Une des questions les plus importantes à se poser quand on souhaite mettre en place un ou plusieurs portefeuilles d’investissement, est la répartition.
L’allocation d’actifs est une expression qui désigne simplement le fait de choisir de quelle manière on va répartir son portefeuille : Quelle proportion d’actions et d’obligations ? Quels types d’actions et d’obligations ? Vais-je aussi inclure des matières premières ? De l’immobilier ?
Définir et sélectionner les classes d’actifs constitue le premier pas dans la construction d’un portefeuille.
David Swensen
Les combinaisons possibles entre les différentes classes d’actifs et leurs sous-classes (il existe par exemple de nombreux types d’actions différentes) sont presque infinies.
Il est donc possible de créer un portefeuille qui soit unique. Il doit en tout cas refléter à la fois votre personnalité, votre horizon d’investissement et votre tolérance au risque.
Lorsqu’on commence à définir le type de portefeuille que l’on souhaite mettre en place, il est intéressant d’étudier les modèles de portefeuille existants les plus connus, ainsi que leur comportement historique. Cela permet de comprendre :
- En quoi la composition d’un portefeuille peut permettre de répondre à un objectif particulier (rendement, faible volatilité…)
- Quelles sont les relations entre les différentes classes d’actifs, et comment vont-elles influer sur le portefeuille
- Ce que la diversification peut apporter
Petit rappel : Savoir comment un portefeuille s’est comporté dans le passé ne permet pas de savoir exactement comment il va se comporter à l’avenir. Néanmoins, son comportement passé reste le meilleur indicateur possible de son comportement futur.
Comprendre la relation entre la composition et le comportement de différents portefeuilles d’investissement est donc une bonne source d’inspiration pour mettre en place son propre portefeuille.
Les 6 principales classes d’actifs qui composent les différents portefeuilles d’investissement sont les suivantes :
NB : ces portefeuilles d’investissement sont vus du point de vue américain. Les actions indiquées sans précisions supplémentaires sont celles du marché américain, et les actions internationales sont celles des pays développés hors Etats-Unis.
Données : les données de chaque portefeuille ont été calculées grâce au site portfoliocharts.com (que je remercie au passage pour l’énorme travail effectué), qui possède une historique depuis 1970. Certaines classes d’actifs ne sont cependant pas aussi anciennes et ont été reconstituées par des estimations. Les chiffres avancés doivent donc être considérés avec un peu de recul, et en observant les différences majeures. Les données sont par ailleurs nettes d’inflation (ce qui explique pourquoi la performance paraît plus faible que ce qu’on peut voir habituellement).
Le Portefeuille 60/40
Le portefeuille 60/40 est un classique que l’on rencontre assez régulièrement.
Popularisé par John Bogle, qui est à l’origine de l’émergence des fonds indiciels, ce modèle de portefeuille se veut à la fois simple d’utilisation et équilibré.
Des versions similaires de ce portefeuille font varier les pourcentages en fonction de l’âge.
Il sert souvent de benchmark aux professionnels pour comparer la performance de leur propre portefeuille.
Composition
- 60% Actions
- 40% Obligations à moyen terme
Performance
- Rendement annuel moyen : 6,1%
- Volatilité : 11%
- Perte maximale observée : -34%
NB : la volatilité est définie par l’écart-type (déviation standard). Plus le pourcentage est élevé, plus la volatilité est forte.
Le Portefeuille Coffeehouse (Coffeehouse Portfolio)
Le portefeuille Coffeehouse a été créé par Bill Schultheis. Il s’agit d’une adaptation du portefeuille 60/40, mais avec plusieurs niveaux de diversification supplémentaires.
Il tire parti du fait que la diversification permet de réduire la volatilité, tout en améliorant parfois le rendement.
Un accent est mis sur les actions value (valeur), qui sont historiquement plus performantes que les actions growth (croissance). Cette forme d’investissement par la valeur a été popularisé par Benjamin Graham, dans son livre « l’Investisseur Intelligent ».
Composition
- 10% Grandes capitalisations
- 10% Grandes capitalisations value
- 10% Petites capitalisations
- 10% Petites capitalisations value
- 10% Actions internationales
- 10% Immobilier coté
- 40% Obligations à moyen terme
Performance
- Rendement annuel moyen : 6,4%
- Volatilité : 10,2%
- Perte maximale observée : -33%
Le Portefeuille de Marc Faber
Marc Faber est un économiste et gestionnaire de fonds suisse.
Son portefeuille est divisé en quatre parts égales, de 25% chacune : actions, or, obligations/cash, immobilier coté.
Cette distribution est semblable au Portefeuille Permanent (voir plus bas), mais en faisant la part belle à l’immobilier coté.
La proportion d’obligations et de cash n’étant pas clairement définie (j’imagine qu’elles peuvent varier selon les circonstances), j’ai pris la liberté de les répartir équitablement (13% d’obligations, 12% de cash).
Composition
- 25% Actions
- 25% Immobilier coté
- 13% Obligations à moyen terme
- 12% Cash
- 25% Or
Performance
- Rendement annuel moyen : 6,3%
- Volatilité : 9%
- Perte maximale observée : -28%
Le Portefeuille No-brainer
Le portefeuille No-brainer (que l’on pourrait traduire par « portefeuille à appliquer sans réfléchir ») de William Bernstein ne se compose que d’actions et d’obligations.
Également divisé en quatre parts égales, il a la particularité d’accorder une place importante aux petites capitalisations.
Composition
- 25% Grandes capitalisations
- 25% Petites capitalisations
- 25% Actions internationales
- 25% Obligations à court terme
Performance
- Rendement annuel moyen : 6,4%
- Volatilité : 13,1%
- Perte maximale observée : -40%
Le Portefeuille Permanent
Le Portefeuille Permanent est probablement le plus connu des portefeuilles d’investissement passifs. Il est conçu pour bien performer dans toutes les conditions économiques : croissance, récession, inflation et déflation.
Ce portefeuille conçu par Harry Browne se divise en quatre classes d’actifs réparties de manière identique.
Composition
- 25% Actions
- 25% Obligations à long terme
- 25% Cash
- 25% Or
Performance
- Rendement annuel moyen : 5%
- Volatilité : 7%
- Perte maximale observée : -14%
Le Portefeuille Toutes Saisons (All Weather)
Le portefeuille Toutes Saisons, créé par Ray Dalio et popularisé dans le livre « L’argent : l’art de le maîtriser », a aussi pour objectif de performer dans toutes les situations économiques possibles.
Sa répartition tient compte du niveau de volatilité de chaque actif. Les actifs les plus volatils occupent ainsi une part minoritaire dans le portefeuille, afin de contribuer à sa stabilité.
C’est le seul portefeuille à comporter à la fois de l’or et des matières premières.
Composition
- 30% Actions
- 40% Obligations à long terme
- 15% Obligations à moyen terme
- 7,5% Or
- 7,5% Matières premières
Performance
- Rendement annuel moyen : 5,5%
- Volatilité : 7,9%
- Perte maximale observée : -16%
Le Portefeuille Ultimate
Le portefeuille Ultimate est une création de Paul Merriman, un ancien gestionnaire de fonds. Il est probablement celui ayant le niveau de diversification le plus poussé au sein de la classe des actions.
Paul Merriman ne conseille pas de reproduire son portefeuille tel quel (il s’agit d’un portefeuille 100% actions), mais de le mixer avec des obligations, en fonction de votre âge et de votre tolérance à la volatilité.
Il indique détenir lui-même une répartition de 5O% actions / 50% en obligations (il a actuellement plus de 75 ans).
Ce portefeuille 100% actions laisse une place de choix aux actions value, aux petites capitalisations, sans oublier l’international et l’immobilier coté.
Composition
- 10% Grandes capitalisations
- 10% Grandes capitalisations value
- 10% Petites capitalisations
- 10% Petites capitalisations value
- 10% Grandes capitalisations internationales
- 10% Grandes capitalisations internationales value
- 10% Petites capitalisations internationales
- 10% Petites capitalisations internationales value
- 10% Actions Marchés émergents
- 10% Immobilier coté
Performance
- Rendement annuel moyen : 8,5%
- Volatilité : 17,1%
- Perte maximale observée : -46%
Le Portefeuille de Warren Buffett
Warren Buffett est un investisseur qui sélectionne ses propres titres. Son portefeuille d’actions forme un conglomérat d’entreprises.
Bien que la composition de son portefeuille soit connue, copier un portefeuille d’actions peu diversifié, sans comprendre ce qu’il fait, ni pourquoi il le fait n’est clairement pas une bonne idée.
Si vous voulez néanmoins investir en partie comme Warren Buffett, c’est toutefois possible. Il suffit simplement de posséder au moins une action de sa holding, Berkshire Hathaway.
Le portefeuille présenté ici n’est donc pas le véritable portefeuille de Warren Buffett, mais celui qu’il recommande aux investisseurs, ainsi qu’à sa propre famille. Il n’incite donc pas les investisseurs à suivre sa trace, mais plutôt à investir passivement dans des fonds indiciels à faible coût.
Composition
- 90% actions
- 10% obligations à court terme
Performance
- Rendement annuel moyen : 7,4%
- Volatilité : 15,4%
- Perte maximale observée : -45%
Le Portefeuille de Yale (Yale Endowment)
Le portefeuille du fonds d’investissement de l’Université de Yale (oui, les universités américaines ont leur propre fonds d’investissement) est dirigé par David Swensen.
Là encore, il s’agit d’une approche simplifiée de ce portefeuille, qui est en réalité beaucoup plus complexe. Le véritable portefeuille de Yale est notamment composé d’actifs physiques (immobilier en dur, parcelles d’exploitation forestière).
David Swensen est par ailleurs l’auteur du livre de référence sur la gestion d’un fonds d’investissement par une institution.
Composition
- 30% Actions
- 15% Actions internationales
- 5% Actions Marchés émergents
- 20% Immobilier coté
- 30% Obligations à moyen terme
Performance
- Rendement annuel moyen : 6,6%
- Volatilité : 11,4%
- Perte maximale observée : -36%
Performances comparées
Le rendement
Les portefeuilles d’investissement les plus performants historiquement sont l’Ultimate, Warren Buffett et Yale.
Sans surprises, il s’agit des portefeuilles qui comportent une large majorité d’actions, la classe d’actifs la plus performante.
Le portefeuille Ultimate nous montre qu’un niveau de diversification particulièrement poussé avec des sous-classes d’actions qui sont souvent oubliées (petites capitalisations, actions value, immobilier coté) permet d’augmenter la performance.
De même, la diversification permet au portefeuille Coffeehouse de battre le 60/40, alors qu’ils ont en réalité tous les deux la même répartition de portefeuille (60% d’actions, 40% d’obligations).
Les drawdowns
Les drawdowns représentent la perte maximale observée. Cette perte maximale n’a pas forcément eu lieu au même moment pour tous les portefeuilles.
Les portefeuilles d’investissement les plus stables sont ceux qui possèdent une minorité d’actions, comme le portefeuille Permanent et le Toutes Saisons.
Ce n’est pas surprenant, étant donné que les actions sont une classe d’actifs particulièrement volatile et sensible aux crises.
Augmenter la part des obligations et accorder une place à l’or sont des éléments qui favorisent la stabilité d’un portefeuille.
La diversification joue aussi un rôle en limitant la volatilité. Le portefeuille Ultimate a eu une perte maximale similaire à celui de Buffett, sans contenir d’obligations (l’actif le plus équilibrant face aux crises), tandis que celui de Buffett en contient 10%.
Quelles leçons tirer pour construire son portefeuille ?
L’allocation d’actifs devrait concentrer toute l’attention que vous accordez à votre stratégie d’investissement, parce que c’est le seul facteur que vous pouvez maîtriser.
William Bernstein
Les différents modèles de portefeuilles d’investissement que j’ai présenté ici ne sont pas les seuls. Il en existe bien d’autres : Bogleheads, Golden Butterfly, Ivy, Core Four…
Il existe également des portefeuilles de market timing, qui vont varier leur composition au cours du temps, mais leur philosophie est différente : il ne s’agit alors plus de gestion 100% passive, mais semi-passive. Je parlerai probablement de ces portefeuilles dans un prochain article.
Pour en revenir à ceux présentés ici, malgré leurs différences, tous ces portefeuilles sont constitués d’actions. Les actions restent l’élément de base de tout portefeuille (même si elles sont parfois minoritaires).
La plupart du temps, ce qui les distingue est :
- La place accordée aux obligations, qui va influer directement sur le niveau de volatilité du portefeuille.
- Le niveau de diversification recherché, qui peut-être assez poussé (avec jusqu’à 10 actifs différents), ou la volonté de garder un portefeuille simple et plus facile à gérer, avec seulement 2 ou 3 actifs différents.
- La présence éventuelle de l’or, de l’immobilier coté, ou des sous-classes d’actions moins utilisées comme les petites capitalisations, ou encore les marchés émergents.
Peu de portefeuilles d’investissement accordent une place à l’or ou aux matières premières. Concernant l’or, les trois portefeuilles qui en comportent (Toutes Saisons, Permanent, Marc Faber) font partis des plus stables, surtout pour les deux premiers.
La place de l’or dans un portefeuille fait pourtant débat, et de nombreux investisseurs ne l’utilisent pas.
Concernant les matières premières, le seul portefeuille qui en comporte est le Toutes Saisons, et en faible quantité (7,5%).
Il existe pourtant d’autres portefeuilles qui en comportent, comme le portefeuille Ivy, de Mebane Faber, que je n’ai volontairement pas inclut ici.
Le problème des matières premières est qu’elles ne produisent aucune performance, malgré des périodes de forte volatilité. De plus, elles peinent à contrer l’inflation aussi efficacement que l’or. Enfin, les ETF qui permettent d’y investir sont plus chers, et suivent les indices avec moins de précision que pour les actions.
La construction de portefeuille offre de multiples possibilités. J’espère que les modèles présentés ici pourront nourrir votre réflexion pour mettre en place le vôtre.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires le modèle de portefeuille que vous utilisez, celui qui vous inspire le plus, ou bien votre portefeuille idéal.
Bonjour je réside en Nouvelle Calédonie quel broker, degiro ou autre me conseille tu .
Sachant que j’ai 59 ans et je ne connais pas la bourse.
Merci de tes conseils
Cordialement jean paul
Bonjour Jean-Paul,
Si tu ne connais pas la bourse, mon premier conseil est de commencer par apprendre l’investissement, te former, déterminer tes objectifs, ton horizon d’investissement, ton exposition souhaitée au risque, et enfin une stratégie, avant de choisir un courtier et de commencer à investir.
Degiro est un bon broker, mais peut-être que selon ta situation, un compte-titres n’est pas le compte idéal pour débuter.
Je vous déconseille d investir dans les produits structures.
Ces produits permettent aux emetteurs et distributeurs de prevoir pour les banques une marge fixee à l avance de 30% quelquesoi la performance des sous-jacents.
Rassurez-vous, personne n’a parlé de produit structuré ici et ce n’est pas le sujet de l’article, d’ailleurs. Toutefois, je ne les conseille pas non plus, pour d’autres raisons (voir mon article sur les produits dérivés).
Bonjour,
Dans les portefeuilles, lorsqu’il est indiqué « actions » sans précision, est-ce qu’il faut comprendre « actions US » ?
Je vous remercie par avance de la précision.
Bien à vous
Bonjour,
Oui, il s’agit d’actions US, pour les besoins du backtest. Cependant, il vaut mieux investir en diversifiant mondialement, dans l’absolu.