA, qui est adossé à l’euro, et dont la France oblige les pays africains à détenir des réserves. La France a souvent soutenu les dirigeants autoritaires et lutté contre ceux voulant abandonner le Franc CFA.

Les pays développés, via le FMI et la Banque Mondiale, ont ainsi structuré les pays en développement pour qu’ils produisent les ressources dont ils avaient besoin. Ces pays ont été contraints de se spécialiser, et faute d’une économie équilibrée, ils doivent importer nombre de denrées de base qu’ils pourraient pourtant produire sur place.

Ainsi, lorsque ces pays sont en crise, leur capacité à importer pour nourrir leur population est compromise.

La structure financière moderne entraîne une extraction de valeur néocolonialiste d’une manière similaire (bien que moins directe) à celle de la colonisation pure et simple.

L’endettement croissant des pays du sud en dollars, les conditions d’austérité et la spécialisation qu’on leur impose les maintiennent dans un état de dépendance et de développement sans fin.

Lourde est la tête qui porte la couronne

Le système monétaire actuel place les États-Unis, détenteur de la monnaie de réserve mondiale, au centre, et éloigne la volatilité vers les pays en développement.

Il y a une forte demande mondiale pour le dollar, qui permet d’acheter beaucoup de choses.

Toutefois, un dollar fort augmente le pouvoir d’importation et réduit la compétitivité à l’exportation, ce qui a créé un déficit commercial structurel pour les États-Unis depuis les années 1970/1980. Les industries se sont délocalisées et le niveau d’expertise a diminué.

À l’opposé, certains pays accumulent des excédents commerciaux de plus en plus importants avec les États-Unis : l’Arabie Saoudite, l’Allemagne, le Japon, la Suisse, la Chine et Taïwan.

Cela a engendré deux conséquences pour les États-Unis : l’enrichissement de l’élite et des multinationales, l’appauvrissement du travailleur de base.

Tel un empire à son apogée, ils sont forts à l’extérieur, avec des bases militaires partout dans le monde, luttant pour garder leur position, mais de plus en plus faibles à l’intérieur, conséquence négative de l’hégémonie du dollar.

La guerre contre le terrorisme (Afghanistan, Irak), financée de manière non transparente par la dette, a jusqu’ici coûté près de 6 billions de dollars, pour des résultats médiocres. Cette dépense continuera de s’alourdir (du fait des intérêts), et les générations futures la paieront en hausse d’impôts, qui ne pourront pas être engagées dans les infrastructures ou l’enseignement.

Depuis la crise de 2008, la Chine réinvestit ses excédents commerciaux en prêtant à de nombreux pays pour développer leurs infrastructures commerciales, plutôt qu’en continuant d’accumuler des bons de Trésor américains, rémunérant moins que l’inflation. Elle est ainsi devenue le principal partenaire commercial de nombreux pays.

Son objectif est de sortir de la domination du dollar, et de prendre sa revanche sur le siècle d’humiliation. Des tensions apparaissent avec les États-Unis, dont l’armée est encore supérieure à celle de la Chine, mais qui doivent financer des déficits commerciaux persistants.

Comme Bretton Woods avant lui, le système pétrodollar devient intenable pour les États-Unis. Cependant, le yuan chinois ou l’euro ne sont pas assez forts pour prendre la place du dollar.

Nous allons probablement vers un monde multipolaire, dans lequel aucune devise de réserve ne domine vraiment, et où les pays en développement accumulent différentes devises pour se diversifier, sans abandonner l’or.

Par ailleurs, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le monde a compris que posséder trop de monnaie d’un autre pays constituait une perte de souveraineté, car les actifs de cette monnaie peuvent être gelés par le pays qui l’émet.

4. L’entropie des registres fiduciaires

Le système financier moderne

La Fed, Réserve Fédérale américaine, est le registre qui contrôle le système financier américain, et mondial par extension. Elle s’appuie sur des banques régionales, qui servent de banques aux banques et émettent les billets.

Les prêts constituent les actifs d’une banque privée, et les dépôts ses passifs. La Fed a aussi ses propres actifs (bons du Trésor) et passifs (réserves des banques commerciales et billets de banque). Nous concernant, nos dépôts sont nos actifs et nos prêts sont nos passifs.

Les actifs des uns étant les passifs des autres, le système est circulaire avec une série de promesses imbriquées, ce qui le rend fragile.

Lorsque des transactions sont effectuées, les banques utilisent un système de règlement (Fedwire, et SWIFT à l’international) pour s’échanger leurs réserves auprès de la Fed, qui met à jour son registre.

Les autres pays ont un système similaire, à la différence que leurs banques centrales détiennent aussi des bons du Trésor américain en tant qu’actifs, provenant de prêts à d’autres pays effectués en dollars, ce qui les lie à la Fed. Près de 50 % des échanges et prêts entre pays se font en dollars.

Comment la monnaie fiduciaire est créée et détruite

La monnaie fiduciaire est créée par la dette, et détruite par son remboursement. On distingue :

  • La monnaie de base (ou monnaie centrale), qui comprend la monnaie physique (pièces et billets) et les réserves des banques commerciales auprès de la FED.
  • La monnaie large, qui représente toute la monnaie en circulation et l’ensemble des dépôts et comptes du public.

La banque centrale contrôle la quantité de monnaie de base, tandis que les banques commerciales impactent la quantité de monnaie large, par les prêts accordés avec un certain niveau de levier via les réserves fractionnaires, ce qui a aussi un impact sur le niveau d’inflation. Les deux types de monnaie sont en constante augmentation.

Le ratio multiplicateur entre la monnaie de base et la monnaie large pose problème lors des crises, car les dépôts ne peuvent pas être tous retirés ni assurés.

Pour régler ce problème, la banque centrale peut alors créer de la monnaie de base en créant de nouvelles réserves, ex nihilo, afin de racheter des actifs (souvent des obligations) auprès des banques commerciales. On parle alors d’assouplissement quantitatif (quantitative easing).

Elle peut aussi réduire la monnaie de base en vendant des actifs, puis en détruisant les réserves obtenues. On parle alors de resserrement quantitatif (quantitative tightening).

La banque centrale n’a pas d’influence directe sur la monnaie large, sauf dans le cas où un gouvernement est en déficit et émet des obligations (pour se financer) qui sont achetées par la banque centrale sur le marché secondaire. Cela crée alors de la monnaie large.

Le Trésor peut aussi distribuer des dépôts d’argent sur les comptes bancaires de la population (on parle de monnaie hélicoptère), en émettant des bons du Trésor en contrepartie, qui seront achetés par la Fed.

Dans ce cas, l’offre de monnaie large augmente, sans qu’il y ait davantage de monnaie de base : de l’argent est directement injecté dans l’économie, ce qui peut engendrer de l’inflation si la population décide de dépenser cet argent dans des biens, des services ou des actifs.

En revanche, lorsque la Fed procède à un simple assouplissement quantitatif, qui consiste à racheter des actifs illiquides, il y a peu de chances que cela produise une inflation. Cela renforce simplement la liquidité du système, parce que les banques commerciales obtiennent de nouvelles réserves (argent de base), ce qui améliore la garantie des dépôts bancaires.

La tarification comme mécanisme d’organisation

L’économie est cyclique et volatile. Un gouvernement a donc intérêt à agir de manière contracyclique face au secteur privé.

Via sa banque centrale, il peut augmenter l’offre de monnaie lorsqu’elle est faible, en abaissant les taux d’intérêt, ou la réduire lorsqu’elle est trop abondante, en augmentant les taux.

Les gouvernements, en déficit permanent (pour des raisons électorales à court terme), ont la possibilité d’imprimer de l’argent pour l’injecter dans une économie en crise. Le risque est alors de diluer les économies de chacun à cause de l’inflation ainsi créée.

Certains économistes pensent que les banques centrales accentuent les cycles au lieu de les atténuer : en abaissant trop les taux d’intérêts, elles encouragent les crédits de mauvaise qualité, qui feront massivement défaut lorsqu’elle augmentera à nouveau les taux, comme en 2008 (crise de subprimes).

Suite à la crise du Covid, l’impression monétaire et la baisse des taux ont contribué à la forte inflation de 2022, qui a engendré une hausse des taux, provoquant des faillites bancaires et creusant les déficits gouvernementaux. En résolvant un problème immédiat, les banques centrales semblent donc créer les conditions de la prochaine crise/surchauffe.

L’objectif des banques centrales est d’agir pour maintenir la stabilité des prix. Pourtant, un contrôle artificiel est-il plus efficace que de laisser le marché résoudre progressivement les déséquilibres offre/demande ?

Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, le prix du gaz s’est envolé en Europe, pour des raisons géopolitiques. Les pays européens ont alors construit des terminaux de gaz liquéfié, et les vendeurs ont redirigé leurs exportations vers l’Europe, pour profiter des prix élevés. L’augmentation de l’offre jusqu’à saturation de la demande a ainsi fini par faire baisser les prix, qui se sont rééquilibrés tout seuls.

Les prix sont le résultat d’un ensemble de situations et de comportements. En tentant de corriger des déséquilibres à court terme, les banques centrales risquent de favoriser de futurs déséquilibres.

Lorsqu’elles fixent le prix de l’argent (en définissant les taux d’intérêts), elles l’empêchent de s’ajuster naturellement, ce qui, selon la direction que prennent les taux, nuit aux épargnants ou aux débiteurs.

Les gros changements dans l’offre de monnaie compliquent la vie des entreprises, qui passent parfois des contrats à long terme, et des salariés, qui doivent renégocier leurs salaires pour prendre en compte l’inflation.

L’objectif des banques centrales de maintenir un niveau d’inflation proche des 2 %, alors que les gains de productivité devraient faire baisser les prix, est en soi un objectif de dépréciation de la monnaie.

Les banquiers centraux pensent que la déflation est bien pire que l’inflation. Pour s’en éloigner, ils maintiennent donc tout le monde sur le tapis roulant de la consommation et du crédit.

Maintenir une inflation constante permet de dévaluer les dettes et de maintenir des déficits permanents. L’épargne est découragée, le crédit est encouragé. Cela profite davantage aux financiers et aux gouvernements qu’aux individus.

Les mesures de l’inflation sont faites pour éviter les biens les plus chers, ce qui conduit à une sous-estimation. L’inflation moyenne aux États-Unis (même sous-évaluée) est de 3,2 % par an, alors que les intérêts des comptes et des bons du Trésor ont généré moins de 2 % par an.

Entre 1913 et 2022, l’offre de monnaie large a augmenté six fois plus vite que la population des États-Unis (6 % contre 1 % par an), ce qui a fortement poussé vers le haut les prix des nécessités ayant une contrainte de ressource (pétrole, biens immobiliers, services hospitaliers…).

L’inflation persistante de la masse monétaire permet aux responsables politiques et à divers intermédiaires de siphonner le pouvoir d’achat des économies des gens sans qu’ils puissent facilement le mesurer.

La financiarisation de tout

Dans les environnements au sein desquels la monnaie se déprécie, il y a une incitation à ne pas conserver d’argent liquide, à l’investir dans des choses plus rares (actions, immobilier, objets de collection), et à en emprunter pour faire levier.

Lorsque les taux sont faibles et l’offre d’argent abondante, les gens préfèreront détenir à peu près tout sauf de l’argent liquide, ce qui gonfle artificiellement la valeur des actifs financiers et immobiliers, permet à des entreprises non rentables d’exister, tout en créant des problèmes de logement pour les plus pauvres.

La masse monétaire large des États-Unis est passée de 8,5 billions de dollars en 2010 à 21,4 billions de dollars en 2022, soit une dilution de 7,3 % par an. Par comparaison, l’or n’est dilué que de 1,5 % chaque année, par la production mondiale. Or, il se trouve que la décennie 2010 a vu une forte hausse des actions américaines et de l’immobilier américain.

Les plus-values financières et immobilières seront ensuite taxées, alors qu’elles n’ont fait que suivre la dilution monétaire, et n’ont enrichi personne. Par contre, l’État a un intérêt dans cette dilution, car elle lui rapporte davantage d’impôts.

Pour éviter cette dilution monétaire, les épargnants ont deux solutions :

  • Trouver des actifs générant un rendement supérieur à la dilution.
  • Investir avec l’effet de levier et utiliser le crédit abondant.

Un système inflationniste récompense donc ceux qui s’endettent pour faire levier, et qui le font avec une certaine maîtrise pour sélectionner les bons actifs.

L’accumulation de dettes, positive tant que l’inflation perdure, finit par créer une instabilité qui ne résiste pas à une déflation.

Les bénéficiaires de l’effet Cantillon

Un fossé peut alors se creuser entre les personnes en difficulté financière, qui auront très peu accès au crédit (ou à des taux élevés), et les personnes aisées qui pourront emprunter à des taux bas grâce à leurs actifs pouvant servir de garantie.

De même, une grosse entreprise, proche des sphères d’influence, aura un accès facilité au crédit par rapport à une petite entreprise familiale. De plus, en période de crise, les gouvernements s’attacheront en priorité à sauver les grands groupes, en leur proposant des crédits attractifs (2008) ou en rachetant leurs obligations pour rassurer les marchés (2020).

En 2020, les grandes entreprises très endettées ont été sauvées en priorité. Pour cela, le gouvernement, n’ayant pas de réserves pour faire face aux crises, a augmenté la masse monétaire totale de 40 % en deux ans. Les épargnants, comme les entreprises prudentes n’ayant pas reçu d’aides, ont vu leur argent être dévalué.

En encourageant le crédit au détriment de la prudence, le système fragilise l’économie face aux chocs externes.

L’offre de nouvelle monnaie profite d’abords aux grandes entités proches du pouvoir, via des crédits facilités et des renflouements par impression monétaire.

Puis, à mesure que la distribution d’argent se répercute par des achats successifs, l’inflation augmente, ce qui fait que les derniers bénéficiaires de cette création monétaire, en bout de chaîne (la classe moyenne et les plus pauvres), n’en profitent pas du tout. C’est l’effet Cantillon.

Un environnement de dépréciation monétaire et d’accès sélectif au crédit tend finalement à concentrer la richesse et à creuser les inégalités.

Le cycle à long terme de la dette

La richesse d’un côté, la dette et la pauvreté de l’autre, créent des engrenages exponentiels qui finissent souvent par conduire à des révoltes violentes.

Dans différentes civilisations (Grèce antique, Babylone), les dettes ont eu tendance à s’accumuler jusqu’à atteindre un point de rupture et de réinitialisation financière (annulation des dettes), permettant d’éviter les révoltes.

Les écarts de richesses sont aussi parfois résolus de manière pacifique, lorsque des points de vue modérés arrivent à s’entendre conjointement sur une redistribution partielle et la préservation des incitations économiques à la production.

Nous avons tous vécu plusieurs cycles économiques à court terme : les banques centrales baissent les taux, les consommateurs et entreprises s’endettent, jusqu’à des investissements excessifs et une surconsommation, l’économie entre en surchauffe, les banques centrales haussent les taux (ou alors un choc externe se produit), les bulles éclatent, l’économie se contracte, les agents se désendettent, d’autres font défaut, les excès sont nettoyés, le chômage augmente, jusqu’à ce que les banques centrales abaissent à nouveaux les taux ou la fiscalité et fournissent des liquidités pour relancer la croissance. Un nouveau cycle peut alors démarrer.

Seulement, le désendettement est toujours partiel, et chaque nouveau cycle commence avec un niveau de dette plus important que le précédent, et des taux plus bas. Les gouvernements pourraient dégager des excédents lors des expansions, afin de s’en servir lors des crises pour maintenir un budget équilibré, mais la politique incite davantage à l’endettement continu.

Ainsi, la dette cumulée publique et privée des États-Unis est passée de 461 milliards de dollars en 1952 à 93,5 trillions de dollars en 2022.

Le système financier est conçu de manière à devoir continuer de croître ou il s’effondrera.

En 2007, la quantité de dette cumulée était 63 fois supérieur à la quantité de monnaie de base, et 23 fois supérieur à la quantité de dépôts bancaires. Les subprimes n’ont été que le détonateur d’un problème structurel d’accumulation de dettes.

À ce stade, abaisser les taux d’intérêt à zéro ou en territoire négatif ne suffit plus. Les décideurs politiques peuvent soit laisser les dettes faire défaut, soit augmenter la masse monétaire pour couvrir les dettes.

Quelques défauts sont acceptables pour clôturer un cycle à court terme, mais lorsque l’endettement est trop massif et que le système risque de s’effondrer, la seconde solution est systématiquement choisie : la base monétaire s’étend pour renflouer le système et la monnaie se dévalue.

2008 n’a pas été inflationniste, car seule la monnaie de base a augmenté : les gens n’avaient pas plus d’argent à dépenser. Par contre, 2020 l’a été : la monnaie large a augmenté, et plus d’argent était disponible pour acheter la même quantité de biens et de services.

Les cycles d’endettement à long terme se produisent en deux temps :

  1. Éclatement d’une bulle de dettes privées, dont l’effet est désinflationniste.
  2. Développement d’une bulle de dette publique pour réparer les dommages de la bulle privée, dont l’effet est inflationniste.

Le dernier cycle de dette à long terme fut similaire à celui qui se produit actuellement, car chaque événement établit les conditions de celui à venir :

  • Années 1920 / 2000 : croissance du crédit privé à des fins spéculatives
  • 1929 / 2008 : éclatement des bulles et crises financières
  • Années 1930 / 2010 : expansion de la base monétaire pour renflouer les banques et entités proches du pouvoir, stagnation économique et montée du populisme (les gens se rendent compte que le système joue contre eux).
  • Années 1940 / 2020 : Impression d’argent et augmentation de l’offre de monnaie large pour faire face aux déficits liés aux chocs (seconde guerre mondiale / Covid), inflation et dévaluation des dettes existantes.

Un cycle à long terme voit les dettes transférées du privé vers le public, et se termine soit par un défaut massif des dettes existantes, soit par leur dévaluation en diluant l’offre de monnaie, ce qui fait office de restructuration. Les détenteurs d’obligations sont alors fortement pénalisés.

Les gouvernements peuvent alors contraindre les épargnants à détenir des liquidités et obligations pendant que la monnaie est dévaluée, via une répression financière : en interdisant la possession d’or (1930 à 1970), ou en fixant des taux d’intérêts réels négatifs, pour décourager le crédit spéculatif.

Dans les années 1940, la fin de la guerre a mis fin aux déficits, mais aujourd’hui, la situation est différente.

Notre situation a été causée par une mauvaise gestion progressive du registre public au fil du temps.

Les incitations politiques ont conduit à des promesses non soutenables (baisses d’impôts sans baisse des dépenses, hausse des dépenses sans hausse d’impôts), et chaque crise a été traitée par l’impression monétaire et rejetée sur la génération suivante. Le problème de la dette actuelle sera donc difficile à traiter.

Les monnaies fiduciaires se sont imposées grâce à leur vitesse de déplacement et à leur flexibilité, dont ne bénéficie pas l’or, qui est pourtant une monnaie plus saine. Pour autant, leur dévaluation régulière pour financer les déficits a conduit à une situation aujourd’hui problématique.

Le présent a été constamment amélioré au détriment du futur. (…) maintenant, vers les dernières étapes d’un long cycle de dette, nous commençons à atteindre le point où les problèmes se matérialisent dans le présent.

5. Monnaies natives d’internet

La création de monnaie sans État

Gouvernement et monnaie vont souvent de pair dans l’histoire moderne, mais tout comme le gouvernement et la religion, ils ne sont pas nécessairement intrinsèquement liés.

Depuis les années 80, plusieurs tentatives de créations de monnaie hors état ont échoué, permettant néanmoins certaines avancées techniques.

En 2008, un groupe/individu sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto crée Bitcoin, un réseau open-source décentralisé qui permet d’échanger instantanément de la monnaie sans passer par une institution financière.

Bitcoin est un registre décentralisé, transparent et sécurisé par un système de preuve cryptographique. De plus, il est difficilement attaquable, car toute modification doit être approuvée par 50 % du réseau.

Il permet de combler le fossé entre la vitesse des transactions (qui se font instantanément depuis l’ère des télécommunications) et des règlements (qui se font à la vitesse de la matière, soit lentement pour l’or), un problème complexe à gérer.

La volonté de Satoshi Nakamoto était de créer une monnaie qui ne repose pas sur la confiance des banques centrales (souvent rompue par la dévaluation) et qui soit sécurisée par un cryptage fort permettant la confidentialité. Le document explicatif de sa conception est toujours disponible sur http://www.bitcoin.org/bitcoin.pdf.

Concrètement, Bitcoin est une chaîne de blocs qui contient des transactions. Pour connecter un nouveau bloc, il faut résoudre une énigme cryptographique avec la puissance de calcul d’un ordinateur.

Chaque utilisateur peut devenir un nœud du réseau, et celui qui connecte un nouveau bloc (aussi appelé mineur) à la chaîne reçoit quelques fractions de bitcoin, créées en guise de récompense, pour avoir participé au fonctionnement du réseau.

Les récompenses sont décroissantes, elles sont divisées par deux tous les 210 000 blocs (en moyenne, un nouveau bloc est créé toutes les 10 minutes), afin que le nombre de bitcoins ne puisse jamais dépasser 21 millions. Cela lui confère une certaine rareté et ne permet pas sa dévaluation.

(Ici, l’auteure rentre dans la technique pour expliquer le fonctionnement du réseau, la validation des blocs, les frais de transactions, la puissance de calcul, la sécurité du réseau, les clés publiques/privées, les softs et hard forks… Ces éléments sont facultatifs en ce qui concerne le rôle de la monnaie, mais si vous voulez tout comprendre, lisez le livre).

Le réseau Bitcoin est juste un essaim de (…) nœuds relativement simples, programmés pour fonctionner ensemble et se mettre d’accord sur l’état du registre toutes les dix minutes.

Son registre est contrôlé par tous les opérateurs de nœuds, qui en ont chacun une copie, contenant l’historique des transactions. Ainsi, le registre est transparent. Contrairement au système financier moderne, aucun nœud central (comme une banque centrale) ne peut dévaluer les pièces en en créant instantanément de nouvelles, à partir de rien.

Le chemin vers la monétisation de Bitcoin

Une transaction sur Bitcoin prend entre 30 et 60 minutes, ce qui est relativement plus rapide qu’une transaction bancaire par virement, surtout à l’international. De plus, il ne peut pas être bloqué, contrairement aux virements bancaires.

Son nombre d’unités fini, et sa grande portabilité (il est possible de voyager avec, sans limites de quantités) en font autant de qualités monétaires appréciables. De plus, il s’appuie sur un écosystème de milliers de développeurs partout dans le monde, qui travaillent à rendre le réseau plus facile à utiliser.

Peu d’actifs peuvent être échangés partout dans le monde ou utilisés pour acheter quelque chose : le dollar américain, l’or, l’euro. Le bitcoin commence aussi à se faire une place, via certains distributeurs automatiques, auprès d’entreprises de niche qui l’acceptent comme moyen de paiement, ou en le convertissant en bons d’achats.

Sa volatilité est liée à la progression rapide de sa capitalisation boursière, qui est passée de 0 à 1 billion de dollars en douze ans, et au fait qu’il est encore détenu par un petit nombre de personnes dans le monde.

Épargner est difficile dans de nombreux pays qui dévaluent leur monnaie. De même, les personnes souhaitant fuir une dictature ou une guerre peuvent difficilement emporter leurs économies et devises locales. D’autres n’ont pas accès aux services bancaires, mais disposent d’un smartphone. Dans des pays tels que l’Afghanistan, les femmes peuvent craindre que leur mari ou les Talibans ne leur confisquent leur argent détenu en pièces ou billets. Autant de problèmes que Bitcoin peut résoudre.

La couche de base de Bitcoin peut accueillir des couches supplémentaires, tel le réseau Lightning, qui permet les paiements instantanés, ou des contrats intelligents, qui permettent une meilleure accessibilité à différents services.

L’adoption de Bitcoin s’est jusqu’ici faite progressivement, par cycle : les premiers ont été des informaticiens passionnés, puis des spéculateurs précoces, avant le grand public et désormais les acteurs institutionnels (pensions, assurances, family offices, fonds souverains).

Chaque cycle a généré des excès d’enthousiasme, qui, combinés au levier des spéculateurs, ont créé des bulles qui ont fini par éclater, assainissant les cours avant le cycle suivant. Pour autant, chaque creux a été plus élevé que les précédents.

Il continuera probablement d’évoluer ainsi, par saccades, jusqu’à ce qu’il soit massivement adopté (s’il le devient, car il n’y a aucune garantie sur ce point), ce qui accroîtra encore sa liquidité et réduira sa volatilité.

L’offre de monnaie large des pays développés augmente de 7 % par an en moyenne. L’offre en bitcoin augmente de seulement 1,8 % par an, et ce taux tombera à 0,9 % en 2024, 0,4 % en 2028, jusqu’à ce qu’il soit de 0 %.

Or, selon la loi de Gresham, une monnaie perçue comme rare (bitcoin, or) sera thésaurisée (épargnée), tandis qu’une monnaie perçue comme abondante (dollar, euro) sera dépensée. De plus, la taxation de l’or et des bitcoins ajoute un frein supplémentaire à leur dépense.

Le bitcoin est ainsi davantage perçu comme une monnaie d’assurance qu’une monnaie d’échange (comme l’or), et dont l’intérêt est la portabilité et l’absence de dépréciation.

La valeur totale des actifs dans le monde est estimée à 500 billions de dollars. Si le bitcoin ne capture que 1 % de cette valeur (soit 5 billions), cela représenterait, pour 21 millions de pièces émises, une valeur de 238 000 dollars par pièce.

Pour autant, il ne pourra atteindre un niveau supérieur d’adoption qu’en étant accepté en tant que monnaie et échangeable contre d’autres types d’actifs.

Le bitcoin est très divisible (jusqu’à 8 décimales), ce qui fait qu’il n’a pas besoin d’unités d’abstraction : les pièces et billets de banque ont été une abstraction d’or ou d’argent métal, qui n’étaient pas très divisibles (permettant ainsi aux gouvernements de changer les niveaux d’abstraction au cours du temps).

Dans un monde où le bitcoin serait adopté massivement :

  • Les couches d’abstraction (à quel actif lier le dollar ?) ne seraient plus nécessaires.
  • Les institutions et services financiers ne seraient plus au centre, mais à la périphérie du système.
  • L’investissement en actions et dans l’immobilier serait simplifié par la tokenisation. De même, les petites entreprises pourraient plus facilement titriser leurs capitaux, ce qui leur fournirait un autre levier de croissance que l’endettement, via les capitaux propres.
  • La nécessité de combattre l’inflation serait moindre.
  • La valeur pourrait être échangée plus simplement en dehors des frontières, et les citoyens d’Afrique et d’Amérique Latine pourraient économiser, consommer et investir plus aisément.
  • L’endettement à long terme aurait moins de sens, et l’économie reposerait davantage sur les capitaux propres.
  • Il serait plus difficile pour l’État de taxer les revenus, l’imposition pourrait être reportée sur la fortune ou les revenus des grandes entreprises. Les frais administratifs seraient réduits.
  • Les gouvernements ne pourraient plus se financer en dévaluant la monnaie.
  • Les réfugiés pourraient toujours emporter leurs économies, tandis que les activités douteuses pourraient opérer plus discrètement.

Cryptomonnaies et compromis

Chaque modification devant être approuvée par la majorité du réseau, des compromis sont souvent nécessaires, car les tentatives de complexifications se heurtent ainsi aux limites d’exigence pour pouvoir gérer un nœud du réseau. Ainsi, une grande partie des règles de Bitcoin sont immuables, parce que toute tentative de changement drastique doit être acceptée par la majorité du réseau, et être compatible avec la version existante.

Les autres cryptomonnaies sont plus facilement modifiables que Bitcoin, car elles ont un réseau moins étendu et moins décentralisé. Or, c’est ce qui fait la force de ce dernier, qui reste simple et robuste.

Bitcoin est relativement lent (400 000 transactions maximum par jour), mais plusieurs couches ont été ajoutées à la couche de base pour augmenter son débit, comme les réseaux Lightning et Liquid. La couche de base, plus lente mais plus sécurisée, correspond à des besoins différents des couches superficielles, plus rapides et parfois plus confidentielles.

Bitcoin étant open-source, des systèmes de paiements interopérables peuvent se connecter aux différentes couches et proposer plusieurs services spécifiques.

Le réseau Lightning

Le réseau Lightning désigne une couche de contrats intelligents fonctionnant sur la couche de base de Bitcoin. C’est un exemple d’amélioration du réseau Bitcoin.

Il trouve son utilité dans l’exécution de petits paiements instantanés, qui n’ont pas besoin de s’inscrire durablement dans la blockchain.

Augmenter la vitesse de la blockchain serait trop exigeant pour beaucoup de nœuds, et le réseau perdrait de sa décentralisation. L’alternative est donc un fonctionnement par couches, chacune répondant à un besoin spécifique.

Le réseau Lightning consiste en canaux peer-to-peer, qui s’ouvrent par une transaction en bitcoins sur la couche de base, et peuvent être fermés de la même manière. Entre les deux, une infinité de transactions quasiment instantanées sont possibles entre deux personnes, pour des frais minimes.

Il peut aussi être utilisé par deux personnes qui n’ont pas ouvert de canal commun, mais qui sont indirectement connectés via d’autres personnes, qui relaient la transaction sans connaître sa destination finale. Cela permet une forte scalabilité.

La seule limite au réseau Lightning est l’inscription nécessaire de deux transactions dans la couche de base de Bitcoin. Les petits paiements peuvent ainsi être effectués rapidement, de façon privée, tout en reposant sur la sécurité de la couche de base.

Lightning prend la forme d’un logiciel open-source, qui n’exige aucune permission et peut être exécuté sur n’importe quel ordinateur. Toutefois, la plupart des utilisateurs se connectent au réseau via une application mobile, qui supprime les détails techniques.

Plus le réseau comptera d’utilisateurs, plus il sera liquide et pratique à utiliser.

Preuve de travail vs preuve d’enjeu

Pour valider la blockchain, plusieurs systèmes de consensus coexistent.

La preuve de travail utilise la résolution d’une énigme cryptographique, qui demande de l’énergie (électricité), pour autoriser la création d’un nouveau bloc mettant à jour le registre avec les nouvelles transactions.

L’énergie fait office d’autorité neutre, qui décide quel sera le prochain bloc valide. Elle garantit la décentralisation du système. Elle le rend également moins vulnérable, puisqu’il faudrait disposer de plus de 50 % de la puissance de calcul totale du réseau pour pouvoir le falsifier.

Ainsi, à mesure que la quantité de puissance de calcul mise à disposition du réseau augmente, sa sécurité augmente aussi, car les enregistrements ne peuvent être changés sans devoir refaire les calculs cryptographiques.

La preuve d’enjeu est basée sur la participation : ceux qui détiennent des pièces peuvent voter pour la création d’un nouveau bloc, et reçoivent de nouvelles pièces en guise de récompense.

Ce système permet aux petites blockchains d’être moins falsifiables (il est plus dur de posséder plus de 50 % des pièces que 50 % de la puissance de calcul d’un petit réseau), et d’être souvent déflationnistes, via le brûlage de pièces venant compenser celles émises pour les validateurs.

Cependant, les systèmes à preuve d’enjeu ont plusieurs défauts :

  • Ils n’ont pas de coût infalsifiable (l’énergie), qui prouve la validité de l’historique des transactions de la chaîne grâce à la puissance de calcul.
  • Ils nécessitent une gouvernance manuelle, assurée par ceux contrôlant le plus de pièces, sous la forme d’un oligopole.
  • Ils sont plus complexes, car ils ont besoin d’une organisation poussée pour remplacer le rôle de l’énergie en tant qu’arbitre neutre, pour fonctionner et décider quelle est la chaîne valide.
  • Ils sont centralisateurs : les mineurs de cryptomonnaies en preuve de travail sont souvent disséminés, formant un réseau décentralisé en adaptation constante au coût de l’énergie, tandis que les validateurs de cryptomonnaie en preuve d’enjeu ne supportent aucun coût et tendent à concentrer les pièces, et donc le pouvoir, entre quelques mains.
  • Ils sont moins robustes face à une attaque à 51 % : les systèmes à preuve de travail peuvent reprendre le contrôle en augmentant la puissance de calcul, alors que les systèmes à preuve d’enjeu n’ont pas cette possibilité pour contrer l’attaque.
  • Leur capacité de distribution est plus limitée : la répartition initiale des pièces est souvent décidée par les fondateurs, de manière parfois peu équitable, ou vendue à des investisseurs. Inversement, chaque bitcoin provient de l’ajout de bloc, en rémunération pour l’utilisation du logiciel et la mise à disposition d’une puissance de calcul.

Preuve de travail = faire confiance à la physique pour déterminer ce qu’il s’est passé. Preuve d’enjeu = faire confiance aux humains pour déterminer ce qu’il s’est passé.

Dans les systèmes à preuve d’enjeu, le registre est déterminé par les détenteurs de pièces, qui sont eux-mêmes déterminés par le registre (le système est circulaire, sans histoire infalsifiable). Ceux qui reçoivent des pièces sont ceux qui en possèdent déjà, ce qui concentre la richesse.

Les systèmes de preuve d’enjeu ne sont pas des mécanismes de consensus appropriés pour construire une monnaie mondiale décentralisée robuste.

Dans les systèmes à preuve de travail, ceux qui ont des pièces ne reçoivent rien : il faut participer au système (ce qui a un coût) pour en recevoir, ce qui en fait un modèle davantage distributif. L’énergie sert d’arbitre : elle authentifie les transactions, en lieu et place d’une autorité centrale (banque, gouvernement).

Par ailleurs, la friction (un léger coût) induite par la preuve de travail pourrait permettre de lutter contre les spams, les usurpations d’identités en ligne et les contrefaçons.

La multiplication des jetons de cryptomonnaies sur le marché interroge néanmoins sur leur valeur réelle, et présente des similitudes avec les actions de pacotille des sociétés internet dans les années 90.

Comment Bitcoin utilise l’énergie

La consommation énergétique du réseau Bitcoin est souvent mal comprise.

En 2020, le réseau représentait moins de 0,1 % de la consommation énergétique mondiale. Si le Bitcoin est adopté massivement, il pourrait représenter jusqu’à 1 % de la consommation énergétique mondiale, ce qui serait similaire à la production d’aluminium. Toutefois, il remplacerait alors certains services financiers existants, qui n’auraient plus besoin de consommer de l’énergie.

Une grande partie de l’énergie est consacrée à la sécurisation du réseau, et ne dépend pas du nombre de transactions effectuées. Le calcul de la quantité d’énergie consommée par transaction n’est donc pas pertinent.

Par ailleurs, Bitcoin n’est pas intrinsèquement plus lent que les systèmes de paiements actuels. Il traite peu de transactions (5 par secondes), mais possède plusieurs couches (Lightning par exemple), de même que les transactions de surface par Visa ou Mastercard sont des couches du système de règlement Fedwire, qui effectue environ autant de transactions que Bitcoin.

Les récompenses à la création de bloc sont divisées par deux tous les 4 ans, ce qui diminue l’offre de Bitcoin ainsi que les revenus des mineurs qui, à l’avenir, dépendront davantage des frais de transaction.

Comme les revenus des mineurs sont plafonnés et qu’ils sont dans une concurrence mondiale sur le marché de l’électricité, ils cherchent à exploiter les inefficiences du marché de l’énergie, en essayant de capter l’énergie peu chère ou gaspillée.

Ainsi, les mineurs de bitcoins peuvent utiliser :

  • Les centrales hydroélectriques isolées, qui produisent bien plus d’énergie que nécessaire, ce qui permet d’en acheter à très bas coût, car autrement, elle serait perdue.
  • Le gaz naturel, dans les gisements trop petits pour être exploités, et dont le gaz est relâché dans l’atmosphère (la quantité de gaz gaspillé chaque année dépasse de plusieurs fois la consommation du réseau Bitcoin).
  • Certaines décharges, en captant le méthane émis pour fabriquer de l’électricité bon marché.
  • La variabilité de certaines énergies renouvelables, qui provoquent parfois une surproduction difficile à stocker, pouvant être captée de manière flexible par des mineurs de Bitcoin. (Note : je participe également à la sécurisation du réseau en utilisant des énergies renouvelables, comme la géothermie, via un prestataire français enregistré auprès de l’AMF).
  • La chaleur générée par les ordinateurs de minage peut aussi être récupérée pour chauffer des espaces communs, notamment dans les régions au climat froid.
  • Des technologies de production électrique non rentables, car éloignées des centres urbains (gaz issu de la transformation des pneus en hydrocarbure, exploitation du différentiel de température de l’eau de mer), peuvent ainsi devenir rentables.
  • Les infrastructures électriques des pays en développement : vendue à des mineurs, l’électricité générée assurerait la rentabilité des infrastructures le temps que les réseaux de distribution se mettent en place.
  • De petites centrales hydroélectriques, qui, rentabilisées par le minage, peuvent servir à développer des communautés isolées.

L’utilisation d’énergie de Bitcoin est limitée par son prix, ce qui pousse les mineurs vers les sources d’énergie les moins chères, qui sont généralement celles qui sont difficiles à vendre aux consommateurs traditionnels, car éloignées des zones peuplées. Elles finissent alors souvent par être gaspillées ou inutilisées.

Du fait de leur flexibilité (faible bande passante requise et faible sensibilité aux interruptions de service du fait de la décentralisation), les mineurs peuvent ainsi capter l’énergie la moins chère, car peu accessible, sans concurrencer les autres demandes d’électricité.

Analyse des risques des cryptomonnaies

L’or est reconnu depuis des millénaires, les monnaies-papier étatiques depuis des siècles. À côté, Bitcoin n’est qu’un logiciel réseau qui a moins de 15 ans.

Bitcoin a déjà prouvé sa solidité depuis sa création : les tentatives de hard fork pour changer les règles ont échoué (ou entraîné la création de cryptomonnaies bien inférieures en taille, telles Bitcoin Cash), car elles n’avaient pas l’aval des petits utilisateurs décentralisés.

L’auteur est optimiste concernant ce réseau, mais reconnaît plusieurs risques quant à la survie à long terme du concept.

Risque 1 – Dilution du marché : La création constante de nouvelles cryptomonnaies peut diluer le marché, sans garantie qu’aucune d’entre elles n’émerge de façon pérenne. Cependant, Bitcoin a toujours été la plus grande cryptomonnaie, représentant 90 % de la capitalisation des blockchains à preuve de travail. Ethereum, la plus proche en termes de capitalisation boursière, fonctionne sur un modèle différent.

Risques 2 – Bugs logiciels critiques : Le code du Bitcoin est écrit par des humains, qui sont faillibles. Les mises à jour peuvent contenir des bugs, dont certains peuvent passer longtemps inaperçus. Cela peut nuire à la confiance du réseau, à sa souveraineté et l’entraver dans sa progression.

Risque 3 – Interdictions gouvernementales : Certains à États n’apprécient pas de voir une monnaie échappant à leur contrôle. Un gouvernement pourrait interdire les courtiers en cryptomonnaies, rendre illégal leur possession, leur utilisation et le fait de faire fonctionner un nœud. Toutefois, il ne peut empêcher les échanges de pair à pair, ni quiconque de recevoir du Bitcoin avec sa propre clé privée.

Risque 4 – Menaces informatiques : Les ordinateurs les plus efficaces pour le minage sont les ASICs, qui ont des processeurs conçus spécialement pour exécuter l’algorithme de hachage SHA-256. Peu d’entreprises les fabriquent et peuvent concevoir les semi-conducteurs nécessaires, ce qui peut provoquer un goulot d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement. Par ailleurs, si une entreprise en situation de monopole parvenait à fabriquer des processeurs bien plus puissants (ordinateurs quantiques), elle pourrait devenir une menace pour le réseau.

Les risques peuvent également se combiner. Un gouvernement pourrait à la fois interdire les cryptomonnaies, forcer les dépositaires à les revendre pour faire chuter les prix, stopper l’activité des fabricants d’ordinateurs de minage et engager des ressources importantes pour mener une attaque à 51 %, rendue alors plus facile par la diminution du nombre de mineurs.

Tant qu’une minorité seulement de la population détiendra des cryptomonnaies, ces risques peuvent survenir. Cependant, de nombreux politiciens en détiennent déjà et y sont favorables, ce qui rendrait difficile un consensus gouvernemental.

Stablecoins et monnaies numériques de Banque Centrale

Les monnaies fiduciaires sont également présentes dans la blockchain sous la forme de :

  • Stablecoins : des émetteurs privés de jetons adossés à des monnaies fiduciaires.
  • Monnaies Numériques de Banque Centrales (MNBC) : les versions numériques des monnaies fiduciaires.

Les stablecoins permettent aux personnes vivant dans des pays en crise, comme l’Argentine, d’accéder facilement aux dollars américains pour épargner. Néanmoins, les risques de garantie de l’émetteur, de gel ou d’interdiction gouvernementale existent.

L’intérêt pour les banques centrales de disposer d’une version numérique de leur monnaie est de mieux pouvoir contrôler son utilisation, ainsi que d’améliorer les paiements transfrontaliers, utilisant le système SWIFT, qui sont lents, coûteux et qui excluent un certain nombre de pays.

Une monnaie numérique permettrait aussi de mener des politiques fiscales ou de taux d’intérêt plus ciblés sur des régions, industries ou groupes d’individus. De nouvelles mesures de stimulation économique (taux négatifs durables, fixation d’une date d’expiration sur l’argent afin qu’il soit dépensé…) pourraient être appliquées sur des monnaies numériques, alors qu’elles ne peuvent pas l’être sur les espèces.

L’élimination des espèces permettrait de supprimer le dernier moyen d’effectuer une transaction de manière anonyme. Les gouvernements auraient ainsi des outils de contrôle supplémentaires sur les agents et sur le registre.

Le gouvernement chinois a été le premier à tester une monnaie numérique de banque centrale, facilement traçable. Combinée aux systèmes de reconnaissance faciale, des amendes pourraient être infligées et payées automatiquement dès qu’une infraction est détectée.

Au Nigeria, le gouvernement a décidé de plafonner les retraits en espèces et d’interdire l’échange de cryptomonnaies, pour promouvoir sa monnaie numérique, l’eNaira. Mais jusqu’ici, seul 1 % de la population l’a adopté.

Si le Bitcoin et les cryptomonnaies donnent plus de pouvoir aux utilisateurs, les monnaies numériques des banques centrales donneront aux états un moyen de contrôle jamais vu dans l’histoire.

Du point de vue d’une banque centrale ou d’une agence gouvernementale, l’argent idéal est celui sur lequel ils ont un contrôle absolu. Ils veulent qu’il se dévalue progressivement au fil du temps, qu’il soit facilement surveillé et programmable par l’émetteur, et qu’il puisse être gelé par l’émetteur à volonté pour des raisons qu’ils considèrent justifiées. (…) Du point de vue d’un utilisateur individuel, l’argent idéal est celui qui résiste à la dépréciation, qui ne peut pas être facilement saisi ou contrôlé par des tiers, qui offre des améliorations à la confidentialité transactionnelle, et qui est globalement portable et accepté mondialement.

À ce stade, deux directions sont possibles : une centralisation encore plus poussée du système financier, ou une décentralisation synonyme d’autonomie financière pour l’utilisateur.

Technologie financière et droits de l’homme

La dégradation de la vie privée

À l’ère du numérique, il devient de plus en plus facile et peu coûteux pour les gouvernements, les entreprises ou les individus de violer la vie privée de quelqu’un, et ce, sans que cette personne le sache.

Le big data et les algorithmes sont utilisés pour récolter des informations privées, qui sont ensuite fréquemment piratées.

Les gouvernements trouveront toujours une justification pour utiliser les moyens permettant de violer la vie privée des gens (lutte contre la drogue, le terrorisme, l’immigration), ce qui peut inciter les individus à mettre en place des protections numériques.

L’avènement des banques permet déjà de surveiller les transactions de chacun, contrairement aux espèces, qui sont intraçables dans le registre. Les banques américaines doivent depuis 1970 reporter toute transaction supérieure à 10 000 $ (cette limite est régulièrement abaissée du fait de l’inflation) ; les Allemands doivent décliner leur identité pour acheter plus de 2 000 € d’or ; les Français ont l’interdiction de faire des transactions de plus de 1 000 € en espèces.

Les données sont aussi récoltées à grande échelle par les entreprises, en échange de services gratuits. Par exemple, Google peut suivre votre historique de recherche et de navigation (via Chrome), vos messages (via Gmail), votre localisation et les applis que vous utilisez (via Android).

Elles peuvent ensuite être monétisées et revendues à d’autres compagnies. Pire, il y a de nombreuses violations de données et piratages qui concernent des bases de données gouvernementales ou d’entreprises contenant des informations privées sensibles.

En 2013, Edward Snowden a révélé que la NSA était capable d’espionner les communications de n’importe qui, sans l’autorisation des fournisseurs de télécommunications, ni sans ordonnance judiciaire.

Par ailleurs, certains logiciels espions, comme Pegasus, sont régulièrement utilisés par les régimes autoritaires (Thaïlande, Bahreïn, Hongrie, Maroc…) pour espionner les téléphones de militants pro-démocratie, souvent pacifistes, et donc pas uniquement contre des terroristes. Des enquêtes ont révélé qu’il avait aussi été utilisé par certains régimes démocratiques (Espagne, Pologne) contre leurs opposants politiques. De nombreux journalistes à travers le monde ont aussi été espionnés.

La Chine de Xi Jinping, qui surveille activement sa population avec l’IA, exporte ses technologies de surveillance dans de nombreux pays du sud.

Malgré le fait que très peu de gens meurent du terrorisme (moins de 0,01 % des décès dans les pays développés), les attentats sont utilisés comme justification pour promulguer des lois qui réduisent la vie privée (Patriot Act aux États-Unis), sans date de fin.

Avec les progrès de la vitesse de calcul, les technologies de surveillance devraient encore s’étendre. Elles pourront être combinées aux monnaies numériques des banques centrales, qui permettront d’affecter facilement des politiques monétaires (taux d’intérêt, limites géographiques) et des gels de compte à des groupes d’individus.

Les protestataires dans une foule peuvent automatiquement voir leurs visages reconnus et leurs comptes financiers gelés si les autorités le souhaitent.

Défense asymétrique

La vie privée dans une société ouverte nécessite des systèmes de transaction anonymes.

Nous ne pouvons pas compter sur les organisations (publiques ou privées) pour défendre notre vie privée. Il revient aux individus de déployer des systèmes pour la protéger.

Pour lutter contre la réduction de la confidentialité, le cryptage est une solution asymétrique : peu coûteux à employer, très difficile à attaquer. Il permet de sécuriser les messages ou les paiements en ligne.

Le gouvernement américain, a plusieurs fois agi en vue d’interdire ou de limiter le chiffrement, sans succès jusqu’ici, puisque les techniques de cryptographie reposent souvent sur du code open-source et gratuit, qui se diffuse facilement dans et en dehors des frontières.

La capacité des personnes à stocker de la valeur de manière autonome, à l’envoyer et la recevoir d’autres, et à utiliser diverses techniques de confidentialité (…), menace le contrôle gouvernemental sur le système financier.

Actuellement, des bitcoins achetés sur un exchange puis utilisés pour acheter des biens/services peuvent être tracés. Cependant, des individus techniquement avertis peuvent utiliser des méthodes d’obfuscation (mixeurs, canaux Lightning, cryptos fondées sur la confidentialité, monnaie chaumienne…), qui sont cependant limitées par la liquidité.

Les tentatives pour faire voter des lois contre les techniques d’anonymisation des transactions mettent en avant la lutte contre le blanchiment. Pour autant, devons-nous céder aux gouvernements le droit d’inspecter chaque transaction ? Les gouvernements ne sont pas toujours honnêtes quant à leurs motivations : l’Argentine a interdit la vente d’actifs numériques en évoquant le blanchiment, alors même que son inflation dépassait 100 % et que les gens cherchaient une échappatoire à la monnaie argentine.

Il y a une bataille au long cours entre les développeurs créant des techniques de cryptage et des logiciels open-source décentralisés, et les gouvernements créant des techniques de surveillance.

Un monde d’ouverture ou un monde de contrôle

Si l’utilisation du Bitcoin et des cryptomonnaies rend le gel des avoirs plus difficile à mettre en place, il permet ainsi d’éviter que les gouvernements ne contournent leurs propres lois, en fournissant des options de mobilités lorsque les gouvernements agissent contre les libertés (le droit de manifester est parfois réprimé, y compris dans les démocraties).

À ce jour, (Bitcoin) est la tentative la plus importante et la plus réussie au monde de créer une monnaie numérique apatride.

Initialement porté par les mouvements cyberpunks et libertariens, le réseau Bitcoin se présente comme alternative aux manipulations du système financier, qui rassemble des gens de mouvements très différents.

Les partisans du Bitcoin orientés à gauche (…) voient le réseau Bitcoin comme un outil pour limiter les excès des entreprises et du capitalisme de connivence, (…) de nombreux partisans du Bitcoin orientés à droite voient le réseau Bitcoin comme un outil pour limiter les excès de l’État.

Ces visions ne sont pas contradictoires, car il existe des interconnexions évidentes, dans les hautes sphères de pouvoir, entre gouvernements et grandes entreprises : les premiers pouvant favoriser les seconds, et les seconds soutenir les premiers.

En ce sens, le réseau Bitcoin redonne le contrôle du registre financier aux gens, en opposition à sa manipulation par des groupes d’intérêts puissants (par exemple, le financement opaque de la guerre en Irak, soutenue par le complexe militaro-industriel, a conduit à une dévaluation et à l’hypothèque d’une partie des capacités financières des générations futures).

Bien que l’écosystème Bitcoin puisse attirer des personnes mal intentionnées (tentatives de fraudes et d’escroquerie), on y trouve aussi des personnes travaillant sur des questions éthiques (droits de l’homme) ou pragmatiques (utiliser l’énergie perdue), et qui soutiennent l’idée qu’un registre open-source qui redonne du pouvoir aux individus.

Le Bitcoin peut tout autant être considéré comme un outil de spéculation dans les pays développés, qu’une solution de repli pour ceux qui vivent dans des pays sous-bancarisés ou connaissant une inflation galopante.

Du fait de ses excès, de la concentration des richesses et de l’accumulation de dettes à long terme, le système financier mondial doit régulièrement se reconstruire. Lorsque les gens comprennent que le système ne joue pas pour eux, cela conduit à l’élection de leaders populistes qui restreignent les libertés et blâment les minorités.

Dans un monde de plus en plus chaotique, les gens veulent souvent de l’ordre à tout prix, même si cela implique de renoncer à une partie de leur liberté.

La technologie a rendu certains registres obsolètes : l’or s’est imposé à l’ère industrielle face aux autres marchandises, puis les monnaies fiduciaires se sont imposées dans un monde de plus en plus connecté.

L’or permet toujours de défendre l’épargne constituée, mais il est peu pratique à utiliser. Le réseau Bitcoin est une alternative, jeune et dont la robustesse est à prouver, mais avec une capacité de déplacement mondiale.

Contrairement aux précédentes, cette évolution technologique n’est pas centralisatrice. Séparer l’argent et l’État avec une technologie monétaire décentralisée pourrait forcer les gouvernements à plus de transparence dans leurs actions.

L’argent décentralisé open-source qui donne du pouvoir aux individus, qui est sans permission à utiliser, et qui permet un flux de valeur sans frontières, est à la fois puissant et éthique. Le concept représente une amélioration du système financier actuel à bien des égards et offre un contrôle sur le pouvoir excessif, ce qui le rend digne d’être exploré et soutenu.

Mon Avis sur « Argent cassé : Pourquoi notre système financier nous fait défaut et comment nous pouvons l’améliorer »

Lyn Alden a fait un travail de documentation assez remarquable pour exposer l’évolution de l’argent à travers les siècles, puis pour expliquer pourquoi le système financier actuel déraille, en quoi il ne sert que les intérêts de ceux qui sont proches du pouvoir, et non de l’ensemble des citoyens.

L’histoire de l’argent est passionnante (au même titre que l’histoire de l’économie), des toutes premières monnaies-marchandises jusqu’au système monétaire mondial actuel, puis aux cryptomonnaies, en passant par l’or.

Il est aussi intéressant de voir l’évolution des monnaies sous le prisme de la technologie, dont les progrès ont souvent dicté les changements au cours du temps.

Ce livre est très dense, et même si mon résumé est assez long, il est loin de refléter toute la richesse de son contenu. Le lire (en anglais car non traduit, et il est peu probable qu’il le soit un jour) permettra donc d’aller beaucoup plus loin dans la compréhension des mécanismes que j’ai difficilement tenté de résumer.

L’un de ces principaux apports est de montrer comment les gouvernements peuvent insidieusement et secrètement dévaluer leur devise, pour réduire leur endettement ou financer une guerre, appauvrissant au passage leur population sans qu’elle ait son mot à dire, ni sans qu’elle ne s’en rende compte.

« Qui possède le registre (monétaire) ? », la grande question posée à chaque étape de l’évolution de la monnaie, montre que les citoyens en ont progressivement perdu le contrôle au profit d’une autorité supérieure (gouvernements, institutions internationales…).

Le contrôle centralisé du registre a permis la mise en place d’un système inflationniste basé sur la dette, qui ne profite qu’à ceux qui ont accès au crédit, ce qui creuse les inégalités et concentre la richesse.

Lorsqu’une grande partie de la population comprend, à la fin d’un long cycle d’endettement, comme c’est le cas actuellement et comme ce fut le cas dans les années 30-40, que le système joue contre elle, la tentation de se tourner vers des leaders populistes met en danger la démocratie.

À une autre échelle, Lyn Alden montre comment les pays riches se servent du FMI et de la Banque Mondiale pour asservir les économies des pays en développement.

Elle nous offre aussi un point de vue rarement entendu sur le Franc CFA (d’où l’intérêt de lire des livres non franco-centrés, avec un œil extérieur), relent nauséabond de la colonisation, qui permet à la France de garder plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest sous son autorité monétaire.

De leur côté, les États-Unis, détenteurs de la devise mondiale de référence, peuvent impacter l’endettement des pays en développement avec de simples décisions de politique monétaire intérieure.

L’auteur étant ouvertement technophile, la cryptomonnaie, et particulièrement le Bitcoin, tient une place importante dans le livre. Il est présenté comme étant une potentielle monnaie alternative mondiale, fiable car décentralisée et avec un registre non manipulable.

Elle nous montre que les cryptomonnaies se sont emparées des problèmes que connaissent les monnaies fiat pour intégrer des solutions dans la manière dont elles sont construites : quantités limitées et rareté vs impression monétaire illimitée et dévaluations sauvages, réseau d’utilisateurs décentralisé qui décident des évolutions vs système monétaire centralisé dont seul l’état oriente les décisions, cryptage vs surveillance gouvernementale, logiciels open-source vs systèmes opaques.

L’auteur est clairement pro-Bitcoin, ou pro-cryptomonnaie de manière plus large. C’est un parti pris assumé. Cependant, il faut reconnaître qu’elle prend aussi le temps d’examiner les risques des cryptomonnaies, ainsi que leurs inconvénients. En passant, elle démonte l’affirmation selon laquelle la consommation d’énergie du Bitcoin (ou d’autres cryptos) serait un problème.

Est-ce que le Bitcoin ou autre chose va remplacer les dollars, les euros, et l’or ? Je n’en sais rien, mais je crois que tout investisseur qui respecte la règle fondamentale d’une bonne diversification de portefeuille, devrait s’y intéresser également, car les crypto-actifs (je préfère ce terme, car la plupart des cryptos n’ont pas vocation à remplacer les monnaies fiat) constituent clairement une nouvelle classe d’actifs, de plus en plus reconnue, ne serait-ce que pour stocker de la valeur à long terme.

Une chose est sûre : pour ceux qui vivent sous la coupe d’un régime autoritaire pouvant geler arbitrairement leurs avoirs financiers, dans des pays en hyperinflation avec une monnaie faible ou pour les réfugiés politiques ou de guerre, les cryptos sont une planche de salut.

L’impact de la technologie sur la vie privée constitue la dernière partie du livre, en forme d’ouverture. Elle a le mérite de mettre en lumière les tentatives des gouvernements pour accroître sa surveillance sur nos faits et gestes, y compris dans nos démocraties, et en quoi les monnaies numériques des banques centrales constituent une étape supplémentaire vers un contrôle toujours plus grand.

Comme le souligne l’auteur dans la préface, nous ne savons pas où nous allons, mais comprendre d’où l’on vient et quels sont les fondements des systèmes actuellement en place nous donne des clés pour comprendre les grands enjeux des évolutions à venir.

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