Le début d’année est une période qui est souvent choisie par les investisseurs pour rééquilibrer leur portefeuille.
En quoi consiste le rééquilibrage d’un portefeuille ? Comment rééquilibrer son portefeuille ? Mais surtout, en quoi est-ce important ?
Pourquoi rééquilibrer son portefeuille
Le rééquilibrage est une étape incontournable dans la gestion d’un portefeuille et de ses actifs. Il présente plusieurs avantages.
Premier avantage : le contrôle du risque
En contrôlant l’allocation d’actifs d’un portefeuille (sa composition), le rééquilibrage permet de conserver le même profil de risque, qui autrement, aurait tendance à dériver avec le temps.
En effet, chaque actif contenu dans un portefeuille obtiendra une performance différente au fil du temps. Plus on les laisse évoluer, plus un portefeuille s’éloignera de sa composition de départ.
L’allocation de départ est définie à partir de plusieurs éléments (tolérance au risque, objectifs visés, horizon d’investissement). Si ces éléments n’ont pas évolué, il s’agit de maintenir l’allocation qui a été choisie, pour continuer dans la même direction.
Ainsi, un rééquilibrage permet de conserver les caractéristiques d’un portefeuille, et par conséquent de contrôler son niveau de risque.
Tout portefeuille ayant plus d’un actif en portefeuille devra donc être rééquilibré régulièrement.
Si votre portefeuille est un contrat d’assurance vie placé à 100 % dans un fonds en euros, dans ce cas, il n’y a rien à rééquilibrer, vous n’êtes pas concerné ! Même chose si vous êtes investi à 100 % dans un ETF World, que ce soit dans un PEA, une assurance vie ou un PER.
Mais en dehors de ces quelques cas de figure, votre portefeuille doit être rééquilibré.
Deuxième avantage : moins de biais émotionnels pour des principes gagnants à long terme
Outre la préservation du profil de risque, le principal avantage du rééquilibrage est d’empêcher les biais émotionnels d’avoir une prise sur vous.
Naturellement, on sera tenté de revendre ce qui a baissé, pour conserver ce qui a augmenté.
Toute baisse représente une perte, qui même non réalisée, est douloureuse émotionnellement. Pour fuir cette douleur, notre cerveau émotionnel peut nous intimer l’ordre de revendre l’actif en perte, pour stopper la douleur.
Inversement, toute hausse représente un fort sentiment positif, que l’on souhaite à tout prix continuer de vivre. Notre cerveau émotionnel nous demandera donc de garder tout ce qui monte.
Ce biais, qui consiste à chasser la performance passée, est dangereux, puisque les phases de hausse / baisse sont toutes temporaires.
En fait, dans la logique de l’investissement passif à long terme (buy-and hold), il vaut mieux faire l’inverse : acheter bas et vendre plus haut.
C’est exactement ce que permet de faire le rééquilibrage, en nous faisant vendre une partie de ce qui a augmenté (vendre plus haut), et acheter ce qui a baissé (acheter bas).
En revendant une partie de ce qui a monté, on capte une plus-value, tandis qu’en achetant ce qui a baissé, on diminue le coût moyen, ce qui permet de profiter des soldes et de repasser en plus-value plus rapidement lorsque les cours remonteront.
La seule précaution à prendre est de s’assurer que l’actif qu’on rachète quand il baisse dispose d’un vrai potentiel de hausse à long terme.
Racheter une action, un secteur ou un pays lorsqu’ils baissent n’a aucun sens. Une action peut très bien descendre jusqu’à zéro, et un ETF sectoriel ou centré sur un pays peut baisser à contre-courant du marché, puis mettre des années, voir des décennies, avant de revenir à son niveau.
Il n’y a qu’à observer les actions japonaises et le secteur de l’énergie, par exemple, qui ont connu des creux extrêmement longs, très difficilement tenables.
Le rééquilibrage n’est donc efficient que si le portefeuille est suffisamment bien diversifié au départ.
Rééquilibrer son portefeuille permet alors d’adopter naturellement les principes gagnants de l’investissement à long terme.
Comment rééquilibrer son portefeuille
Nous l’avons vu, rééquilibrer consiste à ramener l’allocation actuelle d’un portefeuille vers l’allocation qui a été définie au départ (aussi appelée allocation cible).
Pour cela, il n’y a que deux choses à faire :
- Vendre les actifs qui occupent une place trop importante par rapport à leur allocation cible.
- Acheter les actifs qui occupent une place inférieure par rapport à celle visée dans l’allocation cible.
Pour mieux comprendre, voici deux exemples de rééquilibrage.
Premier exemple : portefeuille All Weather
Imaginons que vous ayez mis en place le portefeuille All Weather de Ray Dalio début janvier 2022. Un an plus tard, début 2023, vous vous demandez comment le rééquilibrer.
Le portefeuille All Weather est composé de :
- 30 % d’actions
- 40 % d’obligations à long terme
- 15 % d’obligations à moyen terme
- 7,5 % d’or
- 7,5 % de matières premières
Si vous avez investi 10 000 €, vous aviez ainsi début 2022 :
- 3 000 € d’actions
- 4 000 € d’obligations à long terme
- 1 500 € d’obligations à moyen terme
- 750 € d’or
- 750 € de matières premières
Observons maintenant la performance de ces différents actifs durant l’année 2022. J’ai sélectionné des ETF qui traduisent la performance de chaque actif.
L’année 2022 n’a pas été fameuse, ce n’est pas un secret, mais les écarts entre actifs rendent l’exercice du rééquilibrage intéressant.
En tenant compte de la performance de chaque actif, voici dans quel état se trouve le portefeuille en fin d’année. Pour plus de simplicité, on ne tiendra pas compte des frais.
Actif | Capital initial | Performance 2022 | Capital obtenu |
---|---|---|---|
Actions | 3 000 € | – 12,42 % | 2 627 € |
Obligations long terme | 4 000 € | – 29,84 % | 2 806 € |
Obligations moyen terme | 1 500 € | – 8,53 % | 1 372 € |
Or | 750 € | + 8,61 % | 815 € |
Matières premières | 750 € | + 26,70 % | 950 € |
Total Portefeuille | 10 000 € | – 14,3 % | 8 570 € |
Les actions et les obligations ont chuté, tandis que l’or et les matières premières ont pris de la valeur. Comme les actions et les obligations occupent 85 % de l’allocation, la performance globale du portefeuille est négative, mais ce n’est pas ce qui nous intéresse ici.
Les graphiques ci-dessous illustrent la dérive de l’allocation au bout d’un an.
Voici maintenant l’allocation actuelle du portefeuille, en pourcentage, ainsi que les arbitrages à faire pour rééquilibrer le portefeuille.
Actif | Allocation | Allocation cible | Arbitrage % | Arbitrage € |
---|---|---|---|---|
Actions | 30,65 % | 30 % | – 0,65 % | – 56 € |
Obligations long terme | 32,74 % | 40 % | + 7,26 % | + 622 € |
Obligations moyen terme | 16,01 % | 15 % | – 1,01 % | – 87 € |
Or | 9,51 % | 7,5 % | – 2,01 % | – 172 € |
Matières premières | 11,09 % | 7,5 % | – 3,59 % | – 307 € |
Les données ont été calculées à partir du tableau de rééquilibrage que j’ai créé pour l’occasion, et que vous pouvez télécharger et utiliser pour votre portefeuille.
On se rend compte que même si les actions et les obligations à moyen terme ont chuté, leur allocation est toujours proche de l’allocation cible.
Les principaux arbitrages consisteront donc ici à vendre une part d’or et de matières premières, afin de racheter des obligations à long terme.
Dans cet exemple, il est même possible de se limiter à ces opérations, en laissant les actions et obligations à moyen terme telles quelles, dans le but d’économiser des frais de transaction.
On pourrait, par exemple, se contenter de revendre (en arrondissant) 200 € d’or, 300 € de matières premières, afin d’acheter 500 € d’obligations à long terme.
Le rééquilibrage n’a pas besoin d’être précis au pourcent près.
Deuxième exemple : comment éviter d’être imposé sur les plus-values ?
Si votre portefeuille est mis en place dans un compte-titres, chaque actif qui sera revendu après avoir connu une hausse concrétisera les plus-values, qui seront alors imposées.
Note : Les autres enveloppes (PEA, PER, assurance vie) ne génèrent aucune plus-value imposable lors des arbitrages.
Pour éviter de payer des impôts faisant suite aux arbitrages, il est possible de rééquilibrer votre portefeuille par des versements, sans rien revendre.
Développons un deuxième exemple, pour illustrer le rééquilibrage avec versement. Cette fois, il s’agit d’un exemple fictif, plus simple.
Imaginons un portefeuille de 10 000 €, constitué de 80 % d’actions de pays développés (soit 8 000 €), et de 20 % de pays émergents (soit 2 000 €).
Au cours de l’année, les pays développés gagnent 25 %, tandis que les pays émergents stagnent, et restent à leur niveau initial.
Notre portefeuille vaut désormais 12 000 €, en étant constitué de 10 000 € d’actions de pays développés, et de toujours 2 000 € d’actions de pays émergents.
Actif | Capital initial | Performance | Capital obtenu |
---|---|---|---|
Pays développés | 8 000 € | + 25 % | 10 000 € |
Pays émergents | 2 000 € | + 0 % | 2 000 € |
Total Portefeuille | 10 000 € | + 20 % | 12 000 € |
Le portefeuille doit être rééquilibré, puisque les pays émergents ne représentent plus que 16,7 % de l’allocation, au lieu de 20 %.
Actif | Allocation | Allocation cible | Arbitrage % | Arbitrage € |
---|---|---|---|---|
Pays développés | 83,3 % | 80 % | – 3,3 % | – 400 € |
Pays émergents | 16,7 % | 20 % | + 3,3 % | + 400 € |
Le tableau de calcul précédent nous indiquerait de revendre pour 400 € de pays développés, puis de racheter des pays émergents pour la même somme.
Se pose alors le problème des plus-values imposables générées par les pays développés.
Pour rééquilibrer en évitant d’être imposé, il est alors possible de faire un versement de 500 €, qui seront investis dans les pays émergents.
Actif | Capital | Versement | Capital obtenu | Allocation |
---|---|---|---|---|
Pays développés | 10 000 € | / | 10 000 € | 80 % |
Pays émergents | 2 000 € | + 500 € | 2 500 € | 20 % |
Total portefeuille | 12 000 € | + 500 € | 12 500 € | 100 % |
Ainsi, le portefeuille se trouve rééquilibré, sans devoir en revendre une partie, donc sans plus-value concrétisée et imposable.
La question que vous vous posez sans doute est : pourquoi 500 € ? Ce chiffre nous est donné par le tableau de calcul du rééquilibrage mentionné plus haut, dans le deuxième onglet, qui permet de simuler des rééquilibrages avec versement.
Intuitivement, on pourrait penser que comme on peut rééquilibrer en revendant 400 € de pays développés, pour acheter 400 € de pays émergents, il suffirait de faire un versement de 400 € vers les pays émergents.
Mais ce n’est pas si simple, car un versement augmente le capital total du portefeuille (contrairement à un rééquilibrage sans versement).
Ainsi, un versement de 400 € vers les pays émergents serait insuffisant pour rééquilibrer, puisqu’avec 2 400 €, les pays émergents ne représenteraient que 19,4 % de l’allocation (2 400 / 12 400 * 100). Il faudrait donc d’abord vendre pour 80 € de pays développés, afin de pouvoir verser 480 € vers les pays émergents. La vente serait alors synonyme d’imposition (bien moindre, certes, mais toujours présente).
Si 500 € est le versement minimum à effectuer pour rééquilibrer le portefeuille sans être imposé, il est néanmoins tout à fait possible de faire un versement supérieur. Si le versement est de 1 000 €, il suffira alors d’investir 400 € dans les pays développés, et 600 € dans les pays émergents.
Actif | Capital | Versement | Capital obtenu | Allocation |
---|---|---|---|---|
Pays développés | 10 000 € | + 400 € | 10 400 € | 80 % |
Pays émergents | 2 000 € | + 600 € | 2 600 € | 20 % |
Total portefeuille | 12 000 € | + 1 000 € | 13 000 € | 100 % |
Avec 10 400 € de pays développés et 2 600 € de pays émergents, notre portefeuille a bien été rééquilibré pour respecter l’allocation 80 % / 20 %.
Un rééquilibrage avec versement vous permet ainsi de faire d’une pierre trois coups :
- Alimenter votre portefeuille
- Le rééquilibrer
- Eviter l’imposition
Plutôt sympa, non ?
Si la somme nécessaire à verser pour rééquilibrer votre portefeuille, sans devoir revendre des actifs, est trop importante, vous pouvez, au choix :
- Espacer vos versements, le temps de réunir la somme nécessaire.
- Rééquilibrer partiellement, en attendant un prochain versement.
Au-delà d’un certain niveau de capital, il deviendra difficile d’effectuer un rééquilibrage complet avec un versement unique, à moins d’avoir touché une grosse prime ou un héritage.
Il sera alors possible de procéder à un rééquilibrage continu, dans lequel chaque versement viendrait alimenter la partie du portefeuille dont l’allocation est la plus en deçà de l’allocation cible.
La fréquence du rééquilibrage
En moyenne, un rééquilibrage par an suffit pour s’assurer que votre allocation de portefeuille ne dérive pas trop.
Plusieurs études ont cherché à établir la fréquence idéale du rééquilibrage, et beaucoup ont conclu que rééquilibrer une fois par an était la meilleure approche.
Néanmoins, j’ai effectué mes propres tests avec Curvo, en comparant plusieurs fréquences de rééquilibrage :
- Mensuelle
- Semestrielle
- Annuelle
- Tous les deux ans
- Ponctuelle, à chaque écart de 10 %
- Aucun rééquilibrage
J’ai ensuite testé chaque fréquence sur deux portefeuilles différents :
- Classique : 60 % d’actions, 40 % d’obligations.
- Offensif : 100 % en actions, avec plusieurs catégories d’actions.
Commençons avec le portefeuille 60 / 40. La période considérée va de 1985 à 2022, et ne prend pas en compte les frais de transaction.
Tests sur un portefeuille 60 / 40
Portefeuille | Rendement moyen | Volatilité | Perte Maximale |
---|---|---|---|
60/40 Mensuel | 7,10 % | 9,88 % | – 36,6 % |
60/40 Semestriel | 7,07 % | 9,84 % | – 36,6 % |
60/40 Annuel | 7,20 % | 9,86 % | – 35,8 % |
60/40 Tous les deux ans | 7,36 % | 9,91 % | – 34,6 % |
60/40 Écart de 10 % | 7,09 % | 9,94 % | – 37,1 % |
60/40 Sans rééquilibrage | 7,35 % | 11,19 % | – 41,7 % |
Sur le papier, un rééquilibrage tous les deux ans semble être théoriquement la meilleure approche. Cette fréquence combine les meilleurs rendements, avec un niveau de risque maîtrisé par rapport aux rééquilibrages plus fréquents (un peu plus de volatilité, mais perte maximale inférieure).
Son principal point faible est qu’un rééquilibrage tous les deux ans est difficile à programmer. Il est facile d’oublier si on se situe dans une année avec ou sans rééquilibrage, et de perdre le fil.
C’est pourquoi je lui préfère le rééquilibrage annuel, qui arrive juste derrière en termes de couple rendement / risque.
Rééquilibrer un portefeuille tous les mois ou tous les semestres n’apporte aucune protection supplémentaire, et devient même contre-productif, avec un rendement qui diminue légèrement.
L’explication de la baisse de rendement lors de rééquilibrages trop fréquents tient au fait que les actifs qui performent n’ont pas suffisamment de temps pour s’apprécier.
Un rééquilibrage ponctuel, dès qu’un écart de 10 % est constaté, ne donne pas non plus de bons résultats (moindre performance, pas de protection supplémentaire).
Mon hypothèse est qu’attendre un écart de 10 % est peut-être trop pour un portefeuille bien équilibré et ayant une faible volatilité. Cela empêcherait certainement de saisir des opportunités de rééquilibrage sur des écarts plus faibles, mais néanmoins intéressants.
Quant au portefeuille sans rééquilibrage, si le rendement est amélioré (ce qui est normal, car l’exposition aux actions est de plus en plus grande), le niveau de risque augmente en conséquence, à mesure que les actions occupent un poids plus important.
Effectuons maintenant les mêmes tests sur un portefeuille constitué à 100 % d’un mix d’actions (pays développés et pays émergents). La période considérée va de 1987 à 2022.
Tests sur un portefeuille 100 % en actions
Portefeuille | Rendement moyen | Volatilité | Perte Maximale |
---|---|---|---|
100 % Actions Mensuel | 8,71 % | 15,21 % | – 51,9 % |
100 % Actions Semestriel | 8,75 % | 15,22 % | – 51,8 % |
100 % Actions Annuel | 8,88 % | 15,22 % | – 51,7 % |
100 % Actions Tous les deux ans | 8,88 % | 15,19 % | – 52,0 % |
100 % Actions Écart de 10 % | 9,13 % | 15,32 % | – 51,9 % |
100 % Actions Sans rééquilibrage | 8,59 % | 15,88 % | – 51,5 % |
Les différentes classes d’actions ayant globalement le même niveau de risque, et que celui-ci ne change pas beaucoup, qu’on l’on rééquilibre souvent ou jamais.
On constate ici aussi que les rééquilibrages les plus fréquents sont contre-productifs en termes de rendement.
Les rééquilibrages annuels ou tous les deux ans semblent se valoir. Mais comme dit précédemment, il reste difficile de programmer un arbitrage une année sur deux.
Pour ce portefeuille offensif, la principale différence est qu’un rééquilibrage ponctuel dicté par la règle des 10 % d’écart donne de meilleurs résultats qu’un rééquilibrage basé sur une fréquence régulière.
Enfin, pour un portefeuille constitué de 100 % d’actions, si rééquilibrer ne permet pas de réduire les risques, ne pas rééquilibrer diminue la performance.
Cela s’explique facilement par l’alternance des phases de performance entre actifs : le rééquilibrage permet de capter une partie de la plus-value générée par certains actifs, et de réduire le coût moyen d’achat sur les actifs en phase de baisse.
Comme évoqué plus haut, vendre ce qui a monté pour racheter ce qui a baissé est un principe gagnant de l’investissement à long terme.
Quelle fréquence choisir ?
On peut en conclure que pour un portefeuille offensif, principalement constitué d’actions, la fréquence du rééquilibrage importe moins, car le portefeuille est déjà composé d’actifs risqués.
Or, le rééquilibrage sert avant tout à contrôler le risque. Par définition, plus on en prend, moins il est possible de le maîtriser.
En revanche, le rééquilibrage est important dès lors qu’on intègre d’autres classes d’actifs, ayant pour rôle de mitiger le risque des actions, comme des obligations ou de l’or.
Ces actifs ont un comportement très différent de celui des actions. Un portefeuille constitué de différentes classes d’actifs peut donc facilement dériver et voir son profil de risque changer.
C’est pourquoi on constate qu’une absence de rééquilibrage augmente le risque.
Ainsi, l’adoption de règles mathématiques semble mieux fonctionner sur des portefeuilles risqués et volatiles, que sur des portefeuilles plus conservateurs.
Il semblerait donc que :
- Un rééquilibrage annuel (ou basé sur une fréquence régulière) soit plus adapté aux portefeuilles équilibrés, intégrant une bonne part d’obligations.
- Un rééquilibrage ponctuel sur une base mathématique (par exemple un écart de 10 %) soit plus adapté aux portefeuilles offensifs et volatiles, largement constitués d’actions.
Cela reste cependant à confirmer, et il faudrait sans doute faire des tests plus poussés avec d’autres allocations de portefeuille.
À quel moment rééquilibrer son portefeuille ?
Dans le cas d’un rééquilibrage régulier, le jour ou la période choisis dans l’année n’a aucune importance. Cela peut être le 1er janvier, comme le 15 août.
Dans le cas d’un rééquilibrage ponctuel, un écart de plus ou moins 10 % par actif peut servir de base de référence.
Par exemple, si vous avez défini une allocation de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations, il sera temps de rééquilibrer si votre allocation en actions atteint 70 %, ou si elle baisse jusqu’à 50 %.
Quels sont les avantages du rééquilibrage ponctuel ? Cas pratique
Attendre que le portefeuille ait suffisamment dérivé pourra vous économiser quelques rééquilibrages, ainsi que quelques frais de courtage sur compte-titres, PEA, ou des frais d’arbitrage sur assurance vie.
Par exemple, toujours en considérant une allocation de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations, si au bout d’un an, votre portefeuille compte 62 % d’actions et 38 % d’obligations, il ne sera pas vraiment utile de le rééquilibrer.
Par ailleurs, un rééquilibrage ponctuel pourra vous permettre de saisir quelques opportunités susceptibles de booster la performance de votre portefeuille.
L’exemple type est la crise de la Covid de mars 2020, avec l’effondrement rapide et spectaculaire des actions.
Idéalement, un rééquilibrage ponctuel demande un suivi a minima mensuel de votre portefeuille.
Toutefois, imaginons que vous étiez particulièrement attentif durant le premier trimestre 2020, du fait de l’actualité sanitaire exceptionnelle, et que vous faisiez le point une fois par semaine, chaque vendredi, en fin de semaine.
Votre portefeuille de 10 000 € est investi à 60 % en actions et à 40 % en obligations au 1er janvier.
Vous vous tenez prêt à rééquilibrer votre portefeuille si l’un de vos actifs fait un écart de plus ou moins 10 %. Pour rappel, la chute des actions a commencé le 24 février.
Le 28 février, les actions sont en perte de – 7,5 % depuis début janvier. Rien de bien méchant pour le moment.
Une semaine plus tard, le 6 mars, les actions ont perdu – 9,8 % depuis le début de l’année : la baisse s’est légèrement accentuée, mais rien de plus à signaler.
Le 13 mars, les actions sont cette fois en perte de -19,2 % : la situation pourrait être propice à un rééquilibrage. Les obligations sont quant à elles en hausse de + 3,5 %. Vous vérifiez votre portefeuille :
Actif | Capital initial | Performance | Capital obtenu | Allocation |
---|---|---|---|---|
Actions | 6 000 € | – 19,2 % | 4 848 € | 53,9 % |
Obligations | 4 000 € | + 3,5 % | 4 140 € | 46,1 % |
Total Portefeuille | 10 000 € | – 8,8 % | 8 988 € | 100 % |
L’allocation en actions de votre portefeuille est tombée de 60 % à 53,9 %, mais l’écart avec l’allocation cible n’est pas encore de 10 %. Un rééquilibrage n’est finalement pas nécessaire.
Le 20 mars, les actions sont cette fois en perte de -26,6 %, et les obligations sont en hausse de + 4,4 %. Vous faites le point :
Actif | Capital initial | Performance | Capital obtenu | Allocation |
---|---|---|---|---|
Actions | 6 000 € | – 26,6 % | 4 404 € | 51,3 % |
Obligations | 4 000 € | + 4,4 % | 4 176 € | 48,7 % |
Total Portefeuille | 10 000 € | – 8,8 % | 8 580 € | 100 % |
À ce moment précis, les actions ne représentent plus que 51,3 % de l’allocation, au lieu de 60 %. La barre des 10 % d’écart étant proche, vous décidez de rééquilibrer votre portefeuille :
Actif | Arbitrage % | Arbitrage € | Capital obtenu | Allocation |
---|---|---|---|---|
Actions | + 8,7 % | + 744 € | 5 148 € | 60 % |
Obligations | – 8,7 % | – 744 € | 3 432 € | 40 % |
Votre portefeuille est désormais rééquilibré, avec 60 % d’actions et 40 % d’obligations. Le 20 mars devient le nouveau point de référence pour suivre votre portefeuille et repérer les futurs écarts.
Vous continuez votre suivi chaque semaine en cette période instable, en guettant un nouvel écart de 10 %.
Le 27 mars, les actions regagnent + 7 %, le mouvement semble s’inverser.
Le 10 avril, les actions ont repris + 16,9 %. La baisse paraît belle et bien terminée, avec un plus bas atteint le 23 mars, à – 29,2 %.
Note : vous n’avez pas arbitré au plus bas de la baisse, ce qui aurait été encore plus profitable, mais les plus-bas ne sont connus qu’après-coup, et il est presque impossible d’avoir un timing parfait. L’arbitrage pris en compte ici vise à être réaliste.
Le 18 décembre, les actions sont en hausse de + 42,9 % depuis le 20 mars, tandis que les obligations sont en baisse de -3,6 %. Vous faites le point :
Actif | Capital initial | Performance | Capital obtenu | Allocation |
---|---|---|---|---|
Actions | 5 148 € | + 42,9 % | 7 356 € | 68,9 % |
Obligations | 3 432 € | – 3,6 % | 3 322 € | 31,1 % |
Total Portefeuille | 8 580 € | + 24,5 % | 10 678 € | 100 % |
Les actions représentent alors près de 70 % du portefeuille, qui a au passage regagné + 24,5 %, une performance lui permettant non seulement de rattraper la baisse, mais de dépasser le niveau d’avant crise.
Vous décidez de faire un nouveau rééquilibrage, cette fois dans l’autre sens :
Actif | Arbitrage % | Arbitrage € | Capital obtenu | Allocation |
---|---|---|---|---|
Actions | – 8,9 % | – 949 € | 6 407 € | 60 % |
Obligations | + 8,9 % | + 949 € | 4 271 € | 40 % |
Vous finissez tranquillement l’année, avant de faire le point sur l’état de votre portefeuille le 1er janvier 2023. Les cours ont très peu bougé entre le 18 décembre 2020 et le 1er janvier 2021.
Actif | Capital 2020 | Capital 2021 | Performance |
---|---|---|---|
Actions | 6 000 € | 6 445 € | + 7,4 % |
Obligations | 4 000 € | 4 267 € | + 6,7 % |
Total Portefeuille | 10 000 € | 10 712 € | + 7,1 % |
Malgré une année chahutée, votre portefeuille a progressé de + 7,1 %, soit une année très correcte pour un portefeuille 60 / 40.
La question que vous vous posez sans doute est : que se serait-il passé sans rééquilibrage ? Rééquilibrer pendant la crise a-t-il été profitable pour votre portefeuille ?
Pour y répondre, observons le même portefeuille évoluer, sans rééquilibrage. Voici la performance des actions et des obligations sur l’année entière :
En 2020, les actions ont progressé de + 5,5 %, et les obligations de + 0,6 %. Un portefeuille sans rééquilibrage aurait donc évolué de cette manière :
Actif | Capital 2020 | Performance | Capital 2021 | Allocation |
---|---|---|---|---|
Actions | 6 000 € | + 5,5 % | 6 330 € | 61,1 % |
Obligations | 4 000 € | + 0,6 % | 4 024 € | 38,9 % |
Total Portefeuille | 10 000 € | + 3,5 % | 10 354 € | 100 % |
Sur l’année 2020, la performance globale d’un portefeuille 60 / 40 sans rééquilibrage n’aurait été que de + 3,5 %, contre + 7,1 % pour le portefeuille avec rééquilibrage, et ce, avec exactement les mêmes actifs en portefeuille.
Le rééquilibrage ponctuel opéré en cours d’année a donc permit de doubler la performance obtenue, en générant un rendement supplémentaire de + 3,6 %.
Cet exemple permet de mettre en évidence l’avantage d’un suivi régulier, afin d’effectuer un rééquilibrage ponctuel en cours d’année, si besoin. Il permettra aussi d’éviter des rééquilibrages inutiles lors des années les plus calmes.
Il est du reste tout aussi cohérent de partir sur un rééquilibrage annuel classique, tout en se réservant la possibilité de rééquilibrer en cours d’année, si la situation est propice.
Quels sont les inconvénients du rééquilibrage ponctuel ?
Vous devrez surveiller régulièrement votre portefeuille, afin de pouvoir réagir lorsque l’allocation se sera trop écartée de l’allocation cible.
Vérifier votre portefeuille une fois par mois devrait néanmoins suffire, hors évènement exceptionnel tel que dans l’exemple précédent.
Un suivi mensuel ne représente toutefois qu’un faible inconvénient face aux bénéfices du rééquilibrage en cas de marché chahuté.
Quels sont les avantages rééquilibrage annuel ?
Vous n’avez pas besoin de vérifier constamment votre portefeuille. C’est la forme d’investissement la plus passive qui soit, avec quelques minutes de travail une fois par an pour procéder au rééquilibrage.
Le reste du temps, vous n’avez pas à penser vos investissements, ni à vous en occuper. Si l’investissement n’est pas trop votre dada, c’est clairement la meilleure solution à adopter.
Quels sont les inconvénients rééquilibrage annuel ?
Vous pourrez parfois être amené à faire des rééquilibrages peu utiles : par exemple, si on reprend le cas d’un portefeuille 60 % actions / 40 % obligations, qui un an plus tard contiendrait 62 % d’actions et 38 % d’obligations.
Dans ces cas-là, il n’y aura pas vraiment d’intérêt à rééquilibrer, mais il faudra le faire quand même, puisque c’est la fréquence choisie au départ, et que le prochain ne sera que dans un an.
Le mode de rééquilibrage, c’est finalement comme pour une stratégie d’investissement : lorsqu’on en a choisi une, pour que cela paye, il faut s’y tenir à long terme.
Le piège à éviter
Le seul piège du rééquilibrage, c’est de tomber dans l’excès : surréagir et rééquilibrer au moindre petit écart de votre portefeuille, ou au contraire, ne jamais le rééquilibrer, ou y penser une fois sur quatre.
Dans le premier cas, si vous réagissez au quart de tour à chaque dixième de pourcent d’écart (j’exagère volontairement), cela peut traduire une certaine nervosité, qui est probablement le signe que le niveau de risque de votre portefeuille est inadapté à votre profil d’investisseur.
Dans le deuxième cas, si vous oubliez que vous avez un portefeuille, il vaut mieux faire appel à un conseiller, de préférence indépendant, qui pourra vous rappeler les arbitrages à faire. Ou bien, le cas échéant, confier la gestion de votre épargne à un robo-advisor (en acceptant quelques frais supplémentaires), pour tout automatiser.
Un autre risque est également de tenter d’anticiper le marché, avec des rééquilibrages préventifs.
Anticiper ce que va faire le marché conduit toujours à faire des bêtises, qui risquent de générer des pertes à long terme, comme nous le rappelle Peter Lynch :
Bien plus d’argent a été perdu par des investisseurs se préparant à des corrections, ou tentant d’anticiper des corrections, que ce qui a été perdu à cause des corrections elles-mêmes.
Peter Lynch
Le rééquilibrage doit toujours servir à résorber un déséquilibre réellement constaté dans l’allocation d’un portefeuille, et non à tirer des plans sur la comète en fonction de votre sentiment ou de ce que prévoient certains « experts ».
Conclusion
Le rééquilibrage n’est finalement que la seule et unique routine / discipline à observer dans la gestion d’un portefeuille.
Vous pouvez choisir de rééquilibrer votre portefeuille sur une base annuelle, ou dès lors que vous constatez un écart significatif d’environ 10 % par rapport à votre allocation cible.
Le reste du temps, vous pouvez laisser évoluer votre portefeuille, sans le vérifier en permanence, le monde ne va pas s’écrouler. En dehors d’une surveillance mensuelle (voir hebdomadaire en cas de situation vraiment exceptionnelle), votre absence est même la bienvenue, elle vous évitera de faire des bêtises.
Bonjour et merci pour cet article. Sur quels pays émergents tu conseilles d’investir ?
Bonjour Mathis,
Tous ! Plus sérieusement, je n’ai pas de boule de cristal, et la diversification a toujours fait ses preuves.
En outre, si je citais quelques pays, et en admettant que la recommandation soit bonne aujourd’hui, elle pourrait ne plus l’être quand un futur lecteur lira cet article dans un ou deux ans.
Donc, le seul conseil qui restera toujours valable, c’est de diversifier, que ce soit dans les pays émergents ou ailleurs.
Bonjour, merci pour ce très bon article. Je me permets de partager ma pratique. Je rééquilibre 1 fois par an un portefeuille 60/40 mais avec une tolérance de 5%. Donc si j ai 63/37 je ne rééquilibre pas. Si j ai 65/35 je fais un petit rééquilibrage qui me ramène à 62% ou 63% pour être dans la zone de tolérance. Par contre si j’ai 70/30 la je reboot à 60/40. Par contre c est très important que sa façon de faire soit bien clair et choisi. Je ne sais pas si c est une bonne pratique mais c est celle que j applique strictement sur le long terme. Merci de votre avis et retours c est toujours intéressant. Très bonne journée.
Bonjour Loran,
Oui c’est aussi possible de faire comme ça. J’aurai toutefois tendance à rééquilibrer intégralement, plutôt qu’un rééquilibrage partiel pour revenir à 62/63 %, comme dans votre exemple.
Dans tous les cas, la différence ne sera pas très importante.
Bonne journée 🙂
Merci pour cet article.
Dans le cas d’un portefeuille uniquement composé d’actions avec une base de 20 actions, un versement de 5% dans chacune d’elle tout les mois.
Comment doit-on rééquilibrer ?
Lorsque que trop d’actions passe au delas de 6% de valeur et que d’autres passes à moins de 4 ?
Merci d’avance
Merci pour le retour !
Les actions sont plus volatiles que les ETF, j’aurai donc tendance à élargir un peu les bandes de rééquilibrage, c’est-à-dire ne rien faire tant qu’on reste entre 2,5 % et 7,5 % par action. Cela permettra de laisser évoluer les titres qui s’apprécient, et de ne pas casser immédiatement leur tendance (effet bonus, il y aura moins de transactions donc moins de frais). Egalement, on pourrait aussi imaginer un système de rééquilibrage basé sur les moyennes mobiles, afin de laisser les tendances s’exprimer au maximum.
Ensuite, tout dépend de l’enveloppe fiscale utilisée. Pour un PEA, le problème de la fiscalité ne se pose pas, mais pour un CTO, il vaut mieux rééquilibrer progressivement, par versements successifs, donc sans revente, afin d’éviter une imposition sur les plus-values.