Warren Buffett – L’effet boule de neige

Warren Buffett - La biographie officielle, L'effet boule de neige

Warren Buffett – La biographie officielle, L’effet boule de neige, de Alice Schroeder, 2010, 952 pages.

Titre original : The Snowball – Warren Buffett and the Business of Life.

Ce résumé fait partie de mon défi de lire et résumer les 12 meilleurs livres sur l’investissement en bourse en 24 semaines.

Le livre en une phrase : Portrait et récit de la vie celui que l’on appelle « l’Oracle d’Omaha », l’investisseur américain le plus riche et le plus connu.

1ère partie : La bulle

Une version moins flatteuse

Pourquoi est-ce si important pour vous de gagner de l’argent ?

Faute de répondre directement à cette question, Warren Buffett cherche avant tout à s’assurer que sa biographie ne le présente pas sous un jour trop flatteur.

L’humilité est donc le premier trait de caractère que le fan de Coca-Cola laisse apparaître.

Sun Valley

En 1999, lors d’un week-end de conférences destinés aux élites, à Sun Valley dans l’Idaho, Warren Buffett s’est risqué à faire une prédiction.

Le boom des valeurs technologiques n’était pas un nouveau paradigme, pas plus que ne l’ont été les précédentes ruptures technologiques, comme le passage du cheval à la voiture.

Ceux qui pensaient que les valeurs Internet pouvaient continuer de monter et à les enrichir au même rythme se leurraient. Warren Buffett les mettaient en garde avec ce discours.

Les petites habitudes

Warren Buffett et Charles T. Munger, son associé, semblent interchangeables dans leur façon de penser, et dans leur goût de faire des discours.

Pourtant, Warren Buffett se distingue par ses habitudes de lecture : de la presse quotidienne aux rapports détaillés sur les nombreuses sociétés qu’il possède à travers Berkshire, sa société mère. Il lit aussi beaucoup de rapports sur un grand nombre de sociétés qu’il ne possède pas.

Ses goûts sont simples: les hamburgers, McDonald’s et Coca-Cola.

Étonnamment, il ne vit pas avec sa femme, mais avec une autre, et il partage avec elles une relation triangulaire totalement assumée (Ce chapitre se situe en 1999).

Warren, quel est le problème ?

Vers la fin des années 90, les investisseurs ont eu tendance à largement surévaluer les entreprises « Internet », parfois en dépit de résultats médiocres et du bon sens.

Dans le même temps, son entreprise, Berkshire Hathaway, qui avait régulièrement battu le S&P500 durant la décennie, commençait à perdre du terrain.

Warren Buffett, qui ne voulait pas investir dans les valeurs technologiques, était considéré comme un « has-been », comme celui qui refusait de voir l’évidence du NASDAQ (l’indice des valeurs technologiques).

Il s’en tenait à sa « carte de score intérieure », qui le pousse à agir selon ses convictions, et non selon ce que les autres vont penser de lui.

2ème partie : Une carte de score intérieure

Le besoin de prêcher

Les Buffett était à l’origine une famille de commerçants d’Omaha. Le père de Warren, Howard, avait des idées très arrêtées sur beaucoup de sujets. Il nourrissait son besoin de prêcher en étant très engagé à la fois dans la religion et dans la politique.

Le steeple-chase dans la baignoire

Warren Edward Buffett est né quelques mois après le krach de 1929. En pleine crise et malgré les difficultés, son père, Howard, décida d’ouvrir une maison de courtage. L’entreprise marcha plutôt bien.

Le jeune Warren grandis pourtant dans un environnement familial austère, et avec une mère très autoritaire.

Il devient vite fasciné par les chiffres, chronométrant et calculant des probabilités sur tout ce qui l’entourait, y compris la vitesse de descente des billes dans une baignoire remplie.

L’armistice

Warren aimait tout ce qui impliquait de recueillir des chiffres, les compter et les mémoriser.

Il collectionnait les timbres, les pièces de monnaies, et les capsules des bouteilles de soda, afin de connaître quelles étaient les boissons les plus aimées.

Un séjour à l’hôpital suite à une crise d’appendicite lui donna l’occasion de récolter encore d’autres données chiffrées en apprenant par cœur, dans l’almanach du monde, les villes de plus de un million d’habitants et les capitales des états.

Un millier de façons

Le petit Warren commença à gagner des cents en vendant différentes choses: chewing-gum, bouteilles de Coca-Cola, balles de golf usagées, ou du pop-corn pendant des matchs de football.

Ils devinrent les premiers flocons de neige qui formeront la future boule de neige de sa fortune.

À la suite d’un séjour sur la côte est, lors duquel son père lui fit visiter Wall Street, Warren décida qu’il voulait de l’argent, afin de faire ce qu’il voulait chaque jour de sa vie.

Il tomba par hasard sur le livre « Mille Façons de Gagner 1 000 $ » à la bibliothèque. Ce livre lui appris le concept de réinvestissement des bénéfices, qui pouvait transformer une petite somme en une grosse somme.

À l’âge de 12 ans, Warren acheta avec ses économies ses trois premières actions pour lui et ses deux sœurs, Doris et Bertie. Ses actions, achetées 38,25 $ chacune, étaient celles de Cities Service Preferred.

Elles chutèrent d’abord, ce qui lui fit se sentir mal pour ses sœurs, puis remontèrent jusqu’à 40 $, lui permettant de vendre avec un petit bénéfice.

Cependant, il constata qu’il aurait pu vendre ses actions cinq fois plus cher en attendant un peu plus, car Cities Service Preferred monta jusqu’à 202 $. Il en tira 3 leçons :

  1. Ne pas être trop obsédé par le prix d’achat d’une action
  2. Ne pas se précipiter pour gagner un petit bénéfice
  3. Il est difficile d’avoir la responsabilité de faire perdre de l’argent à quelqu’un

Les doigts tachés d’encre

Mon grand-père aimait l’idée que je réfléchisse sans cesse au moyen de gagner de l’argent.

C’est en travaillant les week-ends dans l’épicerie de son grand-père, puis dans l’entreprise d’élevage que son père avait racheté, que Warren découvrit qu’il n’aimait pas le travail manuel.

Lorsque son père fut élu en tant que député du Nebraska et parti travailler à Washington, toute la famille le suivit. Warren, plutôt timide, eut du mal à s’adapter à ce nouvel environnement.

Il finit par se faire engager comme livreur de journaux avant et après l’école, et accumula 1 000 $, ce qui le conduit à remplir sa première déclaration d’impôt à 14 ans.

De véritables histoires criminelles

Malheureux d’avoir quitté Omaha pour Washington, Warren se mit à avoir de mauvaises fréquentations et a devenir un petit délinquant antisocial: vol de balles de golf, mauvaises notes, refus de l’autorité scolaire.

Son père finit par le menacer de lui interdire de livrer des journaux, et donc de gagner de l’argent. Cette menace fit réfléchir le jeune homme qui fila à nouveau droit.

Pudgy

Son père, qui avait un sens élevé de la morale, commençait à se marginaliser au sein de son propre parti, le parti républicain.

De son côté, Warren, qui manquait d’assurance, se mit en tête de faire de l’haltérophilie pour plaire aux filles. Il alla même rendre visite au patron de son magazine d’haltérophilie préféré en Pennsylvanie, dans son club.

C’est là qu’il rencontra Pudgy, la championne du monde de culturisme féminin. Il tomba immédiatement sous son charme.

Des ventes sous silence

Peu à l’aise avec les gens, même avec ceux de son âge et malgré quelques bons amis, Warren fut heureux de tomber sur un livre susceptible de l’aider : « Comment se faire des amis et influencer les autres  » .

Il décida de tester les règles énoncées dans le livre, et s’aperçut rapidement qu’elles fonctionnaient.

Au lycée, Warren développa rapidement ses qualités d’homme d’affaire. Il achetait des balles de golf usagées pour les revendre presque deux fois plus cher.

Avec l’argent économisé, il s’inspira du livre « Mille Façons de Gagner 1 000 $ » en achetant un flipper qu’il plaça chez un coiffeur pour les clients en attente. Il partagea les gains avec le coiffeur, et au bout d’une semaine, il pouvait acheter un autre flipper qu’il plaça chez un autre coiffeur, jusqu’à en avoir sept ou huit dans la ville.

La vente de journaux, de balles de golf et les revenus des flippers avaient amorcé sa boule de neige.

Warren avait l’intention de faire en sorte que cette boule de neige continue de rouler.

Les règles du champ de course

Warren s’intéressa ensuite aux courses de chevaux. Au début, il ramassait les tickets de gens dont le cheval avait fini deuxième ou troisième et qui pensaient (à tort) n’avoir rien gagné.

Ensuite, il étudia les systèmes de cotation et les pronostics des magazines, et découvrit parfois des écarts importants entre les deux. Il se mit à parier sur les courses.

L’éléphant

Warren s’adapta difficilement à l’université de Pennsylvanie où il passa deux années. Tandis que ses camarades s’intéressaient à l’aviron et aux sorties avec des filles, Warren s’intéressait aux cours de la bourse et aux moyens de diriger une entreprise.

Son père dut alors quitter le Congrès suite à sa défaite aux élections, et Warren fut heureux de rentrer à Omaha.

L’interview

Après sa troisième année d’étude supérieure, Warren essaya d’entrer à Harvard, pour le prestige et le réseau que cette institution lui confèrerait.

Cependant, son admission fut refusée lors de l’entretien oral. Frêle et mal assuré, Warren ne correspondait pas au profil recherché par Harvard, qui cherchait à former les futurs grands leaders.

Il décida alors de s’inscrire à l’université de Columbia, car un professeur qui avait écrit selon lui le meilleur livre sur l’investissement en bourse, y enseignait la finance. Ce professeur était Benjamin Graham, l’auteur de « L’investisseur intelligent  » .

Premier essai

Une fois à Columbia, Warren assistait aux cours d’analyse financière de David Dodd, avec qui Benjamin Graham s’était associé pour écrire leur premier livre, « Security Analysis  » .

Ce livre, parut avant « L’investisseur intelligent  » , expose les mêmes principes de sélection d’actions, mais de manière plus détaillée, et pour un public plus averti. Warren connaissait le livre par cœur, ce qui impressionna David Dodd.

Il assista à sa première assemblée générale d’actionnaires, au cours de laquelle il rencontra Walter Schloss, qui travaillait pour Graham.

Fasciné par Benjamin Graham, Warren investit pourtant une grande partie de son argent dans les actions d’une société dont il pensait que la croissance était assurée (GEICO, une compagnie d’assurance), à l’encontre des principes de Graham (dont l’essence est d’investir dans des actions sous-évaluées).

Le Mont Everest

Benjamin Graham était une personnalité brillante et un professeur très écouté. Sa méthode permettait d’analyser la valeur intrinsèque d’une action afin de pouvoir repérer les titres sous-côtés.

Graham développa la première méthode rigoureuse et systématique d’analyse de la valeur d’une action.

Ainsi, l’investisseur n’avait plus qu’à attendre que le marché réaligne la valeur perçue de l’action avec sa valeur réelle pour en tirer un bénéfice.

Warren adulait tellement son professeur qu’il lui proposa de travailler gratuitement pour lui, sans succès.

Cependant, il n’était pas d’accord à avec tout ce que disait Graham. Celui-ci prônait la diversification pour réduire les risques, tandis que Warren avait investi les 3/4 de son patrimoine dans une seule action avec GEICO.

Miss Nebraska

Lorsque Warren apprit que Miss Nebraska vivait à New York, comme lui, il se mit en tête de sortir avec elle. Il réussit, mais se désintéressa rapidement d’elle et de sa personnalité excentrique.

Il était obnubilé par une fille d’Omaha, Susan Thompson. Mais elle ne s’intéressait pas à lui. Conscient de ses difficultés avec les filles, et plus largement, à parler en public, il résolut à s’inscrire à un cours de Dale Carnegie (l’auteur de « Comment se faire des amis »).

Warren passait pour quelqu’un de riche et présomptueux, avec ses discours sur la bourse et avec son père qui avait siégé au Congrès. Mais à force de lui faire la cour, Susie commença à le connaître et fut touchée de découvrir qu’il était en fait vulnérable et déboussolé.

Susie était extrêmement empathique et entièrement tournée vers les autres et la manière dont elle pouvait les aider. Elle n’était en revanche pas du tout intéressée par l’argent.

Ils sortirent ensemble, et grâce au cours de Carnegie, Warren trouva le courage de la demander en mariage à son père quelques mois plus tard.

Le grand alibi

À presque 21 ans, Warren était extrêmement confiant en ses propres capacités d’investissement. À la fin de l’année 1951, il avait déjà augmenté son capital de 9 804 $ à 19 738 $.

Il commença à travailler dans l’entreprise de courtage de son père, Buffett-Falk. En parallèle, il donnait des cours du soir à l’université d’Omaha: « Investir de façon sensée dans les actions ».

Warren n’aimait pas vraiment être courtier. Il préférait être du côté du client, plutôt que d’essayer de lui faire vendre ou acheter des titres en étant commissionné pour cela.

Le mariage de Warren Buffett et Susie Thompson eut lieu en avril 1952. À cette même période, le Missouri entra en crue. Les membres de la garde nationale, dont il faisait partie pour son service militaire, furent réquisitionnés pour poser des sacs de sable.

Son mariage et sa lune de miel lui permirent d’éviter un travail manuel pénible.

3ème partie : Le champ de courses

Graham-Newman

Warren et Susie eurent leur premier enfant en 1953: une fille, Susan Alice.

Warren cherchait à quitter son emploi de courtier dans l’entreprise de son père, et à force de persévérance, finit par se faire engager chez Graham-Newman, son rêve. Ils quittèrent alors Omaha pour New York.

Je me sentais comme si j’avais gagné au loto.

Sa capacité de mémorisation et d’analyse firent de Warren une recrue appréciée chez Graham-Newman. Son travail consistait à rechercher des actions sous-cotées et à appeler les maisons de courtage pour transmettre les ordres.

Un an plus tard naquit le deuxième enfant de Warren et Susie, Howard Graham Buffett.

Du bon côté

Au travail, Warren se vit confier des dossiers d’arbitrage complexes, pour lesquels il était terriblement compétent.

Les brillants résultats de Warren chez Graham-Newman avaient fait de lui le golden boy de la société.

Un an et demi après son arrivée dans l’entreprise, Ben Graham et Jerry Newman semblaient déjà considérer Warren comme leur associé.

De son côté, Warren réfléchissait aussi pour lui-même, ce qui lui permit de réaliser de jolis coups à titre personnel.

Il acheta notamment les actions sous-cotées d’une entreprise de bus disposant de fortes liquidités, puis rendu visite à son dirigeant. Suite à sa visite, le dirigeant distribua aux actionnaires un dividende supérieur à la valeur de l’action, ce qui rapporta à Warren 20 000 $.

Rencontrer la direction faisait partie intégrante de la manière de Warren de faire des affaires. Il utilisait ces rencontres pour en apprendre le plus possible sur une entreprise. Connaître personnellement les dirigeants lui permettait de jouer de son talent à charmer et impressionner les gens puissants avec ses connaissances et son esprit.

Lorsque Ben Graham prit sa retraite après avoir battu le marché de 2,5% pendant plus de vingt ans, il proposa à Warren de devenir associé à sa place. Il refusa: il était venu pour travailler avec Benjamin Graham, et l’idée de s’associer avec Newman ne l’intéressait pas.

Splendeur cachée

J’avais environ 174 000 $ et j’allais prendre ma retraite.

Ils rentrèrent à Omaha en 1956. Warren créa Buffett Associates Ltd. sur le modèle de Graham-Newman. Sa famille, sa belle famille et deux de ses amis investirent plus de 100 000 $ dans sa société de gestion.

Sur recommandation de Benjamin Graham, un ancien investisseur chez Graham-Newman se tourna vers Warren pour investir ses 120 000 $. Ce dernier pouvait désormais se considérer comme un gestionnaire de portefeuille professionnel.

De fil en aiguille, Warren Buffett se retrouva à gérer six sociétés de gestion de fonds, qui alimentaient sa boule de neige.

Chaque nouveau dollar entrant dans une fonds lui rapportait une partie de ce qu’il gagnait pour ses actionnaires. Chacun de ces dollars, réinvesti, générait des bénéfices pour lui-même. Ces bénéfices, réinvestis, engendraient encore plus de bénéfices.

L’arrivée prochaine d’un troisième enfant poussa Susie et Warren à déménager. Ils achetèrent une maison 31 500 $, ce qui donna à Warren l’impression de l’avoir acheté un million lorsqu’il pensa comment il aurait pu faire travailler ces 31 500 $ pendant douze ans.

L’Omaha Club

C’est à l’Omaha Club que Warren Buffett rencontra, par l’intermédiaire d’un de ses associés, Charlie Munger.

Brillant avocat à Los Angeles, Munger fut immédiatement séduit par Warren dont il dira: « Il ne s’agit pas d’un être humain ordinaire ». Ils entamèrent alors de longues conversations sur le business et l’investissement.

La locomotive

Warren gérait à présent plus d’un million de dollars, ce qui lui offrait une puissante de frappe suffisante pour influencer les conseils d’administration, et changer la destinée d’une entreprise.

Au troisième étage de sa maison, il fit construire un modèle réduit de train avec trois locomotives, en écho au rêve du jeune Warren et de son enfance interrompue trop rapidement.

Les résultats de ses fonds commençaient à lui créer une petite notoriété à Omaha, même s’il était loin d’être apprécié par tous.

Ses fonds battirent le marché de 6% en 1959, de 29% en 1960 et de 24% en 1961. Il n’avait plus à chercher des personnes pour investir dans ses fonds. Les gens venaient d’eux-mêmes.

Il rassembla tous ses fonds en un seul, Buffett Partnership, qui totalisait 7,2 millions de dollars. Susie et lui possédaient 14% du fonds. Il avait atteint son objectif de devenir millionnaire.

La guerre des éoliennes

Warren cherchait des entreprises qu’il appelait des « mégots de cigare »: des entreprises mal en point, et dont l’action se situait sous la valeur comptable. Ce fut le cas de Dempster, une entreprise d’éoliennes.

Il acheta alors suffisamment d’actions pour prendre le contrôle de l’entreprise, et placer des gens compétents à sa tête pour la redresser. L’objectif était de revendre un jour l’entreprise avec un bénéfice, lorsque tout le monde verrait qu’elle était à nouveau rentable.

Il se heurta à une grande hostilité locale, ce qui le marqua, lorsqu’il fut obligé de licencier cent personnes pour redresser l’entreprise. Mais, pour lui, il avait sauvé l’entreprise.

Des meules d’or

De son côté, Munger quitta son cabinet d’avocat pour fonder son propre fonds d’investissement, sur le modèle de Warren Buffett.

Sa façon d’investir, consistant à rechercher de grandes entreprises en bonnes santé et en croissance plutôt que des petites, sous-évaluées, commençait à influencer Warren.

Warren, si tu recherches une aiguille d’or dans une meule en or, ce n’est pas intéressant de trouver l’aiguiller en or.

En 1963, un scandale frappa American Express et son action chuta. Warren, constatant que l’utilisation des cartes American Express n’avait pas diminué, investit massivement dans l’entreprise.

Après que le scandale fut passé, l’action American Express bondit de 35 $ à 49 $.

Dans le même temps, son père tomba malade, puis mourut en 1964. Ce fut un choc pour Warren, qui avait néanmoins du mal à exprimer ses émotions.

Un moment de folie

En 1964, le fonds d’investissement étaient majoritairement investi sur 3 sociétés seulement, dont American Express.

Warren Buffett n’investissait alors plus vraiment selon les préceptes quantitatifs de son mentor Benjamin Graham, mais selon une approche plus qualitative, voire parfois intuitive, des caractéristiques d’une entreprise.

Cette approche était associée à un haut niveau de concentration:

Nous diversifions beaucoup moins que la plupart des opérations d’investissement. Nous pouvons investir jusqu’à 40% de notre valeur dans un seul titre sous certaines conditions.

Il s’intéressait néanmoins toujours aux entreprises sous-cotées: sa prochaine cible était une entreprise de l’industrie textile en difficulté, Berkshire Hathaway, qu’il voulait acheter à bon prix pour la liquider.

Il acheta des actions discrètement jusqu’à en prendre le contrôle. Warren dira plus tard de l’entreprise:

Vous marchez dans la rue et vous voyez un mégot, trempé et répugnant qui vous dégoûte mais il est gratuit…

Mèche sèche

En 1965, le fonds Buffett Partnership termina l’année avec 37 millions de dollars, auquel ses actionnaires rajoutèrent des fonds qui lui permirent d’atteindre 44 millions de dollars en 1966.

Les entreprises sous-cotées se faisaient de plus en plus rares et Warren annonça à ses actionnaires qu’il fermait le fonds aux nouveaux actionnaires.

La part de Warren et Susie dans leur fonds se montait à 7 millions de dollars. Plus ils devenaient riches, et plus Susie s’impliquait dans des causes sociales à Omaha, souvent en faveur des droits civiques des noirs.

Ce qu’est le Worsted

La difficulté de trouver des « mégots de cigare » (des entreprises sous-évaluées) inclina Warren Buffett à s’associer avec Charlie Munger et David Gottesman pour fonder une holding, Diversified Retailing Company Inc (DRC).

Ils achetèrent à travers DRC des magasins de vêtements. Buffett plaçait à leur tête des hommes qui lui ressemblait: droits, mais maniaques des chiffres et du contrôle. Ils incarnaient la maxime de Warren:

L’intensité est le prix de l’excellence.

Jet jack

En 1967, Warren Buffett était moins préoccupé par le rock, le pacifisme et la guerre du Vietnam que par sa quête philosophique qui le tiraillait entre les petites entreprises de Ben Graham et les grandes de Fisher et Charlie Munger.

La majorité des investisseurs d’alors n’avait pas connu la crise de 1929 et achetait avec enthousiasme des nouvelles sociétés technologiques, comme Polaroid ou Xerox.

Warren était cependant réticent vis-à-vis des technologies qu’il ne comprenait pas, et se tourna vers une compagnie d’assurance, National Indemnity, située à Omaha. Il réussit à l’acheter à son propriétaire, « Jet » Jack Ringwalt.

Ainsi, Warren pouvait liquider les activités textiles de Berkshire Hathaway, en perte de compétitivité, et investir le capital obtenu dans National Indemnity, qui avait besoin d’un capital important pour s’assurer contre les risques qu’elle prenait.

L’échafaud domine un avenir encore obscur

En 1966, le fonds Buffett battit le Dow Jones de 36 points, un record. Pourtant, Warren était plus pessimiste sur ses performances futures et avait renoncé à essayer de battre l’indice national de 10 points, pour un objectif plus modeste, de 5 points.

Beaucoup d’autres fonds faisaient alors de bien plus belles promesses.

Je n’abandonnerai pas une méthode dont je comprends la logique (bien que je la trouve difficile à appliquer), même si cela signifie devoir renoncer à des bénéfices importants et apparemment faciles pour adopter une méthode que je ne comprends pas entièrement, que je n’ai jamais pratiqué avec succès et qui, peut-être, pourrait conduire à une perte importante et permanente de capital.

Pourtant, en 1967, Buffett Partnership Ltd. progressa de 36%, contre 19% pour le Dow.

Warren et Susie assistèrent à un discours de Martin Luther King quelques mois avant qu’il ne fut abattu.

Touché par le charisme oratoire de King, Warren résolu de s’engager dans des activités non-économiques. Il commença à user de son influence, désormais importante à Omaha, pour lutter contre la ségrégation et contre l’antisémitisme au sein des élites.

Facile, sûr, rentable et agréable

En 10 ans d’existence, le fonds de Warren affichait un rendement moyen de 31%. Dans le même temps, le Dow Jones plafonnait à 9%.

Grâce à son talent pour l’investissement, 1 000 $ investis dans le Dow valait à présent 2 857 $, tandis qu’il les avait transformés en quasiment dix fois cette somme, soit 27 106 $.

Sa décision de se cantonner à des investissements « faciles, sûrs, rentables et agréables » ne semblaient pas avoir d’impact sur la performance de son fonds, qui atteignait désormais les 105 millions de dollars, et comprenait plus de 300 investisseurs.

La clôture

En 1969, la fortune de Warren était de plus de 26 millions de dollars. Passionné par les journaux depuis son enfance, il tenta d’en racheter plusieurs, avec plus ou moins de succès.

Cependant, il était préoccupé par le marché :

Je ne suis pas en accord avec cet environnement de marché et je ne veux pas gâcher des résultats décents en essayant de jouer un jeu que je ne comprends pas juste pour terminer en héros.

Il décida donc de fermer son fonds début 1970. Cette même année, Forbes publia un article sur Warren Buffett en ventant son rendement annuel moyen de 31% et son absence de pertes en douze ans. L’article disait également :

Buffett n’est pas une personne simple, mais il a des goûts simples.

4ème partie : Susie chante

Candy Harry

Fin 1969, Warren était particulièrement pessimiste concernant le marché des actions, qu’il jugeait trop haut.

Lors de la clôture du fonds, Warren proposa à ses actionnaires de choisir ce qu’ils voulaient conserver: les liquidités du fonds ou les parts encore investies dans des entreprises.

Warren annonça qu’il conserverait ses parts et en achèterai encore plus. Certains le suivirent.

En 1971, suite à l’abandon de l’étalon-or, l’inflation se mis à galoper. Cette année-là, Buffett entendit parler d’un entreprise de confiserie très profitable et à vendre, See’s Candies, qu’il racheta.

Dans le même temps, il entra au conseil d’administration d’une banque communautaire, qui cherchait à mieux intégrer les noirs dans le système économique.

Le Sun

Warren commençait à comprendre le rôle de plus en plus important des médias. Possédant lui-même un journal de faible envergure, le Sun, il flaira un scoop concernant une institution pour garçon qui était en fait une machine à sous, Boys Town.

L’institution faisait de gros bénéfices, tout en recherchant toujours activement des dons, et avait des comptes cachés.

Warren participa à l’investigation avec les journalistes, et il fut fier de voir le scandale dévoilé par son journal, qui gagna un prix Pulitzer.

Cité dans un best-seller sur l’argent vendu à un million d’exemplaires comme étant le modèle parfait du vrai investisseur américain, Warren Buffett allait commencer à devenir une personnalité de premier plan.

Deux rats trempés

Buffett désirait se faire un place parmi les grands noms de la presse.

En 1971, Munger à ses côtés, il alla rencontrer la directrice du Washington Post, Katharine Graham.

Le journal avait gagné en notoriété suite à la publication des Pentagon Papers, une suite de preuves démontrant les raisons trompeuses pour lesquelles le gouvernement était entré en guerre au Vietnam.

Le reporter

Suite au Watergate, l’administration Nixon menait une guerre ouverte et manœuvrait en silence contre le Washington Post.

Warren acheta 12% des actions du Post, tout en assurant à Graham qu’il n’en achèterait pas plus sans sa permission.

Ils devinrent amis et Katharine Graham fit entrer les Buffett dans un cercle prestigieux de la haute société de Washington: avocats, ministres étrangers, diplomates et membres du congrès américain.

Western Spaghetti

Blue Chips, Berkshire, et Diversified, les entreprises de Warren Buffett et Charlie Munger, ressemblaient à des poupées russes: les unes possédaient des parts dans les autres, qui continuaient d’acheter des parts dans d’autres entreprises encore.

Warren acheta encore plus d’actions de Berkshire et de Blue Chips, jusqu’à en posséder plus que Munger lui-même.

Les activités d’assurance de Berkshire et DRC généraient un flux de liquidités qui pouvait être réinvesti, et le moment était particulièrement propice lorsque le marché plongea en 1973.

Le géant

Susie semblait considérer que les Buffett avaient assez d’argent pour que Warren arrête de travailler et se consacre à des œuvres caritatives, comme le faisaient certains millionnaires.

Mais Warren Buffett ne pouvait pas, et s’obstinait à penser que 50 millions de dollars actuels en vaudraient 500 millions un jour.

Il entra alors au conseil d’administration du Washington Post pour conseiller Kay Graham.

Le krach boursier de 73-74 vit le portefeuille de Berkshire perdre un tiers de sa valeur. Pour Buffett, cependant, c’était le moment d’investir:

C’est la première fois, d’après mes souvenirs, qu’on peut acheter des actions à la Phil Fisher (de croissance) à des prix à la Ben Graham (des mégots de cigare).

Suite au rachat par Blue Chip de Wesco Financial, une caisse d’épargne, la SEC (Securities and Exchange Commission) se pencha sur l’opération, jugée non conforme.

En enquêtant, la SEC se rendit compte de la complexité de l’empire de Buffett: ses différentes parts dans des entreprises possédant elles-mêmes différentes parts dans d’autres entreprises, etc.

Buffett et Munger furent sommés de simplifier leurs opérations, mais aucun des deux ne fut finalement accusé.

Comment ne pas gérer une bibliothèque municipale

En 1975, le cours de l’action Berkshire chuta à 40 $, alors qu’elle s’échangeait à 93 $ deux ans plus tôt.

À ce prix-là, Warren continua de racheter les actions de ses entreprises. Avec Susie, ils possédaient 37% des parts de Blue Chip, via Berkshire Hathaway.

Cette année-là, sa fille Susie Jr abandonna ses études pour devenir employée chez Century 21 et se maria.

D’un autre côté, obnubilé par la SEC, ses discussions avec Munger ainsi que par Kay Graham et le Washington Post, ses relations avec Susie se distendirent un peu.

Un jour, Graham le présenta à Jack Byrne. Ce dernier avait été engagé pour sauver GEICO. L’entreprise était en difficulté, et son cours avait chuté de 61 $ à 2 $.

Warren décida que les actions étaient assez basses pour qu’il s’y intéresse à nouveau (GEICO lui avait bien réussi par le passé), et Byrne suffisamment compétent pour remettre l’entreprise sur pied.

Il acheta pour 4 millions d’actions. Avec Warren Buffett en tant qu’investisseur, l’énergique et infatigable Byrne réussit à convaincre une banque d’investissement de financer la survie de GEICO.

Il restructura l’entreprise en licenciant le personnel du New Jersey, en abandonnant 40% des clients et en se montrant aussi dur que possible avec le personnel de GEICO.

On n’est pas là pour gérer une bibliothèque municipale, on est là pour essayer de sauver une entreprise.

Jack Byrne

Warren était tellement souvent en déplacement sur la côte est ou sur la côte ouest qu’il engagea un brillant diplômé de Yale et de Stanford pour l’aider au bureau : Dan Grossman.

Et ensuite ?

Le vrai mariage de Warren, c’était avec Berkshire Hathaway.

Warren fréquentait régulièrement Kay Graham, qui lui demandait de jouer des rôles d’intermédiaire avec certaines personnalités.

Susie finit par en être blessée, mais continua à développer sa nouvelle carrière de chanteuse qui l’amenait parfois sur la scène de New York.

Les amis des Buffett remarquaient que dans leur couple, chacun vivait de plus en plus sa vie de son côté. Pesant 72 millions de dollars et à la tête d’une entreprise qui en valait 135 millions, Warren avait toujours la même obsession:

À 47 ans, Warren avait déjà accompli tout ce qu’il n’avait jamais imaginé vouloir. (…) Tout ce qu’il souhaitait était de continuer à gagner de l’argent juste pour le frisson que cela lui procurait, sans rien changer d’autre dans sa vie.

Susie finit par déménager à San Francisco pour enfin prendre soin d’elle et vivre sa vie à temps plein. Warren comprit enfin que sa femme ne souhaitait plus vivre avec lui.

Il fut dévasté, d’autant plus que n’ayant pas l’habitude de s’occuper de lui-même, la vie quotidienne tout seul à la maison était compliquée pour lui.

Susie demanda à l’une de ses amies, Astrid Menks, de lui faire des repas à domicile.

Ruban Bleu

Le départ de Susie provoqua une prise de conscience chez Warren, celle d’avoir passé trop de temps regarder son argent s’accumuler, et pas assez à nouer de liens avec ses enfants.

Astrid remplaça peu à peu Susie dans la vie de Warren, jusqu’à ce qu’ils forment tous les trois un triangle amoureux.

En 1978, il acheta avec Munger le Buffalo Evening News pour 35,5 millions de dollars, leur plus gros achat.

À eux deux, ils contrôlaient 65% de Blue Chips et plus de la moitié de Berkshire. Leurs actifs pesaient plus d’un demi-milliard de dollars.

Ils furent immédiatement attaqués en justice par un journal concurrent qui voulait les empêcher de lancer une édition du dimanche. La bataille juridique dura un an et demi avant que l’Evening News ne la remporte. Mais elle coûta 5 millions en frais juridiques et en chiffre d’affaires manqué.

C’est seulement lorsque le journal concurrent ferma que l’Evening News commença enfin à réaliser des profits.

Dans le même temps, la bourse était morose et le marché des actions se trainait depuis une décennie. Les investisseurs fuyaient les actions, contrairement à Warren Buffett:

En bourse, on paie très cher le consensus positif. L’incertitude est en fait l’amie de l’acheteur des valeurs à long terme.

5ème partie : Le roi de Wall Street

Pharaon

En 1980, Warren Buffett fêta son cinquantième anniversaire au Metropolitan Club de New York.

Berkshire absorba Blue Chip en 1983, ce qui mit fin au processus de simplification et à l’enchevêtrement des entreprises Buffett-Munger. Munger ne possédait que 2% de Berkshire, mais son importance décisionnelle était quasiment égale à celle de son partenaire, Buffett.

Warren avait désormais six petits enfants, dont deux par alliance. Il n’expliqua jamais à ses enfants l’intérêt de conserver les actions Berkshire qu’ils possédaient, ni les principes de l’intérêt composé. Cela lui paraissait trop évident.

Pourtant, Peter vendit pour 300 000 $ d’actions Berkshire pour financier sa maison de production musicale.

Si Warren et Susie s’accordait sur le fait que leur argent devait un jour revenir à la société, Susie voulait distribuer immédiatement de grosses sommes, tandis que Warren voulait attendre, arguant qu’il y aurait bien plus à distribuer à sa mort.

Bien que sa valeur nette était désormais de 680 millions de dollars, Il décida de ne léguer qu’un demi-million à ses enfants à sa mort. C’était selon lui :

Une somme suffisante pour qu’ils pensent pouvoir tout faire, mais pas assez pour qu’ils puissent ne rien faire.

Rose

En 1983, Buffett acheta un magasin d’ameublement, le Nebraska Furniture Mart à Rose Blumkin, qui en était encore la patronne à 89 ans.

L’accord portait sur 60 millions de dollars, soit le prix demandé par Rose Blumkin. Après l’achat, l’audit révéla que le magasin valait en réalité 85 millions.

Après s’être brouillée avec ses descendants qui travaillaient au magasin, Rose Blumkin ouvrit un entrepôt en face du Furniture Mart pour faire concurrence à son ancien magasin.

Warren fut obligé de le lui racheter puis de lui faire signer un accord de non-concurrence. Faire signer un tel accord à une femme de 90 ans ne manquait pas d’ironie.

Appelez la dépanneuse

En 1985, les activités textiles de Berkshire prirent fin. Les machines étaient en fin de vie et leur remplacement coûterait 50 millions de dollars.

Cela ne valait plus le coup pour une activité à bout de souffle. Warren licencia les 400 ouvriers qui prirent congé avec quelques indemnités mensuelles.

Ils se trouvaient dans la position du cheval à l’arrivée du tracteur. L’économie de marché a eu leur peau.

Dans le secteur des assurances, Warren avait acheté plusieurs compagnies qui allaient dans le mur. Puis il trouvait l’homme de la situation, « une dépanneuse », pour les redresser.

Dan Grossman fut ce pompier de service, mais il finit par quitter le navire, trop usé par la tâche. Il fut remplacé par l’exigeant et intraitable Mike Goldberg.

Ce dernier tenu le navire à flot, puis il recruta celui qui sera la pierre angulaire de la réussite du secteur « assurances » de Berkshire: Ajit Jain, ingénieur indien et brillant négociateur.

Les sociétés d’assurance produisaient du cash flow: ces liquidités qui tombaient avant les dépenses permettait à Warren de réinvestir ailleurs et de générer des intérêts composés qui accéléraient sa croissance.

Le Rubicon

En 1985, Buffett acheta 15% d’ABC/Cap Cities, un grand groupe radio-télévisuel.

Il faisait désormais partie des 400 plus grandes fortunes américaines listées par le magazine Forbes, mais aussi du cercle restreint des 14 milliardaires de cette liste.

Les premières actions de Berkshire Hathaway cotaient 7,50 $. Elles s’échangeaient désormais à 2 000 $. Warren refusait de les fractionner pour éviter des frais de courtage supplémentaires.

Dans les années 80, l’hypothèse des marchés efficients prenait de la force. Portée par des universitaires, elle suggérait qu’il était impossible de faire mieux que la moyenne du marché.

Warren Buffett était vu comme une anomalie statistique:

Quiconque surperformait régulièrement le marché n’était pas différent d’un singe qui aurait obtenu, par un heureux hasard, une suite gagnante après avoir sélectionné des actions en lançant des fléchettes sur la cote du Wall Street Journal.

Burton Malkiel

Warren Buffett n’apprécia pas que lui et Benjamin Graham puissent être comparés à des singes chanceux, et invalida l’argument de la chance en montrant les performances de tous les gestionnaires de fonds provenant de la même école de pensée, celle de Graham et Dodd.

On y retrouvait entre autre Bill Ruane, Charlie Munger, Walter Schloss, Rick Guerin et Tom Knapp.

Il développa son argumentaire dans un article qui alimenta sa légende: « Les superinvestisseurs de Graham-et-Doddsville. »

Buffett acheta Scott Fetzer, un conglomérat de l’Ohio, pour 410 millions de dollars, soit bien plus que pour le Furniture Mart deux ans plus tôt.

Il résolut d’acheter un avion pour le transporter pour ses affaires. Sa célébrité de 9ème homme le plus riche des États-Unis lui permis de jouer au golf avec Ronald Reagan, président en exercice, dans le parcours privé d’un ambassadeur.

Nuits blanches

En 1987, le Dow Jones avait atteint 2722 points, soit 3,5 fois plus qu’en 1982.

La hausse était liée en partie aux S&P futures, des contrats dérivés permettant de parier sur le futur niveau du S&P500. Ils permettaient aux vendeurs de couvrir leurs pertes si la valeur de l’indice chutait sous la valeur définie par le contrat, et aux acheteurs d’acheter plus bas si la valeur de l’indice était supérieure.

Le marché commença à se retourner et perdit 508 point le Lundi Noir, le 19 octobre 1987. Tous les vendeurs de contrats futures revendaient leurs actions pour assurer les pertes des acheteurs, ce qui amplifia la chute, qui restera comme la plus grande chute journalière de l’histoire.

Cette année-là, Buffett s’offrit pour 600 millions de dollars d’actions Coca-Cola, et entra au sein de l’un des conseils d’administration les plus prestigieux.

Il modifia également sa consommation personnelle en adoptant le Cherry Coke à la place du Pepsi au sirop de cerise.

Salomon Brothers, une société de courtage en obligations dans laquelle Buffett avait investi, voyait ses profits diminuer à cause de la folle montée des bonus.

Salomon comptait une équipe de brillants arbitragistes universitaires, portés par John Meriwether, qui développaient des modèles mathématiques poussés. Ils généraient tellement d’argent que leurs bonus dépassaient largement celui des traders.

Cela créait une distorsion dans les rémunérations eu sein de l’entreprise, et l’avidité grandissante des employés inquiéta largement Buffett et Munger, qui avaient du mal à se faire entendre au conseil d’administration.

Qui suce son pouce se retrouve un jour avec les joues creuses

En 1991, Buffett et Munger furent avertis que le chef du bureau des obligations gouvernementales de Salomon, Paul Mozer, avait fraudé le marché en déposant de fausses offres pour des clients afin de faire gonfler les prix.

Pire, la fraude avait été répétée plusieurs fois et Meriwether avait couvert Mozer, tout comme John Gutfreund, le PDG. La SEC exigeait une enquête interne et que la direction de Salomon reconnaisse ses erreurs.

Gutfreund fut forcé de démissionner par la Réserve Fédérale et Buffett promit de prendre la présidence par intérim.

Mais ce ne fut pas suffisant. Le Trésor annonça qu’il retirait à Salomon son droit d’enchérir sur ses titres, ce qui risquait de provoquer la faillite de la société, et de mettre en difficulté nombre des créditeurs de Salomon.

La réputation de Buffett était en jeu, et il préférait de pas devenir président d’une société en faillite qui allait devoir faire face à une multitude de procès.

Il pesa de tout son poids pour faire suspendre la décision du Trésor, qui finit par l’annuler partiellement. Salomon ne pourrait plus enchérir pour des clients, mais toujours à son compte.

La firme était sauvée, et sa réputation également.

Pendant ce temps, Warren Buffett était devenu la deuxième fortune américaine, avec une valeur nette de 3,8 milliards de dollars. L’action de Berkshire avait progressé de 23% en moyenne sur les 26 dernières années (depuis 1965). Le retour sur investissements de 1 000 $ investis dans Berkshire se montaient à 3 millions de dollars.

Des dieux en colère

Buffett était en colère que les fautes de Mozer, répréhensibles pénalement, aient été cachées par sa hiérarchie aux actionnaires.

Les avocats de Salomon promirent une transparence totale au procureur de New York afin d’éviter des poursuites pénales pouvant être fatales à la firme, qui perdait un milliard par jours, et ses clients jours après jours.

Buffett, convoqué devant le sénat, annonça qu’il avait l’intention de purger Salomon jusqu’à ce que l’entreprise retrouve une intégrité parfaite. Et c’est ce qu’il fit: il tailla largement dans les bonus perçus par les traders, provoquant le départ de la moitié d’entre eux.

Salomon écopa d’une amende de 290 millions de dollars pour échapper aux poursuites pénales. Warren quitta alors son poste de PDG par intérim pour laisser la place à Deryck Maughan, directeur de la branche Asie.

La loterie

C’est par l’intermédiaire de Kay Graham que Warren Buffett rencontra Bill Gates. Les deux esprits brillants s’accordèrent immédiatement et de longues discussions s’ensuivirent.

Gates voulait apprendre l’informatique à Buffett, tandis que ce dernier l’invita à participer au Buffett Group à Vancouver.

L’action Berkshire dépassait alors les 18 000 $, et Buffett était devenu l’homme le plus riche des États-Unis, valant 8,5 milliards de dollars.

Les partenaires originaux avaient désormais six millions pour 1 000 $ investis en 1957.

Howie rejoignit le conseil d’administration de Berkshire, dont il devait prendre la présidence non-exécutive après la mort de Warren.

Susie Jr. prendrait la suite de Big Susie à la tête de la fondation Buffett, qui distribuait 3,5 millions chaque année. La fondation s’attaquait à deux problèmes très difficiles à résoudre: la surpopulation et la prolifération nucléaire.

Âgé de 65 ans, Warren était conscient d’avoir eu une certaine dose de chance dans sa vie:

J’ai gagné à la loterie le jour où j’ai émergé du ventre de ma mère aux États-Unis et non dans un autre pays où mes chances auraient été différentes.

Bill Gates trouvait que la réussite devait être mesurée par le nombre de vie que l’on pouvait sauver avec un certain montant d’argent, et commençait à influencer Warren sur la philanthropie.

Il était aussi inspiré par Andrew Carnegie, qui disait dans son livre « l’Évangile de la Richesse »:

Qui meurt riche meurt dans la disgrâce.

Au diable les grizzlys

En 1996, une action Berkshire coûtait 34 000 $. Son prix rendait l’action inaccessible pour la plupart, si bien que des fonds d’investissements imitant le portefeuille de Berkshire émergèrent.

Pour les contrer, Warren émit une nouvelle classe d’actions, la classe B, pour 1/30 du prix des actions A.

Chez Salomon, les arbitragistes, déçus du départ de Meriwether, démissionnèrent pour le retrouver chez Long-Term Capital Management (LTCM), le hedge fund qu’il venait de créer.

L’objectif de ce fonds était de réaliser des profits minuscules sur un très grand nombre de transactions, en utilisant l’effet de levier.

La stratégie de LTCM reposait sur une augmentation de l’efficience des marché et une volatilité plus en plus faible. La société pariait sur le resserrement des écarts de prix entre des actifs similaires.

En 1998, la Russie fit défaut sur une partie de sa dette, et une suite inhabituelle de chute boursières fit perdre à LTCM la moitié de son capital. Et dans ce cas, il faut doubler son capital pour regagner ce qui a été perdu. La société n’avait pas respecté la célèbre maxime de Buffett:

Règle numéro un, ne pas perdre d’argent. Règle numéro deux, ne pas oublier la règle numéro un. Règle numéro trois, ne pas s’endetter.

Larry Hilibrand, le bras droit de Meriwether, proposa à Buffett d’investir dans LTCM, mais bien qu’intéressé par l’opportunité, il refusa.

Je n’investis pas dans le fonds des autres.

LTCM devait de l’argent à des filiales de Berkshire, et à des banques qui craignaient pour leur survie. La faillite de Long-Term Capital Management aurait des conséquences pour bien d’autres.

Cependant, les actifs détenus par LTCM avaient tellement plongé qu’ils étaient devenus une bonne affaire. Il s’associa avec Goldman Sachs et AIG pour faire une offre de rachat à Meriwether.

La réserve fédérale proposa un renflouage de 3,6 milliards en faisant participer 14 banques. Meriwether préféra cette solution, d’autant que la communication avec Buffett, alors en voyage découverte en Alaska puis dans le Montana avec les Gates, était difficile.

De la nourriture pour les poules

En 1996, le jour de ses 66 ans, Warren perdit sa mère.

J’ai beaucoup pleuré quand ma mère est morte. Ce n’était pas parce que j’étais triste et qu’elle me manquait. (…) je regrette vraiment de ne pas avoir réussi une relation plus harmonieuse avec elle.

L’action BRK (Berkshire) atteint 67 000 $ en 1998. Le marché grimpait et il devenait difficile d’investir. Warren Buffett déclara à ses actionnaires:

Notre idée des temps difficiles, ce sont des périodes comme celle-ci.

Il acheta cependant Gen Re, un réassureur, pour 22 milliards, qu’il échangea contre 20% des actions de Berkshire Hathaway. Il vendit ensuite les actions Gen Re pour acheter 22 milliards d’obligations de l’assureur, modifiant l’allocation de portefeuille de Berkshire en introduisant des obligations.

Cela lui permit de diluer la part de Coca-Cola dans Berkshire, et son impact sur son cours, car Coca-Cola connaissait des soubresauts et l’action chutait.

En 1999, le NASDAQ s’envola de +86%, et Berkshire redescendit à 56 100 $. Elle se fit doubler par Yahoo!, valorisé à 115 milliards, contre 85 milliards pour Berkshire.

Buffett fit cette année un célèbre discours à Sun Valley sur la folie actuelle des valeurs technologiques.

Mais il passa pour un investisseur dépassé dans la presse. Il recula à la 4ème place des hommes les plus riches au monde.

Sa ligne de conduite restait pourtant invariable:

On ne peut réussir ses investissements à moins de penser de manière indépendante. Et la vérité, c’est qu’on n’a pas tort ou raison parce que les gens sont d’accord avec vous. On a raison parce que les faits et votre raisonnement sont justes. Finalement, c’est tout ce qui compte.

6ème partie : Des récépissés pour la société

Le génie

De plus en plus, Munger et Buffett étaient invités pour répondre à des questions sur la vie. Warren leur disait:

On n’a qu’un seul esprit et qu’un seul corps. Et ils doivent vous durer toute la vie. (…) C’est ce que vous faites maintenant, aujourd’hui, qui détermine la manière dont votre corps et votre esprit fonctionneront dans dix, vingt, trente ans.

Le lieutenant-colonel

Début 2000, les difficultés de Coca-Cola, de Gen Re qui avait subi une arnaque, et une fausse rumeur disant que Buffett était à l’hôpital, firent plonger le cours de Berkshire.

Dans le même temps, le NASDAQ était au sommet, et la presse financière ne manquait pas de souligner à quel point il était dépassé en refusant d’acheter les valeurs internet.

Pour ne rien arranger, Warren eu ses premiers problèmes de santé: un mois après un calcul rénal douloureux, il dut se faire opérer d’un polype bénin à l’intestin.

La dernière fête de Kay

Les prévisions de Buffett se révélèrent exactes lorsque le NASDAQ perdit plus de la moitié de sa valeur par rapport au sommet historique atteint en 2000.

Les dot.com se mourraient au rythme d’un par jour.

Berkshire en profita pour racheter quelques entreprises de la « vieille économie » en difficulté, grâce aux milliards de liquidités qu’elle générait.

Malgré cette chute, Buffett annonça lors de la conférence de Sun Valley de 2001 que le marché était encore très surévalué.

Lors d’un discours à des étudiants, il leur dit :

Vous deviendrez très riche, si vous imaginez que vous avez une carte avec seulement 20 trous pour toute votre vie d’investisseur; chacune de vos décisions financières utiliserait un trou. Vous résisteriez à la tentation de vous disperser. Vous prendriez plus de décisions sensées, et plus de décisions importantes.

Katharine Graham mourut cette année-là, et reçu des funérailles dignes d’un chef d’état. Warren, profondément marqué, fut incapable de prononcer des mots pour elle.

Par les riches, pour les riches

En septembre 2001, suite aux attaques du 11 septembre, le DOW perdit 14% en une semaine, sa plus grande chute hebdomadaire historique.

En novembre, le scandale et la faillite de la société Enron, qui avait trafiqué ses propres comptes, finit de faire perdre confiance aux investisseurs.

Si le 11 septembre avait coûté 2,3 milliards à Berkshire, la baisse du marché offrit de belles opportunités que Buffett s’empressa de saisir.

Les scandales financiers et l’éclatement de la bulle Internet restaurèrent le crédit de Warren Buffett, qui redevint l’homme dont l’avis était le plus respecté en matière de bourse et d’investissement.

Il en profita pour dénoncer la corruption du financement des campagnes politiques, qui permettait aux riches de faire du lobbying, par exemple pour supprimer l’impôt sur les successions.

Buffett affirma détester le fait que les 1% les plus riches s’emploient autant à demander des baisses d’impôt, citant l’exemple de sa secrétaire, qui avait un taux d’imposition plus élevé que le sien.

Son autre combat était les stock options, qui offraient des rémunérations inimaginables aux dirigeants au détriment des actionnaires. Il écrivit des éditoriaux dans le Washington Post pour dénoncer leur non-comptabilisation dans les dépenses de l’entreprise, jusqu’à ce qu’une loi oblige les entreprises à les intégrer dans leur comptabilité.

L’Oracle

L’année 2002 vit l’essor de la titrisation de prêts regroupés entre eux, les CDO (Collateralized Debt Obligation).

Dans sa lettre à ses actionnaires, Buffett les compara à « des armes de destruction financière massive ». Munger était du même avis.

Buffett racheta un fabricant de mobil-homes en difficulté, Clayton Homes. Puis il investit dans une entreprise chinoise, PetroChina, afin de se couvrir contre la baisse du dollar qu’il pressentait, du fait du déficit de la balance commerciale.

C’était là son premier gros investissement à l’étranger.

Lors de l’assemblée 2003 des actionnaires, Buffett résuma l’entreprise idéale :

L’entreprise idéale, c’est celle qui engrange des retours sur investissements très élevés et qui continue d’utiliser beaucoup de capitaux à ces taux très élevés. Elle devient alors une machine à intérêts composés. (…) On peut faire circuler l’argent de cette entreprise pour acheter d’autres entreprises.

Le conseil d’administration de Berkshire commençait à se poser la question de la succession de Warren Buffett, qui assurait avoir glissé un nom dans une enveloppe gardée secrète.

Un voyage en Afrique organisé de longue date par son fils Howie et Big Susie dut être annulé à cause de cette dernière qui eut un ulcère de l’œsophage.

Le rouleau compresseur

Peu de temps après, Big Susie passa de nouveaux examens et on lui diagnostiqua un cancer de la bouche. Elle devait subir une opération.

Warren avait toujours imaginé qu’elle lui survivrait et s’occuperait de lui jusqu’à la fin. Même séparés, l’idée de se retrouver seul sans elle le terrifiait.

Dans un discours à des étudiants en Géorgie, il leur recommanda d’investir sur eux et de travailler pour des gens qu’ils admiraient, en référence à Ben Graham. Il leur parla aussi de sujets inhabituels pour lui :

On mesure réellement son succès dans la vie au nombre de personnes dont vous voulez qu’elles vous aiment et qui vous aiment vraiment. (…) Si vous arrivez à mon âge et que personne ne pense du bien de vous, peu importe la taille de votre compte en banque, votre vie est un désastre.

Hiver

Buffett s’était considérablement assoupli sur l’argent qu’il donnait à ses enfants, et il leur offrit avec Susie 600 actions Berkshire pour leurs fondations.

Cependant, Warren s’inquiétait du moment où lui et Susie disparus, la fondation Buffett devrait distribuer 5% de ses fonds chaque année, soit plusieurs milliards. Elle n’était pas assez bien structurée pour distribuer autant, et il pensait que la fondation des Gates distribuerait son argent bien plus efficacement.

Susie avait commencé une radiothérapie, et son ami Bill Ruane était également tombé malade.

Du Coca congelé

Pendant ce temps-là, Coca-Cola était à nouveau en difficulté, à la fois dans le viseur de la SEC et du FBI pour avoir truqué un test marketing sur du Frozen Coke afin d’impressionner Burger King, un gros client.

Dans le même temps, l’ISS (International Shareholder Services) s’en prit à Buffett en demandant aux actionnaires de ne pas le reconduire en tant que membre du CA. La raison : un conflit d’intérêt entre des entreprises de Berkshire comme Dairy Queen qui avaient acheté des produits Coca-Cola, et Coca-Cola.

Comment est-ce que je pourrais favoriser les intérêts de Dairy Queen plutôt que ceux de Coca-Cola quand je possède bien plus de parts de Coca-Cola ?

Il semblait que Buffett payait le climat de chasse aux sorcières de Wall Street, alors que beaucoup de fraudes comptables et de « copinages » avaient été dévoilés.

Le conseil d’administration, qui devait décider l’élection d’un nouveau PDG, fut cerné et presque envahi par des manifestants et des syndicats en colère accusant la marque de détruire des vies, des emplois et d’être raciste.

Le septième feu

Une IRM confirma à Susie que son traitement était un succès, et Warren fut grandement soulagé.

L’assemblée générale des actionnaires de Berkshire était devenu si populaire qu’on trouvait des places au marché noir sur Ebay. Des stands permettait d’acheter un nombre incalculable de produits des entreprises de Berkshire : montres, bonbons, mobil-homes…

Susie partit dans le sud de la France se reposer avec Susie Jr, puis toute la famille assista au spectacle musical de Peter, « le septième feu ».

Elle suivit ensuite la famille au rassemblement de Sun Valley, puis dans le Wyoming, chez Herbert Allen, l’organisateur de Sun Valley.

Un soir, elle eut une attaque, et fut conduite à l’hôpital où elle mourut d’une hémorragie cérébrale.

La famille revint à Omaha et les funérailles eurent lieu dans l’intimité familiale.

Warren était effondré et on veillait à ce qu’il ne reste pas seul. Il n’avait jamais réellement fait le deuil de son père, et n’avait jamais supporté l’idée que Susie puisse l’abandonner.

L’argent comme récépissé

Warren resta profondément déprimé pendant deux mois, puis il reprit le cours de sa vie. Le décès de Susie déclencha en lui le besoin de nouer plus de liens avec des enfants. Il assista encore au spectacle de Peter, et Howie acheta une maison à Omaha.

En 2004, les marchés atteignaient à nouveau des plus-hauts, poussés par les taux d’intérêt bas et par la titrisation des prêts immobiliers. Buffett dénonçait le rôle des produits dérivés, les comparant à un possible nouvel ouragan Katrina.

Ne trouvant pas d’opportunité sur le marché américain, il poussa ses recherches jusqu’en Corée du Sud où il trouva des entreprises solides mais sous-évaluées.

À l’été 2006, Warren Buffett décida de donner 85% de ses parts dans Berkshire à diverses fondations : la plus grande partie irait à la fondation Bill & Melinda Gates, qui était la plus grande au monde. Le reste serait distribué aux fondations de sa femme et de ses enfants.

Qu’un milliardaire donne son argent pour la fondation d’un autre n’avait encore jamais été fait. Buffett était pragmatique, et nulle autre que la fondation des Gates ne pourrait distribuer son argent aussi efficacement.

J’ai réfléchi qui ferait un meilleur travail, pour distribuer cette richesse que moi. (…) la philanthropie est bien plus difficile que les affaires.

Donner faisait maintenant pleinement partie de la personnalité de Warren, conscient de sa chance d’être né aux États-Unis, et désireux d’aider les six milliards de personnes n’ayant pas eu cette chance.

Cette même année, à 76 ans, il épousa Astrid, lors d’une cérémonie simple chez Susie Jr.

Les actionnaires de Berkshire continuaient de le presser de considérer sa succession. Les opportunités manquaient et Berkshire accumulait les liquidités depuis deux décennies.

Munger et lui recherchaient quelqu’un capable d’être avide lors de la prochaine panique (que Warren pensait peut-être ne pas voir de son vivant), comme il l’avait toujours été.

La crise

Fin 2007, l’action BRK (Berkshire) s’échangeait à 149 000 $. Jamais une action n’avait coûté aussi cher.

Buffett se retrouva à nouveau plongé dans les ennuis judiciaires quand Gen Re se trouva accusé de fraude en réassurance pour avoir participé à truquer le bilan d’un assureur, AIG.

Mais sa réputation ne fut pas atteinte, et plusieurs cadres des deux entreprises furent condamnés à des peines de prison.

Le marché était alors au plus haut (le Dow atteignant les 14.000 points) et la croissance économique robuste (2,6%/an depuis 10 ans). Mais ces bons chiffres étaient gonflés par un endettement record des ménages américains.

L’immobilier était en surchauffe: les prêts immobiliers à taux variables s’étaient multipliés avec les taux d’intérêts maintenus très bas par la FED, mais la bulle immobilière allait exploser.

Les pertes liées aux Subprimes devenaient énormes, provoquant la faillite des prêteurs de Subprimes. Puis ce fut au tour des banques: la FED organisa la vente de Bear Sterns à JP Morgan, afin d’éviter qu’elle ne fasse faillite.

Buffett se mit à racheter des obligations dont la valeur avait chuté, et qu’il voyait comme ses anciens mégots de cigare.

On trouve toujours des gens pour affirmer que les règles ont changé. Mais ce n’est qu’une apparence, si l’horizon de temps est trop court.

C’est pendant la crise que Buffett donna l’un de ses meilleurs conseils:

Les actions sont les chose à posséder pour le long terme. La productivité augmentera et les actions grimperont avec elle. Il n’y a que quelques éléments où l’on puisse se tromper. Le premier est d’acheter ou vendre au mauvais moment. Payer des frais élevés est le second. Le meilleur moyen d’éviter ces deux pièges est d’acheter un fonds indiciel à coût bas, et de renforcer sa position au fil du temps. Soyez avide quand les autres sont craintifs, et craintif quand les autres sont avides, mais ne pensez pas pouvoir être plus intelligent que le marché. (…) Très peu de gens devraient être investisseurs actifs ».

En septembre 2008, les géants du prêt immobilier Fannie Mae et Freddie Mac firent faillite, ainsi que la banque Lehman Brother, avec 639 milliards de dollars de pertes.

Buffett investi dans des actions privilégiées Goldman Sachs et General Electric rapportant 10% d’intérêt, pour plusieurs milliards de dollars.

Dans un éditorial pour le New York Times, il annonça qu’il était temps de racheter des actions, qui sont pour lui la meilleure protection contre l’inflation. Le Dow Jones était alors à 8.900 points, mais il chuta encore jusqu’à 6.547 points en mars 2009, et beaucoup d’investisseurs lui en voulurent.

Dans le même temps, BRK chuta sous les 90 000 $, mais il ne put racheter ses propres actions, se trouvant en manque de liquidité: il avait pris d’énormes positions sur des crédits municipaux et d’entreprises.

Le nouveau président Obama nomma Warren Buffett conseiller économique, un titre plus honorifique que concret. Dans le même temps, les chaînes TV comme CNBC le demandaient de plus en plus, ce qui flattait son ego.

Berkshire perdit tout de même 14,6 milliards en 2008 à cause de son exposition aux produits dérivés et aux secteurs des banques et assurances. Elle tenait pourtant encore largement debout, là où les banques était à terre, ou sous perfusion gouvernementale.

Buffett n’était pas inquiet pour l’avenir de l’économie américaine, qui avait survécu aux guerres mondiales, même s’il pensait que le dollar était sur le déclin. La formation de nouveaux ménages, chaque année, ainsi que la croissance de la productivité au niveau mondial tireront l’économie vers le haut.

La boule de neige

Depuis 2002, Warren Buffett nourrit sont besoin de prêcher en discourant devant des étudiants de toutes les universités du pays.

Il dit à ceux qui viennent entendre l’homme le plus riche au monde en 2008 que l’argent n’est pas le plus important, et que le plus important, c’est d’être aimé.

S’il n’a jamais fait de plan conscient pour devenir le plus riche, son exécution a pourtant été parfaite, guidé par une passion dévorante pour l’argent et les affaires.

Qui d’autre a passé autant de temps à lire des journaux, des rapports financiers, à étudier l’histoire du capitalisme, la politique et les biographies, à discuter de tous les détails possibles en rendant visite aux entreprises, et à penser les différents éléments à la base de l’entreprise parfaite ?

Son esprit compétitif l’a poussé au courage lorsqu’il le fallait, écartant sa timidité grâce aux cours oratoires de Dale Carnegie. Mais la compétition avec l’argent ne l’a pas éloigné de la carte de score intérieure et de l’honnêteté dont il a hérité de son père.

La boule de neige se forme toute seule si vous êtes dans la bonne sorte de neige, et c’est ce qu’il s’est passé pour moi. Et je ne parle par simplement de multiplier l’argent. Il s’agit de la compréhension qu’on a du monde, et du genre d’amis qu’on accumule. (…) Il faut aussi être le genre de personne à laquelle la neige veut s’attacher. (…) Et mieux vaut ramasser de la neige à mesure que vous avancez, parce que vous ne remonterez pas au sommet de la colline. C’est la vie.

Mon avis sur l’Effet boule de neige, la biographie officielle de Warren Buffett

Plutôt qu’un avis sur la biographie, j’aimerais simplement partager quelques réflexions sur les raisons qui ont pu être à l’origine de l’incroyable succès de cet homme :

  • Un environnement familial propice : né dans une famille d’entrepreneurs (ses grands-parents tenaient une épicerie, et son père possédait une petite maison de courtage), Warren a été élevé dans un environnement propice pour monter des affaires, ce qu’il a commencé à faire très tôt. Son grand-père appréciait particulièrement qu’il réfléchisse à de nouveaux moyens de gagner de l’argent.
  • Une capacité rare à analyser les chiffres : le jeune Warren a très vite commencé à jouer avec les chiffres, qu’il a rapidement mis à profit dans ses premiers business, puis plus tard en parcourant sans relâche les journaux de cotations à la recherche de la perle rare.
  • Une curiosité et une grande soif d’apprendre : timide, il n’a pas hésité à se plonger dans les livres et à assister à des séminaires d’éloquence pour apprendre à développer sa force de conviction. C’est d’ailleurs en lisant qu’il a eu ses premières idées de business.
  • Un focus énorme et ininterrompu : il a passé la quasi-totalité de sa vie obsédé par une seule question : « comment gagner de l’argent », souvent au détriment du reste (sa première femme et ses enfants). Comme Bill Gates, il attribue son succès au fait de savoir rester focus.
  • Un grand désir d’honnêteté : son père, un homme politique intransigeant sur les valeurs morales, a été une grande source d’inspiration pour Buffett. S’enrichir de manière honnête et veiller à ce que les actionnaires aient leur juste part font partie de ses préoccupations.
  • La loterie ovarienne : Warren attribue également une bonne part de son succès au fait d’être né en Amérique, dans le pays de la libre entreprise.

Points forts :

  • La biographie suit Warren Buffett sur près de 80 ans avec une force de détails inégalée, ce qui est exceptionnel pour être souligné. On peut même dire que la biographie se déroule sur près de 140 ans, puisqu’elle commence par la vie de son grand-père, dans les années 1870, pour se terminer en 2009, l’année de ses 79 ans. Dix ans plus tard, il est d’ailleurs toujours aux affaires et à la tête de son entreprise, Berkshire Hathaway.
  • La vie de l’homme le plus riche au monde (ou l’un des plus riches) est singulière, et sa biographie permet de comprendre en quoi ses aptitudes innées pour les affaires et pour le maniement des chiffres, l’ont conduit là où il est arrivé
  • Ce livre est un exemple parfait du concept de réinvestissement des bénéfices et des liquidités, avec l’homme qui a le mieux su se servir des intérêts composés

Points faibles :

  • La biographie est incroyablement longue (950 pages), et présente en détail la vie de beaucoup de personnes qui ont croisé Warren Buffett. Ces longues pages sur des personnages secondaires ne sont pas toujours très utiles.
  • Les nombreuses longueurs ainsi que le style plutôt neutre et monotone rendent parfois la lecture ennuyeuse.

Il est assez difficile de résumer de façon concise un livre de près de 1000 pages. J’ai donc volontairement mis de côté plusieurs aspects et traits de personnalité de Warren Buffett pour ne pas rallonger le résumé, déjà bien assez long.

Si vous avez lu « Warren Buffett – La biographie officielle, L’effet boule de neige », n’hésitez pas à partager votre avis sur le livre en commentaire !

2 commentaires sur “Warren Buffett – L’effet boule de neige

  1. Merci pour cette bio qui donne l’envie de connaitre mieux se personnage.
    C’est vrai le résumé est très long mais la vie de Warren Buffett est assez incroyable.
    Merci pour l’effort de synthèse. J’attends les autres articles sur le personnage.

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