![Comprendre l'histoire de l'économie avec Economix](https://apprendre-a-investir.net/wp-content/uploads/2023/02/Economix-BD-histoire-economie.jpg)
Tout le monde se pose des questions sur l’économie. L’auteur aussi. Pour y répondre, il a parcouru des manuels d’économie, puis lu les grands classiques (Adam Smith, David Ricardo, John Maynard Keynes…).
Peu à peu, les pièces du puzzle se sont assemblées en un grand tableau, qu’il a décidé de raconter sous une forme très accessible : celle d’une BD.
Oui, nous pouvons comprendre l’histoire de l’économie, et il n’a jamais été aussi important que nous le fassions.
C’est d’autant plus important qu’en tant que citoyens, nous devons voter sur des sujets très liés à l’économie. Nous devrions donc être capable de comprendre ce pour quoi nous votons.
Parce que l’économie est davantage une question de pouvoir et de comportements humains, que de lois mathématiques rigides.
L’histoire commence par le capitalisme, notre modèle économique actuel.
La main invisible (du passé lointain à 1820)
Tout individu s’ingénue continuellement à trouver l’emploi le plus avantageux (…) l’étude de son propre avantage l’amène naturellement, ou plutôt nécessairement, à préférer l’emploi qui est le plus avantageux pour la société.
Adam Smith, La richesse des nations (1776)
Capital, capitalistes et capitalisme
Le capital désigne à la fois :
- Les moyens de production (usine, outils…)
- L’argent nécessaire à la fabrication d’objets, produits…
Le capitaliste est quelqu’un qui investit son argent dans le but de réaliser un profit : vendre un produit plus cher que ce qui a été investi pour le fabriquer.
Les Hollandais ont été parmi les premiers à utiliser des banques, afin que l’argent des épargnants puisse être utilisé pour de l’investissement. Leur commerce dominait l’Europe du XVIIe siècle.
Pour contrer cette domination, Jean-Baptiste Colbert, contrôleur français des finances, instaura des réglementations, des subventions aux exportations et des droits de douane sur les importations.
Les physiocrates
L’économiste François Quesnay pensait au contraire qu’il fallait laisser circuler la richesse sans intervenir.
Il faisait partie des physiocrates, selon lesquels la richesse obéissait aux mêmes lois que la nature, et qu’il fallait laisser faire.
Adam Smith et le libre marché
Pour Adam Smith, l’auteur de « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » (1776), la richesse provient de la division du travail. Si chacun n’exécute qu’une seule tâche, la production augmente.
Smith est connu pour sa théorie de la main invisible : dans un libre marché, chaque personne, en recherchant son propre intérêt et du fait de la concurrence, contribue sans s’en rendre compte à l’intérêt général (comme si une main invisible nous guidait).
Les limites du marché
Smith était cependant conscient que le marché avait des limites, il lui semblait souhaitable que le gouvernement intervienne à plusieurs niveaux : entretien des biens publics, limitation des taux d’intérêt, programmes de santé et d’éducation, etc.
Il considérait aussi qu’il était important de défendre les salariés, afin que les profits des entreprises se traduisent en hausses de salaires.
Smith se méfiait des capitalistes qui faussent les marchés libres avec des monopoles, ou qui avaient suffisamment de pouvoir pour que les lois leur soient favorables.
C’était notamment le cas des corporations telles que la Compagnie des Indes Orientales, qui, en situation de monopole, pouvait pratiquer des prix élevés.
Cette situation fut le déclencheur de la révolution américaine, lorsque les colons américains jetèrent le thé anglais à la mer (la Boston Tea Party, en 1773).
Les scientistes : Malthus et Ricardo
Dans « Essai sur le principe de population » (1798), Thomas Malthus fit le constat que la population augmentait géométriquement, tandis que l’approvisionnement en nourriture ne croissait qu’arithmétiquement, avec comme résultat, la famine.
Selon lui, le problème venait des pauvres, qui faisaient trop d’enfants.
David Ricardo, dans « Des principes de l’économie politique et de l’impôt » (1817), a cherché à simplifier l’économie en produisant des modèles abstraits.
Son modèle de l’avantage comparatif simplifie le commerce international en montrant que si chaque pays se spécialise dans un domaine, tout le monde y gagne.
Cette approche fut à la base de l’économie politique classique, qui fait de l’économie une science exacte faite de modèles mathématiques abstraits.
Pourtant, le modèle de Ricardo ne fonctionne pas forcément dans le monde réel, car en simplifiant, il oublie des paramètres (délocalisations possibles, coût d’expédition…).
À toute vapeur (1820 – 1865)
Le perfectionnement de la machine à vapeur par James Watt modifia l’économie, en permettant à la production et à l’extraction de charbon de se faire avec des machines, et aux transports d’accélérer (train et bateaux à vapeur).
L’industrialisation permit de produire en plus grande quantité, ce qui rendit obsolète le travail manuel, créa du chômage pour les travailleurs, et permit aux patrons d’imposer des salaires plus bas à un nombre croissant d’ouvriers.
Boom, krach, reprise : le cycle économique
La production industrielle généra un boom, mais bientôt, la demande ne put plus suivre, faute de salaires suffisants : les marchandises ne trouvent plus preneur, ce fut le krach.
Le système de l’étalon-or empêcha alors l’état d’injecter de l’argent dans l’économie, mais un autre système, toujours en vigueur aujourd’hui, permit la création monétaire.
Il s’agit du système bancaire à réserves fractionnaires, qui consiste simplement, pour une banque, à partir des sommes placées par leurs clients, à pouvoir octroyer des prêts à d’autres clients (concrètement, 80 % d’une somme placée peut être prêtée, la banque gardant en réserve les 20 % restants).
Des paniques bancaires se produisaient alors lorsque l’argent que les banques gardaient en réserve ne suffisait plus, en cas de demande de retraits en masse.
Le socialisme
Friedrich Engels constata qu’il était possible de prédire des récessions, faisant suite aux cycles d’expansion. Il constata aussi la misère de la classe ouvrière.
Avec Karl Marx, ils publièrent le « Manifeste du Parti Communiste » (1848), qui revisitait l’histoire sous la forme d’une lutte de classe : la bourgeoisie s’accaparant le capital, au détriment du prolétariat.
Néanmoins, l’industrie permit à beaucoup de pauvres de pouvoir acheter les produits d’usines, et leur pauvreté n’était finalement pas pire qu’à la campagne.
Démocratie, guerre et esclavage
Aux États-Unis, la démocratie s’installa au début du 19° siècle sous le président Thomas Jefferson, qui pensait que le peuple devait être libre économiquement, pour l’être politiquement.
Mais les états du sud ne partageaient pas le même point de vue, et pratiquaient l’esclavage, qu’ils voulaient étendre. Ils firent sécession, ce qui entraîna la guerre civile américaine (1861-1865). Plus solide économiquement, le Nord d’Abraham Lincoln finit par l’emporter.
Marx et Le Capital
Marx publia « Le Capital » en 1867, dans lequel il passe en revue les théories économiques, afin de prouver qu’une révolution allait survenir.
Il établit que le profit provenait du travail de l’homme, mais que la recherche de profit par l’amélioration des machines poussait les travailleurs au chômage.
Le capitalisme a donc un problème : licencier des travailleurs ou les payer le moins possible, pour accroître le profit, ne fait en réalité que le diminuer, puisque les travailleurs sont aussi des consommateurs qui ont besoin d’argent pour acheter les produits fabriqués.
Syndicats et réformes
L’organisation des travailleurs en syndicat leur permit de négocier leurs salaires et conditions de travail.
Les socialistes se scindèrent en deux clans : les socialistes réformateurs voulant améliorer le capitalisme, et les révolutionnaires communistes voulant le remplacer.
En Allemagne, le chancelier Bismarck devint socialiste afin de satisfaire aux exigences des travailleurs, tout en mettant à ses ordres les capitalistes, dans une économie mixte, à moitié contrôlée par le gouvernement.
L’économie mixte est toujours d’actualité, puisque l’eau, la police, les pompiers, les transports, l’assainissement, etc, sont contrôlés et exploités par le gouvernement.
L’économie néoclassique
L’économie néoclassique repose sur deux constatations :
- Les rendements décroissants : produire plus finit par coûter plus cher, car l’unité marginale suivante coûte davantage que la précédente.
- L’utilité décroissante : plus on achète un même bien, moins on en a besoin et moins on est prêt à le payer au même prix.
Il en résulte la loi de l’offre et de la demande :
- Les acheteurs souhaitent acheter quand le prix est bas
- Les vendeurs essayent de vendre plus quand le prix est élevé.
Cela se traduit par deux courbes qui se croisent en un point d’équilibre, où les acheteurs et les vendeurs sont d’accord sur les prix et les quantités.
![L'équilibre offre-demande](https://apprendre-a-investir.net/wp-content/uploads/2023/02/equilibre-offre-demande.png)
L’économie néoclassique repose sur des modèles logiques simplificateurs, tels que celui-ci ou le modèle de Ricardo.
Le pouvoir de l’argent (1865-1914)
Chemin de fer, pétrole et patrons
Après la guerre civile, de grosses entreprises se développèrent aux États-Unis, acquérant des monopoles, ce qui leur permit des économies d’échelle (lorsque produire en grande quantité devient moins cher) et d’anéantir de la concurrence.
Elles firent la fortune de leur propriétaire : Cornelius Venderbilt (chemins de fer), Andrew Carnegie (acier), John Rockefeller (pétrole), J.P. Morgan (banque).
Les progrès techniques et une loi permettant d’acheter le capital d’autres sociétés permit aux grosses entreprises de grossir encore plus, en contrôlant la chaine logistique, des fournisseurs aux expéditeurs. Elles devinrent des super-corporations, ou trusts.
L’économie américaine était alors contrôlée par un petit groupe de magnats à la fortune immense, ce qui leur permit d’influencer le pouvoir politique, afin qu’il prenne des décisions qui leur soient favorables (droit de douanes, immigration, politique étrangère…).
Cette concentration de richesse eut pour revers une grande pauvreté de la classe agricole : les progrès techniques accrurent la production et donc l’offre, ce qui fit chuter les prix (la demande de nourriture varie peu), alors qu’ils devaient acheter leur matériel à des entreprises monopolistiques.
Le gouvernement essaya en vain de réguler les corporations, avec une loi antitrust, qui ne fut jamais appliquée, jusqu’au président Theodore Roosevelt.
Les progressistes
Dès son élection en 1901, ce dernier démantela des trusts, établit un contrôle des prix des chemins de fer, des normes de construction et d’hygiène alimentaire suite à plusieurs scandales.
Les présidents suivants, William Howard Taft et Woodrow Wilson, continuèrent de démanteler les trusts, et firent voter de nouvelles lois anti-monopoles et oligopoles, ainsi qu’un impôt sur le revenu.
La réserve fédérale fut instaurée en 1913, pour contrer la puissance de J.P. Morgan.
Les progressistes ne suivaient aucun plan, se contentant de remédier aux problèmes économiques rencontrés.
Le socialiste Henry George émit l’idée de la propriété commune du sol, puis d’un impôt sur la terre. Ses idées furent reprises par le créateur du jeu Monopoly, dont le but était de démontrer que la richesse finit toujours par se concentrer.
La beauté de l’inutilité
Dans son livre, « Théorie de la classe des loisirs » (1899), Thorstein Veblen mit en avant que la consommation inutile et ostentatoire servait à démontrer sa richesse et à impressionner les autres.
Sa théorie renversa le darwinisme social, selon lequel les riches le sont, car ils sont plus évolués. Veblen créa ce qu’on appela l’économie institutionnelle, qui considère que l’économie est une partie intégrante de la société, plutôt qu’un marché fluctuant librement.
L’économie mondiale
En 1914, la Grande-Bretagne dominait le monde grâce à ses colonies, mais la puissance de l’économie mixte allemande dominait la production de fer et d’acier en Europe.
Une montée des tensions entre pays européens provoqua une course à l’armement, puis une guerre mondiale.
Tout s’écroule (1914-1945)
Les économies de guerre
Dans une économie de guerre, le gouvernement dicte ce qui doit être fabriqué et rationne les produits de première nécessité. Elle s’accompagne de censure, de propagande, et de blocus économique contre l’ennemi.
Les alliés s’endettèrent auprès des États-Unis pour leur acheter des armes, et ces derniers finirent par les soutenir militairement, par peur de ne jamais être remboursés.
Vaincue, l’Allemagne devait payer un coût immense en dédommagement, fixé par le Traité de Versailles (1919). Elle imprima massivement de l’argent, mais il en résulta une inflation terrible.
Les dictateurs Lénine et Mussolini continuèrent à maintenir des économies dirigées après la guerre. Lénine installa un régime communiste en Russie.
Les années folles
Les années folles virent un boom lié aux technologies, par exemple la mise en production de la Ford T, qui, en conjuguant un prix bas grâce aux chaines de montage et un salaire élevé pour les ouvriers, permirent à tous d’en acheter.
Dans les années 20, il devint possible d’acheter et d’investir via des crédits à la consommation, et l’indice boursier Dow Jones forma une bulle, qui éclata en 1929.
Les investisseurs durent revendre leur capital pour rembourser leur prêt, ce qui aggrava la chute. Les prêteurs inquiets arrêtèrent de prêter, ce qui mit à mal beaucoup d’entreprises.
Ainsi commença la grande dépression, la pire de tous les temps. Le chômage atteint 25 %, et le manque d’argent causa une déflation et la faillite d’un tiers des banques.
Le New Deal
En 1933, le nouveau président Franklin Delano Roosevelt mit en place une nouvelle donne pour sauver la situation.
Il laissa fonctionner les entreprises privées, tout en lançant de vastes programmes gouvernementaux (travaux publics utiles, achats de produits agricoles pour stabiliser les prix), établit de nouvelles règles (assurance chômage, séparation des banques commerciales et des banques d’investissement).
Pour financer ses programmes, le gouvernement s’endetta en émettant des obligations. Il rétablit également l’étalon-or, en rendant la détention d’or illégale.
Ces mesures freinèrent la dépression, mais l’arrêt des dépenses publiques en 1936 entraina un retour vers la grande dépression.
Keynes et la théorie générale
Les gens dépensent et investissent lorsqu’ils ont confiance, et épargnent lorsqu’ils sont inquiets. Cela signifie alors moins de revenus (car la dépense d’une personne est le revenu d’une autre), ce qui maintient la dépression.
Dans son livre « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » (1936), Keynes montra que pour contrer une récession dans laquelle la dépense chute, il suffit de dépenser plus, en allant à l’encontre du cycle économique (et inversement, en période de boom, de monter les impôts et réduire les dépenses, pour freiner l’euphorie).
Son programme de dépense, supérieur à celui de Roosevelt, devait permettre à l’argent engagé d’être redépensé par d’autres, afin de regonfler l’économie.
Le monde déséquilibré
La grande dépression impacta le commerce international : le Japon fut durement touché, et attaqua la Chine pour s’emparer de ses ressources.
Dans l’URSS de Staline, la collectivisation des terres entraîna une famine qui fit des millions de morts, notamment en Ukraine.
En Allemagne, un taux de chômage de 40 % porta le parti national-socialiste et Hitler au pouvoir. Ce dernier, très revanchard de la première guerre mondiale, entraîna la seconde.
L’Allemagne attaqua l’URSS, tandis que dans le même temps, le Japon attaqua les Etats-Unis. Ces derniers passèrent du New Deal à une économie de guerre, en envoyant les chômeurs dans les usines d’armement.
Les armes et le beurre (1945-1966)
La conquête de la paix
En 1947, le plan Marshall envoya des milliards de dollars aux pays européens détruits, afin qu’ils puissent se reconstruire en achetant des produits américains.
La conférence de Bretton Woods (1944) forma la Banque Mondiale et le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade), qui ajoutés aux taux fixes entre or et Dollar et entre Dollar et autres devises, encouragea le commerce international.
Cependant, les anciens alliés américains et soviétiques devinrent antagonistes.
La longue expansion
L’épargne des ménages accumulée pendant la guerre fut dépensée, et la consommation fut ensuite maintenue par les programmes gouvernementaux (aide aux vétérans, agriculteurs, chômeurs, mères célibataires, instauration d’un salaire minimum) et des grands travaux (autoroutes) financés par un impôt progressif.
Le gouvernement se mit à mesurer le PIB (Produit Intérieur Brut), dont la croissance devint une priorité pour gérer le cycle économique et prévoir une nouvelle dépression.
L’économiste Paul Samuelson réalisa en 1948 une synthèse entre les idées macro-économiques de Keynes et les idées néoclassiques pour expliquer les comportements micro-économiques des entreprises et des consommateurs.
Le rêve américain
L’expansion économique permit aux pauvres de s’enrichir, et les impôts d’éviter aux riches d’en faire autant. Ils avaient d’ailleurs moins de pouvoir, car les corporations avaient un actionnariat plus dilué.
La classe moyenne s’enrichit et put s’installer dans des maisons de banlieues uniformisées, ce qui entraîna un développement de la voiture, dont les villes finançaient les voies rapides.
Affaires et bureaucratie
Dans les années 50, le gouvernement devient bureaucratique, cédant à la pression des lobbys et à la corruption des grandes entreprises, qui étaient favorisées, et devenaient encore plus influentes, alors que les programmes sociaux diminuaient.
La guerre froide fut un prétexte pour mener une économie de guerre permanente, dans laquelle l’armée achetait toutes les armes que l’industrie pouvait produire.
On nomma ce système le complexe militaro-industriel.
Kennedy et Johnson
Les présidents Kennedy (1961-1963), puis Johnson (qui prit place après l’assassinat de Kennedy) relancèrent la lutte contre la pauvreté avec des aides (medicare, medicaid…), dans un programme qu’il appela « Grande Société ».
Une baisse d’impôt stimula l’économie, qui produisait peu d’inflation, et dont le taux d’emploi était élevé.
En 1965, le Time expliqua en couverture que si la croissance économique était si bonne et que les cycles violents appartenaient au passé, c’était grâce à l’application d’une économie keynésienne.
Les très gros plans de l’URSS
L’économie planifiée de l’URSS engendrait des problèmes, si bien que les gens voulaient partir à l’ouest, et que l’URSS dut construire un mur à Berlin pour les en empêcher.
L’absence de marché rendait difficile de savoir ce dont avaient réellement besoin les gens. Par contre, elle permit la réussite des programmes spatiaux (premier satellite, premier homme dans l’espace et premier atterrissage lunaire).
Le « tiers monde »
La décolonisation entraina l’émergence de nombreux pays indépendants. Les États-Unis et l’URSS s’affrontèrent dans une lutte d’influence pour faire converger ces nouveaux pays vers leurs idées.
Les États-Unis étaient prêts à tout, y compris à soutenir des dictateurs, dans la peur que les jeunes démocraties libres finissent par choisir le communisme, ou par chasser les entreprises américaines qui s’appropriaient les ressources locales.
C’est ainsi que les États-Unis engagèrent une guerre au Viêt-Nam, ou un dictateur local semblait sur le point d’être renversé par des insurgés communistes.
L’explosion des dépenses militaires frappa durement l’économie : l’inflation augmenta, et la guerre prenait trop de place pour les autres dépenses.
L’ère des limites (1966-1980)
Pour la première fois, l’Amérique subit une stagflation : une inflation et un chômage élevés.
Les modèles mathématiques échouaient à expliquer la situation, car il n’y avait ni trop peu d’offre, ni trop de demande.
Bien qu’ils décrivaient un univers imaginaire idéal ne correspondant pas au monde réel, les économistes du courant dominant s’enfermèrent dans une logique théorique pure.
Monopoles et concurrence
Des économistes de courants non-dominants pointèrent le problème des monopoles que tendent à former les grandes entreprises, afin de contrôler l’offre, la demande (par la publicité), et donc les prix, faussant ainsi la concurrence.
Pour l’économiste John Kenneth Galbraith, la publicité était là pour nous faire acheter des choses dont nous n’avions pas besoin, ce qui donnait encore plus d’argent aux entreprises pour faire davantage de publicité.
Cette entrée dans l’ère de la consommation fut accompagnée par :
- L’obsolescence programmée des appareils électroniques.
- Une profusion d’aliments de mauvaise qualité.
- La dégradation des services publics.
Les économistes non-dominants avançaient que le pouvoir de fixer les prix des grosses entreprises ne dépendait pas que du modèle offre-demande, trop simpliste.
Nixon
En 1971, le nouveau président Nixon sortit le dollar de l’étalon-or, et le système des changes fixes de Bretton Woods prit fin.
La crise énergétique s’expliqua par l’atteinte du pic pétrolier aux États-Unis, et par l’arrêt de l’approvisionnement en pétrole par les pays de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole), majoritairement arabes, lorsque les États-Unis soutinrent Israël lors de la guerre du Kippour.
Le retour du Malthus
Si la cherté du pétrole causa une flambée des prix alimentaires aux États-Unis (l’agriculture étant mécanisée), elle causa des famines en Afrique, dans des pays en pleine transition démographique.
Le thème de la surpopulation revint à l’ordre du jour : les pays pauvres étant accusés de faire trop d’enfants, et les riches d’avoir une empreinte écologique non soutenable.
Certains commençaient à parler des limites de la croissance économique et démographique. Mais les progrès agronomiques et les subventions agricoles pour encourager la monoculture intensive réglèrent le problème (alimentaire, pas les problèmes de santé engendrés).
La grande augmentation des impôts
L’inflation des salaires fit passer beaucoup de gens dans les tranches d’imposition supérieures, ce qui leur laissa moins d’argent au final.
En parallèle, la complexité du code des impôts ouvrait des failles aux grandes entreprises pour en payer moins.
Nixon et son successeur, Ford, étaient démunis face à l’inflation.
Hayek et Friedman, prophètes de la liberté
Friedrich Hayek constata dans les années 20 que planification économique rimait souvent avec dictature politique, et qu’il fallait donc que les gens puissent conserver leur liberté économique pour que la liberté politique reste acquise.
Pour lui, le marché, complexe, fonctionnait mieux tout seul qu’en étant planifié. Ses idées néo-libérales furent redécouvertes par Milton Friedman, de l’école de Chicago.
Ce dernier prônait que le gouvernement laisse faire les transactions, car l’intérêt particulier mène à l’intérêt général, et qu’il fallait simplement intervenir pour augmenter la masse monétaire, afin que la demande suive.
Mais le libre marché ne prend pas en compte les externalités négatives, comme la pollution, la dégradation des biens publics…
L’école de Chicago voulait réduire le rôle d’un État jugé inefficace (trop d’impôt et une bureaucratie contrôlée par les intérêts particuliers).
Made in Japan
Le développement du commerce international mit les entreprises nationales en concurrence avec des entreprises étrangères (Japonaises notamment, pour les voitures et produits électroniques), fabricant de meilleurs produits, ce qui induit un déficit dans la balance commerciale.
Le Japon se mit à acheter des actions et obligations (dette gouvernementale) américaines avec les dollars issus de la vente de leurs produits.
En conséquence, de nombreuses entreprises durent licencier des travailleurs. En 1976, Jimmy Carter, le président américain, déréglementa plusieurs secteurs afin que de nouvelles compagnies privées concurrencent certaines anciennes corporations, devenues inefficaces.
Mais en 1979, la seconde crise pétrolière, la récession et la prise d’otages en Iran amenèrent Ronald Reagan au pouvoir.
La révolte des riches (1980-2001)
Historiquement, les riches ont toujours cherché à aligner l’intérêt général sur leur propre intérêt, en subventionnant des idées politiques telles que : « les marchés non supervisés sont merveilleux ».
Ces idées subventionnées transparaissent dans les journaux, TV, universités. En arrivant au pouvoir, Reagan voulut effacer la nouvelle donne.
L’économie reaganienne
Le programme de Reagan consistait à réduire fortement les impôts, notamment ceux des plus riches (leur taux d’impositions tomba de 70 % à 28,6 %), et à diminuer l’action du gouvernement (moins de réglementations).
Les grosses entreprises furent également nettement moins imposées. En parallèle, la baisse des dépenses sociales fut contrebalancée par la hausse des dépenses militaires, et les dépenses publiques continuèrent d’augmenter.
Ayant moins de recettes, le gouvernement se retrouva avec un budget en déficit, sans que la baisse d’impôt n’ait permis de renforcer l’économie (les dépenses déficitaires ne fonctionnent pour relancer l’économie que si l’argent injecté est redépensé, hors, les riches dépensent rarement plus après une baisse d’impôts).
Reagan fut contraint de réaugmenter les impôts, à un niveau supérieur à ceux existants lors de sa prise de fonction.
La Réserve Fédérale (FED)
Au même moment, la FED augmenta les taux d’intérêt drastiquement, pour mettre fin à l’inflation. Mais cela entraîna une autre récession et une hausse du chômage (une hausse des taux décourage la dépense et freine l’économie).
Le gouvernement, devant emprunter pour financer son déficit, se retrouva à payer des intérêts de plus en plus élevés, et la dette nationale s’envola.
En parallèle, l’argent économisé grâce aux baisses d’impôts par les riches et les grosses entreprises ne fut pas réinjecté dans la production, mais dans la spéculation, et Wall Street connut une grande expansion dans les années 80.
Le retour du pouvoir de l’argent
Les obligations à haut risque devinrent un sujet de spéculation du fait de leur intérêt élevé. Les prédateurs d’entreprises achetaient suffisamment d’actions pour prendre le contrôle des entreprises, afin de pouvoir revendre leurs actifs plus cher.
La durée moyenne de détention des actions chuta, les ordinateurs commencèrent à faire des transactions spéculatives, et certaines entreprises étaient davantage intéressées par la valeur de leurs actions que par leurs produits.
De son côté, le public finançait les entreprises : le gouvernement Reagan surpayait son programme de « guerre des étoiles », et les états jouaient à qui donneraient le plus de subventions pour attirer les entreprises. Les profits privés étaient donc d’origine publique.
Le gouvernement commença à sauver des entreprises financières au bord de la faillite, ce qui en incita d’autres à prendre plus de risque, sachant que le gouvernement interviendrait si besoin.
Les instruments financiers
Dans les années 80 et 90, les entreprises rachetaient leurs propres actions, afin d’en gonfler le prix, de faire des profits facilement, et distribuaient de gros dividendes pour la même raison.
Les instruments financiers se complexifièrent, notamment les produits dérivés, peu réglementés. Créés pour réduire les risques, ils furent utilisés pour faire des paris spéculatifs, pouvant causer des catastrophes (cf. : la faillite du fonds Long Term Capital Management en 1998, qui était pourtant dirigé par des prix Nobel).
Reagan laissa un héritage catastrophique : dérive des dépenses, endettement public, enrichissement des riches, appauvrissement des pauvres, balance commerciale déficitaire.
La fin de la guerre froide
En URSS, l’absence de concurrence rendait les entreprises inefficaces. Des syndicats réclamèrent l’autogestion des entreprises, qui était pratiquée en Yougoslavie, restée hors du bloc soviétique.
Les peuples d’Europe de l’Est se révoltèrent, le mur de Berlin tomba, et les réformes de Mikhaïl Gorbatchev (Glasnost et Perestroïka) provoquèrent la chute de l’URSS.
Une fois libres, les états d’Europe de l’Est auraient pu obtenir un plan Marshall, si les États-Unis n’avaient pas choisi de conserver leur énorme armée, très coûteuse, pour faire la guerre en Irak.
Sous Georges Bush, l’absence de croissance engendra des travailleurs pauvres, la fermeture d’établissements de santé et l’affaiblissement de la classe moyenne.
L’accès au soin
L’accès au soin, privatisé et sans concurrence, obéissait à une logique de profit, les assureurs privés gonflaient les primes et refusaient les indemnisations.
À son arrivée au pouvoir, Bill Clinton (1992-2000) augmenta les impôts des plus riches, pour réduire le déficit. Mais il avait peu de marge de manœuvre pour dépenser plus, avec un congrès républicain et une FED qui menaçait de monter les taux.
L’économie du « gagnant rafle tout »
Les écarts de richesse s’accentuèrent : un PDG gagnait 40 fois plus qu’un ouvrier en 1970, et 500 fois plus en 2000.
Cela engendrait une économie du gaspillage : maisons aux dimensions absurdes, trajets en jet privés répétés…
Le réchauffement climatique, initié par la révolution industrielle, commençait à devenir un problème, mais Clinton et Al Gore, son vice-président, ne firent rien pour améliorer la réglementation.
Il devenait difficile pour les politiciens de tenir tête aux grosses entreprises, car les campagnes d’élection coûtaient de plus en plus cher, et devaient être subventionnées par des fonds privés.
La prospérité et la nouvelle économie sous Clinton
À la fin des années 1990, la réduction du gaspillage d’argent public et des programmes sociaux permirent de réduire les déficits, le chômage et la criminalité.
Le gouvernement présenta même le seul budget non déficitaire depuis les années 60. Malgré tout, la classe moyenne et les pauvres devaient travailler davantage que dans les années 60 pour survivre.
La productivité continuait d’augmenter, alors que les salaires stagnaient. De grosses entreprises, comme Walmart, avaient décidé de maintenir les salaires les plus bas possibles, afin de gonfler leurs profits.
L’ouverture d’Internet à tous attira de nouvelles compagnies, « dot.com » , qui a leur tour attirèrent les investisseurs.
Contrairement aux grands groupes de médias, avec Internet, l’information pouvait circuler de manière horizontale, entre les gens.
L’uniformisation de la mondialisation
Le Fonds Monétaire International (FMI) avait pour objectif d’aider les pays en difficulté, en échange d’ajustements structurels calqués sur le néolibéralisme : privatisations, réductions des impôts et des dépenses publiques, déréglementation…
La plupart du temps, cela n’amenait qu’une suite de crises économiques, car ces idées provenaient des modèles théoriques de Ricardo, et non de l’économie réelle.
Par exemple, en Russie, qui passa subitement du communisme à l’idéologie de Ricardo, quelques oligarques prirent le contrôle des grosses industries, alors que le pays subit un effondrement économique et une baisse de son espérance de vie.
De grosses multinationales rachetaient les services publics, imposèrent un prix de marché, ainsi que des bas salaires et des horaires inhumains à leurs employés. Le tout, en échappant souvent à l’imposition dans leur pays d’origine.
L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), créée en 1995 pour réduire les freins aux échanges commerciaux, accéléra la mondialisation, mais fut également manipulée par les pays riches, à leur profit et à ceux des multinationales.
Bush II, le retour de la reaganomie
En 2000, Bush fils prit la présidence avec l’objectif de réduire les impôts. L’économie allait mal, avec l’explosion de la bulle Internet qui fit s’effondrer l’industrie des télécommunications, et les scandales des fausses déclarations comptables (tels que Enron).
Le monde d’aujourd’hui (après 2001)
La nouvelle guerre froide
Après le 11 septembre, la guerre au terrorisme fut déclarée, et les dépenses militaires furent à nouveau relevées.
Un programme économique conservateur fut appliqué en Irak occupé (réduction de la sphère publique, privatisations et plafonnement des impôts), qui accueillit aussi de grandes corporations américaines chargées de vendre son pétrole et de reconstruire le pays.
Certaines corporations ne firent que toucher des subventions, sans effectuer les contrats prévus.
La catastrophe des prêts immobiliers
Aux États-Unis, une nouvelle baisse d’impôt et une réduction des droits de succession augmentèrent le déficit du Trésor, mais sans reprise économique.
La FED réduisit les taux d’intérêts, sans plus d’effet. Certains banquiers eurent alors l’idée de faire souscrire des crédits risqués afin que la majorité de la population puisse devenir propriétaire.
Pour échapper au risque de non-remboursement, les banquiers vendirent les prêts sous l’apparence d’actifs surs, avec la complaisance des agences de notation.
Les prix de l’immobilier montèrent fortement. Lorsque de plus en plus de faillites furent déclarées, le gouvernement dû renflouer les assureurs des prêts, tels que AIG, qui avaient pourtant réalisé des profits énormes avec la bulle immobilière.
Profits privatisés et pertes socialisés !
La crise mondiale
Le Trésor injecta plusieurs centaines de milliards de dollars dans Wall Street, ce qui résolut les problèmes immédiats, tout en permettant de gonfler les primes des financiers.
La crise s’étendit au reste du monde, mettant plusieurs pays fragiles en difficulté : L’Islande, qui avait beaucoup déréglementé, et la Grèce, déjà très endettée.
Cette dernière, ne pouvant pas imprimer de monnaie (l’Euro), dû être renflouée par la France et l’Allemagne, en échange d’un programme d’austérité imposé, similaire à ceux du FMI avec le tiers-monde.
Mais l’austérité ne fonctionne pas, car elle signifie moins de dépenses, ce qui contracte l’économie, engendre moins d’impôts à lever, et qui en fin de compte aboutit à des difficultés supplémentaires pour rembourser la dette.
Les populations grecques et d’Europe du Sud manifestaient contre l’austérité, de même que les populations arabes contre leurs gouvernements dictatoriaux (les printemps arabes).
De l’espoir et un peu de changement
Obama arriva au pouvoir en 2009, dans des conditions semblables à 1929 : inégalités, corruption, endettement, crise financière.
Il introduit plusieurs changements : un programme de stimulation keynésien (dépenses), la supervision des renflouements des banques et la réforme de l’accès aux soins, pour élargir l’accès aux assurances-santé.
Malgré tout, début 2010, seuls 2 millions d’emplois avaient été récupérés sur les 8 millions détruits par la crise. La colère grandit et les républicains gagnèrent la chambre des représentants : ils imposèrent à Obama de réduire les dépenses, qu’ils avaient pourtant laissé courir sous Bush et Reagan.
Se rendant compte qu’il y avait un problème d’écart de richesse, un mouvement de protestation, se revendiquant d’être les 99 % restants après les 1 % les plus riches, occupa Wall Street.
L’économie après le krach
La crise de 2008 n’a pas été un désaveu pour le courant dominant. Cependant, d’autres voix s’élevèrent pour expliquer qu’il ne fallait pas attendre que le libre marché résolve les inégalités par lui-même.
La discipline économique n’est toujours pas sortie de sa passion infantile pour les mathématiques et les spéculations purement théoriques, et souvent très idéologiques, au détriment de la recherche historique et du rapprochement avec les autres sciences sociales.
Thomas Piketty
Rattrapés par le passé
Au début des années 2010, l’OMC s’évertuait toujours à casser les lois nationales au profit de grands groupes mondiaux. Les oligopoles nationaux historiques se transformaient en oligopoles mondiaux.
En parallèle, les États-Unis, puissance dominante, commencent à se faire rattraper par l’Inde et surtout par la Chine, dont la libéralisation de l’économie dans les années 80 permit des exportations massives et une élévation du niveau de vie, qui nourrit la croissance de la demande intérieure.
Notre planète malade
Les limites environnementales sont alors largement dépassées : la quantité de déchets produits et de ressources extraites (notre empreinte écologique) dépasse largement ce que la planète peut assimiler.
Les solutions d’hier (télévision, pesticides, autoroutes, industrialisation) semblent avoir engendré les catastrophes d’aujourd’hui (assèchement des fleuves, fonte des glaces, pollution maritimes, zones mortes…).
Les solutions existent, mais sont très peu utilisées, par choix politique.
Que faire ?
L’auteur propose quelques ébauches de solutions :
- Les programmes de dépenses keynésiens, qui ont fonctionné par le passé.
- la fin des réductions d’impôts des conservateurs, qui n’ont pas mené à la prospérité.
- La mise en place d’une imposition progressive pour les sociétés, afin que les plus grosses, qui génèrent le plus de profits, contribuent davantage.
- Une taxe sur les transactions financières.
- L’inclusion du coût du nettoyage des déchets dans le coût de production.
Ce sont les décisions du passé qui ont conduit à la situation économique d’aujourd’hui. La démocratie doit nous permettre de réfléchir aux nouvelles décisions à prendre.
Les hommes sont en train de trouver des moyens de construire une économie meilleure, plus juste.
Par exemple : maintenir la pression du Wall Street, choisir de meilleures banques, produire de l’énergie au lieu de simplement la consommer.
2008 a été une opportunité manquée de changer l’économie, alors que le système financier mondial était au bord du gouffre. Mais d’autres occasions arriveront.
Épilogue
Depuis la parution du livre en 2013, certaines choses n’ont pas changé (l’austérité entraine de nouvelles crises de la dette, les grandes institutions ignorent les changements à faire jusqu’à la catastrophe).
Mais en 2016, deux bastions de la politique néolibérale (réductions d’impôts, déréglementation et privatisations) ont connu un gros changement : Le Royaume-Uni a quitté l’Union Européenne et les États-Unis ont élu Donald Trump, sur des programmes autoritaire promettant de reprendre le contrôle en désignant un ennemi commun (les immigrés, les autres pays).
Les temps économiquement difficiles entraînent des cercles vicieux : les gens se tournent vers des dirigeants autoritaires, qui concentrent encore plus la richesse et le pouvoir, ce qui accroît les difficultés, et renforce la tentation du vote autoritaire.
Dans le même temps, le désastre climatique provoque des troubles politiques et des mouvements de réfugiés. La classe politique comme les institutions semblent incapables de changer les choses.
Le libre-échange
Le libre-échange est le fondement de la politique néo-libérale. Pourtant, il n’a jamais apporté la prospérité promise, pour plusieurs raisons :
- Les pays exportateurs finissent par concentrer le capital des pays importateurs, qui sont obligés de leur verser des intérêts.
- Le déficit commercial des pays importateurs ne se résorbe pas si les pays exportateurs ne leur achètent rien, et leurs emplois sont perdus.
- L’avantage comparatif (un pays doit produire ce pour quoi il est le moins désavantagé) fonctionne en théorie, mais pas si on prend en compte les délocalisations.
D’autres mauvaises hypothèses
En théorie, le capital (actions, obligations, immobilier) qui part à l’étranger permet de recevoir des liquidités, qui pourront être dépensées pour créer emplois et prospérité.
En pratique, les liquidités peuvent aussi être investies, ce qui gonflera simplement le prix des actifs, sans profiter à l’économie.
Par ailleurs, l’effet des importations, qui détruisent des emplois, pourrait être compensé par des politiques de relance (baisses fiscales et dépenses). Notre système politique est donc plus à blâmer que le commerce.
Une brève histoire de nos récentes politiques économiques
Depuis les années 70, nous avons :
- Baissé les impôts pour les plus riches
- Déréglementé les grosses sociétés et Wall Street
Sans jamais obtenir les bénéfices promis par le libre marché.
Ainsi, en 40 ans, 90 % des Américains ont vu leur revenu augmenter d’à peine 10 %, tandis que celui des 1 % les plus riches a augmenté de plus de 250 %.
En soutenant les politiciens, les riches ont compris qu’ils pouvaient obtenir des avantages par des moyens détournés.
Les moyens détournés
Les traités commerciaux sont négociés en secret et en vitesse, sans adopter de loi. Ils permettent aux grandes entreprises de délocaliser leur production et leur capital, pour échapper aux lois salariales et environnementales, ainsi qu’aux impôts.
Les traités de commerce internationaux priment même sur les lois nationales, ce qui rend nos démocraties impuissantes.
Le partenariat transpacifique
Le partenariat transpacifique est un bon exemple du renforcement du libre-échange par des moyens détournés.
Ce traité permet de :
- Libérer les dernières barrières aux mouvements des capitaux.
- Aux corporations de poursuivre les pays dont les lois ne vont pas dans leur sens.
- De déréglementer les services publics.
- De breveter la nature et les animaux.
- Et même de restreindre le commerce, si besoin (les Américains n’ont pas le droit d’acheter des médicaments au Canada, où ils sont moins chers).
Ce type d’accords suscite heureusement la résistance de certains pays, mais il pourrait tout aussi bien être freiné en interne, si nous exigions qu’ils soient librement discutés, et non décidés dans l’ombre afin de passer inaperçus.
Mon avis sur Economix
Economix revisite l’histoire du point de vue économique. Si la présentation au format BD est plutôt sympathique, le résultat m’a semblé assez fouillis, et, s’il suit l’enchaînement des évènements, on perd souvent la logique d’ensemble, à moins de dézoomer régulièrement.
Un livre sur l’économie est forcément politique. L’auteur l’assume pleinement. Tout au long du livre, il se place en pourfendeur des idées néo-libérales, organisées autour d’un marché libre et d’un état non-interventionniste, qui ont tendance à déboucher sur des situations de monopoles, ce qui fausse la concurrence et provoquent des dégâts sociaux et environnementaux importants du fait de l’absence de réglementation et d’un partage inégalitaire des richesses.
Il ne s’est pas montré aussi critique sur d’autres modèles économiques, mais il est compréhensible qu’il se soit concentré sur le modèle dominant, le plus appliqué.
Comme le rappelle l’auteur, cette histoire représente son point de vue sur l’économie, qui n’est donc pas objectif. Il nous invite d’ailleurs à vérifier ses dires et à chercher d’autres opinions.
Cela me semble souhaitable, car je reste un peu sur ma faim suite à la lecture de ce livre. Bien que les anecdotes soient nombreuses et illustrées avec humour, le développement des idées s’enchaîne parfois de manière assez brouillonne : d’une théorie économique à l’autre, puis d’un pays à l’autre, avec un saut dans le temps, avant de revenir à la théorie et au pays précédent, avec un retour dans le passé.
Le fil conducteur n’est pas toujours simple à suivre, mais à la décharge de l’auteur, résumer l’histoire et le fonctionnement de l’économie en une BD de seulement 339 pages n’est pas une mince affaire.
Ainsi, la BD est avant tout centrée sur l’histoire économique des États-Unis (l’auteur étant américain), même s’il a occasionnellement su englober d’autres pays.
Par ailleurs, l’économie devient de plus en plus complexe, et ceux qui prétendent l’avoir bien comprise ont souvent du mal à l’expliquer clairement et simplement. Beaucoup d’économistes sont d’ailleurs restés enfermés dans leurs dogmes, parfois déconnectés de la réalité.
Si l’auteur met en exergue les effets néfastes du néo-libéralisme, ce en quoi il est loin d’avoir tort, la solution qu’il avance (la relance keynésienne) n’est pas si évidente que cela.
Car si les politiques de relance ont plutôt bien fonctionné dans les années 30 (New Deal) ou 60 (programmes de Kennedy et Johnson), nous étions alors dans un monde moins mondialisé qu’aujourd’hui.
À ces époques, une politique de relance par la dépense publique pouvait créer de l’activité, mais aujourd’hui, si les dépenses qui en découlent se font sur des produits d’importations, ou si elles profitent à de grands groupes qui réinvestissent peu leurs profits dans l’économie (et qui en plus payent leurs impôts à l’étranger), la relance risque de ne pas bien fonctionner correctement, à moins d’être particulièrement bien ciblée, ce qui est loin d’être souvent le cas.
Par exemple, la distribution de chèques de 1 000 dollars par le gouvernement américains à ses citoyens, suite à la crise du Covid et dans le but de relancer l’économie, s’est faite sans distinction de niveau de richesse. Elle a ainsi contribué en partie à gonfler les bulles sur les actions technologiques et sur les cryptos. Tous ceux qui n’avaient pas besoin de cet argent s’en sont servi pour spéculer, sans que cela ne profite à l’économie réelle.
Cela ne va donc pas de soi, étant donné la puissance des grands groupes et l’influence du pouvoir de l’argent sur la sphère politique (qui est très bien décrit dans la BD, et dont on a pu encore voir des exemples récents).
Même si elle n’est sans doute pas aussi bien que ce que d’autres en disent, cette BD mérite tout de même le détour (elle n’est pas mauvaise non plus !), ne serait-ce que pour les anecdotes truculentes sur tous ces personnages (parfois compétents, mais souvent déconnectés, idiots ou corrompus) qui ont été un jour en position de parler d’économie, ou de prendre des décisions économiques.
Car le travail de recherche historique et de digestion des théories économiques de l’auteur est quand même remarquable.
Enfin, pour celles et ceux qui se poseraient la question, non, Economix n’est pas un livre qui permet de mieux investir. Il permet de mieux comprendre le monde, à travers le prisme économique, et ce pourquoi nous votons, ce qui n’est probablement pas moins important.
Merci pour ce tour d’horizon de l’histoire de l’économie, j’achèterai le livre pour approfondir le sujet.
N’hésite pas à donner ton avis lorsque tu l’auras lu 😉
Salut Antonin,
Une question: à partir de quel âge penses-tu que ce livre est accessible?
Salut Sylvain,
Dans ce format BD, je dirai vers 10 ans, tout dépend après de l’intérêt porté à l’économie.
Avec la dernière réédition j’ai enfin pu offrir ce livre à mon fils (12 ans) pour Noël 2024.
Je dois avouer qu’il est nettement plus épais que je l’imaginais—et que ça a eu un petit effet repoussoir, main en insistant un peu il arrive à le lire.
De tout façon, ne nous voilons pas la face: mon ambition, c’est de lui piquer dès que possible.
Antonin, j’en profite également pour te présenter tous mes vœux pour cette nouvelle année.
Cordialement,
– Sylvain Leroux
Merci Sylvain, meilleurs vœux à toi aussi !
C’est un joli (et gros) cadeau ! Et instructif aussi 🙂
Très malin la technique du cadeau que l’on récupère pour soi ensuite !
Au plaisir 🙂