Sell in May and go away est un adage très connu à Wall Street. Littéralement, l’adage nous dit de vendre en mai puis de sortir des marchés pendant l’été.
Certaines actions ont eu la réputation de moins bien performer en été, ce qui a fini par donner naissance à ce dicton. Concrètement, un trader ou investisseur devrait vendre ses actions avant l’arrivée des beaux jours, et revenir les acheter après la fin de l’été.
La logique (supposée) est la suivante: lorsque les beaux jours arrivent, les opérateurs sont moins présents sur les marchés (vacances, etc…). Ils vendent alors leurs positions pour partir l’esprit tranquille.
En conséquence, les volumes de transaction baissent avec l’arrivée de l’été, ce qui provoque une hausse de la volatilité. Il est également peu probable qu’un marché haussier arrive en été si les acheteurs sont partis.
L’adage Sell in may and go away nous dit donc que les meilleurs mois pour investir sur les actions sont plutôt en hiver, et qu’il faudrait éviter d’investir dans des actions (ou même de les conserver) pendant l’été. Il existe au passage de nombreux autres adages et proverbes sur la bourse.
Le Sell in May and go away constitue-t-il vraiment une stratégie viable ?
La meilleure façon d’investir en bourse est de détenir l’ensemble du marché via des fonds indiciels à faibles coûts. Il pourrait donc être intéressant de se demander si le fait de revendre un indice d’actions avant l’été, et de le racheter après avoir laissé passé les plus mauvais mois améliore ou non la performance annuelle.
Pour vérifier dans quelle mesure l’adage est juste, étudions les performances historiques de chaque mois, afin de déterminer lesquels sont les meilleurs (et les pires) pour investir.
Commençons par le marché américain, et les cours historiques du S&P 500. On s’intéressera ensuite au CAC 40, afin de voir si les conclusions sont les mêmes sur le marché français.
Performances mensuelles du S&P 500
On peut clairement remarquer une baisse de performance entre mai et septembre, ce dernier mois étant même en négatif (la déprime de la « rentrée des classes », peut-être).
À l’opposé, la période octobre-avril est la plus prolifique. Les meilleurs mois sont historiquement décembre et janvier (l’optimisme des fêtes de Noël et du nouvel an, cette fois ?).
Il y a donc réellement un effet Sell in May and go away sur le marché américain.
Ces moyennes mensuelles ont été calculées sur une tendance longue qui couvre les 50 dernières années. Mais peut-être que ce qui était valable il y a 30 ou 40 ans l’est moins aujourd’hui.
Comparons donc les moyennes mensuelles depuis 1970 avec celles des 15 dernières années, afin de voir si la tendance reste inchangée.
La tendance ne semble plus aussi clairement dessinée sur les 15 dernières années. D’un côté, le mois de juillet est devenu le second mois (derrière avril) générant le plus de gains, en pleine « période creuse ». De l’autre, les mois de janvier et février, situés au milieu de l’hiver, habituellement prolifique, sont passés en moyenne négative.
Si l’on compare la progression moyenne des mois d’été avec les mois d’hiver, pour chacune des deux périodes, on remarque un affaiblissement de l’opposition hiver/été ces dernières années.
1970 – 2020 | 2006 – 2020 | |
---|---|---|
Mai – Septembre | + 0,21% | + 0,40% |
Octobre – Avril | + 1,08% | + 0,90% |
Les mois d’été deviennent plus prolifiques, et les mois d’hiver le sont un peu moins. Il semble y avoir une tendance au rééquilibrage, même s’il y a encore une certaine différence en termes de performance entre ces deux périodes.
Regardons maintenant ce qu’il en est pour le marché français.
Performances mensuelles du CAC 40
Le CAC 40 existe depuis 1988, et ne permet donc pas de remonter aussi loin que le S&P 500. Cependant, son historique de 33 ans est suffisamment long pour être représentatif.
Le Sell in May and go away semble aussi exister sur le marché français, mais sur une période un peu plus resserrée, entre juin et septembre.
Les mois d’août et septembre ont pour habitude d’être particulièrement mauvais pour le CAC 40, avec chacun un recul supérieur à 1% depuis 1988.
D’ailleurs, les 15 meilleurs mois du CAC 40 n’ont jamais été des mois d’août ou de septembre. Inversement, août et septembre concentrent 8 des 15 plus mauvais mois du CAC 40 !
Cette tendance est-elle en voit d’affaiblissement, comme sur le marché américain ?
Comme pour le marché américain, l’opposition mois d’été/mois d’hiver est moins remarquable ces dernières années.
Si juin devient le pire mois de l’année, juillet devient le deuxième mois le plus prolifique, et août/septembre ne sont plus aussi mauvais qu’avant.
Inversement, octobre, novembre et décembre ont perdu de leur superbe. Janvier est même devenu un mois négatif sur le marché français, comme aux États-Unis.
Il n’y a donc plus « d’effet janvier ».
1988 – 2020 | 2006 – 2020 | |
---|---|---|
Juin – Septembre | – 0,32% | + 0,01% |
Octobre – Mai | + 1,43% | + 0,75% |
Les mois d’été sont moins mauvais depuis 15 ans que depuis la création du CAC 40 en 1988. Et les mois d’hiver sont quant à eux moins bons.
Il semble y avoir un lissage des performances sur l’année. L’opposition été/hiver existe toujours, mais va en s’affaiblissant.
Mettre en place une stratégie Sell in may en go away ?
Le dicton Sell in May and go away se vérifie bien historiquement.
Serait-il donc judicieux de mettre en place une stratégie basée sur ce dicton ?
Les données les plus récentes montrent que l’opposition été/hiver (ou été/reste de l’année) se vérifie de moins en moins.
Est-ce un simple passage, ou bien une tendance de fond qui rendra caduque le Sell in May and go away ? Impossible à dire, car personne ne peut prévoir l’avenir.
Il est seulement possible de se baser sur le passé. Considérons que le dicton restera valable (Ce n’est pas une prédiction, mais cette supposition me permet de continuer cet article ! Si vous penser que ce dicton est une vieillerie qui va disparaître, alors vous pouvez arrêter de lire ici !).
Une telle stratégie pourrait consister à investir dans un indice d’action pendant les meilleurs mois de l’année, et de sortir du marché pendant les plus mauvais mois.
À la place, il serait possible d’investir dans des obligations d’état pendant les plus mauvais mois, afin de bénéficier de leur rôle de valeur refuge en cas de marché baissier (les obligations montent quand les actions baissent).
Sur le marché américain, nous aurions donc un portefeuille investi:
- D’octobre à avril: sur l’indice S&P 500
- De mai à septembre: sur les obligations d’état à long terme américaines (on vend en mai et on quitte le marché des actions)
Qu’est-ce que cette stratégie aurait bien pu donner historiquement ?
Note: Le graphique est à l’échelle logarithmique pour plus de lisibilité. Gardez à l’esprit que les écarts sont en réalité beaucoup plus importants.
La stratégie Sell in May surpasse largement le S&P 500, avec une performance annuelle moyenne de 13,53%, contre 10,13% pour le S&P 500.
10.000 $ investis sur le S&P 500 en 1972 auraient généré 969.494 $ en 2019. En appliquant la stratégie Sell in May, ces mêmes 10.000 $ auraient généré 4.098.615 $ en 2019, soit 4 fois plus.
Non seulement la stratégie Sell in May s’est révélée plus performante que l’indice national américain (le S&P 500), mais elle est en plus moins volatile, avec une plus mauvaise année à -24% et une perte maximale de -41,5%, ce qui est mieux que le S&P 500.
Meilleure rentabilité historique, moindre volatilité, le Sell in May semble être à première vue une excellente stratégie.
Est-ce que je la recommanderai pour autant ? Eh bien, non !
Pourquoi ? Pour plusieurs raisons.
Premièrement, nous avons vu en début d’article que la prépondérance des mois d’hiver sur les mois d’été semble aller en s’atténuant ces dernières années. L’évolution sur les 5 dernières années montre que notre stratégie gagnante n’offre plus aucun premium par rapport au S&P 500.
Il est impossible de dire si cette tendance va disparaître totalement, ou repartir de plus belle dans les années à venir. Les prédictions sont des paris.
Deuxièmement, on sait que la bourse et les indices comme le S&P 500 sont faits pour monter à long terme. C’est ce qu’ils font.
En revanche, est-ce que les opérateurs vont continuer à être plus frileux en été qu’en hiver ? Rien ne permet de le dire, ou de l’infirmer. Tout ce qu’on sait, c’est que la tendance récente va vers un lissage des performances sur l’année.
Troisièmement, même si cette stratégie offre une moindre volatilité que le S&P 500, celle-ci reste relativement élevée et ne constitue en aucun cas une stratégie équilibrée et diversifiée en classes d’actifs.
Conclusion
L’effet Sell in May and go away est bien réel, les données historiques sont là pour le montrer.
Une stratégie basée sur cet effet aurait même fait bien mieux que le S&P 500 sur les 50 dernières années.
Pour autant, elle ne constitue pas une stratégie viable sur le long terme. Cela dit, si vous êtes curieux, rien ne vous empêche d’investir une petite partie de votre capital dans cette stratégie, afin de profiter de son avantage sur le marché, si celui-ci perdure.