Comment battre le marché ? Cette question est le Graal après lequel courent les investisseurs et les spéculateurs, qu’ils soient des gestionnaires aguerris ou de simples particuliers.
Et les chiffres montrent que ce n’est pas un objectif facile, puisqu’à long terme, 95% des gestionnaires actifs sont battus par le marché.
C’est fort de cette constatation que s’est développée la gestion passive : s’il n’est statistiquement pas possible de battre le marché, alors autant se contenter de sa performance, et sans efforts, plutôt que de se démener pour finalement faire moins bien, comme la plupart des investisseurs/spéculateurs actifs.
D’un côté, les gestionnaires et investisseurs actifs essayent désespérément de battre le marché, et de l’autre, les gestionnaires passifs se contentent de coller au marché.
Qu’ils essayent ou non de battre le marché, ces deux groupes se heurtent, volontairement ou non, au même plafond de verre: la performance du marché.
Pourtant, plusieurs types/approches de l’investissement ont démontré qu’il était possible de battre le marché sur le long terme, passivement et sans efforts.
Voyons en détail 7 façons de battre le marché, qui ne font pas appel à la spéculation, et qui ne cherchent pas à prédire l’avenir.
1. Les petites capitalisations
Les petites capitalisations, ou small caps, désignent des sociétés côtés en bourse mais qui sont de taille intermédiaire.
Par exemple, l’indice MSCI EMU Small Cap comprend des sociétés dont la capitalisation est comprise entre 200 millions et 1,5 milliards de dollars.
À titre de comparaison, les plus grandes sociétés au monde (Google, Microsoft, Apple, Amazon) ont une capitalisation qui frôle voir dépasse les 1.000 milliards de dollars.
En Europe, l’indice MSCI EMU Small Cap a généré une croissance annuelle moyenne de 8,43%/an entre 2004 et 2019, contre 6,44%/an pour l’indice MSCI EMU, qui regroupe les plus grosses capitalisations de la zone Euro (Total, SAP, LVMH…). Sur 15 ans, cela représente une différence positive de 32% en faveur des petites capitalisations (source: https://www.msci.com).
Aux États-Unis, sur la période 1972-2019, les petites capitalisations ont progressé de 11,60%/an en moyenne. Sur la même période, les grandes capitalisations ont progressé de 10,25%/an (source: www.portfoliovisualizer.com).
En remontant encore plus loin, une étude américaine (Ibbotson Associates, Stocks, Bonds, Bills and Inflation, 2006 Year Book) a montré qu’entre 1925 et 2005, la valeur des petites capitalisations a été multipliée par 13 706, contre 2 658 pour les grandes capitalisations.
À l’international, l’indice International ex-US Small Cap a généré 6,66%/an depuis 1995, contre 4,61%/an pour le Global ex-US Stock Market (source: www.portfoliovisualizer.com).
Quel que soit le marché, les petites capitalisations performent plus que les grandes sur le long terme. Une explication possible est que les petites capitalisations représentent des entreprises qui ont un potentiel de développement plus élevé que les grandes.
Attention cependant, les petites capitalisations sont souvent plus volatiles que les grandes, ce qui peut faire mal lors des retournements de marché.
Certains indices élargis ont l’avantage de comprendre à la fois des petites et des grandes capitalisations. Par exemple:
Grandes caps. | Petites et grandes caps. | |
France | CAC 40 | SBF 120 |
Eurozone | Euro STOXX 50 | Euro STOXX 300 |
États-Unis | S&P 100 | S&P 500 |
2. Les indices équipondérés
Les indices équipondérés (equal weighted) sont des indices qui attribuent la même pondération à chaque action qui les compose.
Habituellement, les indices sont pondérés en fonction du poids de chaque entreprise, mesuré par la capitalisation boursière.
Par exemple, au sein de l’indice STOXX EUROPE 600, NESTLE est beaucoup mieux représenté dans l’indice que RYANAIR (3,52% de part d’indice contre 0,07%).
La raison ? La capitalisation boursière de NESTLE est de 281,4 milliards d’euros, celle de RYANAIR de 12,9 milliards d’euros (source: ZoneBourse).
L’intérêt des indices équipondérés est de ne pas donner plus d’importances aux grandes capitalisations qu’aux petites.
Depuis 2003, l’indice S&P 500 équipondéré (en orange) a obtenu un rendement de 688%, contre 567% pour le S&P 500 pondéré selon la capitalisation boursière (en violet).
Même constat en France : depuis 1999, l’indice MSCI France équipondéré a progressé de 468%, contre 288% pour le MSCI France classique, pondéré par capitalisation boursière.
Les indices équipondérés surperforment les grands indices car ils accordent une place plus importante aux petites capitalisations (qui, comme on l’a vu, ont tendance à mieux performer que les grandes à long terme).
À noter qu’il existe des indices pondérés par capitalisation inversée (reverse cap weighted index). Ces indices font l’inverse des indices traditionnels en pondérant chaque action de manière inversement proportionnelle à leur capitalisation.
L’objectif est ici encore de battre le marché en tirant parti du potentiel de croissance plus élevé des petites entreprises par rapport aux grandes. Cependant, ces indices ayant une pondération inversée sont plutôt rares.
3. L’investissement par la valeur
L’investissement par la valeur, ou value investing, est une forme d’investissement popularisé par Benjamin Graham, notamment à travers son livre « L’Investisseur intelligent « , et merveilleusement bien appliquée par Warren Buffett, l’un des disciples de Graham.
Cette forme d’investissement consiste à investir dans des titres sous-évalués par le marché, puis d’attendre que le marché les réévalue correctement pour réaliser une plus-value.
Il est possible de classer les actions en deux catégories:
- Les actions « valeur », qui sont sous-évaluées par le marché
- Les actions « croissance », dont les sociétés sont en expansion avec des bénéfices en hausse
Il existe des indices ciblant les actions selon qu’elles soient orientées « valeur » ou « croissance ».
Si les actions d’un indice « valeur » seraient loin de toutes correspondre aux critères ultra-sélectifs de Graham ou Buffett, il n’en reste pas moins que les indices « croissance » ou « valeur » ont le mérite de classer les actions en deux catégories bien distinctes. Même si pour certaines, il est difficile de les classer d’un côté ou de l’autre.
Depuis 1972, les actions « valeur » ont obtenu une meilleure croissance que les actions « croissance » (quel beau paradoxe !). L’écart entre les deux est encore plus fort pour les petites capitalisations.
À l’échelle internationale, depuis 1995, les actions « valeur » des pays développés hors États-Unis ont eu un rendement annuel de 5,45%, contre 4,74% pour les actions mixtes (source: www.portfoliovisualizer.com).
4. Les actions technologiques
Les nouvelles technologies représentent un secteur particulier de l’économie. Elles sont représentées par le NASDAQ aux États-Unis, ou encore par le TecDAX en Allemagne.
Aux États-Unis, le NASDAQ affiche une progression de 13,12%/an en moyenne depuis 1985 (source: https://fr.investing.com), contre 10,48%/an pour le S&P 500 (source: www.portfoliovisualizer.com).
En Allemagne, le TecDAX a progressé de 8,42%/an en moyenne depuis 1997, contre 5,93%/an pour le DAX, le principal indice allemand.
Là encore, prudence, car les actions technologiques sont plus volatiles que le marché dans son ensemble, à l’instar des petites capitalisations. La bulle technologique du début années 2000, puis son éclatement l’a clairement démontré.
5. Le suivi de tendance
Le suivi de tendance est une forme de market timing, consistant à investir pendant les phases de hausses, puis à sortir du marché pendant les phases de baisse.
Toute la difficulté du market timing consiste à détecter les changements de tendance, afin de savoir quand entrer/sortir du marché.
Pendant les phases baissières, il est possible de rester cash (la partie cash des comptes titres est souvent rémunérée avec des supports à très court terme). Il est également possible d’investir dans des obligations, qui ont une corrélation inverse par rapport aux actions lors des crises, et permettent ainsi de générer du rendement pendant que les actions chutent.
L’exemple ci-dessous représente l’évolution historique de la Stratégie Haut Rendement que j’applique sur l’un de mes portefeuilles. Cette stratégie est basée sur le Momentum, sur indices d’actions. Lorsque la tendance devient baissière, le portefeuille est investi dans des obligations.
Cette stratégie fonctionne particulièrement bien. Son évolution moyenne est d’environ 19 % / an, soit plus de deux fois mieux que le MSCI World (évidemment, les performances passées ne présagent pas des performances futures.
L’avantage du suivi de tendance est de pouvoir éviter la plus grande partie des crises (2001-2002 et 2008). Son inconvénient est de se faire parfois piéger par des faux signaux de retournement de tendance, même si dans l’ensemble les résultats sont très positifs.
Le suivi de tendance basé sur le Momentum a fait l’objet de nombreuses études, et est utilisé depuis plusieurs siècles par les investisseurs.
6. Vendre en mai et rester en dehors
Le dicton « vendre en mai et rester en dehors », ou sell in may and go away, est un vieux dicton de Wall Street selon lequel les mois d’été sont les moins performants, et qu’il vaut mieux sortir du marché pour aller à la plage. La période idéale pour revenir serait alors le mois d’octobre.
Si l’on compare l’évolution moyenne mensuelle des périodes de juin à septembre et d’octobre à mai pour les principaux indices français et américain (source: https://fr.investing.com), on peut constater que Sell in may and go away n’est pas seulement qu’un dicton.
Juin-Septembre | Octobre-Mai | |
---|---|---|
CAC 40 | -0,45% | 1,47% |
S&P 500 | 0,06% | 0,99% |
L’effet Sell in may and go away semble encore plus marqué sur le marché français, pour lequel la période estivale affiche une moyenne historique négative (attention cependant, les données américaines remontent jusqu’en 1970, contre 1988 pour le CAC 40).
L’exemple qui suit compare le rendement d’un portefeuille « Sell in may and go away » avec l’indice global du marché. Pour le marché américain (S&P 500), les mois d’été seront investi sur des obligations à long terme. Pour le marché français, les mois d’été seront simplement hors du marché, avec une performance de 0%.
L’effet Sell in may and go away, bien que toujours présent, semble cependant s’affaiblir sur les 15 dernières années, tant en France qu’aux États-Unis.
7. La diversification massive
La diversification massive est un autre moyen de battre le marché. Un portefeuille reprenant plusieurs facteurs qui ont sur-performé le marché (dont certains que nous avons vu précédemment), ainsi que d’autres qui font jeu égal mais de manière non corrélée, atteint cet objectif.
C’est ce qu’a démontré Paul Merriman, le créateur de l’Ultimate Buy-and-hold strategy. La stratégie ultime d’achat-conservation de Paul Merriman combine les classes d’actifs suivantes:
- Grandes capitalisations
- Petites capitalisations
- Capitalisations « valeur »
- SIIC (Sociétés d’Investissement Immobilier Coté), également appelées REIT (Real Estate Investment Trust)
- Capitalisations internationales (grandes, petites et « valeur »)
- Marchés émergents
Ses travaux démontrent que la combinaison de ces différentes classes d’actifs a généré un rendement moyen de 11,6%/an depuis 1970, contre 10,2%/an pour le S&P 500.
1,4% de différence peut sembler insignifiant, mais sur une période de presque 50 ans, cela représente une différence de +82% en termes de création de capital.
Le graphique suivant résume les différentes façons de battre le marché:
Bonus: 5 façons supplémentaires de battre le marché
Je ne pouvais pas intégrer ces 5 façons supplémentaires de battre le marché avec les autres, puisqu’elles ne sont valables que depuis le début du 21ème siècle, et que deux décennies est une période bien trop courte pour tirer des enseignements solides.
Néanmoins, ces tendances récentes sont intéressantes à observer.
Si l’on étudie les 20 dernières années, depuis janvier 2000, le S&P500 a progressé de 5,55%/an en moyenne. Il a donc été battu par 4 types d’investissement différents (source: www.portfoliovisualizer.com) ):
- Les obligations
- Les SIIC (immobilier coté)
- L’or
- les portefeuilles équilibrés
Il existe plusieurs types d’obligations, dont certaines ont largement battu le marché sur deux décennies:
- Les obligations d’état à long terme: 7,43%/an
- Les obligations d’entreprise à long terme: 7,70%/an
- Les obligations d’entreprise à haut rendement: 6,02%/an
Les actions des Sociétés d’Investissement Immobilier Coté (les SIIC, ou REIT aux États-Unis) ont progressé de 11,23%/an.
L’or, quant à lui, affiche une progression moyenne de 8,22%/an depuis deux décennies.
Dans cette short list des investissements ayant battu le marché depuis le début du millénaire figurent aussi les portefeuilles équilibrés, qui comportent plusieurs classes d’actifs.
Il en existe une grande variété, mais un seul suffira pour l’exemple: le Portefeuille Permanent d’Harry Browne, constitué de:
- 25% d’actions
- 25% d’obligations d’état à long terme
- 25% d’or
- 25% de liquidités
Le rendement moyen du Portefeuille Permanent est de 6,46%/an depuis 2000.
Voilà donc 4 classes d’actifs ou formes d’investissement ayant battu le marché sur 20 ans :
L’investissement socialement responsable
L’investissement socialement responsable (ISR), notre 5ème forme d’investissement ayant battu le marché plus récemment, est en plein développement depuis plusieurs années. Cette forme éthique de la finance (finance verte ou finance durable) est représentée par les indices ISR, qui excluent les entreprises ne correspondant à certains critères éthiques.
L’ISR est encore récent, mais en remontant jusqu’en 2007, on peut se rendre compte que la plupart des grands indices mondiaux ont été battus par leur version socialement responsable (sources: www.msci.com).
L’écart entre indices « verts » et indices traditionnels de référence est plus nette en Europe et dans les pays émergents (qui ont un historique de données plus court) qu’aux États-Unis.
Pourquoi l’investissement éthique performe-t-il mieux que l’investissement traditionnel ? Il est possible que les entreprises les moins éthiques, dont l’image publique est plus dégradée, feraient fuir certains investisseurs soucieux de l’éthique dans leurs décisions d’investissement.
Il est cependant trop tôt pour tirer la conclusion définitive que l’investissent socialement responsable serait plus performant.
Battre le marché, est-ce si facile ?
L’or, les obligations à long terme, les SIIC et les portefeuilles équilibrés vont-ils continuer à battre le marché et est-ce le signe d’une évolution du monde économico-financier ? Ou bien le sacro-saint marché va-t-il prendre sa revanche d’ici quelques années ?
Il est bien sûr impossible de le dire car il est toujours plus facile de tirer des conclusions en regardant en arrière.
Ces 7 + 5 façons de battre le marché ne sont bien évidement pas des recommandations d’investissement. Elles devraient, pour chacune, être étudiées bien plus en détail.
Cela dit, elles ont le mérite de montrer qu’il est possible de battre le marché, sur le long terme, et sans produire beaucoup d’effort.