Thinking, Fast and Slow (résumé) – Comprendre les deux systèmes de la pensée

Thinking, Fast and Slow (résumé) : Comprendre les deux systèmes de la pensée

Thinking, Fast and Slow. De Daniel Kahneman, 2016, 560 pages.

Titre français : Système 1, système 2 : Les deux vitesses de la pensée.

Ce livre traite des biais de notre intuition. Nous supposons certaines choses automatiquement, sans y avoir réfléchi soigneusement. Daniel Kahneman appelle ces suppositions des biais cognitifs (heuristics en anglais).

Il passe en revue de nombreux exemples sur la manière dont certains biais mènent à une pensée confuse, leur donnant chacun un nom tel que « effet de halo », « biais de disponibilité », « effet de dotation », etc.

J’ai glissé quelques notes (en italique) tout au long du résumé, dans lesquelles j’ai cherché à établir des parallèles entre certains biais et l’investissement.

Partie 1 : Deux systèmes

Les personnages de l’histoire

Nos cerveaux sont composés de deux personnages :

  • L’un qui pense rapidement, le système 1.
  • L’autre qui pense lentement, le système 2.

Le système 1 fonctionne de manière automatique, intuitive, involontaire et sans effort, comme lorsque nous conduisons, déchiffrons une expression faciale colérique ou nous rappelons notre âge.

Le système 2 nécessite de ralentir, réfléchir, résoudre des problèmes, raisonner, calculer, se concentrer, prendre en compte d’autres données et de ne pas tirer de conclusions hâtives. Par exemple, lorsque nous résolvons un problème mathématique, choisissons dans quoi investir notre argent ou remplissons un formulaire compliqué.

Ces deux systèmes entrent souvent en conflit l’un avec l’autre. Le système 1 repose sur des biais cognitifs qui peuvent être trompeurs. Le système 2 nécessite des efforts pour évaluer ces biais, mais il est également sujet à l’erreur.

Le propos du livre est de nous aider à reconnaître les situations dans lesquelles les erreurs sont probables, afin de faire plus d’efforts pour les éviter lorsque les enjeux sont importants.

Attention et effort

Penser lentement affecte notre corps, exige de l’attention et puise dans notre énergie. Parce que penser lentement demande du travail, nous avons tendance à penser rapidement, en suivant le chemin de la moindre résistance.

La paresse est profondément ancrée dans notre nature.

Nous pensons rapidement pour accomplir des tâches routinières et nous devons penser lentement pour gérer des tâches compliquées.

Par exemple, la pensée rapide dit : « J’ai besoin de faire des courses. » La pensée lente dit : « Je vais me faire une liste précise de courses. »

Le contrôleur paresseux

Les personnes qui se promènent tranquillement s’arrêtent de marcher lorsqu’on leur demande de réaliser une tâche mentale difficile : calculer tout en marchant consomme trop d’énergie.

C’est pourquoi :

  • Être interrompu en pleine concentration est frustrant.
  • Nous oublions de manger lorsque nous sommes concentrés sur un projet intéressant.
  • Conduire en faisant autre chose en même temps est dangereux.
  • Résister à la tentation est particulièrement difficile lorsque nous sommes stressés. Le contrôle de soi diminue quand nous sommes fatigués, affamés ou mentalement épuisés.

Ainsi, nous avons tendance à laisser le système 1 prendre le dessus intuitivement et impulsivement.

La plupart des gens ne prennent pas la peine de réfléchir à [un] problème.

Accéder à la mémoire demande des efforts, mais en ne le faisant pas, nous sommes enclins à faire des erreurs de jugement.

L’intelligence n’est pas seulement la capacité de raisonner ; c’est aussi la capacité de trouver du matériel pertinent dans la mémoire et de déployer l’attention quand c’est nécessaire.

La machine associative

L’exposition consciente et subconsciente à une idée nous « amorce » pour penser à une idée associée. Ces influences subtiles affectent également le comportement, par « l’effet idéomoteur ».

Les personnes qui lisent sur les personnes âgées marcheront inconsciemment plus lentement, tandis que les personnes à qui l’on demande de marcher plus lentement reconnaîtront plus facilement des mots liés à la vieillesse.

De même, les personnes à qui l’on demande de sourire trouvent les blagues plus drôles.

Si nous adoptons certains comportements, nos pensées et émotions finiront par suivre. Nous ne pouvons pas seulement ressentir notre comportement, nous pouvons aussi nous comporter pour ressentir.

Nous ne sommes donc pas des penseurs rationnels et objectifs. Des choses influencent notre jugement, attitude et comportement sans que nous en soyons même conscients.

Aisance cognitive

Les choses qui sont plus faciles à calculer, plus familières et plus faciles à lire semblent plus vraies que celles qui nécessitent une réflexion difficile, qui sont nouvelles ou difficiles à voir.

Comment savez-vous qu’une affirmation est vraie ? Si elle est fortement liée par la logique ou l’association à d’autres croyances ou préférences que vous avez, ou si elle provient d’une source en laquelle vous avez confiance et que vous aimez, vous ressentirez un sentiment d’aisance cognitive.

Sachant que les choses familières paraissent plus vraies, les enseignants, les publicitaires, les marketeurs, les tyrans autoritaires et même les chefs de secte répètent leur message sans cesse.

Si nous entendons un mensonge assez souvent, nous finirons par y croire.

Normes, surprises et causes

Pour donner un sens au monde, nous nous racontons des histoires sur ce qu’il se passe. Nous faisons des associations entre les événements, les circonstances et les occurrences régulières. Plus ces événements s’intègrent dans nos histoires, plus ils semblent normaux.

Pour intégrer les choses qui ne se produisent pas comme prévu dans notre monde, nous nous racontons de nouvelles histoires pour les faire correspondre.

Les anomalies, les bizarreries et les incongruités dans la vie quotidienne appellent des explications cohérentes.

Souvent, ces explications impliquent de :

  1. Supposer une intention : « cela devait bien arriver ».
  2. Trouver une causalité : « ils sont sans-abri parce qu’ils sont paresseux ».
  3. Interpréter une providence : « c’est le destin ».

Nous sommes manifestement prêts dès la naissance à avoir des impressions de causalité.

Nous supposons une intention là où il n’en existe pas, nous confondons causalité et corrélation, et nous attribuons plus d’importance aux coïncidences qu’elles ne le méritent statistiquement.

Une machine à tirer des conclusions hâtives

Le biais de confirmation est la tendance à rechercher et à trouver des preuves confirmant une croyance tout en négligeant les contre-exemples.

Tirer des conclusions hâtives est efficace si les conclusions sont susceptibles d’être correctes, si les coûts d’une erreur occasionnelle sont acceptables et si cela permet de gagner beaucoup de temps et d’efforts. C’est risqué lorsque la situation est inconnue, que les enjeux sont élevés et qu’il n’y a pas de temps pour recueillir plus d’informations.

Le système 1 comble l’ambiguïté avec des suppositions et des interprétations automatiques qui s’adaptent à nos histoires. Il considère rarement d’autres interprétations.

Le système 1 est crédule et biaisé pour croire, le système 2 est chargé de douter et de ne pas croire, mais le système 2 est parfois occupé et souvent paresseux.

Nous avons tendance à surestimer la probabilité d’événements peu probables (peurs irrationnelles) et à accepter sans critique toute suggestion (crédulité).

Avec l’effet de halo, une bonne première impression a tendance à teinter positivement les impressions ultérieures et inversement, une mauvaise première impression peut teinter négativement les impressions ultérieures.

De même, le premier à exprimer son opinion lors d’une réunion peut « amorcer » les opinions des autres.

Nos jugements intuitifs sont impulsifs et peu réfléchis. Pour rappeler au Système 1 de rester objectif et pour solliciter les compétences d’évaluation du Système 2, Kahneman a inventé l’abréviation « WYSIATI » (What You See Is All There Is, ce que vous voyez est tout ce qu’il y a).

En d’autres termes, ne vous appuyez pas sur des informations basées sur des impressions ou des intuitions. Restez concentré sur les données concrètes devant vous, en vous appuyant sur la pensée critique.

Note : certains investisseurs peuvent avoir l’impression que l’investissement ne permet pas de résister à l’inflation, car leurs investissements ne performent pas. Or, les données concrètes montrent qu’investir permet de nettement surpasser l’inflation. L’impression (intuition du système 1) est donc fausse, et l’explication se trouve souvent du côté des frais excessifs, qu’il faut supprimer pour retrouver de la performance (analyse du système 2).

Comment les jugements se forment

Le système 1 repose sur son intuition, les évaluations de base de ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur de l’esprit. Plutôt que de calculer correctement des sommes, il s’appuie plutôt sur des moyennes intuitives, généralement peu fiables.

Il évalue automatiquement et inconsciemment les mérites relatifs d’une chose, en faisant correspondre des éléments dissemblables. Il a tendance à décider sans distinguer quelles variables sont les plus importantes.

Le risque est que ces évaluations basiques peuvent facilement remplacer le travail ardu que le système 2 doit faire pour porter des jugements.

Une question plus simple

Lorsqu’on est confronté à un problème, une question ou une décision déroutante, nous avons tendance à simplifier en répondant à une question de substitution, plus simple.

Au lieu d’estimer la probabilité d’un certain résultat complexe, nous nous appuyons sur une estimation d’un autre résultat, moins complexe.

Par exemple, au lieu de nous attaquer à la question philosophique déconcertante « qu’est-ce que le bonheur ? », nous répondons à une question plus simple : « suis-je heureux ? ».

En remplaçant les problèmes épineux par des problèmes plus simples, nous ne parvenons jamais à répondre aux questions plus difficiles.

Les émotions influencent également le jugement. Nous laissons nos préférences émotionnelles obscurcir notre jugement en sous-estimant ou en surestimant les risques et les avantages.

Les gens laissent leurs préférences déterminer leurs croyances sur le monde.

Partie 2 : heuristiques et biais

La loi des petits nombres

Nos cerveaux ont du mal avec les statistiques. Les petits échantillons sont plus susceptibles de produire des résultats extrêmes que les grands échantillons, mais le système 1 a tendance à accorder plus de crédit aux résultats des petits échantillons que ce que les statistiques ne justifient.

Nous prenons alors des décisions sur la base de données insuffisantes, car le système 1 peut construire des histoires cohérentes à partir de simples bribes de données.

Le système 2, notre sceptique intérieur, pèse ces histoires, les met en doute et suspend son jugement. Toutefois, comme le doute demande beaucoup de travail, le système 2 échoue parfois et nous glissons vers la certitude.

Parce que nos cerveaux sont des dispositifs de reconnaissance des motifs, nous avons tendance à attribuer des causalités là où il n’y en a pas.

Par exemple, un tirage à pile ou face finirait par donner 50 fois de suite face si l’on lançait une pièce des milliards de fois.

Lorsque nous détectons ce qui semble être une règle, nous rejetons rapidement l’idée que le processus est véritablement aléatoire.

Attribuer les bizarreries au hasard demande des efforts. Il faut accepter que certains résultats soient dus à la chance. De nombreux faits sont dus au hasard et n’ont pas d’explications. Le risque est ici d’établir des connexions là où il n’en existe pas.

Note : il est tout aussi dangereux et improbable d’établir des connexions entre l’évolution des cours de la bourse et certains événements. Les cours sont fortement influencés par les émotions des agents et par leurs raisonnements basés sur les causalités qu’ils ont construites. En cela, l’évolution des cours est imprévisible à court terme.

Ancrages

L’effet d’ancrage est un phénomène subconscient qui consiste à faire des estimations incorrectes en raison de quantités précédemment entendues.

Les gens trouvent que rouler à 70 km/h est rapide s’ils roulaient à 30 km/h, mais lent s’ils viennent de quitter l’autoroute où ils roulaient à 110 km/h.

Acheter une maison pour 200 000 € semble cher si le prix demandé est passé de 180 000 € à 200 000 €, mais bon marché si le prix a été abaissé de 220 000 € à 200 000 €.

Nous sommes ainsi bien plus influençables que nous le pensons.

La science de la disponibilité

Nous avons tendance à donner des estimations plus élevées pour les questions dont les réponses sont plus faciles à trouver. Ces réponses sont plus faciles à trouver après avoir vécu une expérience personnelle chargée en émotions.

Par exemple : une personne qui s’est fait agresser surestimera la fréquence des agressions, et une personne exposée aux nouvelles sur les fusillades surestimera le nombre de crimes liés aux armes à feu.

Lorsqu’un ami attrape une maladie, nous faisons un bilan de santé. Lorsque personne dans notre entourage n’est malade, nous ignorons les risques.

En conséquence, nous sous-estimons ou surestimons la fréquence d’un événement en nous basant sur la disponibilité d’informations liées à notre vécu plutôt que sur un calcul statistique.

Disponibilité, émotion et risque

Lorsque les actualités s’accumulent sur un sujet donné, notre sens statistique se déforme.

Un récent crash d’avion nous fera penser que voyager en avion est plus dangereux que voyager en voiture. L’effet sera amplifié par les journalistes en quête de sensationnalisme qui feront les gros titres sur les crashs d’avion.

Le cercle vicieux est alors en mouvement, la peur engendre la peur.

La queue émotionnelle remue le chien rationnel.

Nous risquons de réagir de manière excessive à un problème mineur, simplement parce que nous entendons un nombre disproportionné d’histoires négatives par rapport aux positives.

La spécialité de Tom W.

La « représentativité » consiste à porter des jugements basés sur la similitude de quelque chose avec ce que nous apprécions, sans prendre en compte d’autres facteurs : probabilité, statistiques ou tailles d’échantillons.

Par exemple, les recruteurs de joueurs de baseball avaient l’habitude de recruter des joueurs en fonction de leur apparence, s’ils ressemblaient à d’autres bons joueurs. Une fois que les joueurs ont été recrutés sur la base de statistiques réelles, le niveau de jeu s’est amélioré.

De même, de nombreuses entreprises bien gérées gardent leurs locaux propres et bien rangés, mais une pelouse bien entretenue n’est pas une garantie que l’entreprise soit bien gérée.

Pour discipliner notre intuition paresseuse, nous devons porter des jugements basés sur la probabilité et penser comme un statisticien.

L’erreur est ici d’évaluer une personne, un lieu ou une chose en fonction de sa ressemblance avec autre chose, sans tenir compte d’autres facteurs pertinents.

Note : l’exemple type aurait été d’imaginer que l’entreprise Nikola, qui produit des camions électriques, connaîtrait la même réussite boursière que Tesla, qui produit des voitures électriques. Les similitudes de ces entreprises concernant le secteur (véhicules électriques) et le patronyme de Nikola Tesla peuvent berner notre système 1, mais ne sont en rien des facteurs de réussite. D’ailleurs, avec une chute de 99 % de sa valeur de marché depuis 2020, la trajectoire de Nikola est jusqu’ici totalement à l’opposé de celle de Tesla.

Linda : Moins, c’est plus

Après avoir entendu des détails sur un personnage fictif (Linda), des personnes interrogées ont choisi une histoire plausible plutôt qu’une histoire probable.

Ainsi, les répondants étaient plus enclins à lui attribuer deux caractéristiques (Linda est caissière dans une banque et féministe), plutôt qu’une (elle n’est que caissière), ce qui est statistiquement moins probable.

Les notions de cohérence, de plausibilité et de probabilité sont facilement confondues par les personnes peu vigilantes.

Plus nous ajoutons de détails à une description, une prévision ou un jugement, moins il est probable qu’ils soient vrais.

La pensée du système 1 néglige la logique au profit d’une histoire plausible. Notre intuition privilégie ce qui est plausible mais improbable, plutôt que ce qui est implausible mais probable.

Les causes l’emportent sur les statistiques

Lorsqu’on nous présente uniquement des données statistiques, nous faisons généralement des déductions logiques.

Mais lorsqu’on nous présente à la fois des données statistiques et une histoire individuelle, nous avons tendance à privilégier l’histoire plutôt que les statistiques.

Ainsi, nous risquons de tirer des conclusions générales à partir de cas particuliers plutôt que de partir de cas généraux pour faire des déductions particulières.

Régression vers la moyenne

La plupart des gens aiment attribuer des causes aux événements aléatoires. Nous souhaitons trouver une explication là où la chance joue un rôle dans le résultat.

Lorsque nous retirons les récits basés sur des causes et que nous ne considérons que les simples statistiques, nous observons des régularités, ce qu’on appelle la régression vers la moyenne : les choses ont tendance à s’équilibrer et à revenir à la normale. Ces régularités statistiques sont des explications, mais pas des causes.

Notre esprit est fortement biaisé en faveur des explications causales et ne gère pas bien les « simples statistiques ».

Ainsi, nous avons tendance à voir des causes qui n’existent pas.

Note : Les actifs qui connaissent des hausses spectaculaires pendant une période, finissent toujours par rentrer dans le rang par la suite (ils régressent vers la moyenne). C’est pour cette raison qu’il est statistiquement perdant d’investir dans les vainqueurs d’hier, en espérant qu’ils restent indéfiniment les plus performants. Chasser la performance passée n’est pas une stratégie viable.

Maîtriser les prédictions intuitives

Les conclusions que nous tirons de manière intuitive (Système 1) alimentent une confiance excessive. Ce n’est pas parce qu’une chose semble intuitivement « juste » qu’elle l’est réellement.

Nous avons besoin du Système 2 pour ralentir, examiner notre intuition, établir des points de référence, envisager la régression vers la moyenne, évaluer la qualité des preuves, etc.

Les prédictions extrêmes et la tendance à prédire des événements rares à partir de preuves faibles sont deux manifestations du Système 1.

Le Système 1 peut nous donner une confiance injustifiée, alors que nous fonçons en réalité droit dans le mur.

Note : si vous avez l’intuition que tel actif va monter fortement ou va s’effondrer, demandez-vous si votre excès de confiance ne risque pas de vous faire faire des bêtises.

Partie 3 : l’excès de confiance

L’illusion de compréhension

Dans notre tentative continue de donner un sens au monde, nous créons souvent des récits explicatifs erronés du passé qui façonnent notre vision du monde et nos attentes pour l’avenir.

Nous attribuons des rôles plus importants au talent, à la stupidité et aux intentions qu’à la chance.

Notre conviction rassurante que le monde a un sens repose sur un fondement sûr : notre capacité presque illimitée à ignorer notre ignorance.

C’est particulièrement évident lorsqu’on entend : « Je savais que ça allait arriver ! ».

Nous pensons comprendre le passé, ce qui implique que l’avenir devrait être prévisible, mais en réalité, nous le comprenons moins bien que nous le croyons.

Nos intuitions et pressentiments semblent plus vrais après coup. Une fois qu’un événement a lieu, nous oublions ce que nous pensions avant cet événement.

Avant 2008, des experts financiers prédisaient un krach boursier, mais ils ne savaient pas que cela allait se produire. Personne ne pouvait prouver qu’un krach était imminent, car il ne s’était pas encore produit. Après qu’il se soit produit, leurs intuitions ont été reformulées et sont devenues des preuves.

La tendance à réviser l’histoire de nos croyances à la lumière de ce qui s’est réellement passé produit une illusion cognitive solide.

Ainsi, nous blâmons les bonnes décisions qui ont produit de mauvais résultats, en pointant des signes avant-coureurs qui ne sont devenus visibles qu’après coup. De même, nous oublions de louer les bonnes décisions lorsqu’elles ont abouti à de bons résultats, car elles paraissent toujours évidentes après coup.

L’illusion de validité

Nous croyons que nos opinions, prédictions et points de vue sont valides, même lorsque cette confiance n’est pas justifiée.

Certains s’accrochent même avec assurance à des idées, malgré l’évidence de preuves contraires.

La confiance subjective dans un jugement n’est pas une évaluation raisonnée de la probabilité que ce jugement soit correct.

Certains facteurs contribuent à l’excès de confiance : croire en son propre génie, s’entourer de pairs partageant les mêmes idées, surestimer notre historique de réussites tout en ignorant nos échecs.

Intuitions vs formules

Nous négligeons les informations statistiques et privilégions nos intuitions. Prédire l’évolution future des actions, des maladies, des accidents de voiture et de la météo ne devrait pas être influencé par l’intuition, mais cela arrive souvent. Et l’intuition se trompe fréquemment.

Il est préférable de consulter des check-lists, des statistiques et des historiques plutôt que de se fier à des sentiments subjectifs, des pressentiments ou des intuitions.

L’erreur est la suivante :

Se fier à des jugements intuitifs pour des décisions importantes, si un algorithme est disponible et fera moins d’erreurs.

L’intuition des experts : quand peut-on s’y fier ?

L’intuition signifie savoir quelque chose sans savoir comment on le sait. Selon Kahneman, l’intuition est en réalité une question de reconnaissance : être si familier avec quelque chose que l’on arrive à juger rapidement.

Les joueurs d’échecs « voient » l’échiquier, les pompiers « savent » quand un bâtiment est sur le point de s’effondrer, les marchands d’art « identifient » les faux, les parents ont un « sixième sens » lorsque leurs enfants sont en danger, etc.

Cela fonctionne grâce à la reconnaissance. L’intuition est une reconnaissance immédiate de motifs, et non de la magie.

Kahneman est sceptique envers les experts parce qu’ils négligent souvent ce qu’ils ne savent pas. Il fait confiance aux experts lorsque deux conditions sont réunies :

  1. L’expert évolue dans un environnement suffisamment régulier pour être prévisible.
  2. L’expert a appris ces régularités par une pratique prolongée.

Note : l’investissement en bourse n’étant pas un environnement régulier, les prédictions intuitives des experts n’ont par conséquent aucune valeur.

La vue externe

Le biais de planification consiste à entreprendre un projet risqué (un procès, une guerre, l’ouverture d’un restaurant) avec la certitude du meilleur scénario possible et sans envisager sérieusement le pire des scénarios.

Si nous consultons d’autres personnes ayant mené des projets similaires, nous obtiendrons une vue externe. Ne pas le faire augmente le potentiel d’échec.

Les dépassements de coûts, les délais rallongés, la perte d’intérêt et la baisse d’énergie sont tous des résultats d’une mauvaise planification. L’erreur est la suivante :

Prendre des décisions basées sur un optimisme illusoire plutôt que sur une évaluation rationnelle des gains, des pertes et des probabilités.

En d’autres termes, les projets grandioses mal planifiés échoueront probablement.

Le moteur du capitalisme

Nous avons tendance à négliger les faits, les échecs des autres et ce que nous ne savons pas, au profit de ce que nous savons et de nos compétences.

Nous croyons que le résultat de nos réalisations dépend entièrement de nous-mêmes, tout en négligeant le facteur chance.

Nous ne prenons pas en compte l’incertitude de notre environnement. Nous souffrons de l’illusion de contrôle et oublions de regarder la concurrence.

Les experts qui reconnaissent pleinement l’étendue de leur ignorance risquent de se faire remplacer par des concurrents plus confiants, qui sont mieux à même de gagner la confiance des clients.

Reconnaître les incertitudes est perçu comme un signe de faiblesse, et nous nous tournons alors vers des experts confiants, qui peuvent avoir tort.

Note : les vrais experts sont ceux qui reconnaissent l’incertitude totale des marchés à court terme. Ceux qui sont confiants ont quelque chose à vous vendre !

Partie 4 : choix

Les erreurs de Bernoulli

Nous pensons souvent qu’un objet a une valeur intrinsèque et objective. Un million d’euros vaut bien un million d’euros, non ? C’est pourtant faux.

Ajouter un million d’euros dans le portefeuille d’une personne pauvre serait fantastique pour elle, mais ramener le portefeuille d’un milliardaire à un million d’euros serait un cauchemar pour lui ! L’un a gagné, l’autre a perdu.

Les économistes ont fait l’erreur de ne pas tenir compte de l’état psychologique d’une personne en ce qui concerne la valeur, le risque, l’anxiété ou le bonheur. L’économiste du 18ᵉ siècle Bernoulli pensait que l’argent avait une valeur fixe, mais il ne prenait pas en considération le point de référence de chaque personne.

Les décisions doivent se baser sur la logique, sans oublier de prendre en compte les états psychologiques.

Note : les résultats d’un investisseur dépendent bien plus de son état psychologique que de sa logique. J’aime à dire que l’investissement, c’est 20 % de technique et 80 % de psychologie.

La théorie peut également nous aveugler dans nos choix.

Une fois qu’on a accepté une théorie et qu’on l’a utilisée comme un outil de réflexion, il devient extrêmement difficile d’en percevoir les défauts.

S’accrocher indéfiniment à d’anciens paradigmes qui ont dépassé leur validité est une autre erreur potentielle.

La théorie des perspectives

La renommée de Kahneman repose sur la Théorie des perspectives, pour laquelle il a reçu le prix Nobel d’économie.

Autrefois, les économistes pensaient que la valeur de l’argent était le seul déterminant pour expliquer pourquoi les gens achètent, dépensent et jouent leur argent. La Théorie des perspectives a changé cette vision en expliquant que :

  1. La valeur de l’argent est moins importante que l’expérience subjective des changements de richesse. Par exemple, une perte / un gain sera psychologiquement positif / négatif selon le point de référence, c’est-à-dire combien d’argent on possède déjà.
  2. Notre sensibilité aux changements de richesse est variable : perdre 100 € fait plus mal si on commence avec 200 € que si on commence avec 1 000 €.
  3. Nous détestons perdre de l’argent !

L’aversion à la perte est un autre biais cognitif très puissant :

Vous aimez simplement gagner et vous n’aimez pas perdre – et vous détestez presque certainement perdre plus que vous n’aimez gagner.

La pensée du Système 1 compare le bénéfice psychologique d’un gain au coût psychologique d’une perte, et la peur de la perte l’emporte généralement. Cela peut nous conduire à passer à côté d’un gain certain pour éviter ce que nous pensons être une perte possible, même lorsque les chances sont en faveur du gain.

Note : en bourse, l’aversion à la perte éloigne beaucoup d’investisseurs des actions, car ils ne supportent pas l’idée de pouvoir perdre de l’argent à court terme. Pourtant, les actions sont la classe d’actif la plus performante à long terme, même en prenant compte toutes les périodes de baisse.

L’effet de dotation

Un objet que nous possédons et utilisons a plus de valeur pour nous qu’un objet que nous ne possédons et n’utilisons pas. Nous sommes réticents à nous en séparer pour deux raisons :

  1. Nous détestons la perte.
  2. Nous avons une histoire et un vécu avec l’objet.

Ainsi, nous ne vendrons pas un objet utile ou que l’on apprécie, à moins qu’un acheteur n’offre une somme conséquente.

En revanche, nous vendrons à un prix inférieur (ou donnerons) les objets que nous n’aimons pas ou n’utilisons pas. Nous nous accrochons à des objets pour des raisons sentimentales au détriment de la logique.

Note : nous pouvons aussi nous accrocher à des actifs pour des raisons sentimentales (reçus en héritage, longue détention, affinités personnelles…), alors que nous pourrions faire de bien meilleurs choix d’investissement.

Mauvais événements

Les gens travaillent souvent plus dur pour éviter des pertes que pour obtenir des gains.

Les équipes sportives essayent d’abord de ne pas encaisser de buts, paniers ou essais, avant d’essayer d’en marquer. De même, les négociations contractuelles bloquent lorsqu’une partie a l’impression de faire plus de concessions (pertes) que l’autre partie.

Nous sommes prêts à en faire plus pour éviter la douleur que pour obtenir du plaisir. Même les animaux se battent plus férocement pour conserver un territoire que pour l’étendre.

Les pertes et les gains ont une relation asymétrique.

Le schéma à quatre dimensions

Lorsque des résultats très improbables sont pondérés de manière disproportionnée par rapport à leur véritable importance, nous subissons le biais de l’effet de possibilité (exemple type : achat de billets de loterie).

De même, des résultats quasi certains peuvent être sous-évalués par rapport à ce que leur probabilité justifie : c’est l’effet de certitude.

Les pondérations décisionnelles que les gens attribuent aux résultats ne sont pas identiques aux probabilités de ces résultats, contrairement au principe d’espérance.

GainsPertes
Forte probabilité (effet de certitude)95 % de chances de gagner 10 000 €. Peur de la déception, aversion au risque, acceptation d’un règlement défavorable95 % de chance de perdre 10 000 €. Espoir d’éviter la perte, recherche du risque, rejet d’un règlement favorable.
Faible probabilité (effet de possibilité)5 % de chance de gagner 10 000 €. Espoir d’un gain important, recherche du risque, rejet d’un règlement favorable.5 % de chance de perdre 10 000 €. Peur d’une grosse perte, aversion au risque, acceptation d’un règlement favorable.

L’écart entre pondérations et probabilités est lié à l’attachement aux gains et aux pertes plutôt qu’à la richesse.

Ainsi, nous sommes averses au risque lorsque nous envisageons la possibilité d’un grand gain. Nous préférons sécuriser un petit gain par peur d’accepter un gain potentiellement inférieur à celui espéré.

Lorsque les probabilités sont extrêmes, comme avec un billet de loterie, un acheteur est indifférent au fait que ses chances de gagner sont extrêmement faibles. L’espoir attise le risque.

Lorsque les chances de perdre sont faibles, nous acceptons pourtant de payer une assurance pour bénéficier d’une protection et avoir l’esprit tranquille.

Enfin, nous pouvons prendre des paris désespérés, en acceptant la forte probabilité d’aggraver la situation pour tenter de rattraper une perte déjà constatée, ce qui peut transformer une mauvaise situation en catastrophe.

Événements rares

Il est plus logique de prêter attention aux choses qui sont susceptibles de se produire (la pluie) qu’aux choses qui sont peu probables (attentats, astéroïdes, maladies, inondations…).

Pourtant, nous avons tendance à surestimer les probabilités des événements improbables et à leur accorder trop de poids dans nos décisions.

Nous sommes plus susceptibles de privilégier un parti dans une décision lorsqu’il est mieux décrit et plus souvent répété, sans tenir compte des probabilités réelles.

C’est pourquoi nous sommes plus sensibles aux discours alarmistes, qui cherchent à nous manipuler en faveur de leur cause.

Politique de gestion des risques

La plupart d’entre nous sommes tellement averses au risque que nous évitons tous les paris. Selon Kahneman, c’est une erreur, car certains paris sont clairement à notre avantage, et en les évitant, nous perdons de l’argent.

Une façon de réduire l’aversion au risque est de penser de manière globale, en regardant les gains agrégés sur de nombreux petits paris. Penser de manière étroite, en ne regardant que les pertes à court terme, nous paralyse.

Néanmoins, penser de manière globale n’est pas intuitif. C’est une tâche du Système 2 qui demande un effort. Nous sommes donc câblés par le Système 1 qui nous fait penser de manière économiquement irrationnelle.

Note : investir en bourse est un pari gagnant à long terme, en dépit des risques qui se situent à court terme. Nous sommes obligés d’accepter la volatilité à court terme, en luttant contre notre Système 1 et en activant notre Système 2, afin d’orienter notre pensée vers le long terme, ce qui réduit considérablement les risques.

Garder le score

Chez beaucoup de personnes, le calculateur interne de Système 1 se charge de « garder le score » des gains et des pertes financiers potentiels d’une transaction, des risques émotionnels, des récompenses et des regrets possibles de nos décisions financières.

L’effet de disposition nous incline souvent à vendre des actions en gain, car cela nous fait nous sentir comme des investisseurs avisés, et à éviter de vendre des actions perdantes car cela ressemblerait à un aveu de défaite. C’est irrationnel puisque nous gagnerions plus d’argent en vendant les perdantes et en conservant les gagnantes.

Note : en ce qui concerne les actions individuelles, vendre les perdantes et conserver les gagnantes fonctionne sur le principe du Momentum. En revanche, concernant les grands indices boursiers qui montent à long terme, il est tout à fait possible de conserver les perdants (c’est même l’occasion d’en racheter), car ils ne sont que temporairement « perdants ».

Pour éviter de nous sentir mal à l’idée de couper nos pertes et donc de reconnaître l’échec, nous avons tendance à investir davantage d’argent dans de mauvaises affaires, à rester trop longtemps dans des mariages ratés, ou à persister dans des culs-de-sac professionnels. Il s’agit du biais des coûts irrécupérables.

Note : certaines actions ne remontent jamais, car une entreprise peut faire faillite. C’est pourquoi il est très risqué de réinvestir dans des actions individuelles en perte.

La peur du regret nous conduit à tout faire pour éviter de prendre des décisions qui mènent au regret. Cependant, nous sommes très mauvais pour prédire l’occurrence des sentiments de regret, qui font en outre souvent moins mal que nous ne le pensons.

Renversements

Nous prenons des décisions de manière différente lorsqu’on nous demande de les prendre de façon isolée plutôt qu’en les comparants à d’autres scénarios.

Lorsque nous comparons la situation présente avec d’autres situations similaires (en faisant une évaluation conjointe), nous réalisons que certains détails sont insignifiants et nous ajustons notre position.

Nous devrions comparer les prix, les valeurs et les événements. Ne pas le faire limite notre exposition à des points de référence utiles pour la prise de décision.

Note : en comparant la crise actuelle avec des crises passées, nous pouvons constater qu’il y a déjà eu des baisses semblables, que la situation n’est donc pas exceptionnelle et qu’il n’y a pas lieu de sur-réagir.

Cadres et réalité

La manière dont un problème est présenté détermine davantage nos choix qu’on ne le pense.

Par exemple, les médecins préfèrent les interventions dont les résultats sont décrits comme ayant un « taux de survie à un mois de 90 % » plutôt que celles avec un « taux de mortalité de 10 % ». Les deux phrases ont le même sens, mais la « survie » a une plus forte valeur émotionnelle que la « mortalité ».

Le sens d’une phrase correspond à ce qui se passe dans votre machine associative pendant que vous la comprenez. (…) Reformuler demande des efforts et le Système 2 est paresseux.

Nous pensons que nous prenons des décisions en toute objectivité alors qu’en réalité, des facteurs subjectifs agissent à notre insu.

Note : Préférez-vous avoir un investissement en bourse bien structuré sur 10 ans qui vous donnera 95 % de chances de gains, ou un investissement en bourse bien structuré sur 10 ans qui vous donnera 5 % de chances de pertes ? Cela revient au même… Et les statistiques de gains sont ici bien réelles !

Partie 5 : deux sois

Nos deux sois

Nous avons chacun un soi « qui vit l’expérience » et un soi « qui se souvient ». Ce dernier prend généralement le dessus sur le premier. Par exemple, nous pouvons vivre 13 jours de vacances parfaites, mais si le 14ᵉ jour se passe mal, nous retiendrons un souvenir négatif de ces vacances.

Notre mémoire l’emporte sur notre expérience. Nous nous souvenons mieux d’un court instant négatif que d’un long moment positif.

Confondre l’expérience avec le souvenir que nous en avons est une illusion cognitive puissante – et c’est cette substitution qui nous fait croire qu’une expérience passée peut être gâchée.

Ainsi, la manière dont une expérience se termine semble peser davantage dans notre mémoire que la façon dont l’expérience a été vécue.

Un autre corollaire des deux sois est que la durée d’une expérience, désagréable ou agréable, parait bien plus courte que le souvenir de la douleur ou du plaisir ressenti durant cette expérience.

La vie comme une histoire

Lorsque nous évaluons à quel point nos vies ou celles des autres ont été bien vécues, il est judicieux de considérer l’ensemble du récit et non seulement la fin.

En raison du point précédent, nous avons tendance à dévaloriser une vie longue, généreuse et tournée vers les autres si, à la fin (ou même après la mort), nous découvrons des épisodes d’égoïsme.

Une histoire concerne des événements significatifs et des moments mémorables, non pas le simple passage du temps. Il est normal de négliger la durée dans une histoire, et la fin définit souvent son caractère.

Nous accordons plus d’importance à la longévité qu’à la qualité et nous cherchons à vivre des expériences pour garder un souvenir plutôt que pour profiter de l’instant en lui-même.

Bien-être vécu

Du fait de nos souvenirs peu fiables, il est bon de garder à l’esprit ce que nos expériences étaient réellement, et non pas seulement leur conclusion.

Combien de temps passons-nous dans des états émotionnels désagréables ou négatifs ? Il est difficile de s’en rappeler !

Notre état émotionnel est en grande partie déterminé par ce à quoi nous prêtons attention, et nous sommes normalement concentrés sur notre activité actuelle et notre environnement immédiat.

Par exemple, une personne coincée dans un embouteillage peut quand même être heureuse parce qu’elle est amoureuse, tandis qu’une personne en deuil peut rester déprimée en regardant une comédie.

Nous devrions teinter nos expériences de réflexions, en prêtant davantage attention à l’instant présent plutôt qu’à nos souvenirs parfois biaisés.

Penser à la vie

Quel facteur mène à une vie plus heureuse : des possessions matérielles ou des expériences ? Une vie courte avec de nombreuses expériences heureuses serait-elle préférable à une vie longue avec de nombreuses mauvaises expériences ?

Nous sommes très mauvais pour prédire ce qui nous rendra heureux. Nous prenons des décisions en fonction de ce que nous pensons qui nous rendra heureux à l’avenir, mais une fois cet objectif atteint, le bonheur ne dure pas. Nous ne connaissons pas très bien notre futur moi.

Lorsqu’on nous demande d’évaluer une décision ou nos préférences, nous commettons souvent l’erreur de nous concentrer sur un seul aspect.

La réponse à la question « qu’est-ce qui vous rendrait heureux ? » dépend de nombreux facteurs et il est rare qu’un seul facteur soit déterminant. Pourtant, les gens se concentrent régulièrement sur un seul problème — argent, météo, santé, relations, projets, etc. — et ignorent d’autres facteurs importants.

Ce qui nous attire au départ (revenu, consommation, apparence…) s’intègre à notre quotidien, et lorsque nous nous y habituons, nous ressentons moins intensément le plaisir initial.

Le moi qui se souvient est sujet à une énorme illusion de focalisation sur la vie que le moi qui expérimente endure pourtant assez confortablement.

Ainsi, nous exagérons l’effet qu’un achat important ou un changement des circonstances de notre vie aura sur notre bien-être futur.

Les choses qui sont initialement excitantes finissent par perdre de leur attrait.

Mon avis sur Thinking, Fast and Slow

Dans son livre, Daniel Kahneman nous montre de nombreuses situations ou exemples dans lesquels notre intuition, ou pensée rapide, est trompée par des biais psychologiques et émotionnels qui nous déroutent de la vérité.

Notre esprit fonctionne selon une interaction entre deux personnages (nos deux mois) : le Système 1, intuitif, et le Système 2, réfléchi.

Aucun de nos deux systèmes n’a fondamentalement plus raison que l’autre, ou serait plus utile que l’autre. Ils ont chacun des avantages et des défauts.

L’auteur nous conseille pourtant de prêter attention aux effets du Système 1, qui peut rester longtemps en pilote automatique si nous n’intervenons pas consciemment.

Il nous indique les types de situations dans lesquelles il est opportun de faire appel à notre Système 2, pour penser de manière plus rationnelle et réfléchie.

Le problème, c’est qu’utiliser le système 2 demande des efforts. Nous devons donc être vigilants pour savoir quand y avoir recours.

Le moyen de bloquer les erreurs qui proviennent du Système 1 est simple en principe : reconnaître les signes que vous vous trouvez dans un champ de mines cognitif, ralentir et demander du renfort au Système 2.

Reste que dans le flux de la vie, il est probablement difficile de penser à évaluer fréquemment si l’on se trouve pris dans nos biais cognitifs. De même, se rappeler toutes les situations possibles qui pourraient nous entraîner dans des biais cognitifs me paraît impossible (à moins de ne faire que ça).

Néanmoins, le message du livre est selon moi de ralentir, de prendre le temps pour faire des choix plus conscients et moins automatiques, afin d’éviter les tours que peut nous jouer notre système 1. Cela pourrait nous éviter des erreurs de jugements ou des déconvenues, ne serait-ce qu’en mettant en lumière notre manière de prendre des décisions.

L’intuition du Système 1 n’est pas pour autant à jeter à la poubelle. Elle est très utile pour faire certains choix, en particulier lorsque nous n’avons pas suffisamment d’éléments concrets pour nous décider ou évaluer les choses de manière rationnelle (puis-je faire confiance à cette personne que je connais peu ?). Également, lorsque les enjeux sont faibles.

En revanche, en matière d’investissement, il s’agira la plupart du temps de contenir le Système 1, en essayant de mettre des alarmes à chaque fois qu’il fonctionne seul, en pilote automatique, par appât du gain ou aversion à la perte, notamment.

L’investissement ne devrait être envisagé que lorsque le Système 2 est aux commandes, ce qui demande un effort conscient (au contraire de l’achat d’un ticket de loterie !).

Dans l’ensemble, le livre de Daniel Kahneman pourrait être beaucoup plus court, du fait de plusieurs répétitions (le système 1 est trop intuitif, faisons appel à notre système 2, plus logique).

Cela dit, le fait de répéter des idées proches avec différents exemples peut nous aider à mieux saisir les idées exposées.

En cela, Thinking fast and slow (je l’écris en anglais car le titre de la traduction française est lourd) est éclairant pour nous montrer les différentes façons dont nous pouvons être bernés par notre propre jugement.

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