Dans cet article, je vous propose de participer à un petit travail de recherche et de réflexion, sur la composition qui pourrait s’approcher au plus proche du meilleur portefeuille possible, que j’appellerai Portefeuille Ultime.
Je dis bien « au plus proche », car le meilleur portefeuille n’existe pas, il y a juste des portefeuilles avec des avantages et inconvénients. La signification de « meilleur », d’ailleurs, peut varier totalement selon que l’on recherche la performance, la maîtrise du risque, ou un compromis situé entre les deux.
Il existe des myriades de stratégies d’investissement, que l’on peut classer dans deux grands groupes :
- Les stratégies passives
- Les stratégies actives
Chaque groupe a ses propres caractéristiques et avantages.
Les stratégies passives sont fiables et robustes. Elles permettent d’obtenir un rendement décent, ainsi que de calibrer de manière assez précise le niveau de risque auquel on souhaite être exposé. En revanche, le rendement obtenu sera limité par ce que produira le marché.
Les stratégies actives permettent de s’exposer à un rendement supérieur, mais également à une plus forte volatilité. De plus, elles sont moins fiables et robustes sur le long terme, car il s’agit d’une mécanique fine, et certains paramètres d’investissement peuvent évoluer au cours du temps. Enfin, elles exigent un suivi régulier (trimestriel, mensuel ou hebdomadaire).
Toutefois, les stratégies passives peuvent convenir à tous les investisseurs, tandis que les stratégies actives ne sont recommandables qu’aux investisseurs plus aventureux, ayant un certain goût du risque.
Le Portefeuille Ultime, s’il existait, ferait à mon sens nécessairement partie des stratégies passives, pour plusieurs raisons :
- Il doit être le plus fiable possible sur le long terme. Or, les stratégies passives ont un historique de données prouvées bien plus ancien que les stratégies actives. Elles ne sont pas soumises aux évolutions économiques mondiales.
- Il doit pouvoir convenir au plus grand nombre. Si la plupart des investisseurs ne peuvent pas l’utiliser, à quoi bon.
Ensuite, le Portefeuille Ultime devra éviter tout biais sectoriel ou géographique :
- Ne pas investir dans un secteur qui aurait mieux performé que les autres sur les dernières années.
- Ne pas surpondérer un pays ou une zone géographique qui aurait délivré une meilleure performance que d’autres.
Le Portefeuille Ultime devra tout simplement être celui qui sera susceptible de délivrer la meilleure performance possible à long terme, sans introduire de biais particulier.
Le long terme s’entend ici en termes de décennies, pour éviter les biais liés à des périodes trop courtes. On parle de 10 ou 15 ans au plus strict minimum, de 30 ou 50 ans dans l’idéal. Et pourquoi pas, considérer un horizon temporel infini.
Plus la période observée est courte, moins elle est significative de quoi que ce soit. L’investissement est une route que l’on peut jalonner d’étapes, mais qui reste sans ligne d’arrivée. Les patrimoines se transmettent d’une vie humaine à l’autre.
Actions et fonds indiciels, la base du Portefeuille Ultime
Dans notre quête d’établir, ou de tenter de nous rapprocher au maximum de ce que pourrait être le Portefeuille Ultime, quel actif devrait occuper la place la plus importante ?
1. Les actions
Les actions sont la classe d’actifs la plus performante historiquement, devant l’or, les obligations, l’immobilier et le cash (je laisse de côté les crypto-actifs, qui sont encore très jeunes, peu ou pas régulés, et sans valeur intrinsèque établie).
Les actions disposent d’un historique de données sur plusieurs siècles. Elles seront la base et l’unique constituant du Portefeuille Ultime, dans le but d’obtenir la performance la plus élevée possible (rappel : le Portefeuille Ultime cherche à être le plus performant à long terme).
À ce stade, j’anticipe toutefois une remarque : les portefeuilles à 100 % en actions ne conviennent pas à tout le monde, car tout portefeuille d’actions plongera au moins une fois de 50 % ou plus au cours de votre vie.
Or, tout le monde ne souhaite pas expérimenter ce niveau de volatilité avec son argent, notamment les investisseurs prudents, et ceux qui sont à la retraite.
On peut cependant considérer qu’avec une stratégie passive, il est facile de réduire la volatilité, et donc le risque : il suffit d’ajouter un certain pourcentage d’obligations, d’or ou d’immobilier non coté en portefeuille.
Le pourcentage dépendra de votre aversion au risque, mais ce n’est pas l’objet de cet article. J’ai déjà expliqué comment bien choisir son allocation d’actifs.
En cas d’inclusion d’autres classes d’actifs, seule la partie en action du portefeuille pourra être considérée comme ultime.
Pour l’exercice, nous considérerons donc que le Portefeuille Ultime est un portefeuille composé de 100 % d’actions.
2. Les fonds indiciels
Il va également de soi que le Portefeuille Ultime sera constitué de fonds indiciels.
Nul ne peut savoir à l’avance quels seront les titres les plus performants sur les 10, 30 ou 50 prochaines années, et il y a suffisamment d’études qui démontrent la supériorité de l’investissement indiciel sur le stock picking (la sélection d’actions individuelles).
Les fonds indiciels, sous la forme la plus courante d’ETF, permettent ainsi :
- De suivre l’ensemble du marché avec la meilleure diversification possible.
- D’éviter le biais d’investir dans les titres qui ont été les plus performants dernièrement, et de faire des paris.
- D’éviter toutes les questions subsidiaires au stock picking (quels titres acheter, en quelle quantité, combien de temps les conserver, lesquels revendre et à quel moment…), et tous les biais psychologiques qui en découlent.
- D’éviter des frais de courtage supplémentaires liés à l’achat et à la revente de titres individuels.
- D’avoir un portefeuille dont la rotation des titres est automatisée grâce au suivi de l’indice, afin de toujours posséder les titres les plus représentatifs du marché.
À ce stade, le Portefeuille Ultime est un portefeuille passif, constitué de fonds indiciels d’actions.
Le point de départ : différentes classes d’actions
Maintenant que nous savons que le Portefeuille Ultime doit être composé d’actions, ou plutôt d’ETF d’actions, lesquels choisir ?
Dans un précédent article, j’avais mis en avant plusieurs raisons de ne pas investir dans un ETF World.
Non pas qu’investir dans un ETF World soit une mauvaise idée : c’est le choix le plus simple pour construire la partie en actions d’un portefeuille, et parmi les plus efficaces.
J’ai bien dit « parmi », et non pas « LE » plus efficace. Entendons-nous bien : l’investissement reste un sujet complexe pour la plupart des gens. Or, un ETF World est la réponse parfaite à cette complexité, qui les empêcherait probablement d’investir, ou alors, en faisant de nombreuses erreurs.
Un ETF World associé à une stratégie passive est le meilleur compromis alliant simplicité et performance.
Dans ce cas, pourquoi ne pas considérer comme ultime un portefeuille constitué d’un seul et unique ETF World ? Parce qu’il s’agirait là du portefeuille le plus minimaliste, du plus simple à mettre en place, et non pas du plus performant, en tout cas potentiellement sur le long terme.
Car c’est bien la meilleure performance possible que nous recherchons ici, et non la simplicité (même si, pour la plupart des gens, le choix de la simplicité sera à privilégier pour arriver à maintenir leur portefeuille sur le long terme).
Or, il se trouve que certaines études démontrent qu’un fonds indiciel qui couvre l’ensemble du marché (ce que fait un ETF World) n’offre pas la meilleure performance possible.
Les travaux des prix Nobel Eugene Fama et Kenneth French sur l’investissement factoriel, ou Smart Beta, ont depuis longtemps mis en avant deux facteurs susceptibles d’offrir une performance supérieure à celle du marché :
- La valeur : les sociétés sous-cotées par rapport à leur valeur réelle.
- La taille : les actions de petites entreprises, qui ont un potentiel de croissance plus élevé.
En poursuivant leurs recherches, ils ont ajouté ce qu’ils considèrent comme la première anomalie de marché, conduisant à une performance supérieure à la normale :
- Le Momentum : Les actions qui connaissent une tendance haussière.
Par la suite, d’autres facteurs ont été mis en avant :
- La qualité : les actions d’entreprises possédant les fondamentaux les plus solides.
- Les dividendes : les actions versant un dividende supérieur à la moyenne, ce qui recoupe en partie le facteur valeur (une action sous-valorisée a plus de chance d’avoir un dividende élevé, en proportion).
- La volatilité minimum : les actions plus stables et moins volatiles, mais c’est un facteur de performance plus discutable.
Ces études, validées par les rendements observés par différentes classes d’actions, sont basées sur les données de performance de plusieurs indices factoriels, notamment celles qui ont été compilées par la Fondation Merriman pour l’éducation financière.
Il s’agit, à ma connaissance, des données les plus complètes qui soient facilement accessibles publiquement, en plus de celles mises à disposition par les constructeurs d’indices, tels que MSCI.
Voici la compilation de ces données, dans « l’Ultimate Portfolio » (vous voyez, je n’ai rien inventé).
Le portefeuille de départ est constitué du S&P 500, le principal indice américain. Puis, en plusieurs étapes successives, plusieurs classes d’actions sont ajoutées :
- Actions de valeur nationales et internationales
- Actions de petites entreprises nationales et internationales
- Immobilier coté
- Pays émergents
Il est intéressant de noter que chaque étape, qui ajoute une ou plusieurs classes d’actions supplémentaires, a permis d’augmenter la performance.
Ainsi, on passe d’une performance de 11 % par an, celle du S&P 500 sur 52 ans (1970-2021), à une performance de 12,6 % par an.
Si 1,6 % de performance en plus par an ne vous paraît pas énorme, observez son effet sur 52 ans, à partir d’un portefeuille initial de 100 000 $ : l’Ultimate Portfolio finit à plus de 47 M$, contre 23 M$ pour le S&P 500. Le capital obtenu est deux fois supérieur !
En l’espace d’un demi-siècle, 1,6 % de performance annuelle permet de doubler la performance totale obtenue, et ce, sans augmenter considérablement les risques.
Ainsi, la volatilité, mesurée par la déviation standard, passe de 16,9 % à 18,3 %, ce qui correspond à un niveau de risque légèrement supérieur.
Cet historique de données, sur 52 ans, inclut de multiples crises et marchés haussiers très différents. Il est donc significatif.
L’analyse de données valide ainsi les travaux de French et Fama : l’inclusion des deux facteurs historiques, la taille et la valeur, ainsi qu’une bonne diversification (immobilier coté, actions internationales des pays développés et émergents), permet de battre le marché.
Cependant, elle n’inclut pas d’autres facteurs, mais j’y reviendrai plus bas.
Vous avez peut-être remarqué que le point de départ est le S&P 500, alors que j’avais évoqué plus haut un ETF World.
Cela est lié au fait que l’auteur est américain, et que sa vision de l’investissement est américano-centrée :
- On commence par investir chez soi, aux États-Unis, car c’est le premier marché par capitalisation, qui possède les plus grosses entreprises, et qui utilise le Dollar, la monnaie de référence mondiale.
- Ensuite, éventuellement, se tourner vers le « reste du monde » pour y investir (soit un grand ensemble indifférencié, tout ce qui est hors des États-Unis).
Cette vision convient parfaitement à un investisseur américain. Mais pour un investisseur basé en Europe, et utilisant l’Euro, le point de départ se doit d’être légèrement différent.
Le Portefeuille Ultime doit être global
À moins que vous n’habitiez aux États-Unis, la capitalisation boursière de votre pays, quel qu’il soit, ne compte que quelques petits pourcents dans la capitalisation boursière mondiale (représentée ici par le All Country World Index – ACWI).
Investir principalement dans un seul pays (autre que les États-Unis) introduit un biais qui nous couperait de la majeure partie du marché mondial. Il nous faut donc penser global.
Pour penser global, le meilleur point de départ est l’indice boursier MSCI World, sur lequel sont basés les ETF World.
Nous passons ainsi d’une vision américano-centrée à une vision globalisée. Même si, actuellement, les États-Unis occupent un poids important dans le monde financier, les choses évoluent. Il y a 100 ans, le Royaume-Uni était la principale puissance financière mondiale. Dans 50 ans, ce pourra être la Chine, ou l’Inde.
En conséquence, les indices d’actions américains seront remplacés par des indices mondiaux, accompagnés d’indices de pays émergents, pour une diversification plus complète, susceptible de suivre les évolutions futures.
Cette vision globalisée pays développés / pays émergents est plus logique pour un investisseur européen, ou même d’un autre continent.
L’allocation à consacrer aux pays émergents dans un portefeuille peut être discutée. Selon le prisme considéré (capitalisation boursière, poids dans le PIB mondial, ratio rendement/risque, etc), le pourcentage à allouer peut varier énormément.
À mi-chemin entre le PIB et la capitalisation boursière, et en tenant compte du potentiel de rendement, une allocation de 70 % pays développés / 30 % pays émergents me semble raisonnable à adopter.
Une pondération 80 / 20 serait tout aussi convenable, mais étant donné que le dernier portefeuille présenté dans l’article sera sans pays émergents, j’ai choisi de bien les pondérer au départ.
Voici, à partir des classes d’actions utilisées par la fondation Merriman, celles que nous pouvons considérer pour le Portefeuille Ultime global.
Portefeuille Ultime US | Portefeuille Ultime Global |
---|---|
10 % S&P 500 | 14 % Grandes cap. pays développés |
10 % Grandes cap. US valeur | 14 % Grands cap. valeur pays développés |
10 % Petites cap. US | 14 % Petites cap. pays développés |
10 % Petites cap. US valeur | 14 % Petites cap. valeur pays développés |
10 % Immobilier coté US | 14 % Immobilier coté monde |
10 % Grandes cap. ex-US | 7,5 % Grandes cap. pays émergents |
10 % Grandes cap. valeur ex-US | 7,5 % Grandes cap. valeur pays émergents |
10 % Petites cap. ex-US | 7,5 % Petites cap. pays émergents |
10 % Petites cap. ex-US US valeur | 7,5 % Petites cap. valeur pays émergents |
10 % Pays émergents | / |
Nous obtenons 9 catégories d’actions au lieu de 10 (la dernière ligne devient inutile dans le portefeuille global puisque les émergents sont déjà intégrés), avec la pondération suivante :
- 70 % de pays développés
- 30 % de pays émergents
L’exposition factoriel est réelle, mais elle se limite à deux facteurs, qui ne couvrent en outre pas la totalité du portefeuille :
- 43 % valeur
- 43 % taille
L’introduction du facteur Momentum
Si l’analyse de la Fondation Merriman démontre qu’il est possible de faire mieux que le marché grâce à une bonne diversification, accompagnée des facteurs taille et valeur, elle reste, à mon sens, incomplète.
Selon les recherches de MSCI, le Momentum a été le deuxième facteur le plus performant entre 1975 et 2017, derrière la valeur. Il semble d’ailleurs bien plus régulier dans ses performances.
Note : sur le graphique précédent, on peut regretter l’absence du facteur taille, représenté imparfaitement par le facteur « Equal Weighted », qui se limite à une pondération égale entre les différents titres du marché, au lieu de ne sélectionner que les plus petites valeurs.
Le Momentum est peut-être même le facteur plus performant historiquement, si l’on inclut les dernières années, entre fin 2017 et fin 2022, qui n’ont clairement pas été favorables au facteur valeur.
Durant les 5 dernières années, le facteur Momentum a produit une performance annuelle de 9,06 % par an, tandis que le facteur valeur se traînait au rythme de 1,94 % par an.
Il me paraît donc indispensable d’inclure le Momentum dans le Portefeuille Ultime.
De nombreux investisseurs rechignent à utiliser le Momentum, qui nous fait sortir du spectre de l’analyse fondamentale (qui s’intéresse aux ratios de valorisation et aux éléments économiques tangibles) pour entrer dans celui de l’analyse technique (qui prend uniquement en compte le mouvement des prix).
Certains investisseurs ne jurent que par l’analyse fondamentale ; d’autres, par l’analyse technique.
Étant plus pragmatique que dogmatique, à mon sens, si le Momentum est un facteur performant, il serait dommage de ne pas l’utiliser, au même titre que les facteurs taille et valeur.
En théorie, nous pourrions donc affecter le Momentum à toutes les parties du portefeuille dont le style est neutre (qui n’est pas orienté sur la valeur).
En pratique, il est difficile de trouver des indices Momentum pour les petites capitalisations aux États-Unis, ainsi que pour les pays émergents.
Voici le même tableau, en incluant le Momentum dans la mesure du possible.
Portefeuille Ultime Global avec Momentum |
---|
14 % Grandes cap. Momentum pays développés |
14 % Grands cap. valeur pays développés |
7 % Petites cap. Momentum pays développés ex-US |
7 % Petites cap. US |
14 % Petites cap. valeur pays développés |
14 % Immobilier coté monde |
7,5 % Grandes cap. Momentum pays émergents |
7,5 % Grandes cap. valeur pays émergents |
7,5 % Petites cap. pays émergents |
7,5 % Petites cap. valeur pays émergents |
Portefeuille Ultime : la performance théorique
Il nous reste maintenant à tester ce Portefeuille Ultime global.
Dans un premier temps, le portefeuille est composé d’indices d’actions, sans les frais de gestion des fonds indiciels, ce qui permettra d’observer la performance théorique par rapport au MSCI World.
Pour rester proche de la réalité, la performance retenue est la « Net Total Return ».
Les indices composant le Portefeuille Ultime (dans sa version avec ou sans Momentum, afin d’apprécier l’apport de ce facteur) sont les suivants :
Note : YCharts a un bug d’affichage avec les petites capitalisations des pays émergents. J’ai dû les remplacer par des moyennes capitalisations émergentes (Emerging markets Mid Cap). La différence de performance entre les deux, et son impact dans le portefeuille, reste faible.
La performance obtenue depuis 2001 (impossible de remonter plus loin avec les indices disponibles) laisse entrevoir un écart de performance considérable par rapport au MSCI World.
Voici les données chiffrées, à partir d’un capital de départ de 10 000 $ (le Dollar est la devise de référence de la plupart des indices boursiers) investi en 2001 :
Portefeuille | Capital initial | Capital obtenu | Rendement annuel moyen | Volatilité (sur 15 ans) | Perte Maximale |
---|---|---|---|---|---|
MSCI World | 10 000 $ | 40 820 $ | 7,17 % | 18,15 % | -57,82 % |
Ultime sans Momentum | 10 000 $ | 72 010 $ | 9,75 % | 20,90 % | -61,90 % |
Ultime avec Momentum | 10 000 $ | 85 650 $ | 10,65 % | 20,33 % | -61,82 % |
Par rapport au MSCI World, le Portefeuille Ultime obtient un rendement amélioré de plus de 3 % par an. En outre, le Momentum apporte presque 1 % de performance annuelle supplémentaire par rapport à la version sans Momentum.
En l’espace de 21 ans, le capital obtenu par le Portefeuille Ultime est deux fois supérieur à celui généré par le MSCI World (de 40 820 $ à 85 650 $). Les résultats sont au rendez-vous.
Le Portefeuille Ultime accroît toutefois le niveau de risque, mais pas de manière très significative (volatilité +2,2 %, perte maximale +4 %).
Portefeuille Ultime : la performance réelle
Puisqu’il n’est pas possible de posséder directement un indice, il faut raisonner avec des fonds indiciels, permettant d’investir dans des indices, et qui sont souvent disponibles sous la forme d’ETF en Europe.
Cela permettra :
- De rendre l’analyse plus concrète avec un portefeuille constitué de fonds indiciels réel.
- De prendre en compte les frais des fonds.
Malheureusement, il n’est pas toujours possible de trouver des ETF correspondant à chaque classe d’actions, comme nous le montre le tableau suivant (rempli avec les ETF disponibles sur JustETF).
Portefeuille Ultime | ETF correspondant |
---|---|
14 % Grandes cap. Momentum pays développés | Xtrackers MSCI World Momentum Factor |
14 % Grands cap. valeur pays développés | Xtrackers MSCI World Value Factor |
14 % Petites cap. Momentum pays développés | |
7 % Petites cap. valeur Europe | SPDR MSCI Europe Small Cap Value Weighted |
7 % Petites cap. valeur US | SPDR MSCI USA Small Cap Value Weighted |
14 % Immobilier coté monde | Amundi ETF FTSE EPRA NAREIT Global |
7,5 % Grandes cap. Momentum pays émergents | |
7,5 % Grandes cap. valeur pays émergents | iShares Edge MSCI EM Value Factor |
7,5 % Petites cap. pays émergents | SPDR MSCI Emerging Markets Small Cap |
7,5 % Petites cap. valeur pays émergents |
Les trous dans le tableau nécessitent d’apporter des modifications au portefeuille. La première modification est déjà incluse : séparer les petites capitalisations valeur entre Europe et États-Unis (7 % chacune), car aucun ETF ne permet de couvrir l’ensemble des pays développés.
Ensuite, 3 classes d’actions demandent de faire des concessions :
- Petites capitalisations Momentum des pays développés
- Grandes capitalisations Momentum des pays émergents
- Petites capitalisations valeur des pays émergents
Au vu de la faible disponibilité de certains ETF factoriels en Europe (les fournisseurs d’ETF ont encore du travail à faire !), il est possible de les remplacer en renforçant simplement les facteurs déjà présents :
- Petites cap. momentum des pays développés → grandes cap. momentum pays développés
- Grandes cap. momentum pays émergents → grandes cap. valeur pays émergents
- Petites cap. valeur et momentum pays émergents → petites cap. pays émergents
Le résultat aboutit au tableau suivant :
Portefeuille Ultime avec facteurs renforcés | ETF correspondant |
---|---|
28 % Grandes cap. Momentum pays développés | Xtrackers MSCI World Momentum Factor |
14 % Grands cap. valeur pays développés | Xtrackers MSCI World Value Factor |
7 % Petites cap. valeur Europe | SPDR MSCI Europe Small Cap Value Weighted |
7 % Petites cap. valeur Etats-Unis | SPDR MSCI USA Small Cap Value Weighted |
14 % Immobilier coté monde | Amundi ETF FTSE EPRA NAREIT Global |
15 % Grandes cap. valeur pays émergents | iShares Edge MSCI EM Value Factor |
15 % Petites cap. pays émergents | SPDR MSCI Emerging Markets Small Cap |
Cette version, avec le renforcement des facteurs, permet d’éviter de se retrouver avec des ETF classiques, sans facteur spécifique (tels que le MSCI World ou le Emerging markets), qui viendraient combler l’indisponibilité de certains ETF.
Elle permet également de respecter un certain équilibre entre les facteurs, pour ne pas trop surpondérer la valeur au détriment du Momentum, plus difficile à incorporer à cause du manque d’ETF, par exemple.
Ainsi, il semble plus judicieux, pour faire face à l’absence des petites capitalisations Momentum des pays développés, de renforcer les grandes capitalisations Momentum que les petites capitalisations valeur.
On obtient alors la répartition factorielle suivante :
- 28 % Momentum
- 43 % valeur
- 29 % taille
L’exposition aux facteurs taille et Momentum est moindre que prévue, ce qui n’est pas complètement satisfaisant, mais il faut faire avec les ETF disponibles.
La performance, obtenue par ce portefeuille d’ETF depuis 1998 frôle les 9 % par an, contre 7,15 % pour un simple ETF World. Cela fait pas loin de 2 % de performance annuelle supplémentaire, en prenant en compte les frais de gestion des ETF.
En l’espace de près de 25 ans, l’écart de performance a permis de générer un capital supérieur de 52 % à ce qu’aurait produit un simple ETF World (83 932 € contre 55 204 €).
Les gains de performance annuelle par rapport au marché ne sont pas aussi importants que dans la version théorique (1,83 % contre plus de 3 %), mais nous sommes limités par une moins bonne spécialisation des ETF disponibles en Europe, par rapport aux États-Unis.
En outre, les frais moyens des ETF factoriels sélectionnés sont légèrement supérieurs à ceux d’un ETF World classique.
Enfin, il faut le souligner, les gains ne sont pas obtenus grâce à une prise de risque importante, puisque la volatilité n’augmente que d’environ 1 % seulement.
Ces résultats permettent de tirer deux conclusions :
- La mise en pratique valide la théorie : il semble possible de battre le marché en combinant plusieurs facteurs dans un simple portefeuille d’ETF.
- L’accessibilité : le Portefeuille Ultime peut être facilement mis en place dans un compte-titres.
Nous avons donc une version applicable de notre Portefeuille Ultime : un portefeuille ayant, sur le long terme, un potentiel de performance supérieur à la moyenne.
Il n’introduit aucun biais géographique ni sectoriel particulier (à l’exception de l’immobilier coté, dont la présence n’est pas obligatoire : le retirer n’enlèverait rien à la performance).
Ce portefeuille ne peut être mis en place que dans un compte-titres, la seule enveloppe fiscale disposant du plus large choix d’ETF.
L’objectif de départ est ainsi atteint. Néanmoins, j’aime souvent pousser les choses un peu plus loin.
Et si on simplifiait ?
Tout le monde n’a pas nécessairement envie de se retrouver avec un grand nombre d’ETF à gérer dans son portefeuille (d’autant qu’en associant des ETF obligataires, si l’on souhaite réduire les risques, on peut facilement se retrouver avec 8 ou 9 ETF en portefeuille).
Plus on a d’ETF en portefeuille, plus la gestion devient complexe :
- L’investissement demande un peu plus d’organisation : il faut alimenter chaque ETF séparément, ce qui peut causer des difficultés avec des valeurs de parts différentes, ou si on a une capacité d’épargne limitée.
- Plus de lignes en portefeuille = plus de transactions = plus de frais de courtage.
- Le rééquilibrage est moins évident, même si un bon tableau Excel pourra nous faciliter la tâche.
Pour ces raisons, nous allons chercher à mettre en place un Portefeuille Ultime plus minimaliste : une version épurée, qui ne perd rien de son essence, mais qui cherche à concentrer au maximum ses qualités.
Ce portefeuille devra éliminer des éléments non essentiels, tout en combinant au maximum ceux qui le sont :
- L’immobilier coté joue un rôle secondaire : il apporte un plus en termes de diversification, notamment pour ceux qui n’ont pas d’investissement immobilier, mais il n’a pas de potentiel de hausse supérieur au reste du marché.
- Les marchés émergents ne sont pas indispensables : ils offrent une meilleure diversification géographique, mais beaucoup d’entreprises des pays développés opèrent dans les pays émergents, ce qui leur offre une exposition à ces économies.
L’exclusion des pays émergents est forcée par l’absence d’ETF factoriel mondial, qui permettrait la meilleure diversification possible, tout en restant minimaliste.
En tenant compte de ces éléments, voici ce à quoi pourrait ressembler le Portefeuille Ultime, en version minimaliste.
Portefeuille Ultime minimaliste |
---|
50 % Xtrackers MSCI World Momentum Factor |
25 % SPDR MSCI Europe Small Cap Value Weighted |
25 % SPDR MSCI USA Small Cap Value Weighted |
En plus des changements annoncés (disparition de l’immobilier et des émergents, 3 ETF en moins), les grandes capitalisations valeur cèdent leur place (1 ETF en moins), au profit du renforcement des petites capitalisations valeur, réparties à parts égales entre Europe et États-Unis, ce qui permet, faute d’avoir un ETF plus global, de couvrir la majeure partie des pays développés.
Le portefeuille reste cependant largement diversifié et équitablement exposé aux 3 facteurs :
- 50 % de petites capitalisations (facteur taille)
- 50 % de valeur
- 50 % de Momentum
Note : il est normal que le total donne une exposition aux facteurs de 150 %, car les facteurs taille et valeur sont ici combinés. Minimaliste, on vous dit !
Cette version « compressée » tire la quintessence des facteurs d’investissement en seulement 3 ETF. Il n’est pas possible d’avoir moins de 3 ETF en portefeuille sans devoir abandonner l’un des 3 facteurs (taille, valeur, Momentum), ou sans dégrader la diversification géographique.
Quelles sont les performances du Portefeuille Ultime minimaliste ?
Il est intéressant de noter que l’on retrouve un écart de performance supérieur à 3 % par rapport au marché (11,71 % de rendement annuel contre 8,47 %), comme dans la version théorique.
En l’espace de 28 ans, cet écart a permis d’obtenir un capital plus de deux fois supérieur à celui qu’a généré le MSCI World (215 885 €, contre 95 580 €), et sans prendre beaucoup plus de risques (la volatilité n’augmente toujours que de 1 %).
Toutefois, il serait trop facile de conclure que cette version simplifiée soit forcément plus performante que la précédente. L’absence des pays émergents, qui ont quelque peu sous-performé sur la période considérée, a tiré la performance vers le haut.
En effet, il se trouve que les pays émergents se sont montrés très performants de 1987 à 2007, mais beaucoup moins par la suite.
Malgré leur piètre évolution récente, les pays émergents ne sont donc pas un frein à la performance à long terme, et ce n’est probablement qu’une question de temps avant qu’ils ne vivent un nouveau cycle qui leur soit favorable.
Comme toute zone géographique, ils connaissent des phases de surperformance, suivies par des phases de sous-performance. Chaque phase peut durer pendant une décennie entière.
Ne pas inclure de pays émergents est d’ailleurs une critique qu’on pourrait faire à cette version minimaliste, mais il faudrait alors ajouter un ETF supplémentaire, faute d’ETF factoriel couvrant l’ensemble des pays développés et émergents. On ne peut pas (pour le moment ?) tout avoir.
Pour relativiser, on peut observer que la plupart des investisseurs américains n’investissent qu’aux États-Unis, se privant sans scrupules de la moitié de la capitalisation boursière mondiale, qui comprend les pays émergents ainsi que tous les autres pays développés, et cela ne leur pose aucun problème.
Même sans pays émergents, le Portefeuille Ultime minimaliste reste bien plus diversifié que ce que font un grand nombre d’investisseurs américains, et certainement beaucoup d’autres à travers le monde.
En guise de conclusion, nous avons parcouru un bon bout de chemin depuis le Portefeuille Ultime de la fondation Merriman, notre point de départ :
- Recentrage sur le monde (sortie d’une vision américano-centrée).
- Ajout du Momentum, le facteur le plus performant, à égalité avec la valeur.
- Création d’un portefeuille en fonction des ETF disponibles, en renforçant certains facteurs.
- Simplification du portefeuille, avec une version minimaliste à 3 ETF.
J’espère que ce cheminement vous aura donné matière à réflexion dans l’élaboration d’un portefeuille d’investissement performant, qui puisse correspondre avec vos objectifs à long terme.
Toutefois, rappelez-vous que le Portefeuille Ultime est constitué à 100 % d’actions, ce qui implique qu’il risque de chuter de 50 à 60 % lors d’une forte crise. Dans cette version-là, il ne convient donc pas à tout le monde.
Portefeuille Ultime minimaliste
XDEM
ZPRX
ZPRV
Bonjour, est-ce bien ces trois ETF dont tu parles dans le dernier portefeuille ?
Merci
Bonjour, oui c’est bien eux.
Salut,
Article super intéressant, je suis tombé dessus par hasard en faisant des recherches sur les ETFs momentum.
Je me rends compte qu’on est vraiment limité et bridé avec le PEA (je l’ai ouvert l’année dernière), je pense revoir ma stratégie du coup.
Pour éventuellement refaire ce portefeuille ultime minimaliste, serait-il intéressant de garder le PEA que pour un ETF européen de qualité et ouvrir un CTO en complément pour des ETFs smart beta?
Par exemple :
PEA : 25% small ou mid cap Europe
CTO: 50% world momentum, 25% US small cap value weighted.
Concernant la presence des pays émergents, je pense aussi que c’est pas une fin en soi honnêtement, et si un jour un grosse cap solide prend le dessus il rentrera probablement dans le World momentum?
Salut et merci,
Le PEA est limité, on y trouve moins de 200 ETF, contre plus de 2500 sur CTO.
Splitter le portefeuille entre les deux enveloppes pourrait être intéressant fiscalement, mais aucun ETF éligible au PEA ne permet de répliquer ce portefeuille, même partiellement.
On trouve bien les ETF Momentum de chez BNP, mais ils n’ont pas démontré leur capacité à utiliser le facteur Momentum avec succès (leur performance est assez catastrophique).
Quant aux ETF small cap du PEA, ils ne sont pas orientés value, ce qui devrait freiner leur performance à long terme.
Autre inconvénient, le rééquilibrage du portefeuille sera plus compliqué s’il se trouve dans deux comptes différents.
Pour ce qui est des émergents, il y a plusieurs écoles, certains investisseurs en mettent car leur potentiel de hausse est supérieur, d’autres restent sur les pays développés, constatant que laisser les émergents de côté n’a pas entrainé de conséquences négatives. Pour ma part, j’aime bien l’idée d’y être exposé, afin d’avoir une couverture géographique plus complète, ainsi que des big caps Value (et donc pas uniquement des big caps Momentum). Mais cela rend le portefeuille un peu moins minimaliste (4 ETF au lieu de 3).
Je ne suis pas certain d’avoir bien compris la dernière question, mais le World Momentum ne contiendra jamais aucun pays émergent, par définition (world = pays développés uniquement).
Bonjour,
Merci pour cet article très intéressant et détaillé.
J’ai une question au sujet du portefueille simplifié présenté en fin d’article. Y a t-il un avantage d’appliquer le facteur Momentum aux grandes capitalisations et le facteur valeur aux petites capitalisations ou l’inverse est tout aussi efficace?
Jerome
Bonjour Jerome,
L’inverse devrait être tout aussi efficace, car le facteur size peut très bien être combiné aux facteurs value et Momentum. Seulement, il est plus difficile de trouver des ETF Small cap Momentum en Europe, ou du moins cotés en euros.